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Citations de Jacques Darras (113)


Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"


1.

Mort qui m'as mis à muer en mue
Dans cette étuve où le corps sue
Ce qu'il a fait au siècle d'outrages,
Tu lèves sur nous tous ta massue
Sans que pour autant nul de peau ne mue
Ni ne change son vieil usage.
Mort, te craindre ont coutume les sages :
Mais chacun court à son dommage :
Qui n'y va pas au pas s'y rue.
Pour quoi j'ai changé mon courage
Et j'ai quitté le jeu la rage :
Mal se mouille qui ne s'essuie.
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Hélinand de Froidmont, "Les vers de la mort"


1.

Mort qui m'as mis à muer en mue
Dans cette étuve où le corps sue
Ce qu'il a fait au siècle d'outrages,
Tu lèves sur nous tous ta massue
Sans que pour autant nul de peau ne mue
Ni ne change son vieil usage.
Mort, te craindre ont coutume les sages :
Mais chacun court à son dommage :
Qui n'y va pas au pas s'y rue.
Pour quoi j'ai changé mon courage
Et j'ai quitté le jeu la rage :
Mal se mouille qui ne s'essuie.
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C’est pourquoi de tous les grands poètes du vingtième siècle,, Hugh MacDiarmid est sans conteste l’un des plus estimables. L’homme frappe par l’angularité de son parcours. Engagements puis ruptures, dans la vie affective personnelle comme dans les contrats politiques, jalonnent sa route. La philosophie qu’il en donna dans son plus étonnant poème, L’Homme ivre regarde le chardon (A Drunkman Looks at the Thistle) porte le nom barbare d’antisyzygy, c’est-à-dire une danse dialectique où sont co-présents les contraires. Au siècle des totalitarismes, on ne pouvait concevoir vision plus ample du pacte démocratique. Car si MacDiarmid porte au fond de lui l’héritage révolutionnaire d’un Robert Burns avec son impatience des conventions politiques et religieuses, il n’est pas moins l’héritier des dissidents puritains, ces « non-conformistes » qui ne cessaient d’interroger la Bible et le Ciel pour connaître leur destin. Par son histoire, l’Écosse est individualiste jusqu’à l’anarchisme, tout au moins farouchement anti-catholique. Marie Stuart, c’est-à-dire Marie de Guise, en sut quelque chose qui croyait trouver un appui solidaire contre la reine Élisabeth parmi ses sujets. Dans cette alliance des contraires – cette antisyzygie – il n’y a pas place pour une souveraineté traditionnelle. Au fond de son ivresse pleinement due au whisky, le héros de MacDiarmid rejoint l’ivresse métaphysique et les spéculations les plus tourbillonnantes. Rien de semblable ni d’approchant dans la sage poésie anglaise. Il faut cheminer jusqu’aux landes de King Lear pour trouver dans la personne du vieux souverain gallois un délire aussi vertigineux que celui de l’Écossais. Cela explique sans doute pourquoi ce poème de près de quatre-vingt pages, dont le rythme change sans cesse d’allure, dont la langue passe tour à tour de l’apostrophe alcoolisée à la prose la plus lucide puis au lyrisme le plus tendre, est resté inexploité et inexploré par la tradition britannique contemporaine. Comparez cette écriture avec celle de T.S. Eliot ou de W.H. Auden ! Une fois que vous aurez franchi l’enchardonnement de la langue dialectale, vous vous retrouverez en paysage totalement inconnu. L’Homme ivre est une espèce de saga norvégienne d’un seul, Eric le Rouge attardé qui aurait manqué les côtes du Vinland – l’Amérique – pour continuer dans une navigation boréale au-delà des frontières humaines connues.
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La géographie passe pour être une science exacte et l’est assurément tant qu’elle se maintient sur la terre ferme. Quand elle arrive au bord de la mer et contemple le large, son assurance change. La mutabilité de l’eau n’est pas seule en cause, la géographie ayant depuis longtemps appris à avoir le pied marin. Non, ce qui la bat en brèche, ce sont les îles. Son pouvoir de dénombrer vacille à leur contact. Et là où la science balbutie, reviennent indéfectiblement le mythe et la légende. (…) Les îles se tiennent à l’horizon. Les îles gardent notre horizon. Et c’est par l’horizon des îles que l’Écosse s’aborde. Toujours au fond du paysage se dessine tel contour, telle forme de puy aux pentes vertes, tel profil de cimes bleutées. Et l’on ne sait jamais, tant que la route n’aura pas conduit jusqu’au pied de ce puy, de cette cime, de ce contour, si la réalité géographique était encore du continent ou bien de la haute mer, s’il n’y avait pas quelque détroit secret, quelque goulet de sable blanc et de vagues courtes pour l’en détacher de la terre. (…) La poésie est naturelle dans cet espace auquel elle est congénitale. Seul mode d’appropriation d’un lieu qui ne se donne qu’en se dérobant, elle crée un lien souple, rythmé, empruntant au clapot de la mer en même temps qu’à la rugosité des montagnes. Gneiss et eau, granite et machait, pluie et feu. Rien n’est plus déstabilisant que d’aborder sur cette plate-forme des lointains, Uist par exemple, où le cheminement des vagues se prolonge parfois par l’écho intime, proche, imprégnant, d’un loch dans la bruyère, de sorte que l’on se prend à rêver de légendes d’îles balayées par une vague un peu plus forte.
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POSITION DU POÈME


…le poème est sorti
le poème laisse son fauteuil vide
à la place du poème on voit ce qu'il voyait
on voit des fleurs de trèfle blanches
on voit un toit de tuiles rouges
on voit un carré de ciel gris
on voit le monde
tout à coup on voit passer le poème
on le voit passer de sa place
de la place où il s'assied
il ne nous voit pas
il ne voit pas qu'on est assis à sa place
il ne voit pas qu'on le voit
le poème est dehors
le poème est derrière la vitre
on ne sait pas ce qu'il voit
on le saura à son retour
le poème revient
le poème ne s'éloigne pas
on ne connaît pas de poème qui soit jamais parti
définitivement
pour toujours
cela ferait un vide
le poème est domestique
le poème est sauvagement domestique
il ne tient pas en place
il tourne sur place
il tourne sur lui-même
attention le poème va rentrer
le poème rentre
il a l'air d'un poème qui a pris l'air
il est inspiré
il plie les genoux
il se carre dans son cadot
la paille crisse
il pose les doigts sur le clavier
on entend la musique des touches
c'est un ravissement
je ne connais rien de plus beau que la musique des
touches écoutez

p. 21-22
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BALCON EN FORÊT
AVEC DE LA NEIGE AUTOUR


…Nous subissons l'émiettement de la réversibilité divine.
Quelle est la couleur de l'habit dominical ?
Blanche comme le jour du Dimanche dans la semaine des jours.
Blanche comme un calendrier sans dates.
Fin d'effeuillement fin d'énumération.
Fin provisoire dans l'infini des images du blanc.
Fin provisoire pour la stabilité du décor la progression de la
 narration.
Fin provisoire par freinage arrêt dérapage sur la neige changée
 en glace.
Dans le paysage faire glisser crisser des lames de ski.
Courte trace continue au crayon du mouvement.
Une famille de jambes chacune écartée sur sa planche.
Gardant équilibre précaire les enfants bustes accentué vers
 l'avant.
Vivre c'est en pente la neige le confirme.
Vivre c'est le précipice avec modération.
La leçon de neige n'est pas la blancheur pour la marche.
La blancheur éblouit les yeux.
Aujourd'hui éblouissement vient du mot Ardennes.
Nous nous y jetons, pieds tournés vers la littérature.
Il y a Dhôtel André Gracq Julien chacun sa sente.
Soleil sur les sommières les laies étincellent….

p.167
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voila pourquoi, ma chérie, ma tendre épouse, Dieu est venu à ntre table
dans la fraicheur du soir,
comme nousétions assis à la terrasse d'un café du Paradis.
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Reveille toi,Muse ! Si tu n'es pas en forme,
on pourra toujours accuser la qualité du whisky.
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Jacques Darras
« Me sont
arrivées des expériences fulgurantes où j’avais conscience de séquences
de temps juxtaposées et non successives. »
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Jacques Darras
Je crois au passé
dans le futur […] parce que je crois que le passé n’est pas passé. Ce n’est pas nécessaire
d’aller en arrière pour le rechercher. Il est peut-être en avant de nous.
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Jacques Darras
Cent cinquante kilomètres d’autoroute entre Meuse Flandres,
Meuse Escaut.
Comme nous descendons vers Louvain la neige se liquéfie pluie,
que la vitesse automobile l’émulsionnant sous le caoutchouc des
roues fait rebondir élastiquement au pare-brise.
Panique des balais – pinceaux à pluie automatiques.
Notre plaisir au XXe siècle transformer l’espace en salle de balle
valser en couple avec lui. […]
Ne plus s’étonner que l’art s’essouffle à rejoindre ces dynamiques
machines automobiles qu’aucune huile même acrylique ne va
assez vite pour fixer sur le tableau.
« Te rends-tu compte qu’il nous aura fallu à peine deux heures
d’autoroute pour condenser toute la carrière de van Eyck –
Maaseik Gand ? – […] »
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Jacques Darras
Sur l’autoroute A1 vers Lille
Quand on dépasse Ikea Castorama
Où la banlieue va se fournir
En meubles en clous
En intérieurs en canapés bref tout
Ce qui fait un chez-soi
Chez vous, paix des ménages
Domestiques, tout devient
Mobile tout à coup. […]
Ah ! quelle joie
D’être un artiste avec le Temps
Brueghel Brueghel
Oui ! t’égaler
Sans tes pinceaux avec le pied
Coincé sur la
Pédale à dérouler la toile
Des paysages et des
Saisons été hiver printemps automne
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Jacques Darras
« Un conflit grandiose oppose constamment chez [Brueghel] les plans entre eux. Il est pressé, il n’a pas le temps et cependant il
s’emploie à éloigner infiniment l’horizon devant lui. »
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Badigeon bleu le ciel, toujours incessamment prêt à cicatriser
des plaies qu’on ignorait.
Lorsqu’elle s’enracine dans du sable frais l’ombre prend plaisir
à sa racine éphémère.
Aérienne, quoique n’empêchant pas les dunes de marcher.
Unité minimale d’herbe pour mesurer un inquantifiable
d’espace.
De même que la force du vent se juge à la caresse des pointes
contre la jambe nue.
Aussi l’horizon tout entier est-il une verticale flexible.
Couchée pour obéir à l’eau.
Par résipiscence.
Sa tolérance est une colère sans cesse sur le point d’être tue.
Verte par conséquent.
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Ainsi, comme j’atteignais l’autre jour les faubourgs de Bonn à
Dressen, après avoir longuement exploré les routes y menant, j’eus
par un effet conjugué de la fatigue et du désir, le sentiment d’avoir
fait du paysage ma propre extension corporelle – peau en rivières,
en plaines, en ciel d’été. Depuis la fenêtre grande ouverte de
l’hôtel, le Rhin me faisait tout à coup l’effet de glisser à travers la
chambre. Le lit du fleuve devenait mon lit. Cette continuité des
plans articulée aux collines de la rive droite, progressant
parallèlement au fleuve dans la direction de l’amont, m’accorda,
dans les quelques minutes où je restai bras et mains au rebord de la
fenêtre, un corps physique démultiplié. Je fus eau, colline,
humanité tout à la fois, incarnés en un seul. En moi seul. Plus de
solution, plus de rupture avec le tissu spatial m’enveloppant,
j’existai dans une autre dimension.
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Jacques Darras
« Mon corps est un explorateur, un
instrument d’exploration intimement cousu à l’espace, lequel m’apparaît
quelquefois comme son prolongement, le prolongement de ma peau. »
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Marque des chaussures « Méphisto ».
Tige ferme, semelles souples de caoutchouc dentée.
Lacets tenus par des ferrures.
Comme des chaussures de ski sans les attaches.
Tu essaies, tu rebondis sur l’asphalte.
Quelle est la direction ?
Le quatrième côté de la Belgique, la forêt vers l’Allemagne.
Où es-tu à l’instant ?
En altitude moyenne sur la route de Jahlay.
Que vois-tu ?
Je vois à perte de vue le plus romantique des paysages.
C’est à dire ? [sic]
C’est à dire colline d’herbe neuve émaillée de fleurs, bosquets
de sapins noirs.
C’est à dire encore ?
C’est à dire grande offrande de couleur verte bleuie par
proximité du ciel.
Pourquoi es-tu là ?
Parce que j’ai l’intention de franchir la frontière par la nuance.
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Jacques Darras
« Brueghel le redit : les paysans résistent. Ils ne marchent pas au pas
comme les Inquisiteurs, ils dansent, ils tournent, ils font donner leur corps
avec bonheur et jouissance. Ils exultent. » On n’a jamais dit si bien la danse
avant Brueghel, la saisie des corps par le rythme de la danse. C’est une révolution, là, sous nos yeux.Tout bouge sous nos pieds, sur nos têtes cependant qu’au sommet
l’œil capte la lumière par le réseau de sa rétine, restitue notre perception
de l’espace en termes de marche, déplacements.
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J’ai inventé une parole quasiment ex nihilo. Qui a dû suivre mon
corps, mon rythme, mais plus encore mes déplacements […]. Donc
j’ai inventé ma parole qui n’est pas seulement musicale […] mais
dansée, mais dansante. J’ai vraiment le sentiment que la poésie danse. […] La poésie me donne le branle par quoi mon corps se met en route.
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Jacques Darras
Le Paradis est forestier et cependant l’un des mystères de
l’existence humaine vient de ce que seul son dévoilement le plus
total, son éclaircissement comme une clairière que la lumière ou le
feu aurait ménagée au centre des arbres d’une forêt, sera
susceptible d’en communiquer l’idée. Car le mystère le plus
difficile à résoudre, voire simplement à admettre, est qu’il ne doive
plus y avoir de mystère. Ainsi la place communale est-elle l’un des
tout premiers efforts, l’une des premières ambitions pour
rassembler, comme un taillis immensément disséminé dont on
aurait fait un seul fagot, l’enchevêtrement indiscriminé de la forêt
originelle humaine inégale par essence, irrégulière en hauteur ou
en vigueur de tronc, de feuilles, de rameaux, si injustement
distribuée quant à l’exiguïté des surfaces de cime mesurée à la
quantité de ciel, la grande forêt démocratique, et d’en faire un
taillis également vivant par sa mobilité de peuple solidaire, de
sous-bois ayant accès unanimement réparti à l’intervalle du jour
dans le quinconce des futaies les plus hautes. Mystère, oui, que la
place soit l’antinomie même de la forêt qu’elle dépeuple et
cependant soit son héritière la plus claire, la plus évidemment
légitime […]11.

11 Ibid, p. 58.


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