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Citations de Jacques Darras (113)


Jacques Darras
Rassemblée sur elle-même, la main ressemble à une ville dont
l’écartement, paume tendue avec les doigts distincts, figurerait la
place urbaine. La main donc, est comme une ville femme et
homme tout à la fois. La femme, joueuse, utiliserait au gré de son
humeur les doigts comme autant de délégués municipaux du sexe
monumental dont elle ne dédaignerait pas d’oublier – ô crime de
lèse majesté ! – la mémoire quelque temps. Commune ! crièrent
les premiers municipes pour se garder de l’effraction par le vol ou
l’incendie […] Car l’amour est une main et la main est une ville, et
donc, par la plus touchante des alliances la ville amoureuse fait
l’usage de ces complémentarités en une parfaite impudeur10.

10 Jacques Darras, La Conjugaison des places amoureuses, op. cit., p. 63-64.
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Jacques Darras
À peine a-t-elle été abordée par l’une des étroites rues latérales y
conduisant, qu’elle donne l’impression de s’ouvrir et de ne plus
s’ouvrir, pour continuer encore à s’élargir à mesure qu’elle est
méthodiquement investie. Si bien qu’une authentique jouissance
physique peu à peu s’empare du corps qui va vers elle et bientôt
marchera en elle, à la fois tension et relâchement de fatigue,
presque identique à un effort de possession. Car l’œil ne peut pas
instantanément ne pas avoir compris qu’il ne suffira pas à
l’embrasser toute entière du premier regard. S’il a la moindre
vivacité en lui, très finement il aura ressenti son isolement au
centre de cet espace qui l’enveloppe de partout. […] Dehors, c’est
une nuit d’automne précoce qui est tombée sur la place, au fond de
laquelle l’entrecroisement des phares à lumière jaune des
automobiles donne l’illusion d’une danse légère.


Jacques Darras, La conjugaison des places amoureuses, Clichy, éd. de Corlevour,
2009, p. 45.
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« Très longtemps, par exemple, je m’efforçai de rendre justice
à un paysage qui me tient le plus au cœur et aux yeux, la Baie de Somme – la baie dans
laquelle se jette la rivière Somme. / Je ne connais pas de paysage plus absolu au
monde. »
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« Oui, très vite, prit comme emblème, comme totem, l’image de la petite rivière
coulant au fond de la vallée de ma naissance jusqu’à la mer toute proche et sa faune
d’oiseaux migrateurs. J’ai réfléchi cette eau qui m’a réfléchi. »
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Comment faire pour que la raison avec
l’imagination ouvre la porte de l’espace et du
temps à l’espoir ? Moi, je mets ma confiance
en l’eau.
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J’entre dans le fleuve avec le corps. Il pourra même m’arriver de
me baigner deux, trois, quatre fois dans le même fleuve sans
jamais noter de différence. Qui est le propre même de la réalité.
Nous ne sommes pas là simplement pour dire l’original de
l’origine. La poésie est la répétition injonctive de la réalité. La
poésie est la répétition de la réalité réfléchie à elle-même. Ainsi, à
la composition de mon poème fleuve, La Maye, j’ajoute toujours
l’éclaircissement de la voix. Transport de la réalité par la voix,
glissement des images, chutes ou montées du régime, la voix est le
superflu du flux.
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[…] ma traductrice en langue arabe me fit remarque que la rivière
dont j’avais fait l’axe majeur de mes poèmes, la Maye, pour peu
qu’on allongeât la diphtongue finale et prononçât « maille »,
sonnait comme l’arabe désignant l’eau : al mâa. Qu’on prononce
« maille » dans certains dialectes. En syrien par exemple. […] Des
racines linguistiques communes à l’humanité. Qu’en déduire ?
Rien en matière d’influences, d’emprunts ou de conquêtes. Me
plaisait juste que ma Maye, qui m’accompagne partout dans le
monde tel un double viatique m’entourant le corps, trouvât
correspondance dans un pays de désert.
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Laissant passer le courant l’eau labiale l’eau labile.
Je compare la voix à une rivière oui.
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Le fleuve est mon cinéma, mon « kinéma ». Qui me reboute l’âme
quand j’éprouve une certaine ankylose par l’idée. Il suffit que
j’aille le voir et le regarde faire. Facile ! Il marche en permanence,
il ne s’arrête pas, il est l’égalité d’humeur du mouvement. Je n’ai
qu’à me planter devant lui comme si j’étais une espèce de pêcheur
sans canne ni désir d’attraper aucun poisson. C’est lui que je happe
par les écailles, les reflets. Lui, fleuve, marche pour moi.
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« Cesse de parler de l’eau par image, me grondes-tu, déshabille
l’eau de tes images. Respecte sa nudité toute simple, sa chasteté
d’eau. Ne fais pas comme si les rivières ne pouvaient s’exprimer
que par ta bouche. Quelle cohue, Monsieur le Navigateur, on sait
que lorsque tu dis “rivière” tu entends “femme !” »
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Ensemencements à Crécy

En septembre les genêts sont éteints, leurs tiges
Réduites à la plus simple expression verte s’invisibilisent
En comparaison des ronces. Il faut s’affûter l’œil
Pour les cueillir contre la nuit des mûres. Ah ! comme jaune
À côté de noir se détacherait, sinon, la fleur.
La Nature a ses goûts, ses lois, ses compléments,
Très peu peintre, en vérité, mais nous piquant par ses
Absences. Nous incitant à la suivre. Vers où ?
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Adieux du merle

Voyez-le sur la faîtière en tuile noire comme un accident
de cuisson générale dans le soleil couchant, sculpture
éphémère dépassant à peine, qui s’applique à sa flûte
bec tendu obliquement vers la voûte, ne cherchant pas
l’inspiration il la sent qui traverse son corps sa gorge,
c’est l’émotion tout entière du cosmos qu’il retranscrit
ponctuellement telle qu’elle chemine en lui soliste
sur l’avant-scène, dites un peu la confiance qu’il y a dans l’adieu
du merle, le soir, n’est-elle pas d’une touchante simplicité
comparée au cillement mécanique que le sommeil fait avec
nos yeux partout les oiseaux improvisent leurs prières à
l’église naturelle du jour, nous seuls rentrant dans nos absides
d’absence nous tournant vers la nuit oculaire du dedans
comme s’il y avait autre chose que l’avenir immédiat de la lumière
dont s’occuper – pourquoi ne sommes-nous pas chanteurs nés ?
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Révolutionnaire

Moi j’écris des poèmes doux, généralement doux.
Où il y a des forêts, des haies, un buvard de feuilles végétales
Qui étouffent les aspérités du monde. J’en suis conscient, je ne
Concocte pas d’hymnes, ne tisse pas de drapeaux en tissus de cris,
Derrière quoi je défilerais moi-même cortège, appelant
Les autres à me rejoindre. Non, je déplie des lignes souples, flexibles
Comme des gaules en jonc de pêcheur chinois ou des marais picards
Du côté de Camon, Longueau ou Gouy, petits villages
Qu’il faut longtemps chercher sur la carte avant d’y asseoir son pliant.
Je suis spontanément nénuphar et reine des prés, je suis menthe
Sauvage, le parfum du paradis, au Nord. Bon, la liberté, pour moi,
Va impérativement de soi, n’est plus à conquérir ni
Revendiquer. C’est fait. Des coussins de mort résistante ou
Révolutionnaire se confondent à la végétation environnante
Qui a repoussé depuis, râles d’eau, bléries caquètent sans vergogne
Où plurent des obus. Eau bue, j’ose l’écrire. Mais, devant
Les canonnades reculées, très à l’est où le soleil
Se lève sur des décombres fumants, des immeubles aux fenêtres
Dévergondées, des formes humaines baignant dans des mares de sang,
Vais-je enfin dire quelque chose ? Le puis-je ? Quelque chose qui ne
Soit pas de circonstance, qui pourtant le soit ? Non et cependant
Oui, à savoir qu’il vient toujours un temps, à la fin,
Qui laisse sa chance à l’aube et aux pêcheurs, aux hommes vaquant
À leurs commerces, leurs étals dans un parfum de cardamome,
De cinabre et de menthe, la sempiternelle menthe du temps
Où le ciel se diffuse intensément dans toutes les veines
Substituant son bleu au rouge spontané de la rivière corporelle.
Il viendra ce temps, elles macéreront ces feuilles parfumées
Dans la théière en porcelaine du matin. Vous écrirez des poèmes doux
Des poèmes de douceur, de coussins, d’oreillers, de chants
Duveteux de sarcelles ou macreuses noires sérieuses
Comme des muftis, de hérons priant à une Mecque réfléchie.
Vous verrez, je prends la liberté insensée de vous le dire aujourd’hui.
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Diminutifs impériaux

Qui donc vous nomma ô rivières du Valois,
Prêtre Celte des sources détenant
Droit magique d’appellation ou centurion
Gallo-romain qui, s’ennuyant, pêchait la truite
Dans vos courants étincelants, soleil d’écailles
L’éblouissant, l’inspirant ? Voyez, j’hésite laquelle
Appeler en tête, Thève, Nonette
Ou Launette ? Guide-moi, Gérard, dis-moi
Par où tu commencerais, commenças, quand
Sur les routes valoisiennes tu voyageais, jour
Ou nuit, d’Ermenonville à Chaalis, de Dammartin
Jusqu’à Senlis, guettant aux fenêtres des châteaux
Le féérique lumière qui te fît pénétrer dans un conte,
Bal d’ombres du temps jadis, du temps jadis !
Ah ! mes petites larmes d’eau comme vous riez
Dessous vos capes, vieilles carpes d’étangs
Déjouant, fillettes courant sans bruit
Dans les prairies, frôlant lisière, rasant orées,
Depuis Orry jusqu’à Orrouy, délassant vieux
Soldats décuirassés jusqu’à mi-therme
Au sudarium de Champlieu qu’alimente
L’Automne. Est-il plus beau nom de rivière
Que celui-là, au fond de sa vallée feuillue et
Resserrée, de Béthancourt à Béthisy ? Dans une vie
Autre j’eusse vécu de l’enrouement
Du temps aux portes de la rivière et la forêt,
L’Automne coulant à l’infini, et le dimanche à
Brunehaut par la colline haussant le pied, vif
Sylvanecte ou Suessonne allant attendre nouvelles
De Rome sur la via depuis Cologne, oreille
Ouverte au bruit de l’eau dont nous ne captons que
Rumeur, saison divine des noms réduits à la mesureÉchelle d’une Rhénanie diminutive.
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Trémières

La hampe des trémières, ces guimauves
Émollientes comme précise le dictionnaire à science herborisante
Froide, ferait un parfait drapeau
De la nation estivale. Grimpant à bout de mâts,
Vigies d’orages qui risquent de les coucher à terre, elles
Fleurissent néanmoins dans le sens optimiste
Des couleurs – rouge poivre, violet d’iris, rose à peine
Saumoné, blanc virginal – avec une puissance
De succession héréditaire qui assure remplacement
Des tissus abîmés par la pluie ou le vent. J’envie
La force de ces fausses faibles, courageuses
D’arriver dans la suite des roses si vite enfuies.
Nous tiendrons jusqu’aux chrysanthèmes, semblent-elles
Dire. Soldates de la vie faisant armée pacifique,
Ne défendant nul sol que détrempé, boueux,
Ni n’ayant jamais quémandé le moindre hymne de beauté
Patriotique. Ah ! les roses de Picardie ! mais qui
Pleurerait pour une trémière ? Orphée : une de perdue,
Eurydix etc. ! Les peindre ? Rouge corollaire
Contre sang fuligineux des briques : emparez-vous très tôt
De la boîte à nuances. Elles – nous n’existons que
Collectives et saisonnières. Ouvrières, en somme,
De la longue durée florale, déléguées de Koré ou
Perséphone parties se ressourcer en Attique
À des cours de mythologie solaire détendue. Anthologiques
D’elles-mêmes, leurs capsules s’éclipseront
Devant les florilèges automnaux de la décomposition –
L’humus romanesque, s’y enfoncer, pour reparaître
Purpuréales et purpurines sur l’autre versant.
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Grammaires d’envol

La question parfois s’énonce à mon insu
Alors même que je marche au milieu des vivants,
D’une seule phrase me faisant mon ombre
Interrogative. Je me dissous sur le mode
De la continuité des mots. S’évapore Darras en
Brume, buée nuageuse et par un
Miracle de la grammaire ascensionnelle, la phrase
Reprend à plusieurs voix dans la polyphonie
Des bonjours qui m’accueillent, tout jeune
Bizuth de la promotion Mort. Souriez ! Est-ce que
Je suis attendu au Ciel ? Reverrai-je mes parents,
Mon ascendance masquée dans quelque
Foule violette ou les couleurs des peintres,
Van Eyck Tintoretto se seront-elles subtilisées
À elles-mêmes, d’un corps mortel ne
Gardant que l’idée ? Je ne sais si l’on m’attendra,
Quel comité m’agrégera à quelle famille
Souriante, souriez mais ne me jugez pas,
S’attendre n’est pas obligatoirement s’attendrir
Sur soi. C’est croire qu’une cohérence
Nous suit et nous précède. Nous sommes nous ne
Sommes pas, est-ce la conjugaison
Identitaire qui nous régit ? Chaque fois que j’avance
Devant moi, que je marche, c’est comme de prendre le train
Pour nulle part. Un vide s’ouvre et j’y entre,
Nommez-le une forêt, une ville, une plaine mais l’oiseau
Qui m’habite pourrait me raccourcir
À mon trajet. Petit j’eus la pépie, à présent m’envoler
Me démange – changement d’ange directeur !
Nous aimons les adresses collées aux enveloppes :
Sommes-nous nominalement ou fûmes-nous
De nous-mêmes simples postiers ?
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La tourterelle

Une tourterelle me rend visite
Chaque matin depuis la pente du toit,
M’épie de sa perle d’œil
Latéral, cou sur ressort, ailes
Qui-vive d’alerte aérienne infatigable –
Je lève mes doigts du clavier les suspends
En l’air quelques minutes, plane
Sur le silence des mots – nous nous toisons
Une brève seconde avant qu’envol
Vers d’autres tuiles, elle, descente des doigts
Aux touches, moi, nous continuions
À dialoguer en notre absence
Mutuelle, moi l’accueillant sur mon perchoir
Poème, elle s’enfuyant en me laissant
La clé des chants suprêmes
Qui est à l’air, la légèreté des plumes de l’air
– Ne pas s’entendre n’est pas discorde
Mais bienfait, faites-le bien
Savoir, chacun sa portée sa note.
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abstraction

peintre j’eusse été dans une autre vie jusqu’à l’abstraction
des verreries potentielles irréalisées dans les moulins de l’usine sable
glaciaire auquel j’aurais campé héron debout sur
son crayon son pinceau au milieu de la palette de tous les couchants
dans l’attente de l’unique brème de mer argentée du brochet
égaré par l’eau douce dans les bâches me fondant gelée
de ciel violettement bleu à neuf heures du soir en été cependant que
très haut fût passé tel courrier Paris Londres chant de moteur
mélancolique au-dessus de la réserve aux avocettes aux spatules
aurais trempé directement mes feuilles souples à l’acrylique
bouillonnant de la marée vieille cavale neuve cavale déboulant
sur la tête rebelle des statices dans une fuite panique de crabes aurais
fixé éperdument la ligne du sable blanc couleur de seiche écoutant
sous la voûte de l’os tympan l’interminable désenroulement des myriades
d’anélydes étoiles de terre spiralées ne me
rappelant à moi-même ma conscience gellifiée de froid qu’au point
de fusion extrême de la nuit le matin quand les sarcelles
sortent pâturer entre les touffes de spartine mon canevas ma toile
mon chevalet dressés comme l’invisible signal géodésique moi-même
battant au vent des âmes Noroît séchante manche à air de la Manche
peintre quichottesque si vous voulez mais tellement fier d’avoir
monté à cru l’échine de la grande bête Rossinante rosissante l’Univers
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j’ai reçu le soleil de quatre heures d’une après-midi de Mars
en même temps que la brise d’ouest
assis à une table en plastique
blanc sous le
prunier blanc le pastel bleu du ciel s’il manque
le volume de mon corps
ma présence
dans ces lignes le lignage précis de l’heure qui m’a vu m’asseoir
et ne rien faire
qu’être là
sous les fleurs tutélaires leur vin
subtil effleurant
mes narines – j’ai voulu m’acquitter d’un acte gratuit de remerciement
à qui ?
à la ponctualité du temps par quoi il arrive que nous finissions
quelquefois
nos phrases
nos vers
dans une fruition laissée en suspens
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*
la chance du poème est pouvoir changer d’angle
à son caprice
pour lui le monde est transformable plusieurs fois dans la même
seconde ou matinée
le réel n’insiste que par la permission
que notre fatigue mentale
lui accorde – fleur fruit lignage de bois pur de bois dur
c’est selon la saison
des mots que l’artisan poète décrète à son gré ou façonne potier
à son grès –
voyez vous me prenez à l’instant les mains dans l’argile
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