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Citations de Jacques Ellul (212)


Rejeter la croyance, parce que hautement supérieurs nous avons accédé à la raison, nous a fait entrer dans l'âge impitoyable du mépris et du massacre. Les primitifs qui faisaient des guerres dans leurs croyances avaient le plus souvent une très haute idée de l'adversaire qu'il fallait tuer. On sacrifiait le prisonnier aux dieux célestes ou infernaux pour qu'il soit messager, et parce qu'il était digne, admirablement digne d'être offert en suprême sacrifice aux dieux. Aujourd'hui, convaincus que nous ne sommes rien d'extraordinaire dans l'Univers, ayant perdu la croyance du miracle éblouissant de la naissance de l'homme, nous commençons par avilir, par détruire spirituellement, moralement, psychiquement les masses que nous voulons massacrer. Nous nous sommes délivrés de la croyance supérieure pour nous livrer à l'ivresse de la destruction de ce qui est homme dans l'homme.
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La liberté consistant à n'obéir à rien est tout aussi traumatisante et désaxante que l'excès de contraintes contre lesquelles on ne peut plus se battre. Et ces croyances reposant sur de fausses connaissances de l'homme, reposant sur d'autres croyances, celle en particulier de la bonté naturelle de l'homme qu'il suffit de laisser libre pour que tout aille bien, manifestent à quel point la croyance nous écarte du réel vécu, et infléchit dangereusement l'être de l'homme dans ce monde, à quel point nous sommes induits à des échafaudages de croyances, l'une prouvée par l'autre qui elle-même reçoit sa certitude d'une préalable, mais rien d'autre que branlants échafaudages.
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Je suis effrayé de cette vague de nihilisme actuel qui ne conduit pas forcément au suicide matériellement exécuté, mais cette résignation de se laisser aller dans le flot porteur en même temps que mortel d'une foule, d'un encadrement, d'une société, d'un maelström d'images et de sons, se conformer, se fonder, s'identifier en se perdant, s'identifier en perdant son identité, être l'autre et rien, mais pour entrer dans ce spectacle et cette parodie, il faut croire à une survie collective, à une apparence de distraction, de travail, de relations, seulement une apparence, et derrière rien. Mais ce serait intolérable s'il n'y avait croyance d'un possible dans l'anéantissement.
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Le monde, les mondes obéissant à des régularités diverses, se révèlent de plus en plus complexes, de plus en plus difficiles à saisir, et impossibles à se représenter. Nous n'atteignons ni la limite du réel, ni les limites du connaissable, mais nous sommes entrés dans un jeu dont nous ne découvrons jamais qu'une infime partie et des règles et des objets, un jeu dont la loi change sans cesse au fur et à mesure de notre avance, si bien que nous ne savons plus en vérité si ce que nous atteignons a encore la moindre réalité et si toute notre connaissance n'est pas simplement le produit des règles que nous nous sommes données à nous-mêmes pour l'exercice de notre intelligence.
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On élabore cette morale non pour contraindre les autres, mais en tant que justification de ce que l'on fait soi-même.
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Le capitalisme doit être condamné entre autres afin que le travail puisse retrouver sa noblesse et sa valeur. Marx attaquait d'ailleurs en même temps sur ce point les anarchistes, seuls à douter de l'idéologie du travail. Enfin : " Par essence le travail est la manifestation de la personnalité de l'homme. L'objet produit exprime l'individualité de l'homme, son prolongement objectif et tangible. C'est le moyen de subsistance direct, et la confirmation de son existence individuelle." Ainsi Marx interprète tout grâce au travail, et sa célèbre démonstration que seul le travail est créateur de valeur repose sur cette idéologie bourgeoise (d'ailleurs c'étaient bien des économistes bourgeois qui, avant Marx, avaient fait du travail l'origine de la valeur...). Mais ce ne sont pas seulement les penseurs socialistes qui vont entrer dans cette optique, les ouvriers eux-mêmes, et les syndicats aussi. Pendant toute la fin du XIXe siècle, on assiste à la progression du mot "travailleurs". Seuls les travailleurs sont justifiés et ont droit d'être honorés, opposés aux oisifs et aux rentiers qui sont vils par nature. Et encore par Travailleur on n'entend que le travailleur manuel. Aux environs de 1900, il y aura de rudes débats dans les syndicats pour savoir si on peut accorder à des fonctionnaires, des intellectuels, des employés, le noble titre de travailleurs. De même dans les syndicats on ne cesse de répéter entre 1880-1914 que le travail ennoblit l'homme, qu'un bon syndicaliste doit être un meilleur ouvrier que les autres ; on propage l'idéal du travail bien fait (note en bas de page : Il faut peut-être citer les affrontements dans le syndicalisme français au sujet du sabotage. Celui-ci était rejeté par la majorité des leaders comme indigne du travail bien fait, de l'honneur des travailleurs, et inacceptable du point de vue de la morale du travail. ), ect. Et finalement toujours dans les syndicats, on demande avant tout la justice dans la répartition des produits du travail, ou encore l'attribution du pouvoir aux travailleurs. Ainsi on peut dire que de façon très générale, syndicats et socialistes ont contribué à répandre cette idéologie du travail et à la fortifier, ce qui se comprend d'ailleurs très bien!
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Il est alors indispensable de compenser cette situation inhumaine par une sorte d'idéologie (qui apparaît d'ailleurs ici comme correspondant exactement à la vue de l'idéologie chez Marx), qui faisait du travail une vertu, un bien, un rachat, une élévation. Si le travail avait encore été interprété comme une malédiction, ceci aurait été radicalement intolérable pour l'ouvrier.
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Rappelons que le mot "travail" vient du bas latin "tripalium", "trois pieux". Certains y ont vu un instrument de torture pour les esclaves. Rien ne le confirme. Il semble plutôt que c'était un cadre pour contenir et enfermer des animaux récalcitrants, chevaux, boeufs, etc.
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avant tout Voltaire, ce géniteur de lieux communs en tous genres : " Forcez les hommes au travail, vous les rendrez honnêtes gens." Oh ! laudateur de la liberté, comment ne voyait-il pas qu'il annonçait les camps de concentration?
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Qu'il travaille pour s'abrutir, pour se divertir, c'est-à-dire pour se fuir lui-même, pour fuir les questions dernières et le désespoir, cela se comprend aussi. Que très exceptionnellement, artiste, artisan des siècles passés, obsédé du pétrole ou fana du zinc, il travaille par passion d'une oeuvre ou d'un objet ou d'une sensation, cela se comprend encore, mais contrairement à la légende, c'est assez rare.
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On peut lutter, on peut mettre en question, on peut s'organiser en marge, on peut dénoncer (non pas les abus du pouvoir, mais le pouvoir lui-même!). Et cela, seule, l'anarchie le déclare et le veut.
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au milieu de la croissance des mécaniques, des engins de tous ordres au milieu des techniques d'organisation, la propagande n'est rien d'autre que le moyen d'éviter qu'elles soient ressenties comme trop oppressives, en amenant l'homme à obéir de bon gré.
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La propagande est bien moins une arme politique d'un régime (ce qu'elle est aussi!) que l'effet d'une société technicienne qui englobe le tout de l'homme, et qui tend à être une Société tout à fait intégrée.
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Tant que l'homme nie le caractère nécessaire d'un phénomène, il échappe à son affrontement, il s'engage sur les voies latérales et se divertit, c'est-à-dire se soumet en réalité au phénomène, en se prétendant «libre malgré», et parce qu'il se prétend libre. C'es tseulement à partir du moment où il a reconnu qu'il est aliéné dans ce fait, que sa liberté commence à poindre dans sa détermination même, ne serait-ce que par l'effort (qu'il tente) de prendre une distance par rapport à ce qui le détermine pour l'objectiver et le réduire à l'état de fait brut.
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Il est assez courant d'obéir à des jugements éthiques sur les fins, qui
rejaillissent sur la propagande considérée comme moyen. La Démocratie étant bonne, la Dictature étant néfaste, la propagande au service de la démocratie est bonne, même si en tant que technique elle reste identique: elle change de caractère, et presque de nature, en changeant de cadre et d'objet.(...) Nous avons répudié cette attitude (...) Il y a seulement des moyens un peu plus ou un peu moins perfectionnés, utilisés ; il y a des organisations plus ou moins efficaces, mais cela ne modifie en rien le fond du problème, car ceux qui ont accepté le principe de la propagande, qui adoptent la méthode, seront forcément amenés à l'organisation et aux méthodes les plus efficaces
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Avant la guerre la propagande est un substitut des violences physiques, pendant la guerre elle en est un supplément.
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Or, la symbolisation était dans les sociétés traditionnelles le mode majeur de l’homme pour appréhender son milieu et affirmer une autre supériorité que simplement matérielle.
La fonction de symbolisation était devenue une des voies majeures de l’action.
Et ce que nous appelons l’art était une des formes essentielles (avec, par exemple, la religion) de cette symbolisation.
Et voici que nous nous trouvons placés dans un milieu réfractaire à toute symbolisation.
(page 86)
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Dans l’esprit de la plupart de nos contemporains, le christianisme est avant tout une morale.
L’aspect spirituel est bien oublié, sauf de quelques groupes, et l’autre vue que l’on en prend se ramène aux fêtes chrétiennes.
Il est caractéristique que la mise en question de la vérité chrétienne se situe le plus souvent au niveau de la conduite des chrétiens et que le jugement porté soit de type moral. (…)
Il faut bien reconnaître que les chrétiens ont fait tout ce qu’il fallait pour que cette confusion ait lieu.
Or, la révélation de Dieu n’a rien à faire avec une morale. Rien. Absolument rien.
(page 84)
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On a rarement souligné l’influence de l’Islam sur le christianisme, c’est-à-dire sur la déformation et la subversion que subit la révélation de Dieu en Jésus-Christ.
Elle a pourtant été considérable entre le IXe et le XIe siècle.
(page 114)
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Donc, satan, l’accusation, prolifère dans notre monde. Mais ici encore, le drame est que l’accusateur a d’abord utilisé l’Église. Elle est devenue l’origine, puis le perfectionnement, puis le modèle de toutes les accusations, de tout le système inquisitoire. Elle a fait passer les mécanismes accusatoires du domaine privé, personnel, au domaine collectif et institutionnalisé. Sans vouloir exagérer l’affaire de l’Inquisition, c’est quand même exact qu’il y a eu là une perversion prodigieuse de la Révélation, d’un tout fondé sur le Pardon on est passé à un tout fondé sur l’Inquisition.
(page 214)
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