AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jacques Josse (45)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Au bout de la route

L’étonnant poème en prose illustré de la mort par accident automobile.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2017/09/18/note-de-lecture-au-bout-de-la-route-jacques-josse/
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          00
Au bout de la route

Ce curieux petit livre de seulement 34 pages sorti en 2015 chez Le Réalgar prend comme personnage central la mort. Oh mais pas n’importe laquelle ! La mort en rapport avec les véhicules roulants, les automobiles, camions, bicyclettes, bus, la mort comme métronome inéluctable, au bout de la route.



Énonciations de célébrités qui ont rendez-vous avec la faucheuse par le biais de machines roulantes : Isadora DUNCAN, Roland BARTHES, Pierre CURIE, Hugo KOBLET, James DEAN, Jayne MANSFIELD, Hank WILLIAMS, Jackson POLLOCK, Fabio CASARTELLI, Jean ROUCH, Albert CAMUS, Tom SIMPSON et tant d’autres dont certains nous sont inconnus.



Les inconnus parlons-en ! Les anonymes sont aussi fauchés, dans des véhicules ou par des véhicules, par l’impitoyable refroidisseuse, en Bretagne comme ailleurs, en ce XXe siècle dément durant lequel l’ogre de métal a fait retourner en poussière tant d’habitants de la terre, une invention créant paradoxalement la liberté et le néant. Tant de vies dévastées par des engins montés sur roues de divers diamètres.



Les personnes commémorées dans ce récit n’avaient de prime abord aucun lien intime, ne se connaissaient pas. Pourtant c’est bien la même tragédie qui les a poussées dans le même dernier trou, en tout cas il s’agit de la même arme du crime. Un exemple parmi tant d’autres : « [la mort] peut ainsi survoler la promenade des anglais à Nice en un clin d’oeil et éteindre le soleil puis le draper de noir en pensant à l’ultime salto arrière effectué ici le 14 septembre 1927 par Isadora Duncan, prise à la gorge par son foulard dont l’une des extrémités venait de s’enrouler autour du moyeu de la belle décapotable, une Amilcar GS 1924 ».



Écriture toujours au sommet de son art, elle est ici illustrée par Jean-Marc SCANREIGH, 10 dessins nerveux, d’influence abstraite, noir et ocre, ils parlent aussi de la mort, de ses gros yeux, de ses traits agressifs, obtus. Une mort effrayante, dont personne ne reviendra indemne.



Un bouquin d’hommages, fait de traits rapides et fulgurants, comme pour exorciser l’inexorable arrivée de Madame la Foudroyeuse. Le plaisir est immense même si de courte durée. JOSSE fait partie de ces artisans de la plume qui donnent un sens à la vie et fait prendre conscience de bien en profiter avant l’inexorable.



https://deslivresrances.blogspot.fr/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          00
Bavard au cheval mort et compagnie

Jacques JOSSE et son univers unique, dépouillé, épuré, spartiate. La Bretagne, le crachin, des hameaux sans âge, pareil pour les bistrots et leurs patrons, les enterrements avec leurs morts devant, dans des caisses en bois ou des urnes, c'est selon.



Parmi tout ce joyeux peuple, des morts comme des rescapés, défilé des laissés pour compte, des poivrots, des vagabonds aux âmes de poètes ou de philosophes à l'identité bretonne bien ancrée. Le temps est suspendu, en pointillés, place à l'olfactif : odeur de bois mouillé, de mousse, de lichen, de forêt humide au peuple souterrain, tous les sens du corps sont en éveil. Et toujours ces hommages aux trépassés : « À la santé de ceux qui sont dans les tombes ». Et les cloches qui tintent lentement dans un brouillard ne laissant percevoir que des ombres.



Ambiance tellement intemporelle car il y aura toujours des chiens de garde derrière les barrières des propriétés privées pour gueuler sur les étrangers, des bars dans lesquels le temps s'est arrêté, des cimetières humides avec ces tombes ayant ingurgité ces croyances. Les morts, ils sont là, par accident, par cirrhose (non explicite mais ça sent le mélange d'alcools frelatés), par volonté personnelle. Le personnage principal est la lenteur, la paresse.



Le temps s'est comme figé donc, même l'horloge semble tourner au ralenti alors que chaque mot, chaque intonation comptent, au coeur d'un rouage parfaitement agencé : « Vers 15 heures, une longue voiture grise apparaît à la sortie d'un virage. Elle avance entre les broussailles et roule, au ralenti, en direction du bourg. De nombreux suiveurs, vêtus de costumes sombres, essaient de lui sucer les roues. Tous marchent d'un même pas. Leur éloge de la lenteur trouve ici exutoire à sa mesure. Au soleil, près des murs et des herbes sèches... ». Tout est imbriqué, vous arrachez un seul mot et la phrase, le sens, le style se cassent la gueule dans une flaque d'eau boueuse.



On va pleurer un mort et enterrer le XXe siècle, on est quelque part en Bretagne dans un XXIe qui s'apprête à voir le jour. En un peu plus de 60 pages, Jacques JOSSE plante un décor qui restera longtemps à nous hanter, par ses odeurs, ses bruits, ces images, le tout relié sur le zinc d'une taverne cradingue et enfumée ou dans les allées d'un cimetière de bord de mer. JOSSE c'est tout ça en même temps, aucun de ses thèmes de prédilection ne manque dans ce récit sorti en 2004 chez Cadex Éditions. Comme sur d'autres de ses œuvres, les dessins bruts en noir et blanc de Georges LE BAYON accompagnent le cortège.

https://deslivresrances.blogspot.fr/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          10
Café Rousseau

« Un café, un soir… Il n’y rien d’autre à décrire. Aucune histoire louche à pétrir. La fin d’un parcours ordinaire se prépare, un point c’est tout ». Et pourtant.



C’est imminent : Rousseau, ancien marin et présentement cavetier du bar portant son nom, va passer l’arme à gauche. Dans son vieux lit en fer qui a déjà hébergé des mourants, il ne va pas tarder à éteindre sa dernière bougie. Il n’en faut pas plus pour attirer au chevet du malade dernier degré l’abbé Inizan, toujours prêt à offrir l’extrême onction et accessoirement rappeler à ses fidèles ouailles la parole, la présence et le pouvoir du Bon Dieu. Rousseau délire sur sa couche, revoit les moments passés, du lointain passé, celui d’un monde révolu, par exemple lorsqu’il a connu dans divers ports du globe le poète grec Nikos KAVVADIAS. « Ah, le sacré tohu-bohu des souvenirs ! ».



L’action se déroule en Bretagne. Bien sûr. Plus précisément du côté de Gwin-Zégal, tout près de la falaise du Goëlo. Il s’y passe de drôles de trucs : les ivrognes, les fumeurs invétérés, les fous, les exhibitionnistes, Hubert l’idiot du village, le fossoyeur qui intègre des souvenirs marquants des défunts dans leur cercueil, le prêtre lubrique, la position de la bête à deux dos derrière les buissons, les camionneurs frappadingues, tout ce petit monde disparate cohabite tant bien que mal dans ce bled gonflé de souvenirs : les suicidés, les péris en mer, les assassinés, les trépassés locaux de 1916 du côté du chemin des dames.



Et puis l’action en direct : Nid’pie qui emplafonne sa 4L dans un panneau téléphonique, fin de partie. Rousseau qui n’en finit plus de mourir, de délirer, Inizan qui n’en finit plus d’espérer, lui le curé qui aime tant se défroquer. Rousseau qui semble s’habituer à sa maladie, celle qui ronge son foie : « Entre lui et la maladie, on pressent d’emblée que mille et mille habitudes ont été prises. Des liens se sont tissés… Elle insiste, elle quémande. Elle veut tenir ses quarts de veille… Dans le huis clos de la mansarde tous deux doivent se chuchoter de drôles d’histoires, des drames à becs d’oiseaux, des tranches d’amour se figeant en torgnoles d’iode et des tendresses brutales qui tombent de la falaise avec de beaux cernes de cendres couvrant jusqu’aux aurores… ».



Le docteur est formel « Le cœur s’accroche à la barre, mais il connaît des émois de vieux célibataire en rupture d’abstinence ». Alors le curé fait reluire tous les ustensiles utiles à une cérémonie de caractère.



Il y a du BRASSENS dans ce court roman de 2000 sorti chez la Digitale, on croit reconnaître quelques silhouettes échappées de lignes du grand Georges qui seraient venues se perdre au pied du Goëlo pour enterrer Rousseau. L’humour, très présent, noir, rappelle aussi celui de BRASSENS, la langue plus verte que d’habitude mais toujours aussi envoûtante. Les petites gens, leurs descriptions, les anecdotes cocasses, la mort qui se fiche de nous, nous qui nous fichons de la mort, « Café Rousseau » est de ces farces morbides qui rient de la faucheuse, qui lui lancent des pieds de nez comme pour la repousser une dernière fois. Ce livre a obtenu en son temps – 2001 – le prix du roman de la ville de Carhaix. Il est aussi court qu’il est hardi. JOSSE est particulièrement à l’aise et talentueux dans ce format, il virevolte et emploie les mots, les images adéquates qui atteignent le centre de sa cible. Petit joyau dont vous devrez vous munir si vous avez la chance de le trouver un jour à acheter voire à emprunter.



https://deslivresrances.blogspot.fr/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          10
Chapelle Ardente

La chapelle ardente est le bar « La Iza », dont le tenancier vient de mourir. Avant l’enterrement, les proches du Barbu –tel est le surnom du défunt – se réunissent une dernière fois autour du cercueil exposé dans le troquet. Petite humanité serrée dans ce lieu pour un dernier hommage. Jacques Josse la croque avec la verve et la tendresse qu’on lui connaît, dans une langue d’une belle vitalité. Il y a l’instituteur, revisitant en imagination avec le Barbu les bistrots mythiques de la littérature et du cinéma. Didier, l’ancien cascadeur aux jambes détruites, qui gare sa voiture automatique à la fenêtre de l’établissement pour qu’on lui serve un verre sans avoir à sortir. François, le veuf, muet hors de chez lui, insultant sa femme morte derrière les murs de sa maison.







Hommes – peu de femmes dans ce livre – cassés, boiteux. Jacques Josse saisit d’un trait ces corps qui tiennent encore debout, malgré les blessures, malgré – ou grâce à – l’alcool. Sans s’appesantir. Le texte est bref, dense. Calé sur le dernier coup bu à la santé du défunt. C’est un texte à lire coude au comptoir. Dans la fraternité d’une poignée d’habitués.







Pas de pleurs ici. Ils ont vécu bien d’autres chagrins. Ce n’est pas la fin du monde, juste un compagnonnage, même pas quotidien, qui disparaît. L’émotion est là pourtant, retenue, effleurée par l’écrivain, perçue par le lecteur. De la pudeur, de la dérision pour éloigner la peine.







« Beaucoup trinqueront à sa longévité posthume, revenant sur sa bonne humeur, son appétit de vivre, mais aussi sur ces étranges moments de désarroi et de solitude qui pouvaient, certains jours, le rendre plus rugueux que d’habitude ». En quelques mots, une vie se devine, s’imagine. C’est l’un des talents de Jacques Josse que de savoir suggérer en une phrase toute une existence.







Les bistrots sont chez Josse comme de vieilles maisons familiales : des refuges, des lieux d’accueil. Des poches où le temps ne passe guère. Chacun y vient chauffer ses os ou son cœur l’instant d’un verre ou deux, d’une conversation mille fois reprise. Que vont-ils devenir, le navire déserté par son capitaine ? On les imagine âmes errantes, certains mettant à exécution le tragique destin dont ils menacent régulièrement la compagnie. Peut-être pas. Peut-être se contenteront-ils de migrer vers un autre havre, un autre bistrot. Et Jacques Josse poursuivra la chronique de ces gens de peu qu’on a appris à aimer.
Commenter  J’apprécie          10
Cloués au port

L’océan hurlé, en souvenir et en littérature, à la face d’un monde qui abandonne.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/03/22/note-de-lecture-cloues-au-port-jacques-josse/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
Commenter  J’apprécie          30
Cloués au port

♫On croyait qu'une révolution arrivait

Cette année-là

C'était hier, mais aujourd'hui rien n'a changé

C'est le même métier qui ce soir recommence encore

C'était l'année soixante deux ♫

Cette année là - Claude François - 1976-

♫Que tout ceux qui sont dans la vibe

Lèvent le doigt

Que toutes celles qui sont dans la vibe

Lèvent le doigt

Que ceux qui sont assis se lèvent

Suivent le pas

Allez maintenant on y va....

Ces soirées là hum hum ♫

Yannick - 2000 -



C'est le Capitaine qui dégénère

62, c'est son année charnière

émoluments aux morts,

celle de son frêre

D'un bistrot des Cotes-d'Armor

harangues sur des mondes imaginaires

Cloués au Zinc, impossible de s'extraire.



♪Ces soirées là hum hum♪

demain départ route du Rhum

Josse sur Edmond de Rothschild, trimaran

Sébastien, et non Jacques ! c'est très marrant

Alors ce Capitaine en mal de traversée

Agrippe-le a ses haubans

lui qui révait encore de voyager

naseaux levés, crinière au vent....











Commenter  J’apprécie          450
Débarqué

Jacques JOSSE dit de son père qu'il était un voyageur empêché. Breton de souche et de cœur, il aurait souhaité être marin, la pipe à la bouche en plein roulis, mais suite à une maladie (il est épileptique), il est resté sur la berge, en rade, au rade plutôt. Interdit de naviguer, de conduire, de fumer, de picoler. Il va se créer une ordonnance pour ne pas avoir à suivre les deux dernières prescriptions. À défaut d'eau salée, il va s'occuper de courant. Il sera électricien. L'eau et l’électricité ne font pas toujours bon ménage, c’est ce que l’auteur va nous démontrer à propos de son paternel.



La boîte qui l'emploie fait faillite. Bilan : chômage et alcool. Et tabac. Et petits boulots. Mais il rebondit, se dégote un chouette gagne-pain sur une île, dans sa branche. Bonheur. Chaque semaine, il quitte sa famille pour quelques jours, un rituel bien huilé. Il est entouré d'eau, alors son rêve assassiné, celui du grand large, devient presque réalité de substitution. Il rêve les bateaux, les matelots, les bonheurs, les tragédies : « Plusieurs embarcations s'étaient abîmées dans les parages. La carte des épaves, punaisée au-dessus du comptoir de l'unique café du bourg, en témoignait. Un mur des disparus, sur lequel des centaines de noms et de dates, ceux et celles des péris qui n'étaient pas rentrés, se dressait au bout du cimetière, dans la commune qui abritait l’embarcadère. Un dicton affirmait que voir l'île c'était voir son trépas. Ses abords inhospitaliers nourrissaient les légendes ». Maman elle, est « laveuse de morts ». Si si. Et accessoirement ne finit jamais ses phrases.



On vit comme naguère, on élève des animaux pour les tuer, les bouffer, nourrir la famille. Puis ce sont les membres mêmes qui ne vont pas tarder à suivre les bestiaux. Car la guigne va reprendre ses droits : ça commence par le papa et une mauvaise chute. Dans tous les sens du terme. Pourtant tout était écrit : « Il semblait avoir trouvé un rythme de croisière capable de l'aider à franchir les fatidiques quatre-vingts berges sans avoir à subir de nouvelles avaries ».



La mère-grand avait ouvert les hostilités des excursions au cimetière communal pour ces cœurs cabossés, ces destins brisés, dans une famille qui va souffrir : le frère de Jacques a devancé à son tour le cortège funèbre en 1996. Puis la frangine, retrouvée dans un bois en mars 2004, défunctée. La faucheuse semble planer dangereusement sur la fratrie, va falloir redoubler de vigilance. Mais tout va aller de mal en pis, jusqu'à ce jour de février 2008 où le paternel casse sa pipe, le même jour que l'humoriste en chef Henri Salvador. Ironie du sort ? Salvador signifie sauveur/salvateur en espagnol.



Derrière la figure émouvante et imposante de ce père silencieux, ce sont toutes les images de la Bretagne qui remontent à la surface, au-dessus de l'écume et de la brume, la houle, les tempêtes. Ce petit récit est truffé d'anecdotes, d'odeurs, d'ivrognes, parsemé de suicides (trois raisons selon l’auteur : alcool, grisaille et sentiments d'inutilité). On y croise les fantômes de GIONO, SIMENON, STEINBECK, CALDWELL (excusez du peu), les ombres de ceux qui ont écrit sur la mer : LOTI, LONDON, CONRAD. On y entrevoit des héros du Tour de France cycliste, on y apprend comment réaliser du cidre artisanal tout en prenant BRASSENS à contre-pied dans les rites du père : « Chaque matin, il ouvrait son journal sur la double page des obsèques. Il notait l'âge des partants. Remarquait qu'ils avaient tous à peu près le sien, en déduisait que ça sentait vraiment le sapin, blaguait à peine en assurant que l'arbre avec lequel on fabriquerait son cercueil était sans doute débité depuis belle lurette et qu'il ne tarderait pas à les rejoindre ». Respect éternel pour les marins disparus, dans une langue flirtant avec le sublime : « … ces adeptes des tours du monde qui, ces années-là, descendaient, à tour de rôle et en piqué, boire l'ultime bouillon, celui de onze heures, mijoté dans les crevasses, sur lit d'algues et de coraux, par le facétieux cuisinier des bas-fonds ».



Halte-là ! Je pourrais en effet vous citer tout le bouquin tellement dans ces courts chapitres l'écriture imagée est forte, puissante, poétique, pudique, brassant l'humour noir, celui du désespoir, comme pour envoûter d'une ultime saillie. Délicieux à tous points de vue. JOSSE est unique, seul sur son îlot, c'est pourquoi ce poète « rêveur de tombes », prince de la prose, est indispensable, ne serait-ce que par sa manière extatique de décrire la mort et les paysages. Cette savoureuse biographie du père (mais pas que) vient de sortir aux Éditions La Contre Allée, je vous recommande vivement de vous y ruer, c'est même quasiment un ordre. C'est grâce à ce petit livre que l'on comprend JOSSE, ses 40 publications, son rapport quasi charnel à la mort (qui semble avoir été omniprésente dans son parcours, d'où cette « obsession », ces références incessantes), à la mer. Et qu'on ne l'aime que davantage. Il fait partie des grands, ne le ratez pas.

https://deslivresrances.blogspot.fr/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          10
Débarqué

JACQUES JOSSE OU LE STYLE DES BELLES PERSONNES



Après un portrait attachant de Marco Pantani en 2015 Jacques Josse, écrivain discret, prix Loin du marketing en 2014, revient sur l’histoire de son père dans Débarqué, malheureusement touché trop jeune par la maladie et écarté d’une carrière de marin. Breton resté à quai, cloué au port, débarqué. Les psychanalystes nous invitent à “tuer le père”, ici l’auteur choisit une autre voie, celle de lui rendre hommage.



Dans Liscorno, publié en 2014 aux éditions Apogée, Jacques Josse nous faisait découvrir les lectures de sa jeunesse et les auteurs qui l’ont marqué. Dans Débarqué, il s’enfonce plus profond encore dans ses racines littéraires quand cette passion de la lecture de récits de voyages lui vient de son père. Quelle belle transmission que cet appétit de récits d’aventure, et après cette transmission, il faudrait “tuer le père” ? Ce n’est pas possible.



Nous faisons dans Débarqué connaissance avec un grand-père capitaine au long cours, un père qui ne le sera pas pour raison de santé et qui ne cessera de voyager avec les livres (Pierre Loti, John Steinbeck, Joséphine Johnson, etc.) et en écoutant les récits rapportés au bar par les marins. Quand les rêves se passent ainsi de générations en générations...



Cette vie était dure, n’en déplaise aux nostalgiques. S’il ne se suicidaient pas violemment, nombreux le faisaient à petite dose, ou plutôt à petites verrées de vin, de cidre ou d’eau de vie, la mal nommée. Des ambitions contrecarrées, des angoisses gardées pour soi, des histoires de mauvaises amours, des blessures de guerre, du manque d’argent, des maladies qui ne se soignaient pas à l’époque, des métiers qui éloignaient les pères de leur famille, la mort toujours proche, cette vie simple n’a pas les honneurs des livres scolaires. C’est aux écrivains qu’il revient d’en assurer la transmission.



Écrire les liens qui unissent un homme à ses origines, un homme à sa terre, exige un style d’écriture à la hauteur de l’enjeu. Et Jacques Josse sait, de chapitres en chapitres comme autant de nouvelles, en phrases parfois longues et parfois courtes, nous entraîner dans une narration sensible et pleine de tendresse et d’humanité, le style des belles personnes.



Jacques Josse sait bien conter, au-delà de ses origines, le destin des petites gens. Il y avait de la noblesse dans ses vies populaires. Et on se laisse aisément embarquer dans cette histoire du quotidien de Bretons dans la deuxième moitié du 20e siècle.





Commenter  J’apprécie          00
Débarqué

L’intense et pudique chant funèbre pour un père qui jamais ne put naviguer « en vrai ».



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/08/17/note-de-lecture-debarque-jacques-josse/
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          20
Des escapades rouge et noir

Jacques Josse, un écrivain en rouge et noir



Aux éditions Mediapop, le club des écrivains dirigé par Christophe Fourvel est une collection d'ouvrages d'amoureux du football et plus particulièrement attachés à un club français. Sur les traces de son ami Lionel Bourg qui explore "le vert paradis" du stade Geoffroy-Guichard, Jacques Josse nous propose "Des escapades rouge et noir" évoquant son attachement au stade rennais, à ses joueurs mythiques, à ses supporters du Roazhon Celtic Kop,  et ceux qui préfèrent regarder les rencontres dans les bars de la ville.



Sans jamais prendre place dans les tribunes par crainte de la foule, Jacques Josse écoute, entend, ressent, et note ses émotions, ses rencontres. Dans ses réflexions déambulatoires autour du vieux club breton, il associe avec tendresse et reconnaissance les souvenirs de son père écoutant les retransmissions à la radio. Mais le football c'est aussi une ville, et c'est surtout de l'humain dans la ville, du cœur dans les quartiers, des lieux et des rencontres.



Dans ce style si fluide, comme la Vilaine qui coule au pied du Parc des Sports de la route de Lorient, devenu depuis le Roazhon Parc, Jacques Josse nous propose un ouvrage littéraire qui intéressera au-delà certainement du lectorat local. Dans la passion des mots et du sport, il y a du Blondin dans cet ouvrage, tout comme dans celui intitulé "Marco Pantani a débranché la prise" publié en 2015 à La Contre Allée.



Il y a beaucoup de livres sur le sport. Il y en a peu d'aussi littéraires.





Commenter  J’apprécie          10
Hameau mort

LE VILLAGE INTIME.



On entre toujours par la petite porte dans les textes rares de Jacques Josse. On y pénètre d'autant plus subrepticement qu'il faut montrer patte blanche éditoriale pour le découvrir, par hasard, par communauté d'êtres et de sensibilité, par amitié, enfin. Car loin de tout le foin médiatique et marchand qui s'est emparé, aussi, d'une part démesurée du monde des lettres - les belles comme les pires - Jacques Josse se préserve, années après année, d'une exposition qu'il semble se refuser, non par snobisme ou pas faiblesse, mais par fidélité à une certaine manière d'être au monde et aux autres : celle de la douceur profonde, de la beauté intrinsèque et cachée bien qu'en dehors de toute mode, de l'évitement des confusions ou de l'inutile bruit du monde. Inutile, donc, de le chercher chez les "grands" - ou supposés tels - éditeurs. Lui, c'est du côté d'Apogée, de La Digitale ou de Jacques Brémond qu'il faut aller le surprendre, l'entreprendre, le dé-couvrir. Ceux-là sont assez fous et raisonnables pour lui donner armes à s’ébattre (sans autres morts que ceux de l'amour, comme dans le présent texte).



Pour autant, Jacques Josse n'a de cesse de creuser son rugueux sillon - rugueux mais fraternel -, au fil de ses livres, au fil des pages, au fil des rencontres. Mais si les morts (re)surgissent plus vifs que les vivants, c'est pour mieux dire ce petit monde de presque rien où presque rien est tout, où l'on pourrait croire à la rémission du vide, où les défunts s'apprêtent à sourire tandis que les survivants n'ont de cesse de fumer leur existence, à moins qu'ils ne se contentent de l'avaler, bock après bock.



Que reste-t-il alors au poète ? «Il sourit. Imagine. Espère. Qui sait ?» énonce-t-il. Peut de choses. Tant de choses. Pour une question sans réponse : celle que l'on se pose sans doute tous, à l'heure des comptes. Pour autant, "il" trace sa route, le poète, de port en port, de village en hameau, de vagues en tombeau. Et si «la mer soupire à peine. [Qu']Elle ne froisse pas la nappe, c'est sans doute aussi elle, ce lien inexpugnable entre toutes ces misères célestes. À moins que ce ne soit l'alcool, les fumées bleues de cigarettes ou cette misère complice des «chairs blessées» qui font des hommes des épaves et des corps... Et si, comme le rappelle fort justement Jean-Pascal Bubost, «L’humilité est la force du poète Jacques Josse, son égard pour les déglingués, les abîmés, élabore, livre après livre, un memento mori d’une étrange douceur», il ne faut pas toutefois se résoudre tout à fait à l'oubli ni à la perte, à la déshérence ni à la facilité, ô non! car [il] Sait que désormais seul le chemin creux qui court en zigzag vers le bourg peut restituer la chute des corps frêles qui jadis calmaient leurs membres maladroits sur des lèvres d'eau, de mousse et de boue.» Et de nous accompagner en ce Hameau mort - au regard de qui ne sait -, bien plus animé (même une fin solitaire est agitation sourde) qu'il y paraît d'évidence. Et les évidences fades, Jacques Josse ne les apprécie guère, tandis qu'il fouille, livres après livres, pages après pages au plus près de nos angoisses intranquilles et communes. Sans bruit. Sans excès. Sans concession.
Commenter  J’apprécie          290
Journal d'absence

Bon, ce sera celui-ci. Mais sachez que l'on aurait pu présenter n'importe quel ouvrage de Jacques JOSSE, qu'on y taperait à peu près les mêmes mots, les mêmes superlatifs avec les mêmes émotions, tant JOSSE est chaque fois égal à lui-même, à chaque livre édité (et il en existe un sacré paquet !). Il ressasse les mêmes histoires, avec les mêmes démons, les mêmes rites, la même atmosphère. Rien que pour cela JOSSE est génial.



C'est toujours très court (là moins de 30 pages), tranchant, poétique, l'écriture est d'une extraordinaire beauté, d'une rare pureté, JOSSE se lit doucement, comme en retrait.



Ici une petite vieille a disparu, on la recherche, la rumeur fait grand bruit : partie pour une vie meilleure, morte (suicidée ? Accident ?), on tire des plans sur la comète. L'ambiance est à la fois banale et unique : Bretagne, crachin, brume, bruine ou brouillard, bars sans âge, piliers de comptoirs taiseux, clope au bec, ballon de pinard vissé sur le zinc. Les cimetières prennent de la place. Beaucoup. Puis les morts, hantant les vivants. Parmi les morts les suicidés trônent sur une place de choix. Ambiance unique car les mots de JOSSE se tissent magistralement entre eux.



C'est BRASSENS qui prend un verre ou deux de l'amitié avec Jacques CHESSEX dans un bar peuplé de marins qui fument comme des centrales et torchent comme des outres. Les mots sont justes, posés là car ils n'auraient pas pu être posés ailleurs. Ils sont un tout, une toile humide expliquée avec soin, poésie, sans détresse, sans sortir les violons.



Au milieu de ce tableau figé, une image moins obsolète : l'éternel punk breton avec sa bouteille d'alcool et son chien fidèle. Et puis brusque rappel : nous sommes en 2004, Madrid vient d'être touché par des attentats.



JOSSE c'est tout ça à la fois, l'intime, le climat des bistrots de quartiers d'après-guerres, le temps qui passe doucement mais sûrement, notamment sur la tronche du pinardier en chef, la tragédie entière dans son nez couperosé, c'est tout simplement magique, on ne lit pas JOSSE comme on lit n'importe quel autre auteur, on le savoure à la vitesse de l'escargot afin de bien peser chaque mot, de fermer les yeux et de se dessiner le décor dans la tête.



JOSSE n'est publié que par des petits éditeurs qui tous mettent un point d'honneur à sortir de beaux livres avec un papier de grande qualité et une vraie identité. C'est encore ici le cas avec les dessins abrupts en noir et blanc de Georges LE BAYON intercalés dans le récit que JOSSE semble avoir écrit pour exorciser la mort d'une proche. Son âme à elle est sans doute encore en train de lui murmurer à son oreille à lui que tout va bien et qu'elle reprendrait bien un peu de chouchen de derrière les fagots.



Récit écrit en 2004 mais sorti qu'en 2010 aux Éditions Apogée (de Rennes). Si vous avez un peu de temps, je vous conseille vivement d'aller faire un tour sur le blog de Jacques JOSSE, sa patte est unique pour chroniquer des bouquins, la plupart sortis chez des micro-éditeurs. Son tout nouveau livre, une biographie de son père intitulée « Débarqué », passera sous les feux de la critique dans les colonnes de DES LIVRES RANCES, alors guettez, et d'ici là prenez du bon temps avec Jacques JOSSE, c'est tout le mal que je vous souhaite.

https://deslivresrances.blogspot.fr/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          10
L'ultime parade de Bohumil Hrabal

Petit opuscule d'une soixantaine de pages, l'auteur choisit au travers de celui-ci une approche biographique pour déclarer sa flamme à l'auteur tchèque.

En décrivant l'amour de celui-ci pour son pays, pour Prague pour la culture, et son amour pour autrui Jacques Josse humanise un monstre littéraire, le plus illustre avec Kafka dans la ville aux mille clochers.

En nous narrant le quotidien, les habitudes les rituels et sa confrontation au Régime pour clore sur sa triste mort, Josse pleure un ami, pleure un génie, fête l'oeuvre passée à la postérité "Une trop bruyante solitude". C'est émouvant, c'est touchant, c'est joli.



Rien que pour ca cela mérite d'être lu.
Commenter  J’apprécie          30
L'ultime parade de Bohumil Hrabal

« L'écrivain doit être, en premier lieu, lecteur de lui-même. L'écrivain doit se distraire en écrivant. Par ses textes il doit découvrir des choses qu'il ignore et non pas exprimer son moi exorbité. » dit Bohumil Hrabal à propos de sa vocation sans pouvoir nier cependant que c'était quand même son "moi", cette foule immense de sensations, de désirs, de plaisirs et de déceptions, qui était la source principale de son œuvre !



Christian Salmon, l’auteur de ce petit livre consacré à la vie de Bohumil Hrabal, est un écrivain et chercheur français contemporain. Il a été l'assistant de Milan Kundera, et a fondé en 1993 le Parlement international des écrivains et le Réseau des villes refuges pour accueillir les écrivains persécutés dans leur pays.

En février 1989, il avait fait parler Bohumil Hrabal devant la caméra d'« Océaniques ».

Les questions de Christian Salmon ont amené Hrabal à replonger dans son passé, à répertorier les thèmes majeurs qui avaient inspiré sa création littéraire, à réfléchir sur la vocation d'écrivain, à évoquer les personnes et les écrivains qui avaient joué des rôles importants dans sa vie et aussi à rendre hommage à la littérature et aux arts français.



Christian Salmon a eu l'heureuse idée de publier ces entretiens dans un livre qu’il a fait paraître en 1991 sous le titre « A bâtons rompus avec Bohumil Hrabal », aux éditions Criterion. Grâce à ce livre, nous, lecteurs français, nous pouvons nous plonger dans le passé de l'écrivain et savourer la fraîcheur de la pensée de celui qui est sans doute l'un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle.



Dès le début de l’entretien, Hrabal se livre de façon intime en parlant de son enfance : « Je voudrais vous faire une confidence : je suis un enfant illégitime. Un beau dimanche matin, ma mère a annoncé à ses parents, avec beaucoup de ménagements, qu’elle était enceinte et que son ami ne voulait pas l’épouser. Mon irascible grand-père nous a traînés dans la cour, ma mère et moi ; il a sorti son fusil et a crié en morave : « Mets-toi à genoux, que je te tue ! » Heureusement, ma grand-mère, qui avait le sens de l’à-propos, est sortie à ce moment-là dans la cour et a dit : « Venez manger, la soupe va refroidir. »

Anecdote savoureuse à souhait ! Pour moi, ça, c’est tout Hrabal !



Il se souvient d'avoir été un enfant timide et peureux, qui avait toujours le sentiment de se sentir de trop. Cette timidité et cette marginalité l'ont conduit d'abord à la solitude, ce qui a probablement éveillé aussi son intérêt pour la littérature.



C'est dans la brasserie de la ville de Nymburk, où son père était comptable et où il a passé plus de vingt-cinq ans, que Hrabal dit avoir fait son apprentissage de la vie. Il était un auditeur passif mais très attentif des histoires qu'on racontait dans la brasserie et notamment de celles de son oncle Pépine qu'il allait immortaliser dans ses livres." Mon véritable père, c'est mon oncle Pépine », « Il était tout le temps à nous raconter ses histoires. Il était obsédé ; il les reprenait sans cesse, et sans cesse nous nous tordions de rire. (...) Ceux qui ont eu la chance de connaître ma muse, mon oncle Pépine, peuvent parler de sa puissance de conteur et de la magie poétique qui assaillait les cafés et leurs belles jeunes filles quand l'oncle Pépine était là, ou quand il parlait, comme ne le font que les poètes ou les prophètes dans les rues, avec ses concitoyens. (...) J'ai commencé à écrire parce que m'est revenu en torrent tout ce que j'avais entendu à la brasserie, les histoires de l'oncle Pépine, qui m'étaient entrées dans le sang."

Lisez «Les souffrances du vieux Werther », et vous comprendrez combien il était attaché à cet oncle !



En fait, la carrière d’écrivain de Bohumil Hrabal a commencé tard, alors qu’il avait plus de quarante ans ! A vingt ans, il ne lisait que des romans policiers et ne s'imaginait pas un seul instant qu'il pourrait devenir un jour écrivain. Il lui aura fallu exercer de nombreux métiers et accumuler de nombreuses expériences pour qu’il les exploite dans ses œuvres.

Il explique que c’est son expérience de travail aux aciéries de Kladno où il était plongé dans une réalité crue et brutale qui l’a fait devenir réellement romancier. Avant cela, il n’avait écrit que des poèmes, étant sous l’influence de Baudelaire, Rimbaud, et des surréalistes, Nezval, Biebl, Seifert, Breton, Eluard… Les aciéries auront inspiré à Hrabal le livre intitulé « Jarmilka » qui était pour lui sa tentative de se mesurer à « Nadja » d'André Breton. En écrivant « Jarmilka », il a inventé un nouveau style qu'il a catalogué comme étant du « réalisme total ».



On peut dire que tous ces entretiens sont marqués par l'admiration de Bohumil Hrabal pour la culture française. Il dit, par exemple, avoir particulièrement aimé Manet, « peintre qui n'avait besoin ni de symboles ni d'allégories pour peindre ce qu'il voyait. »

Il déclare que la petite héroïne de "Zazie dans le métro" de Queneau relève de sa poétique. "Zazie est une enfant terrible et elle évolue dans le même milieu que mes héros."

Il admire le talent de Louis Ferdinand Céline : "J'admire la spontanéité de ses récits, cette barbarie - Céline ne fait pas de distinction entre les choses qui se disent et celles qui ne se disent pas - et sa profonde expérience sociale auprès des gens du quart monde, me fascine." Et Hrabal va encore plus loin en constatant que c'étaient les artistes français qui guidaient ses pas dans le monde des arts.



Quatre textes inédits de Hrabal complètent ce petit livre : « Comment je suis devenu chef de station », « Jeu de la vérité », « Un jour », et « Noël à Nymburk ».



Un petit ouvrage par son nombre de pages, mais au contenu riche qui permet d’approfondir sa connaissance de la personnalité aux multiples facettes de Bohumil Hrabal.

Un ouvrage que je conseillerais donc davantage à ceux qui ont déjà lu quelques-uns de ses livres. 4/5

Commenter  J’apprécie          134
La dernière pirouette de Bohumil Hrabal

D'un fin connaisseur du romancier tchèque, une évocation qui, par la qualité d'écriture et le parti pris littéraire, dépasse l'évocation. Un livre d'écrivain, par un écrivain. Somptueux.
Commenter  J’apprécie          30
Le dragon rouge

Commenter  J’apprécie          00
Le manège des oubliés

Jacques Josse aime l'humanité. Tous ses ouvrages disent son empathie envers les faibles, les laissés pour compte, les invisibles. Son dernier ouvrage à paraître en octobre 2021 voit défiler un manège d'oubliés, qui passent les uns après les autres dans la lumière de ses pages.



Car c'est bien là la tâche que s'assigne Jacques Josse, la commémoration des petites gens, des gens de peu, des oubliés. Et par son écriture à l'encre mélancolique, son style si littéraire, faits de textes courts, cette célébration n'en est que plus émouvante. On y sent la douceur de l'auteur dans ses descriptions. On y aperçoit le travail d'écoute et d'observation d'avant l'écrire du poète. La matière-émotion y est pétrie avec le talent d'un artisan de la littérature, bien loin du marketing.



Ce recueil de courts récits s'ouvre sur un Tristan Corbière, vieillissant seul dans la mélancolie d'une vie à réparer. Un Corbière anonyme, oublié, maudit dira Verlaine. Mais le propos de Josse n'est pas de nommer ces personnages cabossés, mal lotis, mal considérés, mal aimés. Auteurs célèbres et petites gens anonymes sont ici réunis. Ils sont poivrots, barbus, rougeauds, écorchés, décharnés, fatigués, précaires, suicidaires, silencieux, traumatisés, handicapés, clochards. Ils souffrent, fatiguent, ressassent, boivent, rêvent, écrivent et rêvent encore. Ils nous font réfléchir, questionnent notre vision de l'autre, notre capacité à entrer en contact avec eux.



Ils ont le regard perdu, pourtant si vif que les passants détournent le leur. Ils sont des lambeaux de cette humanité que peu de personnes acceptent de regarder en face. Jacques Josse continue de vouloir leur rendre justice, en pointant un peu de lumière sur leur existence.



Il y en a tout de même quelques uns qui sont nommés. François Labia, dejà commémoré par Jacques Josse dans un précédant ouvrage intitulé Comptoir des ombres, jeune terre-neuva-martyr, qui aura eu toute sa vie brisée par la méchanceté humaine. Auguste Boncors, poéte fantasque originaire de Rostrenen. Et puis Danielle Collobert, la merveilleuse étoile filante de la poésie contemporaine.



N'hésitez pas à ouvrir ce livre pour respirer un souffle d'humanisme qui ne passe pas souvent à la télévision mais qui illumine cet ouvrage. Et si ce souffle était là plus grande richesse à protéger?

Commenter  J’apprécie          40
Le manège des oubliés

Ce manège-là comporte vingt-sept éléments, vingt-sept scénettes, calibrées, sur mesure, cousues main, de deux pages en général, parfois trois, jamais quatre. Les acteurs en sont les invisibles de l’histoire, les anonymes, principalement ceux qui composent la ruralité bretonne, en bord de mer ou dans les terres.



Jacques JOSSE perpétue son œuvre, dans son univers singulier fait de gueules de travers, alcoolos ou élevées au bon tabac, ces gueules sur lesquelles des malheurs sont tombés, parfois en averse, des anecdotes que tout le village raconte des décennies plus tard tellement elles ont marqué le décor brumeux.



Ces tronches de biais sont surtout celles d’hommes. Quelques femmes viennent toutefois se glisser dans les lignes. Mais ce qui est frappant, c’est que ce « elle » est plus souvent réservé à dame la mort qu’à de vraies femmes. Car la mort, hantant l’œuvre de Jacques JOSSE, est encore ici aux aguets, prête à brandir sa faux à tout instant. On arpente les cimetières, les bistrots, les quais à St Brieuc comme ailleurs. On se balade autant dans la campagne que dans le temps.



Et puis au hasard d’une page surgit une célébrité, poète ou musicien, son souvenir en guise d’hommage marqué : « Avant-hier, c’est l’annonce de la mort de Jim Harrison qui l’a déstabilisé. Il pouvait être cinq heures du matin. Le journaliste disait qu’une crise cardiaque l’avait fauché, le stylo à la main, alors qu’il était en train d’écrire un poème. Il a instantanément coupé le son de la radio ».



Recueil de poèmes libres en prose jubilatoire, jouant avec la mort via des faits divers tragiques mais toujours racontés avec cette verve particulière et enivrante, les suicidés, les accidentés et leurs séquelles, les trépassés, les enterrés, tout ce joyeux monde s’est donné rendez-vous sur « Le manège des oubliés », écrivant la petite histoire, celle qui marque au fer rouge les hameaux, villages et petites villes. De l’éclopé malpropre au boiteux ivrogne, un défilé improbable passe sous nos fenêtres. Notons les titres de chaque histoire, imagés et magnifiques, comme ce « L’écopeur de mémoire » ou encore « Des voyageurs immobiles ».



Un défilé d’autant plus improbable que certains des protagonistes ont placé la barre très haut, tel cet Auguste BONCORS, bouillonnant poète disparu. « C’est en vélomoteur qu’il sillonnait les environs. On l’entendait venir de loin. Les pétarades dues à l’absence de pot d’échappement de sa machine déchiraient le silence. Il lui arrivait de passer en hurlant dans un mégaphone. Ou de circuler sans le moindre vêtement, seulement muni de ses bottes et de sa couronne impériale. Quand il allait se baigner dans le canal de Nantes à Brest, il préférait prendre son vélo et plonger avec à l’endroit où l’eau était réputée profonde ».



C’est tout ceci Jacques JOSSE, des instants tirés du quotidien, loufoques ou dramatiques, ceux des oubliés des encyclopédies, ceux qui sont restés à quai, et qui dans ces récits revivent le temps de quelques pages, pour un bonheur total.



Livre paru récemment chez Quidam, il est un des maillons de l’oeuvre de JOSSE, compacte, ramassée et homogène. La couverture est d’une splendeur absolue et sent les embruns et les marées, comme pour nous plonger immédiatement dans un contenu qui sera somptueux.



https://deslivresrances.blogspot.fr/


Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          20
Le manège des oubliés



"Une lecture prodigieuse qui ne peut que vous prendre dans ses filets et que nous vous recommandons bien chaleureusement. "



Lisez l'intégralité de notre chronique sur notre site web, Pro/p(r)ose Magazine c'est votre rendez-vous bimestriel avec la littérature et la culture...

https://proprosemagazine.wordpress.com/2022/01/30/le-manege-des-oublies-jacques-josse/
Lien : https://proprosemagazine.wor..
Commenter  J’apprécie          00




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jacques Josse (64)Voir plus

Quiz Voir plus

Vingt mille lieues sous les mers

Qui est le narrateur?

Le capitaine Farragut
Ned Land
Le capitaine Nemo
Conseil
Pierre Aronnax

14 questions
651 lecteurs ont répondu
Thème : Vingt mille lieues sous les mers de Jules VerneCréer un quiz sur cet auteur

{* *}