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Critiques de Jacques Josse (45)
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Trop épris de solitude

Jacques Josse poursuit le tissage de son œuvre. Après plus de 40 ans de publications et 40 livres, il a toujours bon pied bon œil et ce nouveau recueil en est une preuve. Jacques Josse possède son monde propre, son atmosphère unique, il est reconnaissable entre tous. « Trop épris de solitude » est une nouvelle pierre à l’édifice.



Dès l’entame, on imagine le voyage houleux : « Je suis de retour, dit-il à l’homme qui l’invite à prendre place sur le divan. Je rentre après deux siècles d’errance ». Puis l’auteur déroule sa prose, sa poésie, avec ses mots, ses familiarités, ses habitudes, ses obsessions. Hommages aux trépassés, à ceux péris en mer, brefs retours sur des faits divers ruraux, d’un autre temps, d’un autre siècle. Des petits drames, des instants où la vie bascule à tout jamais, ce dont se souviennent les autochtones, par transmission de génération en génération, de petites histoires qui s’offrent comme des contes, des légendes.



Des personnages de l’œuvre resurgissent subrepticement, tel ce veilleur de brume. Et ces instantanés du quotidien, que l’on a peut-être vécus ailleurs, mais en d’autres termes, sans doute sous d’autres cieux.



« Ceux qui sont dans mes livres



font un bout de route en sa compagnie »



tout comme ceux qui les lisent. Car l’œuvre de Jacques Josse est abondante sur ses galeries de portraits, criantes de vérité. Des sans voix, sans grade, ces anonymes qui peuplent l’univers de Josse. Ceux de la Bretagne profonde, loin des villes, du tumulte, presque loin du présent, déjà dépassés par leur passé, ils sont pourtant une page du folklore local. Folklore que Josse s’emploie à ranimer par sa plume ardente, tendre et délicate, mais qui sait crocheter en cas de coup dur.



Josse n’oublie jamais « ses » revenants, les marins morts noyés qui réapparaissent dans le fond des mers. Visions, hallucinations. Et renaissance éclair d’un monde lui aussi englouti à tout jamais : « La zone où il pointait chaque jour avec dix mille autres a été rasée. Seule son histoire demeure, tapie au creux des friches. La sueur de ceux qui y ont travaillé est entrée dans la terre. Elle a coulé sous les gravats, le béton fissuré, la ferraille rouillée. Elle s’est mêlée à la sève et suinte souvent sous forme de rosée ou de brume ». Résurgence des grèves d’antan, des luttes sociales.



« Trop épris de solitude » est peut-être le recueil le plus désenchanté, en tout cas l’un des plus exposés à la mélancolie, à la faillite de notre histoire. Les éditions Le Réalgar, coupable de ce très joli livre dans leur splendide collection l’orpiment, ont eu la très bonne idée d’intégrer en bonus les quelques pages du somptueux recueil « Au célibataire, retour des champs », originellement publié en 2015 aux éditions Le Phare du Cousseix, brefs textes écrits entre fin 2013 et début 2014. Ils permettent de prolonger le plaisir.



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Postier posté

Grande plume de la poésie française, Jacques JOSSE a opté, pour ce bref texte, pour l’abandon de ce format, privilégiant un récit plus « classique ». Au fil de son œuvre, l’auteur se dévoile peu, n’apparaît pas souvent directement, il dépeint plutôt ses aïeuls lorsqu’il décide de nous entretenir de sa famille. Pour le reste, il se focalise sur les petites gens, les sans voix, les anonymes qu’il croise sur son chemin. Ici, exceptionnellement il choisit un format en partie autobiographique. En partie seulement, car même lorsque Jacques JOSSE tente de parler de lui, sa pensée fuit immédiatement sur les à-côtés.



Ce texte n’est pas précisément une nouveauté, il devait originellement paraître dans la revue « Travers », mais cette dernière périclita et le texte resta inédit. Si JOSSE retourne le projecteur sur lui, c’est pour évoquer une partie précise de sa vie : son travail au sein du tri postal de Trappes dans les Yvelines.



L’espace-temps est délaissé, Jacques JOSSE intègre la banlieue parisienne, venant de sa Bretagne, et s’établit au septième étage d’une tour. Il trie environ deux mille lettres par heure et, pour tenir, il lui faut quelques rasades de la poésie de Franck VENAILLE notamment. Car le quotidien n’est guère brillant : gestes répétitifs devenant douloureux, abrutissants, alors que se dressent de nouvelles constructions dans une ville neuve de banlieue.



Jacques JOSSE est un poète avant tout. Alors il scrute autour de lui, il observe et traduit en de courtes séquences du quotidien. Dans ce texte, tout est mouvement, tout est bruit, le repos est difficile. Viennent les nouvelles technologies avec ces nouvelles machines, monstres de rapidité destinés à remplacer l’homme. Un monde s’évapore, laissant place à l’avenir.



Car il est bien question de basculement irrémédiable dans ce texte sensible, la modernité vient s’imposer, laissant le travail à la chaîne derrière elle, du moins le transformant. JOSSE prend du recul, écume les bars, écoute, regarde. Et bien plus tard, se repenche : « Ce qui reste, des décennies plus tard, de ces années vécues à cent à l’heure, avec accrochée au corps une fatigue qui pèse peu comparée à celle, vicieuse, qu’on ne voyait pas venir mais qui usait en secret, à petit feu, en partie à cause des horaires décalés, la mécanique des nerfs, ce sont les luttes incessantes, les braseros devant la grille d’entrée, les piquets de grève salvateurs, les coups de gueule, les coups de poing ».



Homme de poésie, JOSSE se remémore des vers, des extraits de poèmes traitant du monde des postiers, leur rend hommage, les cite, les partage. « Postier posté » est un petit texte intimiste, le témoignage d’une époque révolue. Il est accompagné par les pastels à l’huile de Georges LE BAYOU et a été publié en 2023 aux éditions bretonnes La Folle Avoine. En « bonus », une enveloppe arrimée à la couverture et renfermant une lettre de Jules MOUGIN, datée de l’année 2000 et destinée à l’auteur.



Mon petit doigt me dit qu’un prochain livre de cet auteur est prévu imminemment dans la collection L’orpiment des éditions le Réalgar…



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Trop épris de solitude

Jacques Josse, tel un arpenteur des solitudes, portraitiste des invisibles, nous propose dans son dernier ouvrage publié aux éditions Le Realgar, une galerie de portraits à peine ébauchés et si justes à la fois, d'inconnus invisibles et d'écrivains, tous lézardés de multiples fêlures. Des corps tordus, maltraités, des pauvres carcasses aux souvenirs écorchés, à l'avenir ébréché et au ciel toujours trop bas. Célibataires endurcis, lit froid, vie rêche,



Des solitudes à parler avec son chien, à enlacer le tronc des pommiers, à attendre des réponses de quelques fantômes, à interroger les étoiles et insulter des tombes, à appeler le répondeur d'une amie décédée, à "longer une route aux fossés emplis des larmes des hommes".



Quelques portraits de présences fragiles dans des lieux improbables, les bars déserts, les zones, ZI ZUP, les parkings, les non-lieux plus ou moins désaffectés, les campagnes reculées, les bois sombres.



Tous ces humains si mal en point, en déséquilibre de mélancolie dans notre pays à peine en meilleure santé mentale, si invisibles que seuls les poètes comme Jacques Josse et les associations humanitaires continuent de voir. Quand le poétique rejoint le politique.







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Postier posté

Ce "postier posté" est le journal d'un jeune Breton monté à Paris pour travailler aux PTT pour trier les gros sacs de courriers, cartes postales, cartes de voeux, faire-parts, factures, journaux et revues, livres que la France d'avant les courriels se plaisait à envoyer et à recevoir. Ces petites mains occupées à dispatcher le tout par code postal dans des casiers, Jacques Josse en a fait partie, au tournant de la modernisation, prélude aux hangars des multinationales de la logistique rognant sans vergogne sur le droit du travail. Le mal était déjà en germe quand la machine a remplacé les hommes.



Mais au-delà de ce poste de postier, c'est comme une porte que Jacques Josse entrouvrait à cette époque. A dévorer les poèmes de Franck Venaille et Jacques Reda, ces deux poètes des lieux, il approfondit son regard et ouvre la porte qui libérait le poète qui était en lui.



Cet ouvrage est un vrai livre d'artistes au pluriel, avec les pastels de Georges Le Bayon, l'astuce de l'éditeur Yves Prié qui a inséré un courrier de Jules Mougin, l'autre "facteur-poète", dans cet ouvrage et le travail impeccable de l'imprimeur.



Tel un Proust prolétaire, Jacques Josse aime à détailler en de longues phrases, sans aucune lourdeur, les descriptions de lieux, de personnages. Il y ajoute des références littéraires non pas pour étaler ses connaissances (ce n'est pas du tout le style de l'homme) mais pour préciser ses émotions et ses souvenirs. Comme par exemple quand il lit Franck Venaille : "Ses poèmes parviennent à ouvrir les rideaux métalliques de la grande nuit postale et permettent à un vent rehaussé par la rage, la force, l'écume dentelée, les cris rauques, le vacarme, le haut voltage, le flux soutenu des vagues à l'œuvre dans les creux rincés et râpeux de la mer du Nord de s'engouffrer dans les goulottes pour venir me balancer quelques baffes salées en pleine figure. Cela me revigore, donne du punch, du sens, du nerf aux heures monotones de l'avant-jour."



Jacques Josse, un homme de l'être.









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Marco Pantani a débranché la prise

Après s’être retourné sur son passé avec Liscorno et les balades littéraires à Rennes et Nantes, Jacques Josse, écrivain rennais, nous propose dans son nouvel ouvrage de découvrir Marco Pantani, cycliste à la carrière interrompue prématurément par les affaires de dopage et à la vie courte également qu’il a choisi d’interrompre le 14 février 2004 à l’âge de 34 ans.



Dans un style simple et dépouillé, et dans toute l’humanité qui est la sienne, Jacques Josse renoue avec une littérature sportive qui s’est difficilement remise de la disparition d’Antoine Blondin. Bien sûr il y a eu le Jacques Anquetil de Paul Fournel et le Luis Ocana de Hervé Bougel, le Zatopek de Jean Echenoz, mais Jacques Josse dresse un portrait attachant d’une étoile filante sportive, illuminant de courage, ayant dû subir de nombreuses épreuves douloureuses, et toujours remontant sur la selle en serrant les dents. Sauf ce jour de Saint Valentin 2004 où, acteur de sa propre sortie de route dans la descente aux enfers, il abandonne sa vie devenue trop lourde dans une chambre d’hôtel de Rimini.



On découvre ici un personnage secret, mais certain de son talent et de sa résistance au mal, victime des années noires du cyclisme devenu un spectacle demandant toujours plus aux coureurs. Pantani, héros de tragédie, nous donne une leçon de courage et d’abnégation. Jacques Josse sait se placer à hauteur d’homme dans ses courtes proses où la montagne est toujours en filigrane (les Alpes italiennes en particulier, dans un Giro souvent injustement oublié des retransmissions françaises sur les télés publiques).



Ce livre n’est ni une biographie ni un reportage, ce livre est un livre pour les amoureux du cyclisme assurément, mais surtout un exercice de style littéraire auquel se prête Jacques Josse avec le talent des mots sobres et pudiques qui touchent au cœur même les non-initiés. Prix Loin du marketing 2014, c’est avec modestie que Jacques Josse aborde le côté sombre de la personnalité d’une figure importante du cyclisme de la fin du XXe siècle. Et si le destin de ce coureur italien est tragique, Jacques Josse, en sa qualité de poète, parvient à y trouver de la lumière et de la noblesse.



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Débarqué

JACQUES JOSSE OU LE STYLE DES BELLES PERSONNES



Après un portrait attachant de Marco Pantani en 2015 Jacques Josse, écrivain discret, prix Loin du marketing en 2014, revient sur l’histoire de son père dans Débarqué, malheureusement touché trop jeune par la maladie et écarté d’une carrière de marin. Breton resté à quai, cloué au port, débarqué. Les psychanalystes nous invitent à “tuer le père”, ici l’auteur choisit une autre voie, celle de lui rendre hommage.



Dans Liscorno, publié en 2014 aux éditions Apogée, Jacques Josse nous faisait découvrir les lectures de sa jeunesse et les auteurs qui l’ont marqué. Dans Débarqué, il s’enfonce plus profond encore dans ses racines littéraires quand cette passion de la lecture de récits de voyages lui vient de son père. Quelle belle transmission que cet appétit de récits d’aventure, et après cette transmission, il faudrait “tuer le père” ? Ce n’est pas possible.



Nous faisons dans Débarqué connaissance avec un grand-père capitaine au long cours, un père qui ne le sera pas pour raison de santé et qui ne cessera de voyager avec les livres (Pierre Loti, John Steinbeck, Joséphine Johnson, etc.) et en écoutant les récits rapportés au bar par les marins. Quand les rêves se passent ainsi de générations en générations...



Cette vie était dure, n’en déplaise aux nostalgiques. S’il ne se suicidaient pas violemment, nombreux le faisaient à petite dose, ou plutôt à petites verrées de vin, de cidre ou d’eau de vie, la mal nommée. Des ambitions contrecarrées, des angoisses gardées pour soi, des histoires de mauvaises amours, des blessures de guerre, du manque d’argent, des maladies qui ne se soignaient pas à l’époque, des métiers qui éloignaient les pères de leur famille, la mort toujours proche, cette vie simple n’a pas les honneurs des livres scolaires. C’est aux écrivains qu’il revient d’en assurer la transmission.



Écrire les liens qui unissent un homme à ses origines, un homme à sa terre, exige un style d’écriture à la hauteur de l’enjeu. Et Jacques Josse sait, de chapitres en chapitres comme autant de nouvelles, en phrases parfois longues et parfois courtes, nous entraîner dans une narration sensible et pleine de tendresse et d’humanité, le style des belles personnes.



Jacques Josse sait bien conter, au-delà de ses origines, le destin des petites gens. Il y avait de la noblesse dans ses vies populaires. Et on se laisse aisément embarquer dans cette histoire du quotidien de Bretons dans la deuxième moitié du 20e siècle.





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L'ultime parade de Bohumil Hrabal

« L'écrivain doit être, en premier lieu, lecteur de lui-même. L'écrivain doit se distraire en écrivant. Par ses textes il doit découvrir des choses qu'il ignore et non pas exprimer son moi exorbité. » dit Bohumil Hrabal à propos de sa vocation sans pouvoir nier cependant que c'était quand même son "moi", cette foule immense de sensations, de désirs, de plaisirs et de déceptions, qui était la source principale de son œuvre !



Christian Salmon, l’auteur de ce petit livre consacré à la vie de Bohumil Hrabal, est un écrivain et chercheur français contemporain. Il a été l'assistant de Milan Kundera, et a fondé en 1993 le Parlement international des écrivains et le Réseau des villes refuges pour accueillir les écrivains persécutés dans leur pays.

En février 1989, il avait fait parler Bohumil Hrabal devant la caméra d'« Océaniques ».

Les questions de Christian Salmon ont amené Hrabal à replonger dans son passé, à répertorier les thèmes majeurs qui avaient inspiré sa création littéraire, à réfléchir sur la vocation d'écrivain, à évoquer les personnes et les écrivains qui avaient joué des rôles importants dans sa vie et aussi à rendre hommage à la littérature et aux arts français.



Christian Salmon a eu l'heureuse idée de publier ces entretiens dans un livre qu’il a fait paraître en 1991 sous le titre « A bâtons rompus avec Bohumil Hrabal », aux éditions Criterion. Grâce à ce livre, nous, lecteurs français, nous pouvons nous plonger dans le passé de l'écrivain et savourer la fraîcheur de la pensée de celui qui est sans doute l'un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle.



Dès le début de l’entretien, Hrabal se livre de façon intime en parlant de son enfance : « Je voudrais vous faire une confidence : je suis un enfant illégitime. Un beau dimanche matin, ma mère a annoncé à ses parents, avec beaucoup de ménagements, qu’elle était enceinte et que son ami ne voulait pas l’épouser. Mon irascible grand-père nous a traînés dans la cour, ma mère et moi ; il a sorti son fusil et a crié en morave : « Mets-toi à genoux, que je te tue ! » Heureusement, ma grand-mère, qui avait le sens de l’à-propos, est sortie à ce moment-là dans la cour et a dit : « Venez manger, la soupe va refroidir. »

Anecdote savoureuse à souhait ! Pour moi, ça, c’est tout Hrabal !



Il se souvient d'avoir été un enfant timide et peureux, qui avait toujours le sentiment de se sentir de trop. Cette timidité et cette marginalité l'ont conduit d'abord à la solitude, ce qui a probablement éveillé aussi son intérêt pour la littérature.



C'est dans la brasserie de la ville de Nymburk, où son père était comptable et où il a passé plus de vingt-cinq ans, que Hrabal dit avoir fait son apprentissage de la vie. Il était un auditeur passif mais très attentif des histoires qu'on racontait dans la brasserie et notamment de celles de son oncle Pépine qu'il allait immortaliser dans ses livres." Mon véritable père, c'est mon oncle Pépine », « Il était tout le temps à nous raconter ses histoires. Il était obsédé ; il les reprenait sans cesse, et sans cesse nous nous tordions de rire. (...) Ceux qui ont eu la chance de connaître ma muse, mon oncle Pépine, peuvent parler de sa puissance de conteur et de la magie poétique qui assaillait les cafés et leurs belles jeunes filles quand l'oncle Pépine était là, ou quand il parlait, comme ne le font que les poètes ou les prophètes dans les rues, avec ses concitoyens. (...) J'ai commencé à écrire parce que m'est revenu en torrent tout ce que j'avais entendu à la brasserie, les histoires de l'oncle Pépine, qui m'étaient entrées dans le sang."

Lisez «Les souffrances du vieux Werther », et vous comprendrez combien il était attaché à cet oncle !



En fait, la carrière d’écrivain de Bohumil Hrabal a commencé tard, alors qu’il avait plus de quarante ans ! A vingt ans, il ne lisait que des romans policiers et ne s'imaginait pas un seul instant qu'il pourrait devenir un jour écrivain. Il lui aura fallu exercer de nombreux métiers et accumuler de nombreuses expériences pour qu’il les exploite dans ses œuvres.

Il explique que c’est son expérience de travail aux aciéries de Kladno où il était plongé dans une réalité crue et brutale qui l’a fait devenir réellement romancier. Avant cela, il n’avait écrit que des poèmes, étant sous l’influence de Baudelaire, Rimbaud, et des surréalistes, Nezval, Biebl, Seifert, Breton, Eluard… Les aciéries auront inspiré à Hrabal le livre intitulé « Jarmilka » qui était pour lui sa tentative de se mesurer à « Nadja » d'André Breton. En écrivant « Jarmilka », il a inventé un nouveau style qu'il a catalogué comme étant du « réalisme total ».



On peut dire que tous ces entretiens sont marqués par l'admiration de Bohumil Hrabal pour la culture française. Il dit, par exemple, avoir particulièrement aimé Manet, « peintre qui n'avait besoin ni de symboles ni d'allégories pour peindre ce qu'il voyait. »

Il déclare que la petite héroïne de "Zazie dans le métro" de Queneau relève de sa poétique. "Zazie est une enfant terrible et elle évolue dans le même milieu que mes héros."

Il admire le talent de Louis Ferdinand Céline : "J'admire la spontanéité de ses récits, cette barbarie - Céline ne fait pas de distinction entre les choses qui se disent et celles qui ne se disent pas - et sa profonde expérience sociale auprès des gens du quart monde, me fascine." Et Hrabal va encore plus loin en constatant que c'étaient les artistes français qui guidaient ses pas dans le monde des arts.



Quatre textes inédits de Hrabal complètent ce petit livre : « Comment je suis devenu chef de station », « Jeu de la vérité », « Un jour », et « Noël à Nymburk ».



Un petit ouvrage par son nombre de pages, mais au contenu riche qui permet d’approfondir sa connaissance de la personnalité aux multiples facettes de Bohumil Hrabal.

Un ouvrage que je conseillerais donc davantage à ceux qui ont déjà lu quelques-uns de ses livres. 4/5

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Liscorno

Marie-Hélène Prouteau. "On retrouve ici ce qui était déjà présent dans "Retour à Nantes", ce pouvoir surréaliste de faire surgir presque naturellement des personnages au détour d’un paragraphe. Ces pages sont habitées, au sens propre du terme, autant par des personnes réelles — voir l’homme resté mutilé de la guerre de 1914-18, le fossoyeur du bourg ou bien le père dont il fait un portrait touchant — que par des fantômes. C’est ainsi que Paul Celan vient une nuit dans la mansarde, porteur des premiers poèmes qui donneront Fugue de mort. Merci à Jacques Josse pour cette magnifique apparition du poète franco-roumain".

Tout se passe comme si ce territoire d’enfance faisait fonction de « forme » au sens ouvrier ou artisanal du terme. Le lieu réel," Liscorno", où s’engrangent ces lectures, s’absente par moments, pour laisser place à un lieu imaginaire où prend forme la vocation de l’écrivain, ouverte sur les possibles de la vie.

De cette boulimie brouillonne et pressée de lectures ressort une étonnante impression d’énergie, celle d’une sensibilité qui suit en toute liberté sa pente singulière naissante. Celle d’un être jeune prêt à capter toutes ces ondes de solidarité fraternelle avec ces « existences en lambeaux » entrevues au café du hameau.




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Le manège des oubliés

27 petites nouvelles de 2-3 pages d'invisibles de blessés souvent dans des bars dans des ports. Une humanité oh combien touchante racontée avec énormément de délicatesse sans pathos, on en sort paradoxalement réconfortés avec foi dans l'humain. Un auteur peu lu à découvrir.
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Des escapades rouge et noir

Jacques Josse, un écrivain en rouge et noir



Aux éditions Mediapop, le club des écrivains dirigé par Christophe Fourvel est une collection d'ouvrages d'amoureux du football et plus particulièrement attachés à un club français. Sur les traces de son ami Lionel Bourg qui explore "le vert paradis" du stade Geoffroy-Guichard, Jacques Josse nous propose "Des escapades rouge et noir" évoquant son attachement au stade rennais, à ses joueurs mythiques, à ses supporters du Roazhon Celtic Kop,  et ceux qui préfèrent regarder les rencontres dans les bars de la ville.



Sans jamais prendre place dans les tribunes par crainte de la foule, Jacques Josse écoute, entend, ressent, et note ses émotions, ses rencontres. Dans ses réflexions déambulatoires autour du vieux club breton, il associe avec tendresse et reconnaissance les souvenirs de son père écoutant les retransmissions à la radio. Mais le football c'est aussi une ville, et c'est surtout de l'humain dans la ville, du cœur dans les quartiers, des lieux et des rencontres.



Dans ce style si fluide, comme la Vilaine qui coule au pied du Parc des Sports de la route de Lorient, devenu depuis le Roazhon Parc, Jacques Josse nous propose un ouvrage littéraire qui intéressera au-delà certainement du lectorat local. Dans la passion des mots et du sport, il y a du Blondin dans cet ouvrage, tout comme dans celui intitulé "Marco Pantani a débranché la prise" publié en 2015 à La Contre Allée.



Il y a beaucoup de livres sur le sport. Il y en a peu d'aussi littéraires.





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Le manège des oubliés



"Une lecture prodigieuse qui ne peut que vous prendre dans ses filets et que nous vous recommandons bien chaleureusement. "



Lisez l'intégralité de notre chronique sur notre site web, Pro/p(r)ose Magazine c'est votre rendez-vous bimestriel avec la littérature et la culture...

https://proprosemagazine.wordpress.com/2022/01/30/le-manege-des-oublies-jacques-josse/
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Le manège des oubliés

Vingt-sept nouvelles pour dire en beauté, en poésie et en mélancolie étrangement zen les fins de parcours de vies éternellement cabossées, mais pas pour autant négligeables.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/15/note-de-lecture-le-manege-des-oublies-jacques-josse/



Vingt-sept nouvelles de Jacques Josse, publiées chez Quidam en octobre 2021. Vingt-sept fragments de vies éventuellement minuscules, cabossées assurément, et bien malchanceuses pour nombre d’entre elles, au sens de B.S. Johnson.



On adore chez le Briochin depuis longtemps devenu Rennais cette faculté rare à transformer la miette songeuse, que d’aucuns jugeraient souvent sombre voire cruelle, en étincelle poétique inattendue, comme au détour d’un chemin creux ou d’un quai peu fréquenté.



Son court roman « Cloués au port » (2011), par exemple, comme, d’une manière plus intime encore, son « Débarqué » (2018), déployaient au plus près une nostalgie à la fois zen et fiévreuse, dont la mer, réelle, analogique ou métaphorique, constituait le carburant premier. En résonance permanente avec Joseph Conrad et Nikos Kavvadias, avec Francisco Coloane et avec John Steinbeck, avec Pierre Mac Orlan et avec Stéphane Le Carre (celui de « Cavale blanche » comme celui de « À pleines dents la poussière »), avec Carlos Liscano et avec Gilles Marchand, ou encore avec Sébastien Ménard et avec Carl Watson, les nouvelles du « Manège des oubliés », sous leurs faux airs de contes d’hiver et de ritournelles terminales, composent un subtil hommage à des vivants et à des morts, à des connus et à des inconnus, à des humains réels et à des humains fictifs, qui tous partagent, sous les formes les plus variées, une souveraine fragilité.



Un peu comme si Jacques Brel et Arno Hintjens, qui hantent tous deux ces pages de plus d’une manière, avaient fui les néons de la ville flamande pour arpenter et chanter une certaine rocaille bretonne (mais pas uniquement), « Le manège des oubliés » nous entraîne aussi plus qu’incidemment dans certains épisodes historiques inattendus et révélateurs, tels le souvenir d’un ouvrier révolté de la pêche hauturière en 1903 (« Tombe de François Labia »), celui du poète et druide Auguste Boncors (« Boncors est mort »), ou encore celui de la poétesse Danielle Collobert (« Au Old Navy »). Concluant son recueil avec l’emblématique « En mauvaise posture », Jacques Josse nous offre ici vingt-sept incursions décisives, cruelles et tendres, feutrées ou tonitruantes, dans un ailleurs quotidien où l’ironie du sort et la vision crépusculaire s’allient en permanence à un sens toujours paradoxal de la beauté si peu ordinaire.
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Le manège des oubliés

Ce manège-là comporte vingt-sept éléments, vingt-sept scénettes, calibrées, sur mesure, cousues main, de deux pages en général, parfois trois, jamais quatre. Les acteurs en sont les invisibles de l’histoire, les anonymes, principalement ceux qui composent la ruralité bretonne, en bord de mer ou dans les terres.



Jacques JOSSE perpétue son œuvre, dans son univers singulier fait de gueules de travers, alcoolos ou élevées au bon tabac, ces gueules sur lesquelles des malheurs sont tombés, parfois en averse, des anecdotes que tout le village raconte des décennies plus tard tellement elles ont marqué le décor brumeux.



Ces tronches de biais sont surtout celles d’hommes. Quelques femmes viennent toutefois se glisser dans les lignes. Mais ce qui est frappant, c’est que ce « elle » est plus souvent réservé à dame la mort qu’à de vraies femmes. Car la mort, hantant l’œuvre de Jacques JOSSE, est encore ici aux aguets, prête à brandir sa faux à tout instant. On arpente les cimetières, les bistrots, les quais à St Brieuc comme ailleurs. On se balade autant dans la campagne que dans le temps.



Et puis au hasard d’une page surgit une célébrité, poète ou musicien, son souvenir en guise d’hommage marqué : « Avant-hier, c’est l’annonce de la mort de Jim Harrison qui l’a déstabilisé. Il pouvait être cinq heures du matin. Le journaliste disait qu’une crise cardiaque l’avait fauché, le stylo à la main, alors qu’il était en train d’écrire un poème. Il a instantanément coupé le son de la radio ».



Recueil de poèmes libres en prose jubilatoire, jouant avec la mort via des faits divers tragiques mais toujours racontés avec cette verve particulière et enivrante, les suicidés, les accidentés et leurs séquelles, les trépassés, les enterrés, tout ce joyeux monde s’est donné rendez-vous sur « Le manège des oubliés », écrivant la petite histoire, celle qui marque au fer rouge les hameaux, villages et petites villes. De l’éclopé malpropre au boiteux ivrogne, un défilé improbable passe sous nos fenêtres. Notons les titres de chaque histoire, imagés et magnifiques, comme ce « L’écopeur de mémoire » ou encore « Des voyageurs immobiles ».



Un défilé d’autant plus improbable que certains des protagonistes ont placé la barre très haut, tel cet Auguste BONCORS, bouillonnant poète disparu. « C’est en vélomoteur qu’il sillonnait les environs. On l’entendait venir de loin. Les pétarades dues à l’absence de pot d’échappement de sa machine déchiraient le silence. Il lui arrivait de passer en hurlant dans un mégaphone. Ou de circuler sans le moindre vêtement, seulement muni de ses bottes et de sa couronne impériale. Quand il allait se baigner dans le canal de Nantes à Brest, il préférait prendre son vélo et plonger avec à l’endroit où l’eau était réputée profonde ».



C’est tout ceci Jacques JOSSE, des instants tirés du quotidien, loufoques ou dramatiques, ceux des oubliés des encyclopédies, ceux qui sont restés à quai, et qui dans ces récits revivent le temps de quelques pages, pour un bonheur total.



Livre paru récemment chez Quidam, il est un des maillons de l’oeuvre de JOSSE, compacte, ramassée et homogène. La couverture est d’une splendeur absolue et sent les embruns et les marées, comme pour nous plonger immédiatement dans un contenu qui sera somptueux.



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Le manège des oubliés

Des vies saisies au seuil de la disparition, dans leur défi et banalité, dans la beauté d'un oubli un instant repoussé. 27 courts récits, autant d'existences, de ressemblance d'apparence pour mieux souligner la profonde dissemblance de nos vies derrière leurs communes souffrances. Avec Le manège des oubliés, Jacques Josse recueille humble, avec la délicatesse de l'empathie, la vie. Et la mer, le bistro, jamais loin.
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Le manège des oubliés

Jacques Josse aime l'humanité. Tous ses ouvrages disent son empathie envers les faibles, les laissés pour compte, les invisibles. Son dernier ouvrage à paraître en octobre 2021 voit défiler un manège d'oubliés, qui passent les uns après les autres dans la lumière de ses pages.



Car c'est bien là la tâche que s'assigne Jacques Josse, la commémoration des petites gens, des gens de peu, des oubliés. Et par son écriture à l'encre mélancolique, son style si littéraire, faits de textes courts, cette célébration n'en est que plus émouvante. On y sent la douceur de l'auteur dans ses descriptions. On y aperçoit le travail d'écoute et d'observation d'avant l'écrire du poète. La matière-émotion y est pétrie avec le talent d'un artisan de la littérature, bien loin du marketing.



Ce recueil de courts récits s'ouvre sur un Tristan Corbière, vieillissant seul dans la mélancolie d'une vie à réparer. Un Corbière anonyme, oublié, maudit dira Verlaine. Mais le propos de Josse n'est pas de nommer ces personnages cabossés, mal lotis, mal considérés, mal aimés. Auteurs célèbres et petites gens anonymes sont ici réunis. Ils sont poivrots, barbus, rougeauds, écorchés, décharnés, fatigués, précaires, suicidaires, silencieux, traumatisés, handicapés, clochards. Ils souffrent, fatiguent, ressassent, boivent, rêvent, écrivent et rêvent encore. Ils nous font réfléchir, questionnent notre vision de l'autre, notre capacité à entrer en contact avec eux.



Ils ont le regard perdu, pourtant si vif que les passants détournent le leur. Ils sont des lambeaux de cette humanité que peu de personnes acceptent de regarder en face. Jacques Josse continue de vouloir leur rendre justice, en pointant un peu de lumière sur leur existence.



Il y en a tout de même quelques uns qui sont nommés. François Labia, dejà commémoré par Jacques Josse dans un précédant ouvrage intitulé Comptoir des ombres, jeune terre-neuva-martyr, qui aura eu toute sa vie brisée par la méchanceté humaine. Auguste Boncors, poéte fantasque originaire de Rostrenen. Et puis Danielle Collobert, la merveilleuse étoile filante de la poésie contemporaine.



N'hésitez pas à ouvrir ce livre pour respirer un souffle d'humanisme qui ne passe pas souvent à la télévision mais qui illumine cet ouvrage. Et si ce souffle était là plus grande richesse à protéger?

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Le dragon rouge

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Le veilleur de brumes

« Ce n’est pas un journal mais le monologue d’un tocsin de nuit sur l’eau pâle où s’abîme la carlingue d’une vie banale ».



Ce veilleur-là est fait de deux recueils de textes : « Le veilleur de brumes » (écrit entre octobre 1991 et janvier 1993) et « Carnets de brume » (écrit entre avril 1988 et novembre 1989). De nombreux petits récits qui forment une trame.



Prenons « Le veilleur de brumes », ce type solitaire, loin du monde, enfin non pas totalement, Puisqu’en Bretagne. Il va se pendre, on le sait dès la première phrase. Et dès le premier texte il se masturbe sur un épouvantail. L’un de ses autres passe-temps est de fabriquer des cercueils miniatures, 60 en tout, chacun à la mémoire d’un auteur, d’un poète, écrivain sous-estimé ou oublié. Dans ces textes d’une grande densité, le sexe, oui mais pas toujours joli, et les écrivains, toujours au pinacle. L’écriture est très exigeante, poétique, olfactive et visuelle. La Bretagne, son décor, ses autochtones, les tronches de biais, bouffées par le jaja, le tabac. Le crachin, la brume, les bateaux qui s’en vont, certains ne revenant jamais. Mais les trépassés réapparaissent, s’invitant à table, comme si le cimetière ou la mer se dépeuplaient soudainement de leurs locataires, ces suicidés, ces cirrhosés, ces usés de la vie. Et le cunnilingus qui a le goût d’une mer à marée haute. Passe-moi le sel !



Dans « Carnets de brume » JOSSE quitte le veilleur pour s’intéresser aux autres, les voisins, les proches, les bretons du cru, des tas de petites histoires se succédant et se complétant, du cul encore. Les doses de suicides, d’accidentés de la vie, des habitants un peu simplets, certaines un peu nymphos. « Puis la gueule fissurée de l’adulte entamé au milieu de ses présents de délire. Celui-ci fait le gland dans ses fantasmes. Le lyrisme moelleux reste sa seule thérapie. On le juge sensuel, dérisoire, voyeur. Ordinaire jusqu’à la toile râpée de ses fringues. ‘Cet homme n’aura pas touché le corps d’une femme depuis des lustres !’. On s’esclaffe, on s’offusque, on montre sa braguette avec un zeste de dégoût dans le rictus ».



Oui, des personnages ordinaires et dérisoires, qui portent un poids trop lourd pour eux, désenchantés par un parcours tortueux. Les phrases, précises, minutieuses jusqu’au moindre détail : « Les dimanches d’automne, il promène un épagneul de bar dans les venelles désertes. Le vent se repose sur le menton des pierres. Ou sur le bras tordu d’un vieux chêne. Des outils rouillés gisent, recouverts d’herbes jaunes, devant la maison du pendu de l’hiver dernier. Inutile d’insister… Les vitres sales ne laissent rien filtrer. Et le langage des poutres est inaudible pour qui n’a pas rendez-vous immédiat avec la poussière ».



Les textes se tendent la main, profitent bien les uns des autres, de petites histoires en formant une plus grande. Petites touches par saccades mais follement complémentaires. On peut y voir une suite intime de poèmes en prose, mais aussi un petit roman, celui des invisibles, des humbles. C’est sorti en 1995 chez Le Castor Astral et la Rivière Échappée. Je ne pense pas que ce soit encore disponible, mais si vous le voyez passer, ruez-vous dessus comme des assoiffés, d’autant que ce trésor renferme en son centre de nombreuses photos qui viennent témoigner des dires, la Bretagne profonde, les poètes disparus. Notons pour finir que « Carnets de brume » est originellement sorti dans la revue Travers en juin 1992.



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Café Rousseau

« Un café, un soir… Il n’y rien d’autre à décrire. Aucune histoire louche à pétrir. La fin d’un parcours ordinaire se prépare, un point c’est tout ». Et pourtant.



C’est imminent : Rousseau, ancien marin et présentement cavetier du bar portant son nom, va passer l’arme à gauche. Dans son vieux lit en fer qui a déjà hébergé des mourants, il ne va pas tarder à éteindre sa dernière bougie. Il n’en faut pas plus pour attirer au chevet du malade dernier degré l’abbé Inizan, toujours prêt à offrir l’extrême onction et accessoirement rappeler à ses fidèles ouailles la parole, la présence et le pouvoir du Bon Dieu. Rousseau délire sur sa couche, revoit les moments passés, du lointain passé, celui d’un monde révolu, par exemple lorsqu’il a connu dans divers ports du globe le poète grec Nikos KAVVADIAS. « Ah, le sacré tohu-bohu des souvenirs ! ».



L’action se déroule en Bretagne. Bien sûr. Plus précisément du côté de Gwin-Zégal, tout près de la falaise du Goëlo. Il s’y passe de drôles de trucs : les ivrognes, les fumeurs invétérés, les fous, les exhibitionnistes, Hubert l’idiot du village, le fossoyeur qui intègre des souvenirs marquants des défunts dans leur cercueil, le prêtre lubrique, la position de la bête à deux dos derrière les buissons, les camionneurs frappadingues, tout ce petit monde disparate cohabite tant bien que mal dans ce bled gonflé de souvenirs : les suicidés, les péris en mer, les assassinés, les trépassés locaux de 1916 du côté du chemin des dames.



Et puis l’action en direct : Nid’pie qui emplafonne sa 4L dans un panneau téléphonique, fin de partie. Rousseau qui n’en finit plus de mourir, de délirer, Inizan qui n’en finit plus d’espérer, lui le curé qui aime tant se défroquer. Rousseau qui semble s’habituer à sa maladie, celle qui ronge son foie : « Entre lui et la maladie, on pressent d’emblée que mille et mille habitudes ont été prises. Des liens se sont tissés… Elle insiste, elle quémande. Elle veut tenir ses quarts de veille… Dans le huis clos de la mansarde tous deux doivent se chuchoter de drôles d’histoires, des drames à becs d’oiseaux, des tranches d’amour se figeant en torgnoles d’iode et des tendresses brutales qui tombent de la falaise avec de beaux cernes de cendres couvrant jusqu’aux aurores… ».



Le docteur est formel « Le cœur s’accroche à la barre, mais il connaît des émois de vieux célibataire en rupture d’abstinence ». Alors le curé fait reluire tous les ustensiles utiles à une cérémonie de caractère.



Il y a du BRASSENS dans ce court roman de 2000 sorti chez la Digitale, on croit reconnaître quelques silhouettes échappées de lignes du grand Georges qui seraient venues se perdre au pied du Goëlo pour enterrer Rousseau. L’humour, très présent, noir, rappelle aussi celui de BRASSENS, la langue plus verte que d’habitude mais toujours aussi envoûtante. Les petites gens, leurs descriptions, les anecdotes cocasses, la mort qui se fiche de nous, nous qui nous fichons de la mort, « Café Rousseau » est de ces farces morbides qui rient de la faucheuse, qui lui lancent des pieds de nez comme pour la repousser une dernière fois. Ce livre a obtenu en son temps – 2001 – le prix du roman de la ville de Carhaix. Il est aussi court qu’il est hardi. JOSSE est particulièrement à l’aise et talentueux dans ce format, il virevolte et emploie les mots, les images adéquates qui atteignent le centre de sa cible. Petit joyau dont vous devrez vous munir si vous avez la chance de le trouver un jour à acheter voire à emprunter.



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Au bout de la route

Ce curieux petit livre de seulement 34 pages sorti en 2015 chez Le Réalgar prend comme personnage central la mort. Oh mais pas n’importe laquelle ! La mort en rapport avec les véhicules roulants, les automobiles, camions, bicyclettes, bus, la mort comme métronome inéluctable, au bout de la route.



Énonciations de célébrités qui ont rendez-vous avec la faucheuse par le biais de machines roulantes : Isadora DUNCAN, Roland BARTHES, Pierre CURIE, Hugo KOBLET, James DEAN, Jayne MANSFIELD, Hank WILLIAMS, Jackson POLLOCK, Fabio CASARTELLI, Jean ROUCH, Albert CAMUS, Tom SIMPSON et tant d’autres dont certains nous sont inconnus.



Les inconnus parlons-en ! Les anonymes sont aussi fauchés, dans des véhicules ou par des véhicules, par l’impitoyable refroidisseuse, en Bretagne comme ailleurs, en ce XXe siècle dément durant lequel l’ogre de métal a fait retourner en poussière tant d’habitants de la terre, une invention créant paradoxalement la liberté et le néant. Tant de vies dévastées par des engins montés sur roues de divers diamètres.



Les personnes commémorées dans ce récit n’avaient de prime abord aucun lien intime, ne se connaissaient pas. Pourtant c’est bien la même tragédie qui les a poussées dans le même dernier trou, en tout cas il s’agit de la même arme du crime. Un exemple parmi tant d’autres : « [la mort] peut ainsi survoler la promenade des anglais à Nice en un clin d’oeil et éteindre le soleil puis le draper de noir en pensant à l’ultime salto arrière effectué ici le 14 septembre 1927 par Isadora Duncan, prise à la gorge par son foulard dont l’une des extrémités venait de s’enrouler autour du moyeu de la belle décapotable, une Amilcar GS 1924 ».



Écriture toujours au sommet de son art, elle est ici illustrée par Jean-Marc SCANREIGH, 10 dessins nerveux, d’influence abstraite, noir et ocre, ils parlent aussi de la mort, de ses gros yeux, de ses traits agressifs, obtus. Une mort effrayante, dont personne ne reviendra indemne.



Un bouquin d’hommages, fait de traits rapides et fulgurants, comme pour exorciser l’inexorable arrivée de Madame la Foudroyeuse. Le plaisir est immense même si de courte durée. JOSSE fait partie de ces artisans de la plume qui donnent un sens à la vie et fait prendre conscience de bien en profiter avant l’inexorable.



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Marco Pantani a débranché la prise

Nul besoin d’être adepte de la Petite Reine pour lire et être rapidement happé par cette biographie de Marco PANTANI, coureur cycliste professionnel italien, décédé mystérieusement en 2004.



La carrière de PANTANI fut riche et chaotique, émaillée d’exploits presque surhumains, mais aussi de lourdes chutes et de nombreux déboires. Prodige des courses de montagne, c’est un lion qui se réveille dès que la chaussée se fait plus pentue, dans ces montagnes d’Italie ou de France.



PANTANI a impressionné, subjugué le public, par ses performances extraordinaires. Après avoir épaulé son maître CHIAPPUCCI (le « Claudio » du récit), il l’a rapidement surclassé avec une rare maestria. Son nom a rejoint les ténors de la haute montagne.



Son palmarès est d’autant plus élogieux qu’il se situe dans un laps de temps très bref. Tour de France : vainqueur du classement du meilleur jeune en 1994 (se classant 3ème au final) et 1995, 3ème en 1997 et vainqueur en 1998, huit victoires d’étapes en cinq participations. Tour d’Italie : 2ème en 1994, vainqueur en 1998 (faisant de PANTANI l’un des rares coureurs réussissant la même année le doublé Tour de France Tour d’Italie), huit victoires d’étapes là encore en neuf participations. En revanche le Tour d’Espagne restera pour lui un échec, deux participations, il ne bouclera aucune des deux, ne remportant aucune étape. En 1995, il sera sur la troisième place du podium lors des championnats du monde sur route.



Ce qui saisit dans cette biographie, c’est la très rapide descente aux enfers de la nouvelle coqueluche du cyclisme mondial. Sans revenir sur ses chutes à répétition – certaines graves et lui valant des semaines d’hôpital -, il est pour la première fois contrôlé positif lors d’un contrôle anti-dopage lors d’une course classique, il n’aura plus jamais la paix. L’EPO vient de débarquer avec fracas dans le monde du cyclisme professionnel. D’autres contrôles positifs vont suivre, accélérant la déchéance. Ses performances vont s’en trouver rapidement altérées, comme son moral. Il va divorcer, s’adonner aux stupéfiants, devenir noctambule acharné, faire la fête pour soigner son mal-être, raccrocher son vélo tant aimé. Son corps sans vie sera retrouvé dans une chambre d’Hôtel de Rimini en Italie le 14 février 2004, jour de la Saint Valentin, comme un ultime pied de nez au désamour, du sportif par ses fans tout d’abord, puis de l’homme par ses proches. Une fin des plus pathétiques pour un champion hors pair.



En 98 instantanés non paginés, Jacques JOSSE retrace la vie tourmentée de ce sportif chevronné, employant les mots justes, narrant les exploits, les défaites, les grands moments d’une carrière cacophonique jusqu’au décès brutal. L’auteur admire le modèle qu’il peint, aucun doute là-dessus. JOSSE se plaît à parler de ces estropiés de la vie au destin tragique, il le fait brillamment pour les petites gens, les oubliés de l’Histoire, les locaux, les vraies gueules de villages, de hameaux. Il sait aussi le faire à la perfection pour les célébrités, de préférence celles qui ont mal fini. À chaque fois les abus, l’alcool, le tabac, ici la cocaïne. Toujours la détresse. JOSSE est un biographe hors normes, un conteur assidu qui pèse chaque mot pour l’imbriquer avec perfection dans une phrase, réussissant chaque fois un bijou de premier ordre. Ce petit joyau à lire d’une traite est paru en 2015 chez les formidables éditions de La Contre Allée et c’est un sacré tour d’honneur en roue libre.



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