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3.51/5 (sur 41 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Texas , 1946
Biographie :

James D. Tabor est un universitaire biblique et professeur de judaïsme ancien et de christianisme ancien au Département des études religieuses de l'Université de Caroline du Nord à Charlotte, où il enseigne depuis 1989 et a été président de 2004 à 2014.

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Bibliographie de James D. Tabor   (3)Voir plus

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Citations et extraits (10) Ajouter une citation
Deux « christianismes » radicalement différents se trouvent inscrits dans le Nouveau Testament. Le premier, essentiellement prôné par Paul, est devenu désormais la foi pratiquée par des milliards d’êtres humains. Le second, presque complètement oublié, a commencé à être marginalisé et étouffé par ce premier christianisme dès la fin du Ier siècle, au point qu’il faut une lecture très attentive des Évangiles pour retrouver sa trace. Jacques était sa figure de proue, le propre frère de Jésus, qui a conduit le nouveau mouvement religieux entre l’année 30 de notre ère et l’an 62, date à laquelle il a été brutalement assassiné. Ces deux versions du christianisme diffèrent aussi bien dans les valeurs défendues que dans la pratique religieuse.
(...)
La difficulté de cette entreprise tient à l’influence envahissante que le « treizième apôtre » a exercée sur le texte même du Nouveau Testament. J’irais jusqu’à dire que ce dernier est, avant tout, l’héritage littéraire de Paul. Celui-ci est nommément l’auteur de treize des vingt-sept « livres » qui composent le Nouveau Testament. Les Actes des Apôtres constituent une défense et illustration de son rôle primordial. L’Évangile de Marc, le premier, a été écrit vers l’an 70, après la mort de Paul, et vise essentiellement à présenter la vie de Jésus à la lumière de son enseignement. Ce message a été repris par Matthieu et Luc. L’Évangile de Jean reflète lui aussi la conception paulinienne de Jésus, du moins sur le plan théologique. Ainsi, les thèses de Paul – Christ, le Fils de Dieu qui existait avant le monde, prenant une forme humaine pour mourir sur la croix en expiation des péchés de l’humanité, puis ressuscité dans sa gloire céleste – ont fini par constituer l’essence du crédo chrétien. En lisant le Nouveau Testament, on peut croire qu’il n’existe pas d’autre approche. Et pourtant, si l’on écoute bien, une voix différente, longtemps étouffée, s’élève de ces mêmes textes : celle de Jacques, l’écho de ce que son frère Jésus lui avait transmis.
(…)
Les théologiens chrétiens se sont montrés circonspects devant cette lettre pour deux raisons principales. La première, c’est que Jacques ne mentionne le nom de Jésus qu’à deux reprises, dans des remarques qui n’affectent pas le fond de sa démonstration et qui auraient pu être facilement supprimées (cf. Jacques, 1, 1 ; 2, 1). La seconde tient à l’absence de toutes références aux conceptions pauliniennes de Jésus en tant que Christ sauveur. Jacques va même jusqu’à s’opposer à la thèse de la « rédemption par la foi » prônée par Paul, et à réaffirmer la nature positive et durable de la Torah, du respect et de la mise en pratique des commandements sacrés. (pp. 269-270 & 279-280)
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Quand Jacques et Jude appellent Jésus « Seigneur », il s’agit d’un terme de déférence envers le « Maître » – kurios, en grec –, celui qui a donné sa vie pour la cause du Royaume de Dieu. Mais l’un des glissements sémantiques fondamentaux opérés par Paul est d’avoir mêlé les références au « Seigneur » Jésus à celles concernant le « Seigneur Dieu » de la tradition biblique, traçant ainsi un trait d’égalité entre le Christ… et Yahvé. Par exemple, lorsque Paul cite Isaïe rapportant la parole divine – « Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre ! Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre. Je le jure par moi-même, la vérité sort de ma bouche et ma parole ne sera point révoquée : tout genou fléchira devant moi, toute langue jurera par moi » (Isäie, 45, 22-23) –, il remplace tout simplement Yahvé par Jésus : « Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur » (Philippiens, 2, 10-11).

Nous avons là une modification d’une importance capitale, qui finira par devenir une pratique commune parmi les chrétiens orthodoxes : Jésus de Nazareth, simple mortel, égal du « Seigneur Dieu » d’Israël ! Il est « Dieu selon la chair », dira-t-on, et Marie est « la sainte mère de Dieu ». Comme les chrétiens affirmeront cependant qu’ils demeurent monothéistes, c’est-à-dire qu’ils reconnaissent toujours la principale profession de foi juive, le Shema – « Ecoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est Un » –, la conclusion sera inévitable : puisque Jésus est divin, et puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu, alors Jésus ne peut qu’être l’incarnation du Seigneur Dieu d’Israël. Pour résumer : Dieu est devenu un homme…
(…)
Cette déification de Jésus, inconcevable pour l’écrasante majorité des juifs, l’était tout autant pour les premiers disciples et sympathisants du mouvement : s’ils révéraient le « Maître » et son enseignement messianique, celui-ci se plaçait sous le principe du Shema, l’acte de foi israélite, le « principal commandement » selon ses propres dires (Marc, 12, 29). Le même évangéliste a conservé une anecdote qui illustre bien cette conviction inébranlable : « Comme Jésus se mettait en chemin, un homme accourut, et se jetant à genoux devant lui : Bon maître, lui demanda-t-il, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Jésus lui dit : Pourquoi m’appelles-tu bon ? Il n’y a de bon que Dieu seul. » (Marc, 10, 18). (pp. 285-286)
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Nous savons cependant que des groupes de chrétiens attachés à la foi originelle ont subsisté jusqu’au IVe siècle, notamment dans les zones orientales de la Palestine, mais il s’agissait de cercles dispersés, sans influence sur la rédaction du Nouveau Testament, qui allait s’imposer comme l’histoire officielle de la naissance du christianisme. Ces chrétiens palestiniens ont été appelés « ébionites », « les pauvres », en hébreu. Si Eusèbe connaît leur existence, il les tient pour hérétiques vis-à-vis de l’orthodoxie chrétienne qu’il défend. Il leur reproche, entre autres, de vouloir faire de Jésus « un homme ordinaire » né de « Marie et de son époux ». Plus loin Eusèbe remarque qu’ils continuent à observer les commandements de la Torah et qu’ils croient au salut par les « actes » et non seulement par la foi, suivant en cela l’enseignement de l’Épitre de Jacques. Très logiquement, les ébionites considèrent Paul comme un apostat et rejettent ses vues. Ils ne reconnaissent que la version hébraïque de l’Évangile de Matthieu, dont seuls des fragments sont parvenus jusqu’à nous. Tout cela constitue indubitablement la marque de l’hérésie aux yeux d’Eusèbe, qui s’est lui-même allié à l’empereur Constantin depuis la conversion au christianisme de ce dernier, en 325. Paradoxalement, pourtant, les ébionites se situent dans la droite ligne de l’enseignement de Jésus et de la tradition transmise par les frères du « Maître ».

Une approche beaucoup plus positive des ébionites nous est désormais accessible dans les documents du IVe siècle appelés Corpus pseudo-clémentin. On y retrouve un texte particulièrement intéressant à cet égard, les « Kerygmata Petrou », ou « Prédication de Pierre », qui se présente comme une lettre de Pierre à Jacques, le frère de Jésus. Pierre y déplore que le contenu de ses missives ait été tellement déformé et tronqué par les partisans de Paul qu’elles ont perdu toute valeur. Il instruit Jacques de ne répercuter aucun élément de son enseignement aux gentils, mais de le réserver aux membres du « conseil des soixante-dix », désigné par Jésus. Il blâme Paul de placer ses « vision » au-dessus du message que les apôtres tiennent directement de Jésus. Bien que les chercheurs ne pensent pas qu’il s’agisse de textes authentiquement rédigés au Ier siècle, ils reflètent certainement de manière éloquente des controverses qui ont éclaté au temps de Paul, de Pierre et de Jacques, et que le Nouveau Testament, notamment Luc, a beaucoup relativisées. (pp. 307-308)
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La « source Q » parle abondamment de Jean le Baptiseur. Jésus demande à la foule, à propos de Jean : « Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? – Il prend les devants pour répondre : – Oui, je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’y en a point de plus grand que Jean ! » Puisqu’il ne fait pas de doute que Jésus soit « né d’une femme », la source « Q » retient que Jésus soutient haut et fort que Jean lui est supérieur. Cette affirmation a tant embarrassé les théologiens qu’une phrase lui a été ajoutée, « Cependant le plus petit royaume est encore plus grand que lui », ce qui tient évidemment du procédé rhétorique. La publication d’une version hébraïque de Matthieu a d’ailleurs prouvé noir sur blanc que la formule originelle ne contenait pas cet ajout.

Dans le « Matthieu hébreu » – certainement plus proche de la version première, car cet évangile a d’abord été rédigé dans la langue hébraïque(1) –, Jésus dit aussi de Jean : « Car tous les prophètes et la Loi ont parlé de lui » (Matthieu, 11, 13). Dans la version grecque, on a : « Car tous les prophètes et la Loi ont parlé jusqu’à lui. » La modification est à la fois infime et énorme. Par la suite, les chrétiens ont soutenu que c’était l’arrivée de Jésus, non de Jean, que les anciens prophètes et les Écritures saintes avaient prédite, mais la formulation de la version en hébreu semble plus authentique : tous les prophètes ont parlé « de » Jean, de sa mission. C’est dire l’éminence de son statut. Enfin, dans le Matthieu hébreu, Jésus affirme que Jean a été envoyé pour « sauver le monde », alors que le « Matthieu grec » emploie une forme plutôt vague, « rétablir toutes choses » (17, 11). Les chrétiens du IIe siècle ont en effet du mal à entendre Jésus parler d’un « Sauveur » qui ne serait pas lui…

(1) Cf. George Howard, Hebrew Gospel of Matthew, Mercer University Press, 1995. Le texte hébraïque de Matthieu est contenu dans le traité Even Bohane (La Pierre de touche), rédigé au XIVe siècle par Chemtov Ibn Shaprout d’Aragon. Howard démontre de manière convaincante que ce texte, conservé dans les cercles rabbiniques, n’était pas une traduction de la version grecque en hébreu mais une création originale, indépendante, et je dirais plus authentique à de nombreux endroits. (pp. 149-150)
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Trois des quatre Évangiles du Nouveau Testament, ceux de Matthieu, Luc et Jean, signalent que Jésus a été « vu » après sa mort, afin de confirmer qu’il est bien revenu d’entre les morts. Mais que dire de Marc, alors ? Nous arrivons ici à l’un des aspects les plus méconnus, ou délibérément ignoré, de notre histoire : aussi renversant que cela puisse paraître, les manuscrits originaux de Marc, notre plus ancienne source évangélique, ne mentionnent aucune apparition de Jésus ressuscité ! Il achève son récit sur la découverte de la tombe vide, rien de plus. A l’origine, le dernier verset était Marc, 16, 8 : « Elles(1) sortirent du sépulcre et s’enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies ; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi. » Je dis « à l’origine », car pour des raisons évidents, il était impossible qu’une conclusion aussi abrupte, aussi « incomplète », soit tolérée : elle était trop dérangeante, pour les premiers chrétiens. Le christianisme s’est précisément construit sur l’idée que Jésus était apparu à des individus et des groupes après sa mort. Mais comment expliquer que Marc ait laissé de côté un point aussi capital ?

Au cours du IIe siècle – soit cent ans après la rédaction du texte original ! –, des scribes zélés ont « inventé » une fin à l’Évangile de Marc. La conclusion reprise dans la plupart des éditions, c’est-à-dire les versets 9 à 20 du chapitre 16, n’existe dans aucune des copies les plus anciennes – et donc les plus fiables – du texte. En réalité, il s’agit d’une compilation plutôt maladroite des différentes apparitions de Jésus rapportées par Matthieu, Luc et Jean(2). Elle ne contient aucun matériau qui appartienne spécifiquement à Marc, et son style diffère sensiblement du grec utilisé par cet évangéliste.

Deux auteurs chrétiens du IIIe siècle, Clément d’Alexandrie et Origène, ne connaissaient même pas l’existence de cette finale « allongée », puisqu’elle n’avait pas encore été concoctée… Au début du IVe siècle, Eusèbe et Jérôme connaissaient son existence, mais soulignaient son absence dans presque tous les manuscrits grecs dont ils disposaient.

(1) Marie, Marie Madeleine et Salomé.

(2) Ces derniers versets ne se trouvent ni dans les plus vieux manuscrits dont nous disposions (Sinaiticus et Vaticanus), ni dans plus d’une centaine de copies arméniennes, ni dans la version en latin ancien, ni dans le Sinaticus syriaque. Même les versions qui les reprennent sont souvent accompagnées d’une note du copiste précisant qu’ils ne sont pas présents dans des manuscrits plus anciens. (pp. 238-239)
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S’ils ne considèrent pas Jésus – Issa, en arabe – d’essence divine, les musulmans le tiennent pour un prophète, un messager de Dieu qui est appelé « messie » dans le Coran. Ainsi, ils reconnaissent son rôle messianique sans pour autant croire en un Christ céleste. En fait, il existe des similitudes frappantes entre ce que je décris dans ce livre et plusieurs croyances traditionnelles de l’islam. Le Jésus prophète et maître à penser que retiennent les musulmans est très proche de celui qui apparaît dans la « source Q », dans l’Épitre de Jacques ou dans la Didachè. Être messie, c’est porter un message, mais dans la conception musulmane celui de Jésus reprend celui d’Abraham, de Moïse et des prophètes bibliques. L’islam insiste sur le fait que ni Mohammed ni Jésus n’ont été porteurs d’une nouvelle religion : tous deux voulaient ramener les hommes à ce que l’on pourrait appeler « la foi d’Abraham ». Comme l’enseignement de Jésus dans la « source Q » et dans la tradition de l’Église de Jérusalem, l’islam professe que c’est en réalisant la volonté de Dieu que l’on manifeste sa foi. Signalons également que l’exposé des lois alimentaires musulmanes dans le Coran reprend presque mot pour mot les recommandations de Jacques rapportées dans les Actes des Apôtres : « Il vous est interdit de manger les animaux morts, le sang, la chair de porc, et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que celui de Dieu » (Sourate 2, 168).

Puisque les musulmans rejettent l’ensemble des affirmations de Paul au sujet de Jésus, et donc les fondements de l’orthodoxie chrétienne, le fossé entre christianisme et l’islam est très profond, sur ce point. Mais très peu du Jésus que je me suis efforcé de dépendre dans ce livre entre en contradiction avec les principes fondamentaux musulmans. Nous savons que le prophète Mohammad a été en contact avec des cercles chrétiens en Arabie, lesquels devaient sans doute être plus proches de la sensibilité ébionite que des conceptions de l’Église d’Occident. Si nous ne nous trompons pas, alors l’un des plus grands paradoxes de l’histoire voudrait que la pensée de Jésus telle qu’elle a été conservée par sa dynastie a également survécu dans certains aspects de l’islam traditionnel… (pp. 321-322)
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Ma conviction est que Jésus s’attendait à être « épargné » de la mort, « sauvé de la gueule du lion », pour citer le psalmiste (Psaumes, 22, 22). Dans toutes les allusions bibliques aux souffrances des honnêtes serviteurs de Dieu, il est toujours dit qu’ils échappent aux « portes de la mort », que le Seigneur « ne livrera pas [leur] âme au Shéol », ni ne laissera ses bien-aimés « voir l’abattage » (Psaumes, 16, 10). Le psaume 118 est peut-être le plus éloquent, à cet égard ; « rejeté », « encerclé par les nations », le vertueux s’écrie : « Je ne mourrai pas, je vivrai, et je raconterai les œuvres de Yahvé ! Yahvé m’a châtié, mais il ne m’a pas livré à la mort » (118, 17).

Il est également très possible que Jésus ait été inspiré par les méditations du « Maître de Justice » de Qumrân, celui qui avait inauguré « la voie du désert » un siècle plus tôt, et notamment par le Livre des hymnes et son « souffrant vertueux » dont la fidélité envers Dieu est éprouvée par les forces du mal : « Parce que je me suis accroché à ton Alliance, des hommes brutaux ont voulu me prendre la vie. Assemblée de faussaires, horde de Satan, ils ne savent pas que ma résolution est nourrie par toi et que dans ta miséricorde tu épargneras ma vie, car mes pas sont issus de toi. » (pp. 192-193)
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L’Évangile de Marc, le premier, a été écrit vers l’an 70, après la mort de Paul, et vise essentiellement à présenter la vie de Jésus à la lumière de son enseignement. Ce message a été repris par Matthieu et Luc. L’Évangile de Jean reflète lui aussi la conception paulinienne de Jésus, du moins sur le plan théologique. Ainsi, les thèses de Paul – Christ, le Fils de Dieu qui existait avant le monde, prenant une forme humaine pour mourir sur la croix en expiation des péchés de l’humanité, puis ressuscité dans sa gloire céleste – ont fini par constituer l’essence du crédo chrétien. En lisant le Nouveau Testament, on peut croire qu’il n’existe pas d’autre approche. Et pourtant, si l’on écoute bien, une voix différente, longtemps étouffée, s’élève de ces mêmes textes : celle de Jacques, l’écho de ce que son frère Jésus lui avait transmis.
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Quand Jacques et Jude appellent Jésus « Seigneur », il s’agit d’un terme de déférence envers le « Maître » – kurios, en grec –, celui qui a donné sa vie pour la cause du Royaume de Dieu. Mais l’un des glissements sémantiques fondamentaux opérés par Paul est d’avoir mêlé les références au « Seigneur » Jésus à celles concernant le « Seigneur Dieu » de la tradition biblique, traçant ainsi un trait d’égalité entre le Christ… et Yahvé. Par exemple, lorsque Paul cite Isaïe rapportant la parole divine – « Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre ! Car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre. Je le jure par moi-même, la vérité sort de ma bouche et ma parole ne sera point révoquée : tout genou fléchira devant moi, toute langue jurera par moi » (Isäie, 45, 22-23) –, il remplace tout simplement Yahvé par Jésus : « Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur » (Philippiens, 2, 10-11).
Nous avons là une modification d’une importance capitale, qui finira par devenir une pratique commune parmi les chrétiens orthodoxes : Jésus de Nazareth, simple mortel, égal du « Seigneur Dieu » d’Israël ! Il est « Dieu selon la chair », dira-t-on, et Marie est « la sainte mère de Dieu ».
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La « source Q » parle abondamment de Jean le Baptiseur. Jésus demande à la foule, à propos de Jean : « Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? – Il prend les devants pour répondre : – Oui, je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’y en a point de plus grand que Jean ! » Puisqu’il ne fait pas de doute que Jésus soit « né d’une femme », la source « Q » retient que Jésus soutient haut et fort que Jean lui est supérieur. Cette affirmation a tant embarrassé les théologiens qu’une phrase lui a été ajoutée, « Cependant le plus petit royaume est encore plus grand que lui », ce qui tient évidemment du procédé rhétorique. La publication d’une version hébraïque de Matthieu a d’ailleurs prouvé noir sur blanc que la formule originelle ne contenait pas cet ajout.
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Matthieu fait allusion à une prédiction du prophète Isaïe, « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel », ce qui semblerait indiquer que la grossesse de Marie ne serait rien d’autre que l’accomplissement de la prophétie biblique (Isäie, 7, 14). Le problème, c’est qu’Isaïe évoquait un enfant né en « son » temps, soit au VIIIe siècle av. J.-C., et dont l’apparition sur terre devait constituer un signe pour le souverain d l’époque, le roi Achaz. De plus, le mot hébreu ‘alma employé par Isaïe, « jeune fille », que Matthieu traduit par « vierge » en grec, n’a aucune connotation miraculeuse particulière(1). Cet enfant, doté du nom alors très peu courant d’ « Immanouel », « Dieu avec nous », va grandir et, « avant qu’il ne puisse reconnaître le bien du mal », affirme Isaïe, la menace des Assyriens qui encerclent Jérusalem et la Judée aura disparu. Le contexte et la signification ne fondent en aucune manière le parallèle tenté par Matthieu.

(1) Matthieu écrivant en grec, il emploie la traduction grecque du texte hébraïque de l’Ancien Testament, la Septante, et donc le mot parthenos, qui signifie « jeune fille », et non « vierge ayant enfanté sans l’intervention d’un homme. » Lorsque la version révisée de l’Ancien Testament en anglais a été publiée en 1952, et que très pertinemment les traducteurs ont remplacé le mot « vierge » de la traduction traditionnelle d’Isaïe par celui, autrement plus pertinent, de young woman (jeune femme), nombre de fondamentalistes chrétiens y ont vu une tentative satano-communiste de nier la « conception immaculée du Christ ». (p. 58)
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Le nom de Nazareth, la ville où Marie a vécu, dérive du mot hébreu netser, qui signifie « branche », « rameau ». Une traduction brute donnerait pour Nazareth : « la Ville-Rameau »(1). Pourquoi un nom si étrange pour une agglomération qui n’était au temps de Jésus qu’un petit village sans importance économique ni stratégique ? C’est que sa résonance potentielle se situait sur un tout autre plan. Dans les manuscrits de la Mer Morte, écrits avant l’époque de Jésus, le futur Messie, ou roi d’Israël, est souvent appelé « Rameau de David », une expression venue du prophète Isaïe (11, 1), qui désigne donc le lignage du Messie fils de David. La formule s’est perpétuée : ainsi, les partisans de Jésus seront appelés « nazaréens », littéralement « ramistes ».

(1) La racine « nester » dans le nom de Nazareth a été attestée par un fragment d’inscription sur marbre découvert à Césarée en 1962, une liste en hébreu de noms de villes dans lesquelles des familles sacerdotales s’étaient installées. (pp. 69-70)
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