Citations de Jean-René Huguenin (186)
De toutes les créations inégales de Dieu, le temps est sûrement la plus parfaite.
Le vice de l'intellectuel : répondre, non à ce que vous lui dites, mais aux arrières-pensées qu'il vous prête.
Mourons pour mieux nous préparer aux délices de revivre.
Le bonheur tient à trois ou quatre grandes choses très simples.
Ma vie n'est jamais plus belle que lorsque je la rêve.
Se raconter est fat. S'expliquer est vain. Se justifier est lâche. Si je veux que vous me compreniez, je me garderai bien de vous parler de moi.
On dirait que toute la France marche sur la même route, qu’elle essaye de se requinquer du bonheur de progresser à plusieurs, en attroupement euphorique, cependant que des haltes sanitaires s’effectuent et que les gens découvrent la joie particulière de ..... ensemble au bord des chemins.
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Une âme riche est une âme affamée. Au jour du jugement, il sera demandé à chacun de nous selon sa faim.
L'une des pires déceptions: savoir pourquoi l'on est aimé.
On a souvent décrit la souffrance de l'amour éconduit ,jamais celle de l'amour partagé
La vraie virilité est enfantine. Une enfance reconquise, de haute lutte, pied à pied, poing à poing.
Je ne parviens pas à me perdre dans mon roman comme dans une forêt, je reste sur les sentiers, à suivre les ornières ignobles de toutes les charrettes précédentes. Il faut que mon coeur se mette en marche et devienne le bulldozer qui m'ouvrira mon propre chemin.
(...) je ne peux pas écrire la tête froide, il faut que ça bouillonne et que ça gronde.
... on ne tient plus à soi, on se sent libre, tout est possible, tout est permis ! Courte ivresse. Quand tout est permis, plus rien n'est désirable.
– Et après ? demanda Olivier d'une voix neutre, sans curiosité.
De la même voix neutre, sans conviction, Pierre répondit :
– Je pense que je serai nommé en province.
– Combien de temps en province ?
Ils ne se regardaient plus. Ils ressemblaient à des écoliers qui poursuivent sous leur pupitre, avec leurs jambes et leurs mains,
– Encore quatre ou cinq ans. Ensuite Paris…
Une lutte silencieuse, farouche,
– Jusqu'à la retraite ?
Mais dont les visages somnolents ne reflètent rien :
– Mon Dieu oui.
– Et à quel âge prend-on sa retraite ?
– A soixante ans.
– Et ensuite ?
Ils entraient à Lampaul. Pierre ne répondit pas. La rue mouillée luisait et Pierre revit un instant les tas de feuilles sur lesquels Olivier et lui se poussaient, les soirs d'automne, en revenant du lycée.
Je suis le créateur, c'est-à-dire apparemment le plus libre des hommes, et pourtant le plus contraint, le plus soumis, le plus esclave. Parce que je ne peux ni m'interdire de créer, ni choisir ce que je crée.
Le soir tombe. On se sépare. Sur la plage de Port-saint, dans les rues du village que traverse une route droite et bleutée, sur toutes les plages de Bretagne, à la croisée des chemins, aux portes des hôtels, sur les marches des seuils, on se sépare. A la sortie de Port-saint, la route fait quelques coudes et échappe aux dernières maisons qui fument, accrochées à ses flancs. Vous vous êtes séparés, la nuit tombe, vous êtes seul et vous fermez les yeux sur la nuit qui tombe et qui vous invite à mourir. Qui attendiez-vous? Qui n'avez-vous pas su reconnaître?
Ils revenaient ensemble en voiture, et avant de passer chez Pierre ils s'arrêtaient au bord de la route pour prendre ce qu'ils appelaient, depuis l'enfance, leur "bain de fougères"; elle courait les bras tendus dans les fougères, qui battaient comme des élytres à la hauteur de ses épaules; elle avait gardé l'habitude enfantine de trouver tous les dimanches radieux et lorsqu'elle revenait en riant vers lui, jaillissait de l'océan des fougères, il la soulevait parfois dans ses bras et la faisait tourner dans le vent jusqu'à ce qu'elle eût les yeux pleins de larmes. Et quand je te reposais à terre, à demi étourdie tu t'appuyais contre mon épaule, puis tu faisais quelques pas titubants, enchantée de ton vertige, et moi je t'attendais près de l'auto, les bras vides.
Si les lieux dépendent en partie des êtres avec qui nous les traversons, ils donnent en retour, après coup, dans notre mémoire, leur ton et leur couleur particulière à ces êtres.
Je crois que j'entre en ce moment dans une de ces périodes de ma vie où je n'ai plus peur de rien perdre, parce que tout est en moi.
Samedi 5 juillet 1958
Assez de répit. Au travail. Aux actes. Je reprends le chemin de moi-même. Je jure de me reconquérir au plus vite. Retrouver cet état de grâce où la vie et le roman se confondent! S'obéir naturellement. Vivre.