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Critiques de Jim Thompson (479)
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1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants

Les héros des romans de Jim Thompson n'en sont pas. Ils en ont parfois l'ambition mais ils présentent trop de carences en scrupules pour endosser l'armure du chevalier blanc. Ses personnages ont plutôt la cuirasse rouillée, la lance syphilitique et pointent au registre des désaxés irrécupérables. Même recyclés, ils ne vaudraient pas grand-chose en compost. le sheriff Nick Corey fait partie des légendes littéraires de cette corporation peu glorieuse.

Pottsville, est un bled paumé où vivote 1280 habitants. L'ordre est censé être assuré par ce sheriff à la mauvaise étoile, Nick Corey, carpette cocufiée par sa femme sous son toit, mis en boîte par les maquereaux du coin et toujours prompt à détourner ses pas au moindre danger. Comme la meilleure façon de ne pas voir la vérité en face, c'est de garder les yeux fermés, Corey fait des siestes qui ressemblent à des hibernations.

Sa prison prend la poussière, le crime se la coule douce et Corey consacre ses quelques volts à deux activités : dormir et fricoter avec les beautés locales. C'est le lapin de Duracell mais il ne peut pas être partout. Sa devise : ne pas se mêler des affaires des autres pour que leurs affaires ne deviennent pas les siennes. On ne mélange pas son linge sale. Trop fatiguant. Sa formule, plus politique que magique et répétée à l'envie: " Je ne dirais pas que vous avez tort, mais je ne ne suis pas sûr non plus que vous ayez raison." Un vrai centriste.

Méprisé par tout le village, sa réélection à son poste de sheriff n'est pas gagnée, même en accusant son adversaire de vouloir truquer le scrutin, et Nick Corey se met alors à éliminer tous ceux qui l'ont humilié ou qui contrarient ses projets. Cela fait du monde dans le viseur mais la vengeance est un produit dopant qui vaut l'injection d'EPO à l'insu de son plein gré. le lâche devient fourbe et fait en sorte que d'autres soient accusés de ses crimes, pratique facilitée lorsqu'on est le seul représentant du désordre dans un patelin. Immunité diplomatique du trou perdu.

N'étant jamais mieux servi que par soi-même, Nick Corey s'octroie aussi la narration du roman sans états d'âme, heureux de jouer le rôle de Dieu. Ode au narcissisme et dialogues qui ressemblent à des saillies d'Oscar Wilde...en moins poli.

La description du bonhomme n'est pas très sympathique mais je vous assure que ce roman, le chef d'oeuvre de son auteur, par ailleurs scénariste pour Kubrick, groom d'hôtel, employé dans une morgue, foreur de puits de pétrole, caddie dans un club de golf, buveur et tuberculeux à ses heures, mérite un petit détour par Pottsville.

D'ailleurs, Bertrand Tavernier en a tiré le scénario de son « Coup de Torchon », détournant l'action dans l'Afrique coloniale avec Philippe Noiret, Isabelle Huppert et Stéphane Audran.

Dans son indispensable dico des littératures policières, saint Mesplède auréole ce roman aussi amoral que férocement drôle.

Jim Thompson, qui n'avait rien d'un ange, mourut dans l'indifférence des sans grade dégradés et sa reconnaissance fut posthume. Il a trouvé sa place au panthéon des soiffards, broyeurs de romans noirs.

De la mauvaise graine réjouissante en ces temps aseptisés à la morale.

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La cabane du métayer

Je découvre ce grand auteur américain à travers la première publication française dans sa version intégrale de cette Cabane du métayer, assortie d'une nouvelle traduction au plus près du texte originel de 1952.



La première moitié m'a emballée. J'ai aimé comment l'auteur scrute le quotidien poisseux d'une Amérique rurale ( celle de l'Oklahoma ), cette immersion dans une société rongée par les inégalités sociales entre gros propriétaires terriens et petits métayers miséreux, mais aussi par les tensions raciales qui se muent en rancoeur lorsque ce sont les Amérindiens qui disposent des terres et des richesses comme c'est le cas avec le personnage de Matthew Ontime.



J'ai aimé le personnage principal, Tommy 19 ans, fils d'un métayer, intelligent mais terriblement pauvre, un mec qui aurait pu vivre dans l'acceptation de sa vie s'il n'avait rencontrer deux femmes «  fatales », son amante secrète, la riche Donna ( fille de Ontime, le propriétaire des terres que son père exploite ) et Mary qui vit avec lui et son père.

Un être pur, tourmenté, la rage au ventre, qui m'a fait penser à un personnage de Steinbeck ou d'un film d'Elia Kazan.



"Je traverse la cour au trot, en me baissant pour passer sous les cordes à linge, et je m'engouffre dans l'ancienne étable qui nous sert de bûcher. Je m'assieds sur le billot et j'enfouis ma figure entre mes mains. J'essaie de faire venir les larmes. J'essaie de toutes mes forces, mais les larmes ne viennent pas; et je trouve ça encore pire que de découvrir ce qu'est la haine. je crois que le pire, quand on perd tout ce pour quoi on a toujours vécu, c'est de ne pas réussir à verser une seule larme dessus. Parce que ça ne vaut même pas ça, une petite larme de rien du tout."



De fait, l'intrigue, qui prend son temps à se déployer, a quelque chose d'universel dans son propos, presque une parabole biblique dans la simplicité de sa direction.



Tout avance comme une évidence dans ce roman désenchanté âpre et sec.



La deuxième partie carcéro-judiciaire m'a moins convaincue, je l'ai trouvée moins crédible ou plutôt j'ai eu du mal à croire aux ressorts psychologiques de Tommy. Mais au final, elle est nécessaire pour mettre en avant une fin lumineuse.
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1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants

HI-LA-RANT ! Durant ma lecture, je n'ai pas arrêté de pouffer de rire, de m'esclaffer au risque d'en perdre mon souffle. Pourtant, à l'analyse froide, il n'y a vraiment pas de quoi rire ! On termine quand même la lecture avec 6 morts. Dont 4 tués à bout portant.



Dès le départ, nous faisons connaissance avec Nick Corey, personnage principal du livre et shérif de Pottsville, village de 1 275 ploucs, heu, pardon, de 1275 âmes. Entre nous, le titre original est "Pop. 1280" et je me demande bien où sont passés les 5 âmes disparues. Cinq personnes perdues dans une traduction, ça fait désordre, non ? (Jean-Bernard Pouy répond à la question dans "1280 âmes").



Au premier abord, le shérif Nick Corey m'a fait penser à un mec qui est en attente pour une greffe du cerveau. Oui, une sorte de shérif débile, pas très malin, et je me gaussais de sa stupidité, pensant que cet Averell Dalton était issu du croisement entre Nabilla et François Pignon, bref, un champion du monde en puissance pour un dîner de cons mémorable.



Je ne vous parle même pas du langage de Nick et des autre protagonistes, parce qu'entre les "exaque" , les "p'tet" ou les "j'dis pas que", sans compter les gros mots, Pivot en avalerait son dico.



J'ai vite retourné ma veste et changé mon fusil d'épaule. Nick Corey est en fait le fils caché de Napoléon et Machiavel. Le stratège brillant accouplé au machiavélisme puissance 10.



Naaan, sérieux, si l'auteur ne maniait pas la plume de manière si brillante, en la trempant dans l'humour (noir), l'histoire nous ferait frémir et hurler parce qu'elle n'est jamais qu'une vision fort sombre de l'espèce humaine. En principe, j'aurais dû être scandalisée de ce que je lisais.



Tout le roman n'est qu'un long regard horrifié et désabusé sur les Blancs habitant dans les campagnes du sud des états-unis en 1920 et le jugement est sans appel : ils ont l'esprit plus étroits que le cul d'une donzelle vierge qui se ferait prendre par un troll des montagnes. Plus étroits que ça, tu meurs.



Personne n'est à sauver : que ce soit des personnages secondaires qui ont tous un truc à se reprocher à Nick Corey qui un mec plus que paresseux, fourbe, plus malhonnête que les banquiers américains, plus menteur qu'un politicien en campagne électorale, assez violent tout de même, dépourvu de remords, infidèle, manipulateur avec tout le monde, il n'aime que lui et pour ajouter une cerise sur ce portrait peu flatteur, il est cynique. Un brin sadique et lubrique aussi.



On devrait le haïr et on l'apprécie tout de même. Malgré tout ce qu'il commet comme exactions, on ne peut s'empêcher de rire et de battre des mains en criant "encore" ! On ne devrait pas...



Le passage où Nick s'occupe d'Oncle John, un Nègre (pas péjoratif, j'utilise le terme de l'époque qui veut tout dire sur la manière dont ces gens étaient considérés et traités : même pas humain) est terrible. Je n'avais pas moufté pour les trois premiers, mais là... mon cœur s'est serré. Pas longtemps, Nick m'a de nouveau fait rire.



Malgré l'horreur, on continue sa lecture parce que l'on veut connaître la suite des tribulations de Nick Corey, de ce qu'il va pouvoir inventer pour sauver sa réélection, sur comment il va enfin se débarrasser de sa harpie de femme et de son beau-frère Lennie (un débile profond, frère de sa femme, débile comme le Lennie de Steinbeck, la charisme en moins), comment il va arriver à se séparer de sa première maîtresse pour retrouver sa deuxième maîtresse... Ou jongler avec les deux...



On se croirait dans un Vaudeville, les portes qui claquent en moins, tellement la situation devient serrée à un moment donné. Le suspense est à son comble parce que aussitôt un problème de résolu qu'un autre arrive ou se crée.



Chaque page est un florilège de scepticisme, de pessimisme, d'érotisme, de cynisme, remplie de vulgarités, de sadisme, enrobée de blasphèmes et de sacrilèges, roulée dans le roublardise et trempée dans l'hypocrisie.



Le pouvoir rend fou, quand le gens ne savent pas, ils inventent et un gentil peur cacher un salaud, entre autre. Voilà ce qu'on peut retirer, entre autre, lorsqu'on trait le roman.



Attention, du livre coule assez bien de sang, la plaisanterie étant noyée dedans.



L'épilogue m'a laissé la bouche ouverte, se fermant et s'ouvrant à la manière d'un poisson rouge échoué sur la table de la cuisine. My god, Napoléon a dû être fier de la stratégie de Nick et Machiavel a dû avoir du plaisir au fond de sa tombe en apprenant comment le Nick manipulait bien. Le Nick, il a niqué tout le monde !



Bref, un portrait au vitriol de la société, sans concession, tout le monde est coupable et tout le monde devra payer pour les fautes qu'ils ont commise, même Nick (si ça l'avait moins chatouillé dans le pantalon, il ne se serait pas retrouvé marié à la harpie).



Mais personne n'est assez lucide que pour reconnaître que s'il est dans la merde, c'est qu'il l'a bien voulu.



Décapant ! Hilarant. On devrait voir rouge, mais on rit jaune parce que c'est quand même noir (couleur à l'envers du drapeau de mon pays).



Dorénavant, je tiendrai à l’œil les gars un peu empotés, qui ont l'air d'avoir été absent lors de la distribution des cerveaux...



Ça me fait penser qu'en Belgique, nous avons un héritier qui a l'air empoté... Il est peut-être comme Nick Corey ? Si oui, ça va swinguer !


Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Le criminel

Plus je lis Jim Thompson et plus je suis convaincu qu'il est un auteur d'exception dans l'univers du roman noir, de plus, son style n'a pas pris une ride, et les scénarios qu'il propose me bluffent chaque fois un peu plus par leur construction souvent atypique.

Il est malheureusement assez difficile de parler du "Criminel" sans divulgâcher un peu et c'est dommage, par contre, je peux affirmer que ce scénario est très original et peu courant dans le déroulement de son intrigue.

Il s'agit d'un roman chorale avec un déroulement chronologique précis qui va nous dévoiler une intrigue assez troublante, mettant en scène et à tour de rôle le point de vue de chaque protagoniste. Si j'ai trouvé ce roman captivant, c'est que sa construction ressemble à une radiographie d'une certaine Amérique "moyenne".

La mise en place de l'histoire va nous immerger dans l'intimité d'une famille américaine classique, des parents, des enfants, puis survient alors un drame et une succession d'événements assez dérangeants mettant en scène des juristes, des journalistes. Ce qui est fascinant est que l'auteur va maintenir tout du long une ambiguïté systématique, le roman est chorale certes, chaque acteur de ce drame est remarquablement dessiné et suis ses propres motivations, mais tous disent-ils la vérité ?

Cette lecture va nous garantir un suspense entier jusqu'à la toute dernière scène, voilà, je n'en dirai pas plus et croyez moi, j'en suis le premier frustré.
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Les arnaqueurs

Je retrouve Jim Thompson après une longue éclipse et en refermant ce livre je me demande bien comment j'ai pu me priver si longtemps de la compagnie de cet auteur talentueux.

Au rayon roman noir, il est l'un des meilleurs, et avec ce titre on touche la perfection ni plus ni moins. Avec les arnaqueurs on entre dans un univers fascinant, ne serait-ce que parce que c'est déjà un monde à part, l'évocation des différentes combines et leurs mises en œuvre se révèlent intéressantes et quasi documentaires, côté contexte, j'étais déjà comblé.

Ensuite il y a cette incursion dans la psyché des arnaqueurs, ici il ne s'agit pas d'arnaques de haut vol mais plutôt de combines à "la petite semaine", ce qui constitue une activité relativement risquée comme vous le constaterez en introduction.

Etre arnaqueur c'est une vocation et une malédiction, quand on est doué et que l'on s'est accoutumé à l'argent facile, il est difficile voire impossible de concevoir de vivre une vie normale, la psychologie de ces gens est très particulière et l'essentiel de cette histoire va nous le démontrer.

Si j'ai été bluffé par cette lecture c'est aussi en raison d'un scénario simplement génial, quasi documentaire et qui fait la part belle à la psychologie, sans aucune outrance, juste passionnant et totalement imprévisible jusqu'à une scène finale qui m'a laissé KO debout (enfin assis, mais vous voyez l'idée).

Les personnages sont incroyables de perversité et plus vrais que nature, et ce récit va s'avérer sombre et immoral le plus souvent, la spirale des événements est simplement addictive. Nous avons là l'archétype du roman noir, et pour ce qui me concerne l'un des meilleurs que j'ai pu lire, sans hésiter.

Trois portraits d'arnaqueurs en la personne de Roy, de sa mère Lilli et de Moira, ce qu'ils ont vécu explique ce qu'ils sont devenus, ce n'est pas une excuse mais très certainement une explication.

Pour information, cette histoire a été adaptée au cinéma.
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Une combine en or

Il s'agit de ma neuvième rencontre avec Jim Thompson, un auteur que j'affectionne particulièrement pour ses romans noirs et son style si particulier.

Avec cette "Combine en or", l'auteur va nous emmener une fois de plus dans le petit monde des escrocs et des arnaques, ici il s'agira d'or et de toutes les astuces ou magouilles pour parvenir à se le procurer et surtout en tirer les meilleurs bénéfices, c'est à dire en contournant la loi.

Ce qui m'a rendu cette lecture passionnante tient avant tout dans les personnages, ils sont tous parfaits, à commencer par Toddy Kent, arnaqueur patenté à la psychologie très travaillée par l'auteur.

Tous les autres acteurs de cette histoire contribuent à nous offrir un bon moment, Elaine, sa femme alcoolique et complètement "barrée", Milt, le patron de Toddy au passé énigmatique et enfin Alvarado et Dolorès pour compléter le casting sans oublier une belle paire de racketeurs assez guignolesque et un chien qui parle.

J'ai apprécié le scénario, inventif et tordu à souhait, aimé les péripéties et rebondissements qui se succèdent à un rythme endiablé et ce, malgré quelques outrances qui pourraient nuire à la crédibilité à laquelle Jim Thompson nous a habitué jusqu'à maintenant.

Cela dit, l'ensemble est plaisant et se lit avec délectation jusqu'à la conclusion qui est digne d'un bon film de série noire.
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La cabane du métayer

Je suis décidément et définitivement fan de Jim Thompson !

Ce livre que l'on trouve aussi sous le titre de "Deuil dans le coton" raconte l'histoire de Tom Carver, un jeune homme de 19 ans, fils de métayer à l'avenir tracé d'avance, il trimera dur toute sa vie et restera pauvre car dans ce coin d'Amérique les destins sont inéluctables et on doit l'accepter avec fatalité.

Tom Carver est un garçon docile et obéissant, et comme il a été adopté, il est également reconnaissant, malgré la grande sévérité de "Pa".

Cela dit Tom a de la chance car il fréquente Donna, une fille superbe, qui a tout de même un énorme "défaut", elle est la riche héritière du plus gros propriétaire terrien du comté qui se trouve être le plus proche voisin de Tom, cette relation est donc clandestine et doit le rester à tout prix.

Tom est un maelstrom d'émotion à cet instant de sa vie, il supporte de plus en plus difficilement l'injustice de son destin, l'injustice de "Pa", car il est peut-être un "paysan", mais il n'est pas dénué de sensibilité ni d'intelligence.

Jim Thompson nous offre ici un récit d'une grande force émotionnelle, sa lecture des rapports humains, de leurs interactions est d'une vérité et d'une précision saisissante, le scénario est pour tout dire passionnant et tout à fait imprévisible.

J'ai aimé tout ce que j'ai pu lire de cet auteur, et c'est pour l'instant le livre qui m'aura marqué le plus, une plongée en apnée dans les méandres de l'âme humaine, je remonte un peu secoué pour mon plus grand plaisir de lecteur.
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Rage noire

Jim Thompson , c'est pour moi 1275 âmes donc plutôt réduit le champ d'investigation . Il y était alors question de manipulation de force 10 sur l'échelle de Berlusconi qui n'en affiche que 7 , c'est dire le potentiel entubatoire de l'auteur !

Avec Rage Noire , same player shoot again ! Bouquin rageur et malsain qui ne fait jamais tilt et donnerait même plutôt l'envie de claquer un nouveau Thompson dans un futur proche mais néanmoins ultérieur .



Bonjour m'sieurs dames , j'm'appelle Allen – non , pas de poney , c'était déjà pris - et je possède un QI hors norme susceptible de filer le tournis aux maisons de prod' Endemol et Réservoir Prod réunies ! Mes passions ? Rien que du très classique pour un gamin noir de 12 piges : manipuler , entuber , bourrer le mou , engluer , enfumer matin , midi et soir ! C'est pas de ma faute , j'ai un mot du docteur...

Dire que ses rapports avec sa mère blanche sont houleux serait un rare euphémisme ! de père inconnu , Allen se construit dans la haine pure de son prochain , de sa prochaine également , le gamin étant ici pour l'égalité des sexes , il faut au moins lui reconnaître ça .



Rarement lu un bouquin d'une telle violence ! Allen , véritable boule de haine sur pattes , ne semble s'épanouir que dans les yeux éplorés de ses futures victimes , sa mère n'étant aucunement l'exception ! Difficilement résumable , ce récit coup de poing , de par son propos et les termes usités , fascine ou dégoûte , c'est selon...

J'ai adoré ! le verbe d'un Bukowski , la perversité d'un Hubert Selby Jr , rien de moins .

Une histoire point intentionnellement choquante mais la volonté affirmée et illimitée de présenter un gamin sans aucun repères cherchant désespérément un sens à sa vie...



Rage Noire : pourrait bien vous occasionner une nuit blanche !
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1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants

Tromperies et tracasseries dans un bled bien tranquille

*

Coup de pioche du mois d'août par @taganga2000.

Un livre acquis depuis un assez bon bout de temps. D'ailleurs je le possède également dans sa version antérieure, nommée 1275 âmes.

La nouvelle version (celle-ci) a été retraduite au plus près des mots, de la conjugaison, du style bien particulier de Jim Thompson. J'ai comparé plusieurs chapitres et je préfère de loin celle-ci. Avez-vous remarqué que le chiffre du nombre d'habitants diffère de 5 personnes. Vous allez comprendre cette différence à la fin de mon résumé, hé!hé!

*

Nous avons ici un anti-héros tellement loin de l'image du shérif débonnaire des petites bourgades poussiéreuses des USA.

Nick Corey est tellement futé qu'il pourrait concurrencer Columbo. A l'exception près qu'il est fainéant, retors, et menteur.

*

Focus sur une période troublée dans les années 20, où la ségrégation raciale bat son plein. Dans la bourgade tranquille il passe son temps à monter des machinations, à faire le ménage autour de lui. Egalement à trousser des jeunes dames. Les élections approchent, Nick va tout faire pour les gagner. Quitte à tuer. Mais rira bien qui rira le dernier.

*

"Je dis pas que vous avez tort, mais je dis pas que vous avez raison non plus" , voilà bien ce que Nick clame à qui veut bien l'entendre, ou qui lui cherche des noises.

*

Un très bon roman noir, célébré en son temps. D'un humour corrosif, cynique, car ne l'oublions pas, ce personnage est amoral. L'auteur a réussi - avec brio- à se tenir sur deux narrations : l'une où Nick raconte, commente et juge après-coup et l'autre où il est dans l'action et de ce fait ne réfléchit pas beaucoup. Je dirais que c'est ce qui fait le style, la "patte" de l'auteur.

Cette façon d'utiliser la conjugaison de manière habile est subtile et jouissive. L'auteur s'est bien amusé avec sa galerie de personnages.

C'est mordant, caustique et noir.

*

Alors, vous savez pourquoi il manque 5 âmes à Potts? Ils sont morts, pardi!

Juste la fin qui me paraît trop "ouverte". Est-ce au lecteur d'imaginer le destin de Nick?









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1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants

Nick Corey est un brave gars, cocu et Shérif de Pottsville, 1280 âmes. Il ne sait faire que ça depuis toujours et connait sa ville et ses habitants comme sa poche.



Est-ce sa gentillesse ou sa bêtise qui l'ont amené à se faire forcer la main pour un mariage avec sa femme Myra, alors qu'il était à deux doigts d'épouser Amy ?



Est-ce aussi pour cela qu'il se fait insulter publiquement par ces deux macs qui tiennent le bordel de la ville ?

Ou bien encore que le shérif du comté voisin le prend pour un débile profond ?



En tout cas, à l'approche des prochaines élections pour sa réélection, il commence sérieusement à s'interroger sur ce qu'il conviendrait de faire pour que les gens arrêtent de penser qu'il est inutile.



Alors il va agir...



A mon avis :

Jim Thompson joue pendant longtemps dans le récit sur l’ambiguïté du personnage principal, qui semble être un doux imbécile, comme une bonne part des habitants de la ville, mais qui progressivement se révèle être bien plus machiavélique que ce que l'on aurait pu croire. En tout cas, au bal des faux-culs il est au centre de la piste.



Il joue aussi sur l'ambiance qui règne, crasseuse, texane et du début du XXème siècle. On retrouve un peu des romans de Donald Ray Pollock dans la description, même si ça ne va pas aussi loin et si les personnages n'ont pas autant de profondeur ni de noirceur (Il faut dire que ce point de vue, D.R. Pollock y va fort !)



C'est donc d'abord une question d'atmosphère qu'il faut apprécier dans ce livre, qui donne cette impression au lecteur dans un premier temps, d'être soit dans la cinquième dimension, soit dans un monde parallèle où la bêtise régnerait partout en maître.



Et puis on redescend sur terre brutalement au premier meurtre, qui arrive sans crier gare. L'atmosphère glisse alors dans la noirceur, nourrie de l'attitude de ce shérif qui semble être tout à fait préméditée bien que présentée de manière innocente par l'auteur.



J'ai apprécié cet aspect des choses, qui force le lecteur à s'interroger sur la réalité de ce personnage : est-il stupide et chanceux, ou bien tout cela est-il prémédité et réfléchi ? Et ça s'applique finalement à l'ensemble des protagonistes et m'a laissé cette impression de flotter entre ces deux options avant d'en comprendre la finalité.



On s'amuse donc de certaines situations dans la première moitié de ce roman, qui devient plus sombre dans sa deuxième partie.



Et si c'est l'atmosphère qu'il faut apprécier, c'est que le scénario n'est pas d'une très grande originalité et qu'au fil des pages on devine assez facilement la suite des événements, sauf la fin, assez décevante...



A ceux qui s'interrogeraient sur le titre de ce livre que l'on retrouve parfois sous les termes "Pottsville, 1275 âmes" et non pas "Pottsville 1280 habitants", il s'agit bien du même roman. L'explication la plus probable de cette modification c'est que dans sa première traduction le nombre d'habitants a été modifié pour une facilité de liaison dans la prononciation du titre... c'est peu convaincant, mais c'est la raison que l'on retrouve le plus souvent.

Dans sa dernière version, le titre est ainsi redevenu plus conforme à celui d'origine (en anglais : "Pop. 1280").



Enfin, pour être complet, ce livre a été adapté au cinéma par Bertrand Tavernier sous le titre "Coup de torchon", film de 1981, à la différence près que l'action se situe en Afrique et non pas dans le Sud des Etats-Unis.



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Nuit de fureur

Jim Thompson fait partie de mes auteurs favoris, il excelle dans l'art de créer des atmosphères dérangeantes et ambiguës.

Pour nuit de fureur il va une fois de plus se montrer captivant, les personnages qu'il nous propose de suivre sont assez originaux pour tout dire.

Un tueur à gage tuberculeux d'1,50 mètres de haut au passé tourmenté, une jeune servante handicapée, une cible paranoïaque, un shérif méfiant et assez tordu, un bon samaritain probablement trop sympa pour être ce qu'il paraît être et bien sûr la femme fatale de service.

Une construction impeccable comme d'habitude, lente et progressive à souhait, un contexte assez étouffant, un contrat à exécuter mais la paranoïa s'installe et tout ne sera pas aussi simple que ça.

Je referme pourtant ce livre avec une pointe de déception, je suis ma foi un peu désappointé par une conclusion qui m'a déçu, je n'expliquerai pas pourquoi bien sûr, je n'exprime qu'un ressenti.

4 étoiles quand même pour les 90% qui m'ont ravi et dans lesquels j'ai trouvé le Jim Thompson que j'aime !
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1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants

La derniere page tournee, je cogite: comment etiquetter ce livre. Pour la premiere partie, comique de situations, tendant vers le burlesque. Pour la deuxieme, country noir. Et la fin? La fin nous assene une glose massoretique sur la situation de l'humain en ce monde. L'evangile selon Nick Corey, le heros de ce livre.





Mais pas peur! N'ayez pas peur, tout le monde dit que c'est un polar alors c'est un polar. Il s'eloigne des pionniers americains du genre, s'eloigne des grandes villes, Los Angeles Chicago ou New York, pour atterrir dans un bled perdu d'un millier d'ames. Il prend ses distances des durs bien sapes a la Sam Spade de Hammett, des preux aux principes inebranlables a la Marlowe de Chandler, ainsi que des maffieux conquerants genre le petit cesar de Burnett. Ici nous sommes chez les bouseux, et le heros, le personnage principal est tout a fait dans son element, c'est un anti-heros notoire.





Non, n'ayez pas peur, parce qu'on se marre bien. Enfin… la plupart du temps. de ce que raconte le narrateur et de la facon dont il le raconte. C'est Nick Corey, le sheriff du patelin. Il nous transmet ce qu'il pense, ce qui lui arrive et ce qui arrive autour de lui, et ce qu'il fait. Il se presente a nous comme un bon vivant, mais paresseux, apathique, un peu simplet, qui, fuyant les problemes au lieu de les affronter, est bafoue et houspille par tous, a commencer par sa femme qui le tyrannise. C'est ce qu'il nous dit et redit, mais il raconte aussi ce qu'il fait, le peu qu'il fait d'apres lui, entre deux siestes, et nous finissons par comprendre que nous sommes devant un manipulateur ingenieux et retors, qui ne recule devant rien pour arriver a ses fins, surement pas devant le meurtre. Ni devant les meurtres en serie. le representant de la loi est son plus grand transgresseur, il est completement amoral, le mal en personne, horripilant.





Et pourtant… Il y a des moments ou on sent une certaine empathie envers ce personnage. Au debut du livre, quand on est berne par ses boniments, son bluff, vu qu'il est le narrateur, mais aussi apres, quand on commence a comprendre, que ses actions, les actions qu'il raconte froidement, revelent sa vraie nature. Je me suis senti un peu destabilise en tant que lecteur. Comme si l'auteur, Jim Thompson, refusait au lecteur le noir et blanc, le noir ou le blanc, l'identification du lecteur avec le protagoniste ainsi que son antipode, sa condamnation totale et sans ambages. Peut-etre parce que les figures qui l'entourent, tous les personnages secondaires, ne sont pas meilleurs que lui. Thompson l'expose comme un pur produit de la societe ou il se demene. Et c'est cette societe, celle des petits patelins americains (de l'Amerique profonde?) au premier quart du 20e siecle, que Thompson entend fustiger. Une societe raciste, classiste, ou les petits blancs valent a peine plus que les noirs, sexiste, mysogine, ou la justice est une chimere.





Dans des pages a l'humour aigre Thompson prononce un requisitoire effarant, une condamnation sans appel. Ecoutons quelques bribes: “Parfois, je me dis que c'est pour cette raison, peut-etre, que nous ne faisons pas de progres aussi rapides que les autres regions de la nation : on perd tellement de temps a lyncher d'autres gens, et on depense de telles sommes pour acheter les cordes, le petrole, les accessoires indispensables, et l'alcool pour nous pinter en prevision de l'evenement, qu'il ne reste plus beaucoup d'argent ni de travailleurs disponibles pour accomplir les taches habituelles”.

Ou encore, quand il s'echauffe: “Il y a les pauvres petites filles sans defense, qui pleurent quand leur propre pere vient se glisser dans leur lit. Il y a les maris qui battent leur femme, et les epouses qui les supplient a grands cris de les epargner. Il y a les gamins que la peur et la nervosite font pisser au lit, et leurs meres qui les forcent a avaler du poivre rouge pour les punir. Il y a les visages hagards des malades, rendus exsangues par l'anemie ou marbres par le scorbut. Il y a la quasi-inanition, la sensation de n'etre jamais rassasie, les dettes qui depassent toujours les credits. Il y a les questions qui tournent dans les tetes : comment va-t-on manger, comment va-t-on dormir, comment va-t-on trouver le moyen de se vetir pour ne pas rester cul nu ? Les pensées de cette espece, quand il n'y a plus qu'elles qui vous occupent l'esprit, ça veut dire qu'il vaudrait mieux etre mort. Parce que c'est le vide qui vous les inspire, et vous etes deja mort à l'interieur de vous-meme, et vous ne faites plus rien d'autre que repandre la puanteur et la terreur, les larmes et les gemissements, la torture, la faim, la honte de votre apathie. Votre vacuite. Je fremis à l'idée qu'il a ete merveilleusement inspire, notre Createur, d'inventer pour notre monde ces abominations pures et simples, afin qu'une chose telle que le meurtre ne paraisse pas si terrible en comparaison. Oui, en verite, cetait vraiment, de Sa part, un geste extraordinaire et empreint de misericorde”.





Alors, c'est un polar? Ben voyons! Pour plagier le narrateur, un polar empreint de miséricorde. Ne le ratez pas.

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1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants

Ha, Nick Corey ! Bon sang de bonsoir ! Quelle idée saugrenue t'est donc passée par la cervelle (pour peu que tu en aies une !) pour aller te foutre dans le trou du cul du diable comme tu dis ! Il faut dire qu'entre ton poste de shérif tant mérité (?), tes 12 siestes et tes 14 repas gargantuesques dans la journée, ta femme un brin soûlante et acariâtre, ta première maîtresse te collant aux basques et que tu cherches à éviter, la seconde qui, elle, vaut son pesant d'or et ton débile de beau-frère, ta vie semble des plus exaltantes ! Tu n'as qu'un but dans la vie: te faire réélire à tout prix de Pottsville, petit patelin de 1275 âmes dont les habitants n'attendent presque plus rien de toi. Ne rien faire est déjà beaucoup, te semble-t-il, encore faut-il bien le faire ! Mais, voilà que les élections approchent et Nick semble avoir le feu aux fesses, son rival devient populaire et notre bon shérif semble s'être fourré dans le pétrin. En effet, deux maquereaux lui cherchent des noises et ça, Nick, il aime pas trop ça ! Ni une ni deux, j't'embrouille l'affaire et le tour est joué... Ha, ce bon vieux shérif semble avoir réponse à tout et gare à tous ceux qui voudraient lui mettre des bâtons dans les roues... La bonne ville de Pottsville risque bien d'être chamboulée...



Déjanté, complètement absurde mais terriblement efficace, ce polar ne fait pas la dentelle ! Jim Thompson distille pour notre plus grand plaisir la vie trépidante de ce shérif à la gâchette facile. Personnage malgré tout attachant avec ses penchants et ses bassesses, Nick Corey séduit ou agace, se faisant parfois passer pour l'idiot du village afin de mieux manipuler les gens. Et ça marche ! le lecteur le suit les yeux fermés et l'écoute nous raconter ses péripéties. Avec une écriture enlevée, populaire et accrocheuse, Jim Thompson réussit d'une main de maître à nous plonger dans les bas-fonds des Etats-Unis, où le racisme et le sexisme sont bien présents et nous livre un roman bien noir et cynique, où l'on rit jaune parfois...



1275 âmes... j'suis pas sure que Nick sache compter non plus !
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Une femme d'enfer (Des cliques et des cloaq..

Cela faisait un moment que je n'avais plus lu Jim Thompson et je m'en faisais un plaisir anticipé.

Il me faut pourtant admettre que je n'ai pas vraiment fait une bonne pioche avec ce titre, on retrouve bien sûr la noirceur thématique chère à l'auteur mais pour ma part le compte n'y était pas.

Je n'ai pas été passionné par les personnages, Frank "Dolly" Dillon en tête, un personnage antipathique et ambigu, trop ambigu justement car à la limite de la schizophrénie et de la paranoïa, voir le monde et l'histoire à travers les bribes de sa perception des gens et des événements m'a proprement épuisé.

Dommage car l'intrigue en soi est plutôt brillante, bien que typique de ce que l'on peut attendre de Jim Thompson, mais l'omniprésence de Dolly m'aura rendu cette lecture difficile dans la mesure où les autres personnages auront été trop survolés à mon goût.

Pour conclure il s'agit de ma première déception avec l'auteur, je ne doute pas de me rattraper bientôt ;)
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À deux pas du ciel

Edward Anderson, Jack London, Tom Kromer, nous ont fait voyager sur les routes, dans les ports, à pied, dans des wagons à bestiaux. Nous avons partagé leurs nuits à la belle étoile au bord des chemins, dans des églises ou dans des parcs.

Lire A deux pas du ciel, c'est tailler la route avec le grand Jim Thompson, du West Texas au golfe du Mexique. Largement autobiographique, le roman s'inspire de sa jeunesse, lorsqu'il cumulait les petits boulots dans le pétrole.

Tommy est un jeune homme débrouillard qui a préféré prendre la route à l'âge de 16 ans, plutôt que d'être placé par l'Etat à la mort de ses grands-parents chez lesquels il vivait. Apprécié pour sa dextérité à jouer aux cartes, il rejoint en tant que dynamiteur une équipe chargée de construire un pipe-line au Texas.

Ce genre de boulot attire des ouvriers qualifiés mais surtout des hobos, des vagabonds, des crève-la-faim chassés de leurs foyers par la Grande Dépression et qui restent quelques jours pour les repas servis, cherchent querelle, boivent d'improbables tord-boyaux à base d'essence ou d'alcool quasiment pur qui les rendent aveugles…

Au milieu de ces hommes sans attache qui dilapident leur paye aussi vite qu'ils la gagnent Tommy dénote. Il tombe amoureux, écrit des poèmes, boit, se rappelle ses lectures, vestiges d'études prometteuses brutalement interrompues.

L'intrigue d'A deux pas du ciel est plaisante mais c'est surtout son aspect documentaire que l'on apprécie.

Thompson fait renaître un monde disparu, celui du prolétariat américain si précaire planté au milieu de nulle part, dirigé par des potentas locaux, un monde qui se fond dans celui des hobos, devenus au fil des décennies des figures incontournables de l'imaginaire américain, univers masculin avec ses propres règles, son propre langage, son argot.

A deux pas du ciel rejoint Il ne pleuvra pas toujours, Yegg, Les vagabonds de la faim, tous ces grands romans qui nous ont permis de tailler un jour la route depuis notre canapé.
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Rage noire

Ouch...

Jim Thompson, avec Rage noire, emmène le visiteur de ses pages dans un voyage au bout d' une haine de la mère ( "Mère") qui consume Allen Smith...

Et cette haine déborde tellement, qu'elle s'étend à tous ceux que croise et rencontre l'adolescent.

Rage noire, c'est Vipère au poing à la puissance mille magnifié par une écriture et une traduction superbe. Glauque et sombre à souhait.

Le récit est dur, captivant, brûlant de violence et d'érotisme déchaîné.

1275 âmes, à côté de Rage noire, c'est presque de la Bibliothèque rose.

Allen, surdoué, désespéré et au bord de la folie, ourdie des machinations et manipule ceux que sa détestation froide veut faire payer.

Ah ça, tout le monde va déguster: Mr Velie, Josie, le père de Josie, les Hadley (père, fils et fille), Mère... en passant par l'occupant d'une poussette!

Lire Rage noire, c'est atteindre l'ultime degré de la colère qui couve puis éclate dans les romans de Jim Thompson. C'est hallucinant. On sort de la lecture groggy, sonné.



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Rage noire

Si vous cherchez une couleur plus noire que le noir, je vous conseille le « Thompson »…



« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô mère ennemie... » Comme parfaite transition avec ma dernière critique sur Charles Williams et sa fameuse p’tite poire, ce roman de Jim Thompson aurait pu s’intituler ainsi tant la relation mère-fils relatée dans ce récit est ô combien conflictuelle et haineuse.



« Rage noire » s’avère être le dernier roman de Jim Thompson écrit en 1972. Pourtant particulièrement habitué au noir du petit déjeuner comme à mes lectures ricaines très sombres, j’avoue que j’ai mis au moins trente pages pour m’habituer à l’écriture de ce roman, trash de chez trash. Et puis, j’ai commencé à comprendre le personnage principal du roman, beaucoup plus complexe qu’on ne le croit au premier abord. On devine malheureusement au fil des pages pourquoi il concentre une telle rage…



Allen Smith est un lycéen noir de 18 ans, très intelligent mais extrêmement perturbé, vivant seul avec sa mère, Mary, de couleur blanche, qu’il vouvoie et appelle « Mère ». Débarquant dans un nouveau lycée, il réussit à la fois à impressionner les élèves et professeurs par son bagage de connaissances hors normes et, en même temps, insulte régulièrement ses nouvelles connaissances tout en utilisant un vocabulaire déconcertant.



Allen rencontre notamment Josie, une étudiante noire et fille de policier, qui va avoir le coup de foudre pour Allen en dépit de son comportement exécrable envers elle. Une sorte d’attraction-répulsion étonnante…



Dans le même temps, Allen côtoie Steve et Lisbeth Hadley, frère et sœur tous deux noirs, issus d’une famille bourgeoise dont le père est médecin. Liz, surnommée dans le roman, est également sous le charme d’Allen et cherche à le séduire coûte que coûte. Jusqu’à adopter un comportement très singulier…



Dés lors, on découvre qu’Allen souffre atrocement parce que sa mère le dénigre depuis le plus jeune âge. Complètement inhibé avec les jeunes filles, Allen prend plutôt du plaisir à les humilier, voire plus si affinité. A vous de vous lancer dans le bain - très glacé ou très chaud suivant les paragraphes- pour connaitre la suite…



Après ce bref aperçu du roman, il est facile de se rendre compte du cynisme et de la dureté de cette histoire. Les paroles, les mots, les intentions sont dures, épouvantables, diaboliques.



Jim Thompson possède ce don d’intérioriser son héros de roman comme il avait si brillamment réussi à le faire dans « L’assassin qui est en moi ». Néanmoins, dans « Rage noire », il ajoute une nouvelle dimension en employant cette écriture cassante, blessante et très osée qui vous assène des coups en pleine poitrine à chaque réplique d’Allen Smith. Une véritable épreuve…sans pitié pour le lecteur.



Je me demande encore comment un auteur peut coucher sur le papier un tel roman, si cru et si fascinant à la fois. J’ai été bluffé par la dernière partie du livre qui m’a bouleversé et surpris par l'issue finale. Certaines évocations à dieu sont d’une force incroyable et l’écriture de Thompson est diablement convaincante.



Pour un public évidemment averti, ce livre restera une découverte inoubliable dans tous les sens du terme. C’est véritablement un chef d’œuvre, sans doute unique en son genre. Maintenant, a-t-on le droit de parler de chef d’œuvre pour un roman qui, si je devais proposer une métaphore, serait probablement « une photographie ou un film d’un abîme sans fond de la nature humaine ». Plus trash, tu meurs. D’ailleurs, le pauvre Jim n’a pas survécu après cette dernière épreuve écrite…



PS : dans le contexte du livre et de sa fin, la citation sur Dieu est extrémement pertinente.
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L'assassin qui est en moi

Si l’assassin qui est en moi… était un chocolat ? Et quid du film?



Je me permets d’amender cette critique chocolatée suite au visionnage hier soir du film directement inspiré du roman et de la prise en compte de quelques remarques pertinentes de lecteurs avisés.



Offert pour les fêtes de fin d’année, surpris, je déballe ce roman de Jim Thompson inconnu pour ma part. Après la déception certes relative de « 1275 âmes », je souhaitais lire un autre classique du polar noir de ce même auteur «Le démon dans ma peau». Quelque temps après, je découvre en fait que «L’assassin qui est en moi» n’est autre qu’une réédition de ce dernier sous la forme d’une première traduction intégrale du roman, avec environ une dizaine de pages en plus. Il s’agit également pour l’éditeur de surfer sur l’adaptation du roman au cinéma « The killer inside me », avec Casey Affleck et Jessica Alba, sorti en 2010, dont je vais vous donner mon avis en fin de critique.

S’agissant du roman, Jim Thompson confie la narration à Lou Ford, shérif adjoint à Central City dans le Texas. Il nous fait pénétrer ainsi dans l’esprit de son personnage principal et se permet même de narguer le lecteur à plusieurs reprises durant le récit afin de captiver complètement son attention. On apprend alors que Lou Ford partage sa vie entre sa future femme, Amy Stanton et une jolie prostituée nommée Joyce Lakeland qu’il devrait théoriquement chasser de la ville compte tenu de ses activités. En outre, les circonstances du décès de son frère Mike et les relations difficiles avec son père médecin, sont autant de traumatismes qui pèsent terriblement sur Lou depuis son enfance. De longues années plus tard après ce drame, Lou Ford peut-il toujours maitriser cette haine qu’il a réussi à contenir envers Chester Conway, un magnat local de la construction, qu’il suspecte d'être responsable de la mort de son frère ?



Pour ma part, après avoir terminé ce roman, j’envisageai de me lancer dans une explication un peu alambiquée sur la difficulté d’appréhender un tel livre à la fois noir, glaçant et maîtrisé de bout en bout. Et puis non…



Pour illustrer ma pensée, pourquoi ne pas établir un parallèle, certes subjectif et personnel, entre le polar et le chocolat? Important, je précise que les exemples que je donne se réfèrent à un chocolat de bonne qualité !

Je commence par le chocolat le plus tentant pour les jeunes et les moins jeunes d’ailleurs : le chocolat blanc, sucré, sans la saveur du cacao et conseillé à dose réduite pour la santé. Dans mon esprit, je l’assimile à un roman comme « Les dix petits nègres » ... d’Agatha Christie, facile à lire et au plaisir instantané. Reste que sont d’excellents tremplins que j’ai moi-même adorés plus jeunes.

Vient ensuite le chocolat au lait, familier et apprécié par tout le monde comme le sont les polars de Connelly ou Mankell. Evidemment, dans certains cas, rien n’empêche ce genre d’auteurs à réduire la part de lait au minimum comme, par exemple, mon coup de cœur « Le poète ». Différent, le chocolat noir, dont les adeptes sont moins nombreux, s’apparente à ces romans plus torturés et forts, comme « Ténèbres, prenez-moi la main » ou «encore « Gone, baby gone » du talentueux Lehane.

Enfin, à l’extrémité, le chocolat très noir, au-delà de 65 % de cacao, amer et long en bouche, à déguster à petite dose, correspond évidemment à notre fameux polar « L’assassin qui est en moi » ou encore à « La griffe du chien ». Pour savourer ce roman de Thompson, il est donc préférable d’avoir gouté et apprécié d’autres polars, du plus facile à lire au plus troublant et complexe, sans bruler les étapes. Sauter d’un Agatha Christie à un Jim Thompson relève de l’ascension de l’Everest, en espadrille et sans entrainement. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas prévenu !



En résumé, ce roman est un bijou de maîtrise à tous les niveaux : l’écriture employée par l’auteur place le lecteur en prise directe avec l’assassin ; l’intrigue est dévoilée étape par étape jusqu’à l’apothéose finale ; enfin, la précision des dialogues entre les personnages permet de comprendre la démarche implacable du tueur. Pour finir, je retiens la scène avec l’avocat dans la deuxième partie du roman, écrite tout en humour, subtilité et justesse.



Hier, j’ai donc regardé attentivement le film « The killer inside me » de Michael Winterbottom, remarquablement interprété par Casey Affleck. Contrairement au roman très psychologique et intérieur, le réalisateur du film a choisi la violence physique ouvertement démonstrative à partir de séquences choc des meurtres des deux femmes notamment. En outre, le film cherche trop à mon gout à démontrer la culpabilité de Lou Ford et les invraisemblances commises lors des assassinats alors que ce n'est qu’un axe parmi d’autres du récit. Par ailleurs, le choix des musiques est assez déroutant, particulièrement sur la dernière scène du film.

Au final, un film beaucoup trop visuel et par moment insoutenable qui veut respecter le livre, en picorant des dialogues ou citations percutants, sans en approcher la puissance psychologique et dramatique. Dans le même genre très réussi cette fois, le film « Drive », brillamment interprété et scénarisé, est un petit bijou à découvrir.



Pour revenir et conclure sur le texte original, un très grand roman glaçant et passionnant à la fois, de moins de trois cent pages, à lire et à relire, me donnant envie de découvrir le roman « Rage noire» du même auteur.



Je vous souhaite une excellente dégustation… même si, c'est certain, tous ne goûteront pas le même plaisir qu'a été le mien.



PS : Amis lecteurs, je suis toujours preneur de vos meilleurs chocolats, noirs de préférence ! Concernant Agatha Christie, pour éviter les malentendus, juger ses romans « légers » ne signifie en aucun cas qu’ils ne sont mauvais, bien au contraire. Très important pour les nombreux fans que je salue.
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1275 âmes / Pottsville, 1280 habitants

Désopilant...

Nick Corey est le shérif de Pottsville, « qu’est à peu près aussi proche du trou de balle de la création qu’on peut se le permettre sans se faire mordre un doigt ». Il vit avec Myra son épouse et Lennie, son beau-frère qui « serait incapable de retrouver son cul, même si on y avait attaché une clochette ». Il a pour maitresse Rose, la meilleure amie de sa femme, qu’il aide aux travaux de la ferme entre deux coucheries et pendant que le mari violent et alcoolique de cette dernière est à la chasse. Mais il caresse toujours l’idée d’épouser Amy. A côté de cet imbroglio sentimental, Nick doit gérer les « 1275 âmes » de ce trou à rats et notamment les deux maquereaux du bordel local, son chef Ken qui le prend pour un imbécile et son rival aux prochaines élections...

Le roman de Jim Thompson est une savoureuse satyre tout en second degrés où les âmes n’ont pas d’état d’âme.

Il a inspiré le film réalisé par Bertrand Tavernier en 1981, « Coup de torchon » avec Philippe Noiret, Isabelle Huppert, Jean-Pierre Marielle et Eddy Mitchell.

A découvrir absolument tant c’est drôle, malicieux et fin.

Traduction de Marcel Duhamel.

Editions Gallimard, Folio policier, 248 pages.

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Ville sans loi (Éliminatoires)

Si le titre premier (et qui s'affiche sur Babelio) est Eliminatoires, le livre que j'ai entre les mains se nomme " Ville sans loi"et me séduit davantage.

Bugs McKenna arrive dans une petite ville de l'ouest du Texas, après avoir roulé sa bosse dans pleins de plans foireux , accumulé la scoumoune et (accessoirement), fait de la taule. Aussi, lorsque le flic de la dernière ville traversée, lui offre sur un plateau, un d'emploi sérieux , est-il très ettonné : le vent aurait-il tourné en sa faveur ? il s'occupera de la sécurité dans le seul hôtel de la ville. Entre le shériff qui a l'air ripoux, sa petite amie, que Bugs convoite sans trop oser convoiter , le propriétaire de l'hôtel( un homme richissime cloué dans un fauteuil ), sa femme qui court après Bugs et aimerait bien qu'il s"occupe" de son mari, plus tous les autres employés hauts en couleur, le lecteur ne sait plus trop qui est honnête et qui ne l'est pas. A qui peut-il faire confiance ? Dans le flou, le brouillard les 3/4 du roman, le voile se lève à la fin, et la surprise du lecteur est totale.

Ce que je retiendrai de ce roman noir, ce n'est pas tant son suspens (encore que...), mais sa petite musique "vintage" : le roman est sorti en 1957. Machisme, racisme, alcoolisme... et tous les autres trucs en "isme" , qui ont un peu vieilli , et qui font de ce roman noir, un objet du passé , une sorte de "Dernière séance"... Le potentiel cinématographique est bien là, dans sa caricature, ses codes d'une époque révolue. Le décor d'un grand hôtel est vraiment une très bonne idée, car il ajoute une touche impersonnelle (et donc anxiogène) , à l'histoire.

En me penchant sur la biographie de l'auteur, j'ai découvert que Jim Thompson avait été scénariste à Hollywood. On lui doit des films très célèbres, bien qu'il ait été surtout, reconnu après sa mort. Los Angeles peut parfois être très injuste.

- Une "Ville sans loi " ?

- Non, mais, Une Ville qui peut parfois être cruelle...



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