Citations de Jonas Hassen Khemiri (47)
S’il y avait une chose que j’avais apprise c’était de ne pas rester dans une relation qui demandait plus d’énergie qu’elle n’en donnait. Rares sont les gens qui ne sont pas des voleurs d’énergie.
Adossés aux piliers en pierre en bas de la côte, on regardait leurs collègues éteindre les dernières flammes.
-Tout est foutu ? a demandé Samuel à un des pompiers.
-C’est une question de définition.
J’aimerais juste qu’on ait une autre relation toi et moi, dit le fils. Avant, j’étais un enfant et toi un adulte. Aujourd’hui, tu es devenu un enfant et moi un adulte. Ce serait bien si un jour on arrivait à être deux adultes en même temps, avant qu’il ne soit trop tard. (p.189)
La meilleure façon. C’était ça le mot-clé. Il y avait plein de façons différentes. Mais il y avait la meilleure façon. Et c’est celle-là qu’il voulait trouver. Elle a commencé à comprendre qu’il évoluait dans le monde persuadé que celui-ci était composé de milliards de mauvaises façons et d’une seule bonne. C’est alors qu’elle a réalisé pourquoi ce qui était si simple pour les autres était si compliqué pour lui. (p.315)
« Le fils. Qui ressemble à un fils mais, qui, en réalité est un serpent. Comment a t- il pu dire à son père bien-aimé d’aller se faire foutre devant ses enfants, et ça devant ses petits - enfants ?
Comment a t - il pu devenir si dur?
Quand s’est - il transformé en robot faisant passer sa carrière et son argent avant son propre père ?
Incroyable . Le fils est une honte . Le fils est un non- fils » …
C’est pour elle qu’il était venu. C’est pour elle qu’il avait tout quitté. Ce n’était pas un choix délibéré. L’amour c’est l’opposé d’un choix libre. L’amour c’est de la non-démocratie à cent pour cent. (p.32)
Elle l'a regardé longuement d'un air étrange. Comme s'il avait une grille de mots croisés collée sur le visage.
Quand on sort du Terminal 5, le vent est constant. Il a la force d'un ouragan.Quelle que soit la saison. Il transforme les foulards en drapeaux. Les vestes en jupes. Il est si puissant que les gens doivent se mettre à l'abri entre les colonnes en ciment pour ne pas être forcés de se livrer à une danse involontaire. Deux pas à gauche. Un pas en avant. Pendant que le vent rit et accélère encore le tempo.
Comment est mort votre enfant? demande le petit ami. Pardon? Votre troisième enfant, comment il est mort? Elle est morte, c'est tout, répond le père. D'abord elle a vécu. Puis elle est morte. Pourquoi vos voulez savoir ça? Vous êtes de la police? Vous êtes un agent du FBI ou du Mossad?
9782330150990
"La file n’a pas bougé d’un pouce. Personne ne se met en colère. Personne n’élève la voix. Personne n’essaie de doubler. Les gens lèvent juste les yeux au ciel en soupirant. Le grand-père fait pareil. Il se souvient de l’époque où il était un père. Les goûters d’anniversaire et les vacances au soleil, les entraînements de judo et les gastros, les leçons de piano et les fêtes de fin d’année. Il se souvient de la manique que sa fille, ou peut-être son fils, avait fabriquée en travaux manuels, avec le texte brodé : Le meilleur papa du monde. Il était un père formidable. Il est un grand-père formidable. Celui qui prétend le contraire est un menteur"
Ce n'est pas un être humain qui vit en elle. Ce n’est pas un foetus. Ce n'est qu’un œuf qui grandit, qui s'organise en plusieurs couches de cellule et qui est en train de s'implanter dans sa paroi utérine. Il n'y a pas encore de peau, pas de système nerveux, pas d'oreilles, pas d'yeux. Pas de muscles, pas de squelette, pas de reins, pas de cerveau. Pas d'intestin, pas de système digestif, pas de poumons; pas de vessie, pas de sexe, pas de personnalité, pas de nom. Il reste une éternité avant la première respiration, le premier pas, la phase d'opposition des deux ans, la phase d'opposition des trois ans, pour ne pas parler de la phase d'opposition des quatre ans.
Il la contemple. Il y a vingt ans, il l'aurait trouvée invisible. Il y a dix ans, il l'aurait peut-être regardée mais il se serait rapidement dit qu'elle n'était pas son type. Aujourd'hui, il décide qu'elle est suffisamment belle.
Il faut que tu saches - la tradition de Noël des Suédois est une affaire particulièrement interne et cela dure de nombreuses années jusqu'à ce qu'on atteigne le statut nécessaire pour être invité en tant qu'hôte externe.
Il y a de la place pour combien de larmes dans un corps?
Le lecteur se penche vers la terre, transporte un marron dans sa poche et se promène ensuite à la maison, au rythme du soleil qui se réveille
Un père qui est grand-père sort dans le hall des arrivées. (...) Il ne cherche pas ses enfants des yeux parce qu'il sait qu'ils ne sont pas là. Pourtant, il remarque que son regard, lui, cherche. Que ses yeux eux, espèrent.
Non, je préfère rester ici, dit le père. Avec ma famille. Putain, chuchote la mère. Je sais exactement ce qui va se passer si tu restes. Tu vas finir par t'énerver contre nous parce que tout le monde aura eu le droit de faire ce qu'il veut, sauf toi, et après tu vas faire la gueule le reste la journée parce que tu es pas assez adulte pour satisfaire tes propres besoins. Vas-y. Maintenant. Je m'occupe des enfants.
Le gars que Samuel avait décrit comme étant la terreur du lycée était musclé comme un ver de terre. Il avait la posture menaçante d'un croissant. Il donnait l'impression de pouvoir caresser un chaton assez fermement.
Le voisin me serre la main et me souhaite bonne chance dans ma tentative de reconstitution des derniers jours de Samuel. Si j’ai un conseil à vous donner c’est de rester simple. Raconter tout bonnement ce qui s’est passé – y aller franchement. J’ai lu des extraits de vos autres livres et j’ai eu le sentiment que vous compliquiez inutilement les choses.
Tu veux dire quoi par « pourquoi » ? La question c’est plutôt « pourquoi pas » ? Pourquoi n’en aurait-il pas profité pour faire quelque chose qui ait du sens ? Tous les jours il était emprisonné dans la camisole de force de la bureaucratie. Il suivait le règlement, les directives. Il contactait les ambassades, réservait des voyages pour renvoyer chez eux des gens qui ne voulaient pas partir. À côté de ça, la maison de sa grand-mère était vide. Et beaucoup de personnes avaient besoin d’un endroit où habiter. Ce qu’il y a d’étrange ce n’est pas que Samuel veuille aider, c’est plutôt qu’il n’y ait pas plus de gens qui le fassent.