Citations de Kimberly McCreight (209)
Le fait que mon père soit un homme froid présente un avantage indéniable. Il ne s’est pas effondré après l’accident. Je ne l’ai vu qu’une fois commencer à perdre les pédales – au téléphone avec le docteur Simons, son meilleur/seul ami/mentor/père de substitution. Et même alors, il s’est ressaisi très rapidement. Il m’arrive quand même de me demander si je n’aimerais pas qu’il craque de temps en temps, juste histoire de me serrer contre lui à m’en étouffer et pour que je devine dans ses yeux qu’il sait à quel point je suis dévastée. Parce qu’il l’est, lui aussi.
C’est une règle chez nous : pas de téléphone portable dans la salle à manger. Elle a été instaurée il y a très longtemps, même si personne ne la respecte vraiment – ni ma mère, ni mon frère jumeau, Gideon, ni moi. Mais ça, c’était avant. Il y a deux types d’événements à présent : avant et après. Entre les deux, une période tragique, l’accident de ma mère survenu quatre mois plus tôt. Depuis, la règle du « pas de téléphone » est devenue beaucoup plus importante pour mon père. Comme plein d’autres détails. J’ai parfois l’impression qu’il essaie de reconstruire notre vie avec des allumettes. Et je l’aime encore plus fort pour ça. Mais aimer quelqu’un ne veut pas dire le comprendre. Ce n’est pas vraiment grave, au fond, puisque mon père me considère comme une énigme lui aussi. C’est comme ça depuis toujours. Et maintenant que maman est morte, je pense que plus personne ne me comprendra.
Il y a encore bien des choses que je ne comprends pas. Un paquet, même. Mais j’ai tout de même une certitude : malgré toute la peur que je lis dans les prunelles de cette femme, je dois à tout prix la persuader de nous aider. Nos vies en dépendent. Et pour ça, il faut qu’on sorte d’ici.
« Nous devons croire que nous sommes tous doués pour quelque chose et que nous devons tout mettre en œuvre pour l’obtenir. »
Marie CURIE
Il n'y a qu'une façon pour moi de sortir de ce garage : me persuader que j'en suis capable. Tu peux le faire. Tu peux le faire. La voix de ma mère résonne dans ma tête. Je sens qu'elle croise les doigts pendant que j'escalade très lentement cette paroi rocheuse. Je suis parvenue au sommet parce que j'ai cru ce qu'elle me disait. Ça va aussi me permettre de franchir cette porte.
- Donne-moi le bras, j'ordonne à Jasper sans le regarder.
Il hésite un instant puis obéit. Je pose la main sur son coude nu : je pensais que ce serait moins bizarre que de toucher son bicep musclé mais ce n'est pas le cas.
– […] Est-ce que tu crois qu'elle va bien?
– Oui, répond-il trop vite pour que je le croie.
– Pourquoi?
– Parce qu'il le faut, pas vrai?
Et quand il me regarde cette fois, ses yeux brillent dans l'obscurité.
– Ouais.
La gorge me brûle et je me tourne vers la vitre et les ténèbres qui défilent derrière. Ce n'est qu'à ce moment que je me rends compte que ce que j'ai dit à ce vieux fou était parfaitement vrai: je ne sais pas ce que je deviendrai si je perds Cassie aussi. Comment pourrai-je survivre sans sa folle énergie qui m'oblige à voir au-delà des frontières de mon angoisse ?
- On n'aurait pas dû venir ici, dis-je avant qu'il soit revenu à la voiture.
- Comment ça ? demande Jasper. Où ici ? Le camp ?
- Je sais pas.
- Hé. (Jasper serre brièvement sa main dans la mienne. mais c'est suffisant pour que je prenne conscience que mes doigts sont raides et glacés.) Ça va aller. Elle va bien.
« Y a des agents chez toi ? »
Je tourne le dos à la porte pour répondre.
« Oui. Pourquoi ? »
Sa réponse est immédiate. Un seul mot.
« Fuis. »
Parfois, des choses tragiques arrivent aux gens beaux.
Mais c'est pire à présent, plus désespéré. Parce que où que j'aille, la vérité me rattrapera toujours.
La souffrance peut être une bombe ou une lente brûlure. Ou, dans mon cas, un hiver nucléaire.
La perfection ne plie pas. Elle rompt.
Parce que je ne sais peut être plus qui je suis. Mais il y a une chose dont je suis certaine: je ne veux plus jamais avoir peur.
La seul chose pire que de n'avoir aucune issue de secours, c'est de croire qu'on en a une qui n'existe pas.
Ma vérité est la somme d'un nombre incalculable de mensonges.
La veille au soir, j'ai aperçu mon reflet dans le miroir de l'entrée et pendant une fraction de seconde - une horrible fraction de seconde - j'ai cru la voir. Maman. Elle était là, bien vivante. Avec les cheveux longs, j'étais son portrait craché. Et hier, j'avais besoin d'effacer cette ressemblance. Pour ne plus jamais me confondre avec elle. Pour ne plus jamais croire pendant un instant atrocement magnifique qu'elle était rentrée à la maison.
Alors j'ai attrapé les ciseaux et je me suis placée au-dessus du lavabo de la salle de bain pour me couper les cheveux.
Je voudrais voler comme elle. Je voudrais tomber et me fracasser le crâne pour chasser les souvenirs. Je voudrais n'être plus rien, pour ne plus me repasser le film seconde par seconde en sachant à présent qu'elle aurait pu être sauvée.
-Wylie ! (J'entends Jasper hurler pendant que je me place au beau milieu de la route.) Qu'est-ce que tu fous, nom de Dieu ?
Tout va bien, je me dis. Je ne mourrai pas comme ça. Et je le pense vraiment. Mais alors que j'agite mes bras au milieu de la route, une partie de moi l'espère quand même. Et Jasper a raison, le camion ne ralentit pas. Les phares se rapprochent. Ils éclairent violemment le bitume et les arbres et m'éblouissent. Ce n'est pas comme ça que je meurs. Et c'est à la fois un souvenir et un souhait.
-Wylie ! Hurle de nouveau Jasper.
Je pivote vers lui. Son visage est brillamment éclairé par les phares et il sprinte vers moi comme le sportif qu'il est. Mais je sais déjà qu'il n'aura pas le temps de faire autre chose que mourir avec moi.
La frontiere est floue entre passion et paillasson
Tout le monde va mal, Wylie. C'est juste une question de degré. Et d'intentions. Si tu attends d'être guérie pour vivre ta vie, tu vas perdre un temps fou.
Etre avec des gens qui savent que le monde est plus sombre sans toi
Au final, la véritable question sera : jusqu'où chacun est il prêt à aller pour protéger quelqu'un qui ne lui ressemble pas?
- Je suis désolée, Wylie, poursuivit-elle. J’ai l’impression de t’avoir laissée tomber.
- Ce n’est pas grave. J’étais déjà à terre...
- Peut-être que ce vieux bonhomme avait raison, déclare Gideon sur un ton faussement enjoué.
- Comment ça?
-Parfois, plus on essaie de comprendre quelque chose, moins on y parvient...
Le bonheur était mon pays d’adoption, pas ma terre natale.
Ça n’aurait pas été si grave si je n’avais pas compté les minutes qui me séparaient du moment où je pourrais lui pardonner. Mais allez donc pardonner à quelqu’un qui ne cherche pas à s’excuser.