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Citations de Laurent Binet (620)


Au début ça m'avait semblé une histoire simple à raconter. Deux hommes doivent en tuer un troisième. Ils y parviennent, ou non, et c'est fini, ou presque. Tous les autres, pensais-je, étaient des fantômes qui allaient glisser élégamment sur la tapisserie de l'Histoire. Les fantômes, il faut s'en occuper et cela demande beaucoup de soin, mais cela, je le savais. En revanche, j'ignorais, et j'aurais dû m'en douter pourtant, qu'un fantôme n'aspire qu'à une simple chose : revivre.
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C’est un combat perdu d’avance. Je ne peux pas raconter cette histoire telle qu’elle devrait l’être. Tout ce fatras de personnages, d’événements, de dates, et l’arborescence infinie des liens de cause à effet, et ces gens, ces vrais gens qui ont vraiment existé, avec leur vie, leurs actes et leurs pensées dont je frôle un pan infime… Je me cogne sans cesse contre ce mur de l’Histoire sur lequel grimpe et s’étend, sans jamais s’arrêter, toujours plus haut et toujours plus dru, le lierre décourageant de la causalité.
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Quand je regarde les actualités, quand je lis le journal, quand je rencontre des gens, quand je fréquente des cercles d'amis et de connaissances, quand je vois comment chacun se débat et se glisse comme il peut dans les sinuosités absurdes de la vie, je me dis que le monde est ridicule, émouvant et cruel. C'est un peu la même chose pour ce livre : l'histoire est cruelle, les protagonistes émouvants, et je suis ridicule. Mais je suis à Prague
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J'en suis exactement là où je voulais en venir. Un volcan d'adrénaline embrase le virage d'Holesovice. C'est le moment précis où la somme de micro-décisions individuelles, uniquement mues par les forces de l'instinct et de la peur, va permettre à l'Histoire de connaître l'un de ses soubresauts, ou de ses hoquets, les plus sonores
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Je sens bien que mes deux héros tardent à entrer en scène. Mais s'ils se font attendre, peut-être que ce n'est pas plus mal. Peut-être qu'ils n'en auront que plus de corps. Peut-être que la marque qu'ils ont laissée dans l'Histoire et dans ma mémoire pourra-t-elle s'imprimer plus profondément dans mes pages. Peut-être que cette longue station dans l'antichambre de mon cerveau leur restituera un peu de leur réalité, et pas seulement de la vulgaire ressemblance. Peut-être, peut-être...mais rien n'est moins sûr! Heydrich ne m'impressionne déjà plus. Ce sont eux qui m'intimident
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Cette révélation tardive doublée d'un bon mot ne suffit pas à rattraper une attitude infâme. Saint John Perse s'est conduit comme une grosse merde. Lui aurait dit avec cette préciosité ridicule de diplomate compassé, "un excrément"
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Je sans bien que ma soif de documentation, saine à la base, devient quelque peu mortifère : au bout du compte un prétexte pour reculer le moment de l'écriture
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Il a fallu tricher, parfois, et renier ce en quoi je crois parce que mes croyances littéraires n'ont aucune importance au regard de ce qui se joue maintenant.
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Je lis beaucoup de romans historiques pour voir comment les autres se débrouillent avec les contraintes du genre. Certains savent faire preuve d'une rigueur extrême, d'autres s'en foutent un peu, d'autres enfin parviennent à contourner habilement les murs de la vérité historique sans pour autant trop affabuler. Je suis frappé tout de même par le fait que dans tous les cas, la fiction l'emporte sur l'histoire. C'est logique, mais j'ai du mal à m'y résoudre.
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J'espère simplement que derrière l'épaisse couche réfléchissante d'idéalisation que je vais appliquer à cette historie fabuleuse, le miroir sans tain de la réalité historique se laissera encore traverser.
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J'en ai le souffle coupé. C'est à peine si je parviens à récapituler : Daladier, ancien ministre de la Défense nationale du Front populaire, invoque des questions de défense nationale, non pas pour empêcher Hitler de démembrer la Tchécoslovaquie, mais pour revenir sur la semaine de 40 heures, c'est-à-dire justement l'un des acquis du Front populaire. A ce degré de bêtise politique, la trahison devient presque une oeuvre d'art.
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Il a fallu, au mépris de toute pudeur, m'associer à des hommes si grands qu'en regardant vers le sol ils n'auraient même pas pu soupçonner mon existence d'insecte.
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"Les Bienveillantes", c'est "Houellebecq chez les nazis", tout simplement.
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Ceux qui sont morts sont morts, et il leur est bien égal qu'on leur rende hommage. Mais c'est pour nous, les vivants que cela signifie quelque chose. La mémoire n'est d'aucune utilité à ceux qu'elle honore, mais elle sert celui qui s'en sert. Avec elle, je me construis, et avec elle je me console.
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Ayant eu vent que le chef du Secret Intelligence Service anglais se fait appeler M ( oui comme dans James Bond), il décide sobrement de se faire appeler H. C'est en quelque sorte son premier véritable alias, avant l'ère des surnoms dont il sera bientôt affublé : "le bourreau", 'le boucher", "la bête blonde", et, celui donné par Adolf Hitler en personne, "l'homme au coeur de fer".
Je ne crois pas que H se soit imposé comme une appellation très répandue auprès de ses hommes ( qui lui préfèreront "la bête blonde" plus parlant ). Sans doute trop de H éminents au dessus de lui risquaient-ils d'engendrer de regrettables confusions : Heydrich, Himmler, Hitler...par prudence, il a dû lui-même laisser tomber cet enfantillage. Pourtant, H comme Holocauste...ça aurait été très bien pour servir de mauvais titre à sa biographie.
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Gabcík, c'est son nom, est un personnage qui a vraiment existé. A-t-il entendu, au-dehors, derrière les volets d'un appartement plongé dans l'obscurité, seul, allongé sur un petit lit de fer, a-t-il écouté le grincement tellement reconnaissable des tramways de Prague ? Je veux le croire. Comme je connais bien Prague, je peux imaginer le numéro du tramway (mais peut-être a-t-il changé), son itinéraire, et l'endroit d'où, derrière les volets clos, Gabjík attend, allongé, pense et écoute. Nous sommes à Prague, à l'angle de Vyšehradska et de Trojijka. Le tramway n° 18 (ou 22) s'est arrêté devant le Jardin Botanique. Nous sommes surtout en 1942. Dans Le Livre du rire et de l'oubli, Kundera laisse entendre qu'il a un peu honte d'avoir à baptiser ses personnages, et bien que cette honte ne soit guère perceptible dans ses romans, qui regorgent de Tomas, Tamina et autres Tereza, il y a là l'intuition d'une évidence : quoi de plus vulgaire que d'attribuer arbitrairement, dans un puéril souci d'effet de réel ou, dans le meilleur des cas, simplement de commodité, un nom inventé à un personnage inventé ? Kundera aurait dû, à mon avis, aller plus loin : quoi de plus vulgaire, en effet, qu'un personnage inventé ?
Gabjík, lui, a donc vraiment existé, et c'était bel et bien à ce nom qu'il répondait (quoique pas toujours). Son histoire est tout aussi vraie qu'elle est exceptionnelle. Lui et ses camarades sont, à mes yeux, les auteurs d'un des plus grands actes de résistance de l'histoire humaine, et sans conteste du plus haut fait de résistance de la Seconde Guerre mondiale. Depuis longtemps, je souhaitais lui rendre hommage. Depuis longtemps, je le vois, allongé dans cette petite chambre, les volets clos, fenêtre ouverte, écouter le grincement du tramway qui s'arrête devant le Jardin Botanique (dans quel sens ? Je ne sais pas). Mais si je couche cette image sur le papier, comme je suis sournoisement en train de le faire, je ne suis pas sûr de lui rendre hommage. Je réduis cet homme au rang de vulgaire personnage, et ses actes à de la littérature : alchimie infamante mais qu'y puis-je ? Je ne veux pas traîner cette vision toute ma vie sans avoir, au moins, essayé de la restituer. J'espère simplement que derrière l'épaisse couche réfléchissante d'idéalisation que je vais appliquer à cette histoire fabuleuse, le miroir sans tain de la réalité historique se laissera encore traverser.
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