Citations de Léon-Paul Fargue (238)
Ils vivaient là, peut-être, les beaux yeux qui vous attendront toujours...
Aux vitres d’un bal, une musique d’étoiles filantes.. Par instants des accords brillaient plus fort.. Mais on les cachait pour que je fusse seul encore.. Et la Mort y passait sa figure de trèfle.. Et j’en caressais mon rêve...
Paris a ce don de retenir les charmes de ce qui se passe, de les incorporer au présent, à l'avenir. p. 587
Sur les fausses portées d'un bar
Sur les fausses portées d'un bar, après des kummels et des Old Judje, des coupes de couleur contiennent Puck, Ariel et tout le Songe..
.. Une femme en costume tailleur, aux traits parfaitement décidés et froids, sans un bijou. Deux marchands lourds, d'une encolure de buffles, les doigts pleins de bagues, un énorme fer à cheval aux caillots de la cravate, excitent mal son sourire par des grimaces grasses, comme une foule..
Une aigre musique énerve et tisonne.
…
Ouvre ta porte au lecteur , c'est a' lui de trouver les cachettes .
Trouvé dans des papiers de famille
Extrait 1
J’ai tant rêvé, j’ai tant rêvé que je ne suis
Plus d’ici.
Ne m’interrogez pas, ne me tourmentez pas.
Ne m’accompagnez pas sur mon calvaire.
Il ne m’est pas donné de m’expliquer les ordres.
Pas même le droit d’y songer,
Il est grand temps que je me lève et que je parte.
Il a une permission de la mort, et il arrive.
Au tournant de la rue qui mène à la nuit, je l’attends.
La mer va rentrer ses dernières terrasses.
Une première lampe a soif dans les ténèbres.
…
La mer phosphorescente
Extrait 2
L'éclair ! Une fougère arborescente… Or, entre les rocs, un
Monstre aperçoit les trois voyageurs sur leur bât d'ombre.
Autour des bords à pic d'un gouffre circulaire il écarte avec soin
les plantes carnivores.. Il sort. Il pose sans hâte une énorme
patte palmée sur la crête de la falaise en faisant pleuvoir des
éclats de schiste..
Et il laisse glisser le long de la paroi restée dans l'ombre,
comme une coulée d'émail en fusion sort du creuset plein d'or,
avec un bruit bien rond qui tourne et qui gronde…
La mer phosphorescente
Extrait 1
La mer phosphorescente perle entre les arbres. Par les
grands yeux des lémuriens crochés dans les plus hautes
branches, l'âme des ancêtres regarde…
Un pont grêle part comme une fusée, surplombe la lune
ébréchée, porte trois voyageurs sur son dos d'âne et rejoint la
falaise averse.
Il commence à pleuvoir sur le golfe. Un nuage passe une
ombre immense sur l'eau lourde et limoneuse. Une petite
barque pagaye de tout son cœur…
J’ai vu pousser la tour Eiffel. Nous allions la voir, en sortant du lycée […]. Les parents constataient les progrès de la chose, en sifflotant […]. Le cœur serré, nous distinguions au-dessus de la première plate-forme un halo rouge de travail, une sorte de buée sonore, où l’on voyait de temps en temps sauter le battant d’un marteau, pareil à l’envol d’un corbeau
qui retombait dans la poussière. Un bourgeois qui passait s’arrêta près de nous, rouge et soufflant […].
- Nous ne serons jamais prêts ! dit-il.
Un matin de mars, cependant, la Tour fut prête, cuite à point comme une langouste.
Le soir se penche avec langueur
Le soir se penche avec langueur — et les arbres au bord de la route des songes — comme de grands oiseaux la tête sous l’aile — s’endorment. La lune pleure dans les branches — comme un regard entre des mains tremblantes... Elle y noue ses froides faveurs. Elle suit le fleuve tout contre la berge. Elle s’y balance, et il semble qu’un grand cygne ait perdu ses plumes sur l’eau plate où le ciel se berce..
Il y a une garde de roseaux au tournant escarpé où la lune entre par échardes. Un long souffle d’air qui chasse par instants les noms et les souvenirs de leurs nids sombres écaille le fleuve et le feuillage.. Alors, le veilleur et l’éclusier de la contrée fiévreuse — le gros lézard gris où s’est réfugiée une âme ancienne — souffle d’une voix lointaine et qui évoque un rite et un instrument sauvages — parce qu’il voit passer des choses que nous ne savons pas voir — et qui rejoignent l’horizon où le passé dort sous la cendre...
KIOSQUES
En vain la mer fait le voyage
Du fond de l’horizon pour baiser tes pieds sages,
Tu les retires
Toujours à temps.
Tu te tais, je ne dis rien.
Nous n’en pensons pas plus, peut-être.
Mais les lucioles de proche en proche
Ont tiré leur lampe de poche
Tout exprès pour faire briller
Sur tes yeux calmes cette larme
Que je fus un jour obligé de boire.
La mer est bien assez salée.
Puis une méduse blonde et bleue
Qui veut s’instruire en s’attristant
Traverse les étages bondés de la mer,
Nette et claire comme un ascenseur,
Et décoiffe sa lampe à fleur d’eau
Pour te voir feindre sur le sable
Avec ton ombrelle, en pleurant,
Les trois cas d’égalité des triangles.
La poésie : c'est le point où la prose décolle.
Steinlen fut sacré citoyen de Montmartre.
Il couchait jadis au Chat Noir avec Bruant et Jules Jouy, car le Chat Noir était connu à cette époque comme asile de nuit autant que comme cabaret.
Tel Jésus entre deux larrons, le Sacré-Cœur se dresse entre le Moulin de la Galette et le Moulin Rouge.
Il y a les clients de passage et les habitants de toujours ...
Des trains qui ont la longueur d'un instant de cafard ...
Des fenêtres fermées sur des misères violentes, des boutiques pour lesquelles le métro aérien imite Wagner et Zeus, des garnis lourds et bruns comme des algues ...
La Chapelle est bien ce pays d'un merveilleux lugubre et prenant, ce paradis des paumés, des mômes de la cloche et des costauds qui ont l'honneur au bout de la langue et la loyauté au bout des doigts ...
Une atmosphère de considération que l'on ne trouve pas ailleurs ...
Le mari déjà juteux de vermouth, sifflote au derrière de ses fils.
L'épouse fidèle et solide appuie sur le trottoir son pas de villageoise.