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Critiques de Lucius Shepard (203)
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La vie en temps de guerre

Prodigieusement.....Chiant.



David Mingolla est un soldat américain dans une guérilla en Amérique du Sud. Une guerre où les soldats sont shootés aux drogues de combats, où les médiums prédisent les mouvements de l'ennemi.



En voilà un pitch intéressant. Dès les premières pages, on sent une atmosphère particulièrement glauque, collante. L'écriture est soignée. Le texte agrémenté de beaucoup de descriptions. Mmmm, je sens qu'on peut se prendre au jeu. Mais très rapidement je déchante. Bavard, bavard... Tout sombre dans le mystique, le soldat qui passe son temps à se poser des questions existentielles, le peu d'action est noyé le verbiage. Et plus je lis, plus je me noie dans les mots de l'auteur. Je coule à pic même, le livre me tombe des mains.

Ah l'exploration des tréfonds de la psyché humaine. Donnez-moi un M16, je vais les explorer, moi les tréfonds...
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La vie en temps de guerre

La vie en temps de guerre est un roman de qualité .



C’est de la science-fiction milliaire classique . Les Etats-Unis interviennent militairement au Guatemala où une guérilla essaye de marquer des points .

De la technologie de pointe , un peu de paranormal , font un texte de science-fiction assez atypique mais doté d’un style brillant .



C’est un bon récit où le lecteur est véritablement et constamment le nez dans les combats dans une jungle tellement stressante qu’elle en en devient une source permanente de trauma .

Les deux camps sont bien campés sans être stéréotypés ( guérilla – armée régulière ) .



Cette guerre dure depuis très et trop longtemps , les soldat engagés dans ce capharnaüm n’en voit plus ni le bout , ni le sens ...

Ils se laissent paradoxalement aller alternativement , à l’hyper vigilance , à la folie douce , à une sorte de délire dangereux et vaguement hallucinatoire et onirique par moments .



Si je devais comparer ce réquisitoire contre la guerre , rarement présentée en science-fiction de façons aussi réalistes , authentiques et crues , à une autre fiction à fois réalistes , authentique et symbolique , je dirais Apocalypse Now , il y a en effet , de grandes analogies dans les processus .



C’est un roman exceptionnel à cause de phrases bien pesées , d’un imaginaire ravageur et singulier , et d’une connaissance intime par l’auteur de l’Amérique latine .



Ceci dit c’est parfaitement aussi un roman des années 80 . C'est-à-dire que la vérité est nécessairement dans la jungle , derrière les pissenlits et nulle part ailleurs .

Les Etats-Unis sont diabolisés , et ils sont en passe de devenir le grand Satan cause de tous les maux que nous connaissons aujourd’hui .



Cependant à l’époque c’est encore un grand Satan laïc ,

Qui est moins responsable d’ailleurs de la détresse du monde que le communisme qui a détruit la vie de centaines de millions de personnes de par le monde , avec entre autre Staline ( à peine moins que le nazisme finalement ) ...



C’est un texte qui est encore assez vaguement casse pieds car vaguement idéologique .

De ce fait il reçoit d’ailleurs les orgues de Staline ( pardon je veux dire les orgues de la critique ) .



Mais c’est un superbe récit de SF militaire faiblement prospectiviste indéniablement .



Un roman qui se laisse lire et qui comme Cuba n’a pas pris une seule ride ( enfin pas trop ) .

II se laisse lire et pour Cuba ? eh bien oui c’est toujours cette ile ensoleillée et paradisiaque que l’on quitte à la nage , et pas les états unis , le temps passe et si peu de choses changent ...

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Les attracteurs de Rose Street

C’est tout moi, ça. J’achète les livres de la collection UHL du Bélial’ et je les laisse prendre la poussière sans les lire. C’est pas bien.



Bon, j’attaque le rattrapage avec Les attracteurs de Rose street. Mon premier Lucius Shepard (là aussi j’ai du retard). Un court roman du temps de la reine Victoria qui fleure bon le brouillard de particules londonien, les calèches et la curiosité des hommes bien nés pour le monde qui les entoure.

C’est fou comme j’ai eu l’impression de lire un roman fantastique britannique de la fin du 19eme siècle. Vous êtes sûrs que Shepard est américain ? Un coup de chapeau également au traducteur Jean-Daniel Brèque qui retranscrit parfaitement l’atmosphère des romans de cette époque. Tout y est : le narrateur Samuel Prothero, aliéniste ambitieux mais pas snob qui accepte de prêter ses talents au riche mais taciturne Jeffrey Richmond. M. Richmond dont la maisonnée renferme de lourds secrets qui n’ont pas été sans me rappeler ceux de M. Rochester dans Jane Eyre. Mais des secrets dont émanent un parfum de fantastique qui va prendre de plus en plus d’ampleur au fur et à mesure de l’avancée du récit.

L’auteur passe allègrement d’une ambiance Londres des bas-fonds à la Dickens à du quasi vaudeville . En revanche le tampon steampunk me semble abusé ; les machines de Richmond sont seules à le justifier, mais pas plus que la machine à explorer de temps de H.G. Wells.



Le récit se déploie lentement, faisant avancer l’intrigue principale à la même vitesse que les relations entre les personnages, ladite intrigue se devant d’accélérer sur la fin pour ne pas se prendre dans la face la 4eme de couverture de ce court format. Des questions resteront sans réponses sur ce dont Samuel, Jane et Jeffrey ont vraiment été témoins. Un aspect nécessaire de ce genre d’histoire selon moi.

Je lis peu ce genre de récit, mais une fois de temps en temps c’est bienvenu. Ici le timing était parfait. J’ai beaucoup aimé.

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Les attracteurs de Rose Street

Lucius Shepard fait partie des auteurs que j’ai envie de découvrir depuis quelques temps déjà. Et quoi de mieux pour une première lecture d’un auteur qu’une novella ?! Cette rencontre avec Shepard fut un bien agréable moment qui m’a donné envie de lire d’autres textes de l’auteur.



Il y a bien un côté steampunk dans « les attracteurs de Rose street », les machines créées par Richmond ont une importance capitale dans le récit et leur description amène en tête des images assez rétro-futuristes. Mais cet aspect steampunk m’a semblé bien moins marqué que le côté gothique du récit. On y retrouve plein d’ingrédients classiques du roman gothique. Comme tous les récits relevant de ce registre « les attracteurs de Rose street » joue beaucoup sur l’ambiance. Shepard semble s’amuser à transposer ces ingrédients gothiques dans une ambiance victorienne très marquée par la révolution industrielle. Ainsi le château mystérieux est remplacé par un ancien bordel non moins énigmatique, la brume est remplacée par la pollution… Comme dans nombre de romans gothiques, tout le récit est teinté d’une sensualité trouble, impression renforcée par l’aspect psychologique du roman qui est bien fouillé pour un texte de ce format. Les personnages auraient pu être d’avantage développés, tout comme l’intrigue d’ailleurs, mais pour un texte de cette taille la caractérisation des personnages est soignée et l’histoire très bien menée.



« Les attracteurs de Rose street » est encore une publication intéressante de la collection Une heure-lumière. Et ce court roman m’a convaincue du talent de Shepard. Je compte bien me procurer d’autres livres de cet auteur.

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Abimagique

En quelques lectures Lucius Shepard s’est imposé comme un de mes écrivains préférés. Et ce n’est pas ce « Abimagique » qui va décevoir cet amour littéraire. Cette novella parue dans la sublime collection Une Heure Lumière est un formidable récit qui impose définitivement Shepard comme le maître de l’étrange.



Au tout début de ma lecture, je me suis dit « aïe » en voyant le parti pris narratif de l’auteur, à savoir l’usage de la seconde personne du singulier. J’avoue que je dois avoir un petit côté vieux-jeu conventionnel, ce genre de procédé n’a en général pas mon affection. Mais Lucius Shepard n’est pas n’importe quel auteur et la pointe de déception que j’ai ressentie au départ s’est vite dissipée pour finir par m’apparaitre comme un des points forts du roman. Ce « tu » participe de l’étrangeté du récit et en renforce le côté immersif en mettant le lecteur à la place du personnage principal. Cette identification, ou plutôt devrais-je parler de cette confusion, entre lecteur et héros est encore renforcée par le mystère qui plane sur lui. On ne sait pas grand-chose de ce personnage, si ce n’est son métier. On ne saura même jamais son nom, à un moment il prétend s’appeler Carl mais on sait qu’il ne s’agit pas de son vrai nom. Le fait de se voir, en tant que lecteur, assimilé au héros permet de ressentir pleinement la fascination exercée par Abi et l’étrangeté de l’histoire imaginée par Shepard. Et étrange, elle l’est cette histoire. « Abimagique » aurait pu n’être qu’un roman fantastique classique mais comme je l’ai dit Shepard est un maître de l’étrange, il sait par des petits riens, en quelques scènes, en quelques descriptions faire basculer un récit du classique vers le bizarre le plus troublant. Je ne veux pas dévoiler ces ingrédients que l’auteur distille au fur et à mesure du développement de l’intrigue, les découvrir par soi-même participe du plaisir de la lecture. Sachez simplement que l’histoire est intensément prenante, remarquablement construite jusqu’à une fin ouverte parfaite et que le personnage d’Abi est très marquant (elle aussi, je vous laisse la découvrir).



Encore une perle signée Shepard ! C’est bien simple, j’ai envie de tout lire de cet auteur. Ce qui est très cool, c’est que j’en ai déjà quelques-uns qui m’attendent dans ma PAL.

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Le Dragon Griaule : Intégrale

Souvent, je lis mes bouquins des lustres après les avoir achetés, énorme pal oblige...

Ce qui fait que je ne sais plus "pourquoi" je les ai achetés. Et comme je les lis, la plupart du temps, sans lire le quatrième de couverture, il m'arrive d'être fort surprise par le contenu.



Cela a été le cas ici. Je dois dire que j'ai été un peu déçue au départ, car je ne m'attendais pas à tomber sur un dragon qui roupille depuis des millénaires. Ce qui fait que je n'ai que très moyennement apprécié les trois premières "nouvelles", puisque, de fait, on n'a pas là un roman mais bien un recueil de nouvelles, toutes axées sur Griaule, et dans l'ordre chronologique des événements autour de "sa mort"...



Les premières nouvelles sont assez lentes, il n'y a pas vraiment d'action, et comme j'attendais autre chose, je me suis un peu ennuyée, surtout dans "Le père des pierres", qui ne devient intéressante que dans son dernier tiers... Mais c'est formidablement bien écrit et traduit, ce qui fait que je n'ai pas abandonné en cours.



J'ai bien fait, car les événements se précipitent quand on avance dans les nouvelles, et l'action se réveille, enfin, dans les trois dernières ! Par conséquent, j'ai fini sur une excellente impression, qui rattrape ma déception des débuts !



Il y a quelques questions existentielles abordées dans le bouquin, mais ça demeure superficiel, de mon point de vue trop pour en faire un argument suffisant pour son intérêt. L'intérêt de ce livre réside dans les histoires, encore faut-il apprécier les histoires plus contemplatives que réellement "actives", ce qui n'est guère mon cas. C'est donc quand même un tour de force de l'auteur que d'être arrivé à me faire apprécier son livre, et, pour finir, son dragon Griaule ! (Ma note : 3,5/5, 4 sur Babelio)
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Le livre écorné de ma vie

Immense écrivain, l’américain Lucius Shepard est décédé en 2014.

Derrière lui, il laisse une œuvre immense et à jamais incomplète.

Le Bélial’ continue avec assiduité à traduire en langue française les écrits de Shepard avec, cette fois, une novella dans leur désormais incontournable collection Une Heure-Lumière.

L’occasion de retrouver la plume si particulière de l’américain dans une atmosphère poisseuse en plein cœur de l’Asie du Sud-Est.



Double de papier

Thomas Cradle est perplexe. Il a découvert qu’un autre Thomas Cradle existe sur Amazon. Un autre écrivain, comme lui, mais que personne ne semble connaître ni même avoir rencontré. Un écrivain dont la vie serait aussi semblable que dissemblable du vrai Thomas Cradle, notre narrateur. Du moins, c’est ce que l’on en sait.

Perturbé, notre auteur passe commande de l’ouvrage écrit par son homonyme : La Forêt de thé. Une histoire lugubre le long du fleuve Mekong entre le Laos, le Viêt Nam et le Cambodge. Impressionné par l’écriture de cet inconnu qui semble pourtant si familier, Cradle s’embarque alors dans une épopée qu’il espère transcendante pour sa carrière.

Cradle. Un nom qui n’est pas un hasard pour Lucius Shepard puisqu’il signifie « berceau » en français et qu’ici, le nom de notre narrateur en dit déjà beaucoup sur les visées métaphysiques du texte.

En effet, Le Livre écornée de ma vie allie science-fiction et fantastique dans une tentative de briser le mur du réel et de susciter chez le lecteur un violent vertige Dickien où la réalité devient flou, où les personnages se confondent.

Pour se faire, Lucius Shepard s’imagine un alter-ego littéraire, ce fameux Thomas Cradle qui sert de guide au lecteur le long du Mekong.

On le constate rapidement, Cradle n’a rien d’un héros, ni même d’un anti-héros, c’est un personnage écœurant, souvent révoltant, qui utilise les gens (et notamment les femmes) pour son propre plaisir et ses propres objectifs personnels. Cradle n’est pas simplement un alter-ego pour Lucius Shepard, il est l’étude de la part noire qui habite l’auteur, son moi discutable voire détestable, à la fois égoïste et hédoniste.



La noirceur qui me guette

L’exercice a donc quelque chose de malaisant, d’autant plus malaisant d’ailleurs que l’action se déporte rapidement vers l’Asie du Sud-Est et que Shepard, qui affectionne tout particulièrement cette région du globe, en tire un portrait plus vrai que nature, un portrait moite, poisseux, glauque et même souvent sordide. On y rencontre des lady-boys et des taxi-girls, un goût pour la prostitution et l’exploitation de son prochain que ne renie jamais le narrateur du Livre écorné de ma vie. Grâce à des descriptions minutieuses et sublimes, l’auteur touche au plus près le lecteur, l’emmenant au cœur de l’Asie avec malice. Attention cependant, le voyage se pare rapidement d’oripeaux Sadiens à mesure que notre Thomas Cradle se vautre dans le sexe et la drogue, qu’il dépasse la bienséance et la morale pour mettre en exergue sa propre déchéance. Une déchéance dont il a parfaitement conscience et qu’il accepte. Shepard s’interroge sur les recoins sombres de l’homme, sur sa capacité à affronter ses vices et à y résister. Mais surtout Shepard s’amuse de sa condition littéraire, étrille les visées narcissiques de l’écrivain, tape sur un milieu imbus de lui-même et au talent plus que discutable. Cradle n’a pas de filtre, et l’on n’aura aucune once de complaisance dans ce texte.

Alors que l’aventure se prolonge le long du Mekong, Cradle se penche sur ce monde étrange qu’il n’avait jamais vu, celui des univers parallèles que l’on pénètre sans même s’en apercevoir, à la manière de Lavie Tidhar dans Aucune Terre n’est promise.

Une multiplicité de versions de lui-même hante la remontée du fleuve, des hommes plus mauvais ou plus faibles, des versions de lui-même qui n’ont jamais été écrivain et d’autres qui ont été bien davantage. Lucius Shepard produit une auto-analyse en mille-feuille qui donne le vertige, qui fait naître des frissons d’horreur dans le cœur du lecteur et dans celui de Cradle à mesure que celui-ci se rapproche de son but et que le récit bascule dans le fantastique.

Que feriez-vous si vous contempliez toutes les versions de vous-mêmes en vous apercevant que vous êtes tous, plus ou moins, mauvais ? Tel John Smith dans l’ultime saison de The Man in the High Castle, la vision des autres Thomas Cradle provoque le malaise et la sensation de (re)découvrir sa propre noirceur oubliée. Au bout, il y a cette animal dans la forêt, mais quel animal ? Soi-même ou un autre ? Pire encore ?

Mené d’une main de maître, ce voyage au bout de l’enfer se délecte du cynisme de son personnage principal et incarne un Lucius Shepard de papier qui laisse perplexe.

C’est certainement là la marque des grands, que de produire des œuvres capables de nous faire sortir de notre zone de confort et de nous secouer au profond de notre être en nous jetant en pâture à des personnages douteux et, pour tout dire, profondément humains dans leur inhumanité.



Novella dérangeante et d’une noirceur qui colle et déborde d’entre les pages, Le Livre écorné de ma vie joue la carte du vertige métaphysique pour une virée sur le Mékong aussi sexuelle que glauque et moralement douteuse. Lucius Shepard visite les recoins sombres de son âme et joue avec la nôtre au passage. Déroutant et délicieusement risqué pour le lecteur comme pour son auteur.
Lien : https://justaword.fr/le-livr..
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Louisiana Breakdown

« Walk thru the fire

Fly thru the smoke »



Ces mots tirés de la chanson « I Walk On Guilded Splinters » du Night Tripper, l’excellent Dr John, m’ont accompagnée tout au long de ma lecture de « Louisiana breakdown ». Comme elle irrigue l’œuvre du génial musicien, l’âme du bayou suinte du roman de Lucius Shepard. La Louisiane qui prend vie sous la plume de l’auteur n’est pas l’image de pacotille destinée aux touristes, il s’agit de l’âme profonde, magique de cette région si particulière. Ici, l’étrange est normal et l’ordinaire est hors de propos. Certains diront que c’est juste du folklore, j’y perçois une forme de vérité, mais la vérité que la plupart des gens, dans nos sociétés matérialistes, ne veulent plus voir. Pourtant elle est toujours là enfouie quelque part. Dans le récit de Shepard, elle se trouve dans le bayou et dans l’esprit de ces gens qui croient encore à la magie, aux esprits, aux forces invisibles et qui fourrent tout ça dans un syncrétisme tantôt réjouissant, tantôt inquiétant. C’est peu de dire que Shepard s’y entend pour créer une ambiance. L’atmosphère de « Louisiana breakdown » est formidable. J’ai été totalement happée par cette intrigue mystérieuse et bizarre qui est aussi, et avant tout, une superbe histoire d’amour tout aussi étrange que l’endroit où elle se déroule et très émouvante. A cette romance singulière, l’auteur ajoute une dose d’humour grinçant à travers une galerie de personnage typés et formidablement campés.



« Louisiana breakdown » est un récit d’atmosphère et il est toujours difficile de poser un avis construit et argumenté sur ce genre de roman qui fait appel aux sens et aux tripes plutôt qu’au cerveau. Alors que dire pour donner envie de lire ce roman qui m’a réjouie ? Servez-vous un verre bien tassé, posez un disque de Dr John ou de Professor Longhair sur la platine et laissez-vous porter par le roman de Shepard, il vous emmènera au cœur du bayou et je mets mon billet qu’à la fin de votre lecture vous aussi vous croirez au Grand Bonhomme Gris.

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Le livre écorné de ma vie

Dans ma petite ville de province on trouve deux librairies généralistes, une spécialisée dans les BD et manga (et une autre uniquement pour les mangas qui vient juste d'ouvrir, j'ai promis à ma fille aînée de l'y emmener d'ailleurs) et une librairie différente, spécialisée dans la littérature de l'imaginaire. Le patron est un mordu, charmant. A chaque fois que j'y vais (en règle générale pour des cadeaux car perso je ne lis que très peu de littérature de l'imaginaire), il arrive à m'attirer dans un bouquin. Là j'ai été attirée par la collection "une heure lumière", livres plutôt courts, de SF, fantastique et fantasy. J'ai suivi son conseil et me voilà embarquée dans ce livre.

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Vue ma culture en matière de littérature de l'imaginaire, soyons honnêtes, je ne connais pas l'auteur et pars sans a priori. Le début m'a plu énormément. Le héros est un auteur de fantastique qui découvre un livre écrit par un homonyme. Il l'achète et s'inquiète, cet auteur est né la même année que lui, dans la même ville, a fait ses études dans la même fac. Différence : il est parti des Etats-Unis et vivrait au Cambodge ou au Viet-Nam. Intrigué, le héros décide d'aller voir là-bas ce qu'il en est.

Intriguée, je l'étais autant que le héros ! J'ai aimé les petits détails qui déraillent et transforment la réalité en quelque chose d'autre.

Je m'attendais à une fin exceptionnelle. En fait j'ai été déçue (d'où ma note). Cette fin m'a échappée. Au point que ma conclusion a été : mais diable qu'a pu fumer l'auteur ???

Soit dit en passant je suis repartie de la boutique avec mes cadeaux de Noël et un autre livre de cette maison d'édition que mon mari est en train de lire.... et que je compte bien essayer. C'est pratique ce format court....
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Le livre écorné de ma vie

Jusqu’ici je n’avais lu que 2 ouvrages de Lucius Shepard. « Les attracteurs de Rose street », très bonne novella gothique teintée de steampunk, m’avait convaincue de poursuivre ma découverte de l’auteur. « Louisiana breakdown » avait confirmé cette bonne impression au-delà de mes espérances, tant ce récit d’ambiance m’avait enthousiasmée. C’est donc en toute confiance que je me suis attaquée au « livre écorné de ma vie », novella publiée dans ma collection bien-aimée Une Heure Lumière du Belial. Je ressors de cette lecture complètement soufflée. « Le livre écorné de ma vie » m’a subjuguée et place d’emblée Lucius Shepard parmi mes auteurs préférés.



Décidément, Shepard est un maître du récit d’ambiance. Après le gothique brumeux de Londres et le bayou poisseux, voilà qu’il m’entraîne dans la moiteur d’un périple étrange le long du Mékong. Je ne savais pas avant de commencer le livre qu’il était une variation du « au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad. Et cela m’a ravie, tant je tiens le roman de Conrad comme un chef d’œuvre absolu et total, un des romans les plus immenses jamais écrits. Je suis très friande des variations autour de ce roman, que ce soit le très bon « les profondeurs de la terre » de Silverberg ou le film culte « apocalypse now » de Coppola. D’ailleurs, le récit de Shepard emprunte son paysage au film en plaçant son intrigue dans un Sud-Est asiatique qui porte encore les stigmates de la guerre. La parenté avec le « cœur des ténèbres » transparait très nettement dans les descriptions de la Nature luxuriante et dangereuse mais là où elle était encore sauvage dans le roman de Conrad, chez Shepard, elle montre des signes de contamination de l’activité humaine. Comme chez Conrad, le voyage raconté par Shepard est avant toute chose un périple intérieur, mystique. Le Marlow de Conrad partait à la recherche de Kurtz et découvrait peu à peu la noirceur tapie au cœur des Hommes. Le périple raconté par Shepard est tout aussi intérieur, tout aussi mystique mais il se double aussi d’une réflexion sur l’écrivain. En effet, le Kurtz que recherche Cradle, le personnage principal du « livre écorné de ma vie » est une autre version de lui-même, l’écrivain qu’il aurait pu être s’il n’avait pas choisi la facilité en écrivant ce qu’attendait le public. Il y a un côté auto-fiction dans ce texte, Cradle étant très clairement un alter ego de Shepard mais celui-ci a le talent pour ne pas verser dans l’égocentrisme gratuit et cet aspect est subtil et lui permet une réflexion qui dépasse sa petite personne.



J’ai été bluffée par ce texte d’une grande richesse thématique et narrative. La plume de Shepard, ici tantôt crue tantôt poétique m’a encore une fois séduite. Je vais évidemment poursuivre ma découverte de cet auteur singulier, atypique et brillant.

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Louisiana Breakdown

C'est l'histoire d'un brave type dont la BMW rouge tombe en panne dans un trou paumé de l'Amérique. L'endroit est moche, vieux, comme figé dans le temps. Le comité d'accueil n'est pas chaleureux mais Jack Mustaine n'a pas vraiment le choix. Le voici coincé dans un rade crasseux, le Bon Chance, au milieu d'une faune hétéroclite, musique zydéco, juke-box aux titres étranges et tord-boyaux local. A Graal, Louisiane, 6h66 très précisément, le destin est en marche. Et ce destin se nomme Vida Dumars, la plus belle fille du coin, admirée et redoutée par les hommes. Elle est propriétaire dune gargote, le Vida's Moonlight et vit seule dans une cabane perdue au milieu des marais.

On pourrait presque se croire dans Ici commence l'enfer de John Ridley. Mais comme l'indique le panneau, Graal, c'est "la Louisiane véritable". Les ploucs du coin ne sont pas seulement des gens coupés du monde qui épousent leurs cousines. Ils voient aussi des choses et justement, ils attendent avec impatience la Fête du Solstice, qui a lieu tous les 20 ans au moment de la Saint-Jean. Depuis deux cents ans, la ville présente au mystérieux Bon Homme Gris une victime propitiatoire censée préserver les habitants des mauvais coups du sort.

Quand Mustaine réalise où il a mis les pieds, "Cet endroit commence à sérieusement me faire chier.", il est déjà trop tard.

A Graal, "Jesus est parmi nous. Tout comme Shango, Erzulie, Damballa, et une dizaine d'autres." Louisiana Breakdown, c'est la même chose, la plume inventive de Lucius Shepard mêle un peu tous les genres. L'évocation de la beauté de la nature et des bayous a des accents "burkiens", l'Evangéline de Longfellow et le rite de Tislit n Anzar se retrouvent prisonniers dans les cases d'une bande-dessinée de The Swamp Thing... Le tout n'est pas un salmigondis indigeste, mais plutôt un jambalaya savoureux qui se déguste en quinze courts chapitres. Parce que "les lois de la physique admettent des interprétations. Pas celles de la magie."
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Aztechs

Un Mexique du futur ravagé par la lutte opposant de puissantes entreprises. Un pays d'Afrique hanté par le fantôme de son précédent dictateur et la présence d'hommes-crocodiles. Une boite russe réservée aux truands dans laquelle se déroulent de bien curieux événements. Voilà le genre d'histoire que nous propose de découvrir Lucius Shepard dans ce recueil de six nouvelles, toutes plus atypiques les unes que les autres. Les quelques commentaires que j'avais pu glaner concernant « Aztechs » promettaient une expérience de lecture inoubliable et je dois avouer être totalement tombée sous le charme de la plume de l'auteur.



Difficile d'apposer une étiquette aux six textes présents au sommaire de ce recueil à la croisée des genres, empruntant aussi bien à la SF qu'au fantastique mais aussi, comme beaucoup l'on très justement fait remarquer, au réalisme magique. Du côté de la science-fiction on a donc affaire à des intelligences artificielles usant de technologies ultra sophistiquées afin d'éliminer leurs concurrents, à des techniques novatrices permettant d'adopter une seconde personnalité, ou encore à des mondes parallèles dans lesquels un homme et une femme se livrent une guerre sans merci. Au delà de l'originalité des décors, l'intérêt des textes de Lucius Shepard réside avant tout dans l'incorporation d'éléments surnaturels que protagoniste comme lecteur peinent à interpréter et qui font prendre au récit un tour toujours inattendu. Chaque nouvelle confronte ainsi un homme en perte de repères à des événements extraordinaires qui vont agir comme une sorte de révélation tandis que le lecteur assiste fasciné aux vaines tentatives des dits protagonistes pour reprendre pied dans la réalité. Lucius Shepard a le don pour créer des personnages profondément humains, à la fois complexes et faillibles, pour lesquels il est difficile de ne pas se prendre d'affection et auxquels le lecteur s'identifie sans mal.



Parmi les textes les plus réussis du recueil figure à mon sens « Le rocher aux crocodiles » dans lequel on assiste à la confrontation entre un jeune homme un peu perdu et une manifestation de l'animisme africain sous la forme d'hommes-crocodiles. L'auteur nous y dépeint un Zaïre hanté par l'esprit de son ancien président/dictateur, Mobutu, dont la mort aurait laissé une marque sombre et indélébile sur le pays. Une nouvelle à l'ambiance un peu oppressante et probablement celle faisant le moins appel à la SF. « Le dernier testament » est également une belle réussite, Lucius Shepard y effectuant un habile croisement entre la vie d'un riche et arrogant avocat et celle du célèbre poète du XVe siècle François Villon. Il en va de même pour « La présence », nouvelle dont l'action se situe sur le site de Ground Zéro, encore fortement imprégné par la tragédie du 11 septembre, ou encore d'« Ariel », texte consacré à l'histoire faite de passion et de trahison de deux amants issus d'autres univers. « L'éternité et après », relatant les épreuves endurées par un prometteur membre de la mafia russe afin de racheter à l'homme le plus puissant du pays une prostituée dont il est tombé amoureux, mérite également le détour. Je serai cela dit plus nuancée en ce qui concerne « Aztechs », seule nouvelle à laquelle j'ai eu du mal à accrocher car un peu trop « technique » à mon goût.



Vous aimez les littératures de l'imaginaire et cherchez à découvrir des textes sortant des sentiers battus ? Alors n'hésitez plus, « Aztechs » est fait pour vous ! Lucius Shepard nous y propose six nouvelles remarquablement écrites qui, outre le fait de nous faire voyager sur tous les continents, a également le mérite de faire réfléchir le lecteur sur des thématiques que l'on a peu l'habitude d'aborder en SFFF. Un grand auteur, incontestablement.
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Les attracteurs de Rose Street

Belle découverte que cette collection de romans courts qui nous emmènent dans l’univers de la science-fiction où ici, plutôt dans l’univers steampunk.

Un inventeur va faire appel à un aliéniste pour l’aider à comprendre une histoire de fantômes.

J’ai beaucoup aimé ce mélange des genres.

Le Londres du 19e siècle est bien décrit et les descriptions des quartiers mal-famés sont très réalistes.

J’ai aimé l’originalité de l’histoire qui mêle la technologie, avec la création de machines servant à purifier l’air de la ville, et les fantômes qui sont comme irrésistiblement attirés par ces mêmes machines.

Une lecture originale, courte et très plaisante.
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Les attracteurs de Rose Street

J'ai passé un très bon moment avec ce récit qualifié de steampunk, mais qui en est assez éloigné, hormis les machines fantastiques de Richmond.



Ce dernier demande à un aliéniste de venir enquêter sur des phénomènes étranges dans sa maison suite à l'installation des "attracteurs", inventés à l'origine pour dépolluer l'atmosphère irrespirable de Londres.



C'est un récit d'ambiance plus que d'action, bien tissé et bien mené, plus gothique que steampunk, finalement. Les personnages sont très justes, cohérents, et l'intrigue, qui amènera Prothero (le jeune aliéniste qui parle en "je") à beaucoup mûrir, est intéressante à défaut d'être passionnante.



C'est sous certains angles trop court, il m'a manqué des développements et des précisions (notamment sur l'apparition "noire", qui apporte un peu de suspens, mais c'est pas assez approfondi de mon point de vue). Mais ça reste d'un très bon niveau d'écriture.



Relecture d'Octobre 2019 : je l'ai presque davantage apprécié qu'en première lecture. Même si les défauts que j'ai cité au dessus restent, l'ambiance est vraiment gothique à souhaits, et convient plutôt bien à la période "pré-Halloween". :)
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Les attracteurs de Rose Street

La collection Une Heure-Lumière des éditions Le Bélial’ a une forte coloration science-fiction, toutefois, une fois de temps en temps, il est possible de trouver une novella fantastique ou fantasy, c’est le cas des Attracteurs de Rose Street.



Une intrigue fantastique sur un fond scientifique

Samuel Prothero est aliéniste – il étudie les problèmes mentaux et cherche à adoucir la peine des aliénés – et vit à Londres à la fin du XIXe siècle. Il recherche la bonne compagnie afin de se faire une place dans la société. Parmi les membres du Club des Inventeurs qu’il veut rejoindre, une personne semble quelque peu à l’écart des autres membres influents : ce Jeffrey Richmond l’attire chez lui pour lui demander d’utiliser ses qualifications professionnelles afin de résoudre un problème personnel. Il le mène à ce qu’il désigne comme des « Attracteurs » : astucieux, ceux-ci servent à capter l’humidité ambiante du quartier de Rose Street afin de désépaissir le fameux smog qui inhibe la vie londonienne. L’invention est bien trouvée et adaptée à l’esprit de l’époque. Toutefois, et c’est là le cœur du problème, l’invention de Richmond a son revers de la médaille : il a de fâcheuses conséquences en rapport avec le décès récent de la sœur de ce dernier. Pour résoudre cette affaire, l’aliéniste Prothero doit donc mêler science et goût pour le surnaturel.



Une ambiance victorienne à souhait

Comme convenu en lisant le titre et la quatrième de couverture, l’ambiance victorienne est au rendez-vous. On peut même dire que les premières pages débordent d’éléments caractéristiques pour bien se positionner sur cette époque spécifique. Tout d’abord, l’auteur décrit avec force détails la misère des rues londoniennes, et notamment ce quartier en marge qu’est Rose Street, plus privilégié que Whitechapel, mais pas au point de bien y vivre quand on est miséreux au XIXe siècle. De plus, ce qui nous met le pied à l’étrier dans cette histoire est la propension de cette société à être conservatrice : le milieu bourgeois est dans l’entre-soi, se recommande en son sein et adopte des théories au détriment des classes populaires (vive le XIXe siècle !). Enfin, l’ambiance se révèle volontairement gothique où des bâtiments bourgeois projettent leur ombre terrifiante sur des quartiers malsains. Pour le coup, Aurélien Police a encore diablement bien capté (c’est le cas de le dire) la substantifique moelle du récit avec une couverture qui joue d’abord sur l’aspect architectural.



Une novella à fond sur les problèmes psychiatriques

Pourtant, le cœur de cette novella n’est ni son contexte victorien, ni son intrigue « fantômesque », mais bien le fonctionnement psychologique des personnages. En effet, les secrets qui sont progressivement dévoilés sur certains d’entre autres en disent bien plus sur la misère humaine et sur la pauvreté de certains rapports sociaux. Pour aborder ces sujets, on sent que l’auteur convoque un peu de freudien et un peu de lacanien, tant on parcourt les méandres malsains des fantasmes parfois lubriques des personnes rencontrées. Dans cette optique, sont convoqués à la fois des aspects terrifiques dignes d’un récit d’horreur et des esprits fantomatiques, qui d’abord viennent bousculer la rationnalité des personnages, mais ensuite servent surtout à confronter le lecteur à des situations dérangeantes. Du coup, la psychologie des personnages est particulièrement approfondie et cet aspect qui colle à l’esprit de l’époque est sûrement le plus réussi. Cela est d’autant plus le cas que la chute de cette novella résoud l’intrigue d’une façon tout à fait bien trouvée et qui confronte un des protagonistes à ce qui justement le hantait.



En conclusion, petite déception pour ces Attracteurs de Rose Street même si la fin est parfaitement maîtrisée ; pour autant, il faut que la collection Une Heure-Lumière poursuive dans cette voie de proposer de tout au sein des littératures de l’imaginaire (Science-Fiction comme Fantasy et Fantastique).



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Les attracteurs de Rose Street

J'avais repéré ce titre de Lucius Shepard, ainsi qu'un autre de Laurent Kloetzer, parmi le catalogue de la formidable collection Une heure lumière des éditions Bélial. En arrivant à ma librairie préférée pour les acquérir, cerise sur le gâteau, un inédit de Ken Liu en cadeau pour l'achat de deux.



Revenons au sieur Lucius et à son livre. Le plaisir débute dès la couverture, aussi magnifique qu'angoissante, d'Aurélien Police. Soit dit en passant, les superbes illustrations sont aussi une caractéristique de cette collection Une heure lumière. Celle-ci nous insuffle d'emblée l'ambiance brumeuse et gothique qui va accompagner notre lecture.

Lucius Shepard a placé son intrigue dans le Londres du XIXème siècle (c'est d'ailleurs ce qui m'a fortement attirée dans le résumé). Le narrateur, Samuel Prothero, est un jeune homme de vingt-six ans, né au Pays de Galles, aliéniste - profession encore sujette à caution et méfiance à l'époque (cf. l'excellent L'Aliéniste de Caleb Carr pour une version américaine). Nouveau venu au Club des Inventeurs à Londres, il compte se servir des hautes relations qu'il pourra s'y faire pour ouvrir une clinique dans laquelle soigner les maladies mentales et non simplement parquer les fous dans des asiles sordides.

Parmi les privilégiés du Club, Richmond y est admis quoique meprisé. Ce dernier requiert l'aide de Samuel pour une affaire singulière concernant un être proche. Mû par la curiosité, le jeune idéaliste accepté et se retrouve chez Richmond, dans un quartier des bas-fonds londoniens. Héritée de sa soeur, il s'agissait d'une maison close du temps de sa propriétaire. Surprise de notre héros. Et pas la dernière. Suite à l'invention d'un procédé pour dépolluer le ciel de la capitale, les attracteurs du titre, Richmond n'a pas récupéré seulement de la suie et des particules. Mais également des fantômes, dont sa soeur. La "patiente" de Samuel.



Je vous laisse découvrir les péripéties du roman. Lucius Shepard y instaure une ambiance délicieusement en phase avec les canons du roman gothique XIXème siècle. La quatrième de couverture renvoie au Frankenstein de Mary Shelley. C'est vrai dans une certaine mesure avec le personnage de Richmond dépassé par son invention.

Au-delà de toutes références, il signe avec Les attracteurs de Rose Street une histoire exaltante. Mon libraire m'avait vanté son style. En effet, l'écriture est très soignée, et également en phase avec le contexte. Les descriptions de l'auteur, qu'il s'agisse des populations miséreuses ou des perruches ficelées dans des corsets pour trouver un époux auprès des membres du Club, possèdent une extraordinaire puissance évocatrice. C'est bien simple, on y est, on voit et on sent chaque endroit, chaque personne.



Jusque-là je ne connaissais Lucius Shepard que de nom. Cette première incursion dans son univers n'a fait que m'encourager à en découvrir plus. Je m'attends donc à de nouvelles lectures passionnantes, pleines de fantastique et d'une grande qualité littéraire.
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Les attracteurs de Rose Street

J’ai profité de l’offre du Bélial (pour deux livres achetés dans la Collection Heure-lumière, un Hors série est offert du 6 septembre au 31 octobre 2018) pour découvrir de nouveaux auteurs. Du coup, ce n’est pas deux mais quatre livres que j’ai achetés! Et Les attracteurs de Rose Street était en premier sur ma liste en raison de son contexte historique, l’une de mes époques préférées : le Londres victorien.



Samuel Prothero est un jeune aliénaliste d’origine galloise (un spécialiste des maladies mentales, soit l’ancêtre du psychiatre, si vous préférez) qui débute sa carrière. Fraîchement débarqué à Londres, il décide d’intégrer le très prestigieux et très sélect Club des Inventeurs pour se faire connaître et développer son réseau. C’est alors qu’il rencontre Jeffrey Richmond, un riche inventeur controversé au sein de la bonne société londonienne et qui ne jouit pas d’une luxuriante réputation. Mais, ce dernier a un projet pour le jeune Samuel et pour cela, il est prêt à le payer grassement. Ne serait-ce pas l’occasion pour le jeune aliéniste de trouver les subsides nécessaires à l’ouverture de sa propre institution?



Les Attracteurs de Rose Street de Lucius Shepard est une première pour moi car je ne connaissais pas du tout son auteur. Et je dois dire que son univers foisonnant et l’ambiance oppressante qui caractérisent cette novella m’ont beaucoup plu. La seconde de couverture évoque un univers austenien et steampunk, je ne suis pas d’accord avec cette affirmation :

– Certes, un éminent représentant du Club des inventeurs, du nom de Charles Mellor, souhaite marier sa fille à Samuel mais c’est tout. L’ironie mordante dont Jane Austen faisait preuve dans Orgueils et Préjugés pour dépeindre ses contemporains en est complètement absente.

– Quant au côté steampunk, il ne se résume qu’aux machines inventées par Jeffrey Richmond : les fameux attracteurs. Ces derniers ont pour dessein de purifier l’air de la ville de Londres en aspirant les fumées et les particules des industries. Mais, en fait de pollution, ce sont surtout les âmes des défunts que les attracteurs vont attirer. La novella passe très vite sur cet aspect et les machines ne sont pas au coeur de l’intrigue. De plus, qui dit « steampunk » (dont la société est développée grâce aux technologies basées sur la vapeur) suggère aussi « uchronie », ce qui n’est pas le cas dans l’ouvrage de Lucius Shepard.

– Pour finir, la seconde de couverture fait référence au roman Frankenstein de Mary Shelley. Je ne suis pas totalement contre cette affirmation car il y a un peu du Docteur Frankenstein dans le personnage de Jeffrey Richmond : l’inventeur dont la création/créature lui échappe.



Pour en revenir à l’ambiance, les références aux romans gothiques anglais de la fin du XVIIIème – début XIXème siècle sont manifestes. Mais, les codes en sont légèrement bousculés : exit la jeune fille ingénue qui se retrouve coincer dans une vieille bâtisse perdue au fin fond de la campagne et qui devra en découvrir les secrets pour se libérer. Samuel est invité par Jeffrey à Londres, dans sa maison et ancien lupanar de six étages pour enquêter sur les circonstances de la mort de sa soeur, ancienne tenancière des lieux. S’ensuit un huis-clos étouffant et auréolé de mystères. Samuel ne peut évidemment pas sortir de cette maison sans s’exposer à des risques. En effet, elle se situe dans un quartier malfamé de l’East-End, celui de Saint Nichol. Quant à l’intérieur de la demeure, ce n’est pas mieux. Elle est en effet envahie de spectres attirés par les machines inventées de Richmond. Comme l’a dit notre Lutin, si vous voulez vous mettre dans l’ambiance, lisez donc cette novella à la lueur d’une bougie (ce que je n’ai évidemment pas fait, froussarde comme je suis!). Enfin, les secrets que Samuel va être amené à découvrir ne le libéreront pas, bien au contraire mais, je ne vous en dirai pas plus!



En conclusion, j’ai beaucoup aimé Les attracteurs de Rose Street : la plume de Lucius Shepard est très agréable à lire. Les personnages sont finement travaillés, l’intrigue ne manque pas d’intérêt et l’ambiance est immersive à souhait. Il s’agit de ma troisième novella lue dans la collection Heure-lumière de l’édition Bélial et je n’ai jamais été déçue jusqu’à présent.
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Louisiana Breakdown

Étrange expérience livresque que ce Louisiana Breakdown que j'entame peu de temps après ma rencontre avec la plume de Lucius Shepard via Les attracteurs de Rose Street. Si j'ai préféré ma précédente lecture, sans doute du fait d'une prédilection pour le XIXème siècle, ce roman m'a néanmoins interpellée.



Coup de pas de bol, Jack Mustaine se retrouve en rade devant le panneau de Graal, petite bourgade paumée de la "Véritable Louisiane", comme il est indiqué sur ledit panneau. Et ce, à 6h66... Déjà, il y a comme un truc bizarre, non?

La ville, Jack s'en rend vite compte, a un côté dépassé, déglingué. Il suffit de voir la faune rassemblée au Bon Chance, le meilleur endroit de la ville dixit Joe Dill, le plus riche citoyen de Graal. Jack constate également que les habitants semblent presque tous posséder le don de voyance, la patronne du bar par exemple.

Et puis il y a Vida, sculpturale et Reine du Solstice jusqu'au lendemain. Jack ne comprend rien et méprise ces croyances entre bondieuseries et cultes vaudous. La ville aurait passé un pacte 200 ans auparavant avec une entité surnaturelle, le Bon Homme Gris. Tous les vingt ans, une jeune fille est choisie à la nuit de la St Jean comme Reine du Solstice. Son rôle : attirer sur elle les malheurs pour que Graal perdure. Bouc émissaire en d'autres termes.



Dans la chaleur moite des marais louisianais, au sein d'une végétation dense et pénétrante, Lucius Shepard instaure une atmosphère trouble et délétère. Les corps se livrent et les esprits s'échauffent. Une angoisse sourd de chaque recoin, de chaque rencontre. Jack la ressent mais, étranger et braqué contre ce qu'il estime n'être que superstitions de ploucs,  repousse son instinct.



La Louisiane fascine par les mystères qui semblent coller à sa terre, ses bayous, ses habitants. Ici aussi le charme agit et les descriptions précises et imagées de l'auteur renforce l'envoûtement que distillent les pages de ce court roman. Lucius Shepard possède l'art du récit et sait faire vibrer les mots, mettre en place une ambiance étouffante et angoissante.



Plus qu'une chose à faire: poursuivre la découverte de son univers, qui m'apparaît si riche et varié. Je crois que le prochain sera son recueil de nouvelles Aztechs.
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Abimagique

Par approximation phonique, le titre Abimagique m'a renvoyée vers celui du dessin animé Emi Magique. Tout ça pour dire que la fichue chanson du générique m'a trotté dans la tête tout au long de ma lecture (🎼Tourne, tourne destinée/ Et tes rêves vont s'exaucer🎶).



Ici aussi il est question de magie. Abimagique, le surnom qu'elle s'est donné, a le look gothique, la silhouette voluptueuse et un mode de vie qui mélange philosophie New Age, tantrisme, véganisme et Wicca. Du moins est-ce ainsi que la voit Carl, le Tu de l'histoire. Il est rare qu'un auteur se lance dans une narration à la seconde personne du singulier et au présent de l'indicatif. Ça peut vite être casse-binette si l'écrivain se montre maladroit. Avec Lucius Shepard aux manettes, ça passe très bien et l'on se fait très vite à cette particularité narrative.



La novella se place dans le domaine du fantastique, avec tout le flou et le doute que ce genre littéraire comporte (qu'on pense à La Vénus d'Ille de Mérimé, un merveilleux exemple). Comme l'interlocuteur de l'auteur est Carl, jeune homme doctorant en sciences, beaucoup de choses nous échappent autant qu'à lui, délicieuse frustration du genre.



Lucius Shepard figurait déjà dans l'excellente collection Une heure-lumière des éditions Belial, avec une novella d'ambiance gothique victorien, Les attracteurs de Rose Street. Son Abimagique renouvelle le plaisir de sa découverte. A déguster sans hésiter, c'est un pur régal!
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Abimagique

Déesse mère.



Tu l'a vue dans ce café. Tu est tombé amoureux. Elle t'a dit que le monde courait à sa perte. Mais t'a t'elle seulement dit la vérité ?



Après avoir quitté Lucius Sheppard sur la semi-déception "Le livre écorné de ma vie", je le retrouve avec ce coup de cœur. Le personnage principal est tombé amoureux d'une fille fascinante. Gothique, adepte de la Wicca et du tantrisme, Abimagique fascine par le mystère qui émane d’elle.



Cette relation sous des abord idylliques devient peu à peu toxique. Abimagique est-elle réellement une sorcière comme elle le prétend ? N'est t-elle pas plutôt une manipulatrice ? Peu à peu notre héros doute. Quelles sont les réelles attentions d'Abimagique à son égard ?



L'auteur joue sur cette ambiguïté jusqu'au final. Mais cette lumière ne fera que jeter de nouvelles ombres sur le mystère.



J'ai également adoré la narration à la deuxième personne du singulier. D'habitude je la trouve inutilement lourde, mais ici elle est utilisée à la perfection. Nous sommes totalement aspirés dans l'histoire et ressentons de manière accrue les différents événements.



Bref, cette novella est un incontournable de Lucius Sheppard.
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