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EAN : 9782843449789
140 pages
Le Bélial' (10/06/2021)
3.42/5   65 notes
Résumé :
Collection Une Heure Lumière - 32
Thomas Cradle, écrivain qui a troqué ses rêves pour le succès financier, découvre un jour un roman écrit par un homonyme. Faisant mine d'effectuer un repérage pour un prochain ouvrage, il part au Laos sur les traces de ce double avec qui il accumule les ressemblances troublantes.
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Immense écrivain, l'américain Lucius Shepard est décédé en 2014.
Derrière lui, il laisse une oeuvre immense et à jamais incomplète.
Le Bélial' continue avec assiduité à traduire en langue française les écrits de Shepard avec, cette fois, une novella dans leur désormais incontournable collection Une Heure-Lumière.
L'occasion de retrouver la plume si particulière de l'américain dans une atmosphère poisseuse en plein coeur de l'Asie du Sud-Est.

Double de papier
Thomas Cradle est perplexe. Il a découvert qu'un autre Thomas Cradle existe sur Amazon. Un autre écrivain, comme lui, mais que personne ne semble connaître ni même avoir rencontré. Un écrivain dont la vie serait aussi semblable que dissemblable du vrai Thomas Cradle, notre narrateur. du moins, c'est ce que l'on en sait.
Perturbé, notre auteur passe commande de l'ouvrage écrit par son homonyme : La Forêt de thé. Une histoire lugubre le long du fleuve Mekong entre le Laos, le Viêt Nam et le Cambodge. Impressionné par l'écriture de cet inconnu qui semble pourtant si familier, Cradle s'embarque alors dans une épopée qu'il espère transcendante pour sa carrière.
Cradle. Un nom qui n'est pas un hasard pour Lucius Shepard puisqu'il signifie « berceau » en français et qu'ici, le nom de notre narrateur en dit déjà beaucoup sur les visées métaphysiques du texte.
En effet, le Livre écornée de ma vie allie science-fiction et fantastique dans une tentative de briser le mur du réel et de susciter chez le lecteur un violent vertige Dickien où la réalité devient flou, où les personnages se confondent.
Pour se faire, Lucius Shepard s'imagine un alter-ego littéraire, ce fameux Thomas Cradle qui sert de guide au lecteur le long du Mekong.
On le constate rapidement, Cradle n'a rien d'un héros, ni même d'un anti-héros, c'est un personnage écoeurant, souvent révoltant, qui utilise les gens (et notamment les femmes) pour son propre plaisir et ses propres objectifs personnels. Cradle n'est pas simplement un alter-ego pour Lucius Shepard, il est l'étude de la part noire qui habite l'auteur, son moi discutable voire détestable, à la fois égoïste et hédoniste.

La noirceur qui me guette
L'exercice a donc quelque chose de malaisant, d'autant plus malaisant d'ailleurs que l'action se déporte rapidement vers l'Asie du Sud-Est et que Shepard, qui affectionne tout particulièrement cette région du globe, en tire un portrait plus vrai que nature, un portrait moite, poisseux, glauque et même souvent sordide. On y rencontre des lady-boys et des taxi-girls, un goût pour la prostitution et l'exploitation de son prochain que ne renie jamais le narrateur du Livre écorné de ma vie. Grâce à des descriptions minutieuses et sublimes, l'auteur touche au plus près le lecteur, l'emmenant au coeur de l'Asie avec malice. Attention cependant, le voyage se pare rapidement d'oripeaux Sadiens à mesure que notre Thomas Cradle se vautre dans le sexe et la drogue, qu'il dépasse la bienséance et la morale pour mettre en exergue sa propre déchéance. Une déchéance dont il a parfaitement conscience et qu'il accepte. Shepard s'interroge sur les recoins sombres de l'homme, sur sa capacité à affronter ses vices et à y résister. Mais surtout Shepard s'amuse de sa condition littéraire, étrille les visées narcissiques de l'écrivain, tape sur un milieu imbus de lui-même et au talent plus que discutable. Cradle n'a pas de filtre, et l'on n'aura aucune once de complaisance dans ce texte.
Alors que l'aventure se prolonge le long du Mekong, Cradle se penche sur ce monde étrange qu'il n'avait jamais vu, celui des univers parallèles que l'on pénètre sans même s'en apercevoir, à la manière de Lavie Tidhar dans Aucune Terre n'est promise.
Une multiplicité de versions de lui-même hante la remontée du fleuve, des hommes plus mauvais ou plus faibles, des versions de lui-même qui n'ont jamais été écrivain et d'autres qui ont été bien davantage. Lucius Shepard produit une auto-analyse en mille-feuille qui donne le vertige, qui fait naître des frissons d'horreur dans le coeur du lecteur et dans celui de Cradle à mesure que celui-ci se rapproche de son but et que le récit bascule dans le fantastique.
Que feriez-vous si vous contempliez toutes les versions de vous-mêmes en vous apercevant que vous êtes tous, plus ou moins, mauvais ? Tel John Smith dans l'ultime saison de The Man in the High Castle, la vision des autres Thomas Cradle provoque le malaise et la sensation de (re)découvrir sa propre noirceur oubliée. Au bout, il y a cette animal dans la forêt, mais quel animal ? Soi-même ou un autre ? Pire encore ?
Mené d'une main de maître, ce voyage au bout de l'enfer se délecte du cynisme de son personnage principal et incarne un Lucius Shepard de papier qui laisse perplexe.
C'est certainement là la marque des grands, que de produire des oeuvres capables de nous faire sortir de notre zone de confort et de nous secouer au profond de notre être en nous jetant en pâture à des personnages douteux et, pour tout dire, profondément humains dans leur inhumanité.

Novella dérangeante et d'une noirceur qui colle et déborde d'entre les pages, le Livre écorné de ma vie joue la carte du vertige métaphysique pour une virée sur le Mékong aussi sexuelle que glauque et moralement douteuse. Lucius Shepard visite les recoins sombres de son âme et joue avec la nôtre au passage. Déroutant et délicieusement risqué pour le lecteur comme pour son auteur.
Lien : https://justaword.fr/le-livr..
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Jusqu'ici je n'avais lu que 2 ouvrages de Lucius Shepard. « Les attracteurs de Rose street », très bonne novella gothique teintée de steampunk, m'avait convaincue de poursuivre ma découverte de l'auteur. « Louisiana breakdown » avait confirmé cette bonne impression au-delà de mes espérances, tant ce récit d'ambiance m'avait enthousiasmée. C'est donc en toute confiance que je me suis attaquée au « livre écorné de ma vie », novella publiée dans ma collection bien-aimée Une Heure Lumière du Belial. Je ressors de cette lecture complètement soufflée. « le livre écorné de ma vie » m'a subjuguée et place d'emblée Lucius Shepard parmi mes auteurs préférés.

Décidément, Shepard est un maître du récit d'ambiance. Après le gothique brumeux de Londres et le bayou poisseux, voilà qu'il m'entraîne dans la moiteur d'un périple étrange le long du Mékong. Je ne savais pas avant de commencer le livre qu'il était une variation du « au coeur des ténèbres » de Joseph Conrad. Et cela m'a ravie, tant je tiens le roman de Conrad comme un chef d'oeuvre absolu et total, un des romans les plus immenses jamais écrits. Je suis très friande des variations autour de ce roman, que ce soit le très bon « les profondeurs de la terre » de Silverberg ou le film culte « apocalypse now » de Coppola. D'ailleurs, le récit de Shepard emprunte son paysage au film en plaçant son intrigue dans un Sud-Est asiatique qui porte encore les stigmates de la guerre. La parenté avec le « coeur des ténèbres » transparait très nettement dans les descriptions de la Nature luxuriante et dangereuse mais là où elle était encore sauvage dans le roman de Conrad, chez Shepard, elle montre des signes de contamination de l'activité humaine. Comme chez Conrad, le voyage raconté par Shepard est avant toute chose un périple intérieur, mystique. le Marlow de Conrad partait à la recherche de Kurtz et découvrait peu à peu la noirceur tapie au coeur des Hommes. le périple raconté par Shepard est tout aussi intérieur, tout aussi mystique mais il se double aussi d'une réflexion sur l'écrivain. En effet, le Kurtz que recherche Cradle, le personnage principal du « livre écorné de ma vie » est une autre version de lui-même, l'écrivain qu'il aurait pu être s'il n'avait pas choisi la facilité en écrivant ce qu'attendait le public. Il y a un côté auto-fiction dans ce texte, Cradle étant très clairement un alter ego de Shepard mais celui-ci a le talent pour ne pas verser dans l'égocentrisme gratuit et cet aspect est subtil et lui permet une réflexion qui dépasse sa petite personne.

J'ai été bluffée par ce texte d'une grande richesse thématique et narrative. La plume de Shepard, ici tantôt crue tantôt poétique m'a encore une fois séduite. Je vais évidemment poursuivre ma découverte de cet auteur singulier, atypique et brillant.
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Dans ma petite ville de province on trouve deux librairies généralistes, une spécialisée dans les BD et manga (et une autre uniquement pour les mangas qui vient juste d'ouvrir, j'ai promis à ma fille aînée de l'y emmener d'ailleurs) et une librairie différente, spécialisée dans la littérature de l'imaginaire. le patron est un mordu, charmant. A chaque fois que j'y vais (en règle générale pour des cadeaux car perso je ne lis que très peu de littérature de l'imaginaire), il arrive à m'attirer dans un bouquin. Là j'ai été attirée par la collection "une heure lumière", livres plutôt courts, de SF, fantastique et fantasy. J'ai suivi son conseil et me voilà embarquée dans ce livre.
.
Vue ma culture en matière de littérature de l'imaginaire, soyons honnêtes, je ne connais pas l'auteur et pars sans a priori. le début m'a plu énormément. le héros est un auteur de fantastique qui découvre un livre écrit par un homonyme. Il l'achète et s'inquiète, cet auteur est né la même année que lui, dans la même ville, a fait ses études dans la même fac. Différence : il est parti des Etats-Unis et vivrait au Cambodge ou au Viet-Nam. Intrigué, le héros décide d'aller voir là-bas ce qu'il en est.
Intriguée, je l'étais autant que le héros ! J'ai aimé les petits détails qui déraillent et transforment la réalité en quelque chose d'autre.
Je m'attendais à une fin exceptionnelle. En fait j'ai été déçue (d'où ma note). Cette fin m'a échappée. Au point que ma conclusion a été : mais diable qu'a pu fumer l'auteur ???
Soit dit en passant je suis repartie de la boutique avec mes cadeaux de Noël et un autre livre de cette maison d'édition que mon mari est en train de lire.... et que je compte bien essayer. C'est pratique ce format court....
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Double de fiction.

Thomas Cradle est un auteur à succès. Il découvre par hasard un homonyme romancier dont il ne sait rien. Cradle se procure son livre pour en savoir plus.

Je continue ma découverte de Lucius Shepard après le très bon recueil "Le chasseur de jaguar". Il s'agit ici d'une novella relevant du fantastique. Un romancier se découvre un double et va essayer d'en savoir plus en lisant son roman. Cela entraîne par la suite son départ pour le Vietnam.

J'ai trouvé que l'idée de base était très intéressante. Néanmoins son application ne m'a que moyennement convaincue. le personnage principal va tester tous les excès possibles et imaginables pour se mettre dans les pas de son double. le milieu du roman se concentre ainsi sur ces derniers. Pour moi, ces passages ne font que ralentir l'action et sont lassants et répétitifs.

Toutefois la dernière partie de la novella est très bonne. Nous apprenons le fin mot de l'histoire. L'auteur exploite de façon convaincante la notion de double et de multivers.

Bref, une novella plutôt en demi teinte malgré la bonne idée de départ.


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Chouette !! un nouveau Lucius Shepard ! Vite ! Achetons-le !

Hé bien ! À un tiers du livre, je commence à regretter cet empressement. Pourquoi ? Parce que, jusqu'à la page 50, cette histoire ressemble à un récit de voyage autobiographique... même si le lecteur est prévenu qu'il n'en est rien.

Les premières pages sont l'occasion de mettre en place le thème : le narrateur/héros découvre un livre écrit par un homonyme, publié par le même éditeur, etc. Bref. de quoi troubler le plus placide des êtres humains. Mais après... le héros par à l'aventure, en voyage sur le Mékong pour faire à son tour le voyage de cet inconnu. ET je me suis emm*** au point d'envisager d'abandonner. Mais tout à coup, page 50, ça bouge ! le narrateur découvre qu'il est à l'interface de deux réalités. Une dans laquelle il est le Thomas Cradle auteur à succès, et une autre dans laquelle il est un écrivain promis à un bel avenir mais ayant disparu lors d'un voyage dans la péninsule indochinoise. Alors je repends ma lecture avec l'espoir de lire quelque chose qui soit à la hauteur de Kalimantan.

En fait ce court roman bascule vraiment dans la littérature fantastique aux alentours de la page 100. Mais c'est en fait le récit d'un voyage initiatique et ce n'est pas le genre de récit fantastique que j'apprécie. Mais j'en dirais pas plus — pour ne pas dévoiler la mariée — si ce n'est que j'en ressors avec le sentiment d'avoir lu un récit plus proche d'un voyage de beatnik des années 70 qu'une aventure fantastique.

En bref : C'est du Lucius Shepard. C'est donc très bien écrit et les traducteurs ont fait du bon travail. de ce point de vue, le lecteur n'est pas déçu. Mais je vais être honnête : si ç'avait été un roman estampillé « littérature générale », je l'aurais abandonné. Là, j'ai voulu savoir ce qu'il y avait de fantastique dans le récit. Et ce n'est même pas pour avoir envie de connaître la fin. Non, juste comprendre quel genre de fantastique l'auteur a glissé dedans. J'ai jusque-là très apprécié les oeuvres de cet écrivain — en particulier Kalimantan et Les attracteurs de Rose Street, mais là, non, je resté hors de la communion.
Lien : http://livres.gloubik.info/s..
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critiques presse (3)
Liberation
10 septembre 2021
Tout cela mieux écrit que ce que ne l’a jamais fait le narrateur.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeMonde
09 août 2021
Un récit initiatique aux frontières de la dystopie.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
05 août 2021
Le Livre écorné de ma vie ouvre une nouvelle piste, fascinante, dans cet immense labyrinthe narratif onirique et politique qu’est l’œuvre de Lucius Shepard, un des plus fascinants qui soient.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Il y a toujours quelqu'un pour t'exploiter, de sorte que liberté et esclavage ne sont que des couleurs dont nous parons la condition humaine fondamentale.
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Ôtez-leur leurs oripeaux et vous constaterez que chaque tribu est mue par les mêmes passions, et ce n'est pas seulement vrai pour le temps présent mais aussi, soupçonnais-je, pour les âges passés.
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Les lumières dans le ciel m'ont paru éparses de prime abord mais sont devenues plus brillantes et de plus en plus unifiées, se révélant être l'effulgence émise par une seule et unique créature.
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La beauté ne suffit pas à compenser une nature de parasite.
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Une fois qu’on a tout compris, il ne reste plus qu’à laisser tomber.
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Videos de Lucius Shepard (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lucius Shepard

Entretien avec Lucius Shepard aux Imaginales
Entretien avec Lucius Shepard enregistrée aux Imaginales (Epinal, mai 2013) L'audio de la rencontre : http://www.actusf.com/spip/Imaginales-2013-Conference,1...
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