Citations de Luis Sepúlveda (1536)
"Il savait lire. Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. Il savait lire. Il possédait l’antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire. Mais il n’avait rien à lire."
Après une longue, difficile et douloureuse période, l'exil transformé en une sorte de séjour d'études nous a permis de comprendre que la lutte contre les ennemis de l'humanité se livre sur toute la planète, qu'elle ne demande ni héros ni messies, et qu'elle fait partie de la défense du plus fondamental des droits : le Droit à la Vie.
-La cagamos, huevón. Te lo dije, “over”. ¿Cómo? O sea que yo tengo que ir por todos los pisos dando explicaciones. A mí no me entienden, huevón, “over”.
Ce qui peut se traduire approximativement par : « On a fait une connerie, mon vieux. Je te l’avais bien dit, « over ». Quoi ? Que je fasse tous les étages pour donner des explications ? Ils comprennent rien quand je cause, couillon, « over » (p.23)
Luis Sepúlveda est exilé à Hambourg (p.25-6)
En arrivant au palier du deuxième étage, je me trouvai nez à nez avec un couple de voisins qui montait, chargé de sacs à provisions. C'étaient des voisins assez particuliers, dont le sport favori était de tout « ottomaniser ». L'homme entretenait une correspondance régulière avec le gérant, et ses lettres dénonçaient le moindre de mes faits et gestes comme une coutume turque insupportable. Si j'écoutais des tangos en sourdine, il se plaignait de mes liturgies musulmanes, et si je mettais un disque de salsa, ses réclamations mettaient en cause la moralité douteuse d'un Turc qui vivait sans femme connue. Je leur souhaitai une bonne après-midi, sans le moindre intérêt pour la réalisation de mon souhait. (p.25-6)
_ Emmène moi d'ici... a-t-elle gémi contre ma poitrine.
_ Bien sûr mon amour, lui ai-je murmuré à l'oreille avant de tirer sous son joli sein gauche, parce qu'il le fallait, parce que je l'aimais, mais je ne pouvais agir autrement pour mon dernier travail. J'étais un tueur, et les professionnels ne mélangent pas le travail et les sentiments.
Avant de sortir je suis allé à la cuisine et j'ai ouvert tous les robinets de gaz.
J'étais en train de monter dans un taxi sur l'avenida Tamaulipas quand j'ai entendu l'explosion.
_ Qu'est-ce que c'est ça, patron ? a demandé le conducteur.
_ L'orage, qu'est-ce que ça peut être d'autre ?
_ La musique vous dérange ?
_ Non, laissez la.
Et je me suis aperçu que de la radio s'échappaient les paroles de ce corrido qui dit : "elle voulut s'en aller en voyant ma tristesse, mais il était écrit que cette nuit je perdrais son amour".
Zorbas resta à la contempler jusqu'à ne plus savoir si c'étaient les gouttes de pluie ou les larmes qui brouillaient ses yeux jaunes de chat grand noir et gros, de chat bon, de chat noble, de chat du port.
Dans ces recoins obstinés de la mémoire où s'enracine le chiendent de la solitude.
C'était une femme corpulente, d'une soixantaine d'années, avec un chignon vigoureusement noué sur la nuque et elle n'était pas seule. A son bras droit pendait un sac en imitation crocodile et au gauche un mari qui manifestement venait contre son gré.
Pourquoi faut-il qu'il m'enlève les miaulements de la bouche, celui-là ? protesta Colonello.
Le chat grand noir et gros prenait le soleil sur le balcon en ronronnant et en pensant comme c'était bon d'être là à recevoir les rayons du soleil, le ventre en l'air, les quatre pattes repliées et la queue étirée.
... il faut que tu saches qu'avec toi, nous avons appris quelque chose qui nous emplit d'orgueil : nous avons appris à apprécier, à respecter et à aimer un être différent.
"[...] il coupa une grosse branche d'un coup de machette, s'y appuya et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et de ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes."
"Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire." (4ème de couverture)
"C'était, dans l'obscurité, le bruit de la vie. Comme disent les Shuars : le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est forêt."
"Il alluma un cigare avec des mouvements lents et fuma en contemplant le travail des insectes indifférents à sa présence. Il entendit un bruit qui venait des hauteurs et ne put refréner un éclat de rire. Un tout petit ouistiti dégringolait d'un arbre, entraîné par le poids d'un appareil photo qu'il ne voulait pas lâcher."
Antonio José Bolivar qui ne pensait jamais au mot liberté jouissait dans la forêt d'une liberté infinie. Il tentait de revenir à ses projets de vengeance, mais il ne pouvait s'empêcher d'aimer ce monde, si bien qu'il finit par tout oublier, séduit par ces espaces sans limites et sans maîtres.
Il mangeait quand il avait faim. Il choisissait les fruits les plus savoureux, refusait les poissons qui lui semblaient trop lents, suivait la piste d'un animal de la jungle, et le fait de l'avoir tué à la sarbacane doublait son appétit. (p. 37)
Il y a dans le monde des millions et des millions de livres. Dans toutes les langues et sur tous les sujets, y compris certains que les hommes ne devraient pas connaître.
A voir couler le Nanzanitza, on pouvait penser que le temps avait oublié ces confins de l'Amazonie, mais les oiseaux savaient que, venues de l'occident, des langues puissantes progressaient en fouillant le cœur de la forêt.
Que seul vole celui qui ose le faire
Qui sait? Je trouve parfois les dauphins beaucoup plus sensibles que les êtres humains, et plus intelligents. C'est l'unique espèce animale qui n'accepte pas de hiérarchie. Ce sont les anarchistes de la mer.