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Critiques de Madison Smartt Bell (23)
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La couleur de la nuit

Madison Smartt Bell se livre à une réflexion énigmatique sur la violence 
dans l’histoire à partir du deuil collectif qui a frappé les États-Unis ce jour-là.
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La couleur de la nuit

Violences d'un frère incestueux, fausses valeurs d'une Amérique à la dérive, délires sexuels, abus de pyschotropes sur fond de musique pop, mais aussi solitude et faiblesse humaine... Madison Smart Bell passe au scanner un destin criminel
Lien : http://www.lesechos.fr/cultu..
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La couleur de la nuit

Critique de Thomas Stélandre pour le Magazine Littéraire



La Couleur de la nuit de Madison Smartt Bell est une confession écrite «sous la dictée des démons». Il y a des phrases que l’Amérique ne peut entendre. Madison Smartt Bell l’a appris à ses dépens. Sous la pression de son éditeur, il a dû modifier les premières lignes de son quatorzième roman, La Couleur de la nuit. Actes Sud a choisi de donner à lire la version première, non expurgée : «Comme mon coeur a chanté quand les tours sont tombées ! Une telle poussée de force pure, se tordant, se désagrégeant, s’épanouissant en ce gigantesque astre de ruines avant de jeter au sol toute sa substance.» Il est question du 11 Septembre, mais, là, l’effondrement des tours jumelles inspire un grand cri de jouissance, une libération. Celle de Mae, héritière d’une tradition dionysiaque, ménade rallumée sur l’autel de l’impérialisme par la fumée, l’érotisme de la destruction, l’ivresse de la mort. Le réveil a lieu derrière un écran, la télévision ne cessant de rediffuser les images «comme un jeu vidéo auquel personne ne peut gagner». Dans le flot continu, Mae reconnaît le visage de Laurel, amante de jeunesse. Les souvenirs affleurent, la quête peut commencer.

Retour sur les sixties finissantes. Sharon Tate, épouse de Roman Polanski, et trois de ses amis sont assassinés par des membres de la «famille» de Charles Manson, leader se rêvant réincarnation du Christ. On a beaucoup glosé sur le fonctionnement de ce groupe qui vivait de vols et de trafic de drogues, entre orgies et transes collectives au son des Beatles. De ce mythe moderne, Madison Smartt Bell offre une lecture païenne, nourrie de références antiques. Ses deux héroïnes ont, adolescentes, appartenu à une secte menée par un gourou baptisé D -, pour Dionysos. Au milieu des hippies et des rockeurs défoncés (le plus beau s’appelait O -, Orphée), elles s’étaient aimées. Il y avait eu la folie du quotidien et la foule de cadavres qui va avec, en même temps qu’une union d’égale intensité, fusion dans les flammes. Trente ans après, Mae vivote en employée de casino au fond du Nevada, Laurel, devenue mère, enseigne dans une école privée de New York. La première est une marginale qui, la nuit, fusil en main, sort chasser ses démons ; la seconde, une bourgeoise rangée. Autre référence mythologique : comme les créatures de forme ronde du Banquet de Platon, elles constituent un seul être, personnification de l’Amérique, porteur de deux visages opposés, contre-culture versus banlieues chic. Séparées à l’époque par un geste divin, elles se rejoignent dans le «désir frénétique de ne faire qu’Un», et ainsi d’échapper à leur condition de mortelles. C’est du moins ce que laisse entendre Mae, voix sans écho.

La Couleur de la nuit est un monologue, une confession. Madison Smartt Bell déclare avoir écrit «sous la dictée des démons». Il a rempli ces pages dans une semi-transe, inspiré comme on l’était jadis par la muse. Une muse qui n’avait pas de jolies choses à raconter. C’est vers l’inceste qu’on avance, vers ce frère qui attachait, embrassait, mordait ; vers cette «Chose-mère» qui, voyant l’ecchymose sur la mâchoire, lâchait : «Vous avez des jeux trop violents » Bien sûr, ce roman fait souffrir, il n’a rien d’agréable, Bell le sait. «Cette histoire, dit-il, est [...] la plus violente et la plus effrayante qu’il ait jamais été donné à ma main de tracer sur la page et certains ne pourront dès lors que la détester.» Mais pourquoi lisons-nous ? De la violence universelle comme pâte à pétrir, il façonne un objet esthétique envoûtant, au confluent des Anciens et des Modernes. On pense à l’Euripide des Bacchantes et à la Joan Didion de Maria avec et sans rien. Les chapitres courts, chocs à la chaîne, se lisent en poèmes, l’ensemble comme un recueil qui quadrille l’Amérique, des plaines désertiques aux «colonnes d’ombre à l’endroit où s’étaient dressées les tours». C’est une nation mise en prose, divisée, calcinée, fabrique à mirages, royaume des fous ; elle connaît ses mythes, reste sourde à ses monstres. Voilà leur chant.
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