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Citations de Marcel Proust (3685)


Je trouve très raisonnable la croyance celtique que les âmes de ceux que nous avons perdus sont captives dans quelque être inférieur, dans une bête, un végétal, une chose inanimée […] Il en est ainsi de notre passé. C’est peine perdue que nous cherchions à l’évoquer, tous les efforts de notre intelligence sont inutiles. Il est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel) que nous ne soupçonnons pas.
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Un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices.
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On avait rentré les précieux fauteuils d'osier sous la vérandah (sic) car il commençait à tomber quelques gouttes de pluie et mes parents après avoir lutté une seconde sur les chaises de fer étaient revenus s'asseoir à l'abri. Mais ma grand-mère, ses cheveux grisonnants au vent, continuait sa promenade rapide et solitaire dans les allées parce qu'elle trouvait qu'on est à la campagne pour être à l'air et que c'est une pitié de ne pas en profiter. La tête levée, la bouche aspirant le vent qui soufflait et qui lui faisait dire qu'« enfin on respirait », elle accélérait sa marche, et paraissait ne pas sentir la pluie qui commençait à la transpercer ni les railleries de mon grand-oncle qui de la vérandah criait : « C'est agréable la pluie Adèle; c'est bon n'est-ce pas.
Ça fait du bien à ta robe neuve (ceci était pour tâcher de s'attirer lâchement l'alliance de mon grand-père qui se contenta de hocher la tête). C'est drôle tout de même qu'elle ne soit jamais comme tout le monde. » Il le disait parce qu'il le pensait. Mais il le disait aussi parce que comme elle n'était jamais comme lui, et que peut-être dans un fond de sa conscience qu'il ne s'avouait pas il n'était pas absolument sûr d'avoir toujours raison, il n'était pas fâché de mettre avec lui « tout le monde ». Comme le jardin n'était pas très grand, ma grand-mère n'était jamais très longtemps sans repasser près de nous. Dès que je la voyais déboucher de l'allée de traverse je commençais à trembler…
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C'est que les soirs où des étrangers ou seulement mr.Swann, étaient là, maman ne montait pas dans ma chambre. Je dînais avant tout le monde et je venais ensuite m'asseoir à table, jusqu'à huit heures où il était convenu que je devais monter; ce baiser précieux et fragile que maman me confiait d'habitude dans mon lit au moment de m'endormir il me fallait le transporter de la salle à manger dans ma chambre et le garder tout le temps que je me déshabillais, sans que se brisât sa douceur; sans que se répandit et que s'évaporât sa vertu volatile; et justement ces soirs -là où j'aurais eu besoin de le recevoir avec plus de précaution, il fallait que je le prisse, que je le dérobasse brusquement, publiquement, sans même avoir le temps et la liberté d'esprit nécessaires pour porter à ce que je faisais cette attention des maniaques qui s'éfforcent de ne pas penser à autre chose pendant qu'ils ferment une porte pour pouvoir, quand l'incertitide maladive leur revient , lui opposer victorieusement le souvenir du moment où ils l'ont fermée.

(p.74)
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Et alors je me demandais si l’originalité prouve vraiment que les grands écrivains soient des dieux régnant chacun dans un royaume qui n’est qu’à lui, ou bien s’il n’y a pas dans tout cela un peu de feinte, si les différences entre les œuvres ne seraient pas le résultat du travail, plutôt que l’expression d’une différence radicale d’essence entre les diverses personnalités.
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Tout ce qui est d’un même temps se ressemble ; les artistes qui illustrent les poèmes d’une époque sont les mêmes que font travailler pour elles les Sociétés financières. Et rien ne fait mieux penser à certaines livraisons de Notre-Dame de Paris et d’œuvres de Gérard de Nerval, telles qu’elles étaient accrochées à la devanture de l’épicerie de Combray, que, dans son encadrement rectangulaire et fleuri que supportaient des divinités fluviales, une action nominative de la Compagnie des Eaux.
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M. de Charlus ne laissait pas seulement paraître une finesse de sentiment que montrent en effet rarement les hommes; sa voix elle-même, pareille à certaines voix de contralto en qui on n'a pas assez cultivé le médium et dont le chant semble le duo alterné d'un jeune homme et d'une femme, se posait au moment où il exprimait ces pensées si délicates, sur des notes hautes, prenait une douceur imprévue et semblait contenir des choeurs de fiancées, de soeurs, qui répandaient leur tendresse. Mais la nichée de jeunes filles que M. de Charlus, avec son horreur de tout efféminement, aurait été si navré d'avoir l'air d'abriter ainsi dans sa voix, ne s'y bornait pas à l'interprétation, à la modulation des morceaux de sentiment. Souvent, tandis que causait M. de Carlus, on entendait leur rire aigu et frais de pensionnaires ou de coquettes ajuster leur prochain avec des malices de bonnes langues et de fines mouches.
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Marcel Proust
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« Je sais bien que ce sont de simples pochades, mais je ne trouve pas que ce soit assez travaillé. Swann avait le toupet de vouloir nous faire acheter une « Botte d’Asperges ». Elles sont même restées ici quelques jours. Il n’y avait que cela dans le tableau, une botte d’asperges précisément semblables à celles que vous êtes en train d’avaler. Mais moi je me suis refusé à avaler les asperges de M. Elstir. Il en demandait trois cents francs. Trois cents francs une botte d’asperges ! Un louis, voilà ce que ça vaut, même en primeurs ! Je l’ai trouvée roide. Dès qu’à ces choses-là il ajoute des personnages, cela a un côté canaille, pessimiste, qui me déplaît. Je suis étonné de voir un esprit fin, un cerveau distingué comme vous, aimer cela. »
Le Côté de Guermantes

En réponse à notre conversation avec Anna (Annacan) concernant Marcel Proust et la peinture de Claude Monet, toute l’œuvre de Marcel Proust dans la Recherche abonde constamment de références picturales.
Dans l’extrait ci-dessus, Proust incite le lecteur à deviner que le tableau peint par Elstir fait référence à la toile de Manet. Ainsi, il laisse reconnaître dans le personnage d’Elstir, Manet lui-même.
Proust vit chez le collectionneur Charles Ephrussi plusieurs toiles de peintres impressionnistes, dont ce « Bouquet d’asperges » et une deuxième toile « L’Asperge » dont je ne parlerais pas ici car cela serait trop long. Il apparaît que Proust vit chez le collectionneur d’autres tableaux. Une preuve le démontre : le superbe passage, ci-dessous, qu’il écrivit dans Jean Santeuil en 1895 en songeant sans aucun doute à Matinée sur la Seine, près de Giverny peint en 1897 par Claude Monet.
« (…) voyez le reflet bleu des bois, le reflet bleu du ciel, voyez comme tout se tait, comme l’eau écoute le silence des rives, comme tout s’amortit, comme tout est bleu et déjà un peu sombre à l’ombre bleue des bois sur l’eau, tandis qu’au milieu, dans le reflet bleu du ciel, de la lumière persiste encore, en dernier reflet (chez Ch. Ephrussi). » - Jean Santeuil

Les commentateurs semblent s’accorder pour affirmer que Proust a écrit un autre passage avec « un monsieur en haut de forme au milieu de filles en cheveux » d’après « Le Déjeuner des canotiers » peint pas Auguste Renoir en 1881, qu’il vit également chez Charles Ephrussi.

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Comme toujours, mais plus facilement pendant que son père s'était éloigné pour causer avec le bâtonnier, je regardais MIle de Stermaria. Autant que la singularité hardie et toujours belle de ses attitudes, comme quand, les deux coudes posés sur la table, elle élevait son verre au-dessus de ses deux avant-bras, la sécheresse d'un regard vite épuisé, la dureté foncière, familiale, qu'on sentait, mal recouverte sous ses inflexions personnelles au fond de sa voix, et qui avait choqué ma grand-mère, une sorte de cran d'arrêt atavique auquel elle revenait dès que dans un coup d'oeil ou une intonation elle avait achevé de donner sa pensée propre ; tout cela ramenait la pensée de celui qui la regardait vers la lignée qui lui avait légué cette insuffisance de sympathie humaine, des lacunes de sensibilité, un manque d'ampleur dans l'étoffe qui à tout moment faisait faute. Mais à certains regards qui passaient un instant sur le fond si vite à sec de sa prunelle et dans lesquels on sentait cette douceur presque humble que le goût prédominant des plaisirs des sens donne à la plus fière, laquelle bientôt ne reconnaît plus qu'un prestige, celui qu'a pour elle tout être qui peut les lui faire éprouver, fût-ce un comédien ou un saltimbanque pour lequel elle quittera peut-être un jour son mari ; à certaine teinte d'un rose sensuel et vif qui s'épanouissait dans ses joues pâles, pareille à celle qui mettait son incarnat au cœur des nymphéas blancs de la Vivonne, je croyais sentir qu'elle eût facilement permis que je vinsse chercher sur elle le goût de cette vie si poétique qu'elle menait en Bretagne, vie à laquelle, soit par trop d'habitude, soit par distinction innée, soit par dégoût de la pauvreté ou de l'avarice des sien, elle ne semblait pas trouver grand prix, mais que pourtant elle contenait enclose en son corps.
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Que nous croyions qu'un être participe à une vie inconnue où son amour nous ferait pénétrer, c'est, de tout ce qu'exige l'amour pour naître, ce à quoi il tient le plus, et qui lui fait faire bon marché du reste. Même les femmes qui prétendent ne juger un homme que sur son physique, voient en ce physique l'émanation d'une vie spéciale. C'est pourquoi elles aiment les militaires, les pompiers ; l'uniforme les rend moins difficiles pour le visage ; elles croient baiser sous la cuirasse un coeur différent, aventureux et doux ; et un jeune souverain, un prince héritier, pour faire les plus flatteuses conquêtes, dans les pays étrangers qu'il visite, n'a pas besoin du profil régulier qui serait peut-être indispensable à un coulissier.
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… dès la première seconde, j’avais été intoxiqué moralement par l’odeur inconnue du vétiver, convaincu de l’hostilité des rideaux violets et de l’insolente indifférence de la pendule qui jacassait tout haut comme si je n’eusse pas été là ; […] jusqu’à ce que l’habitude eût changé la couleur des rideaux, fait taire la pendule, enseigné la pitié à la glace oblique et cruelle, dissimulé, sinon chassé complètement, l’odeur du vétiver et notablement diminué la hauteur apparente du plafond. L’habitude ! aménageuse habile mais bien lente, et qui commence par laisser souffrir notre esprit pendant des semaines dans une installation provisoire ; mais que malgré tout il est bien heureux de trouver, car sans l’habitude et réduit à ses seuls moyens, il serait impuissant à nous rendre un logis habitable.

(Première partie)
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Je me sentais consterné, réduit ; et mon esprit comme un fluide qui n'a de dimensions que celles du vase qu'on lui fournit, de même qu'il s'était dilaté jadis à remplir les capacités immenses du génie, contracté maintenant, tenait tout entier, dans la médiocrité étroite ou M. de Norpois l'avait soudain enfermé et restreint.
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Je sais que c'est blasphémer contre la Sacro-Sainte Ecole de ce que ces messieurs appellent l'Art pour l'Art, mais à notre époque il y a des tâches plus urgentes que d'agencer des mots de façon harmonieuse. Celle de Bergotte est parfois assez séduisante, je n'en disconviens pas, mais au total tout cela est bien mièvre, bien mince, et bien peu viril.
Je comprends mieux maintenant, en me reportant à votre admiration tout à fait exagérée pour Bergotte, les quelques lignes que vous m'avez montrées tout à l'heure et sur lesquelles j'aurais mauvaise grâce à ne pas passer l'éponge, puisque vous avez dit vous même, en toute simplicité, que ce n'était qu'une griffonnage d'enfant (je l'avais dit, en effet, mais je n'en pensais pas un mot).
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Quant à ma mère, peut-être l'ambassadeur n'avait-il pas par lui-même le genre d'intelligence vers lequel elle se sentait le plus attirée. Et je dois dire que la conversation de M. de Norpois était un répertoire si complet des formes surannées du langage particulières à une carrière, à une classe et à un temps - un temps qui, pour cette carrière et cette classe-là, pourrait bien ne pas être tout à fait aboli - que je regrette parfois de n'avoir pas retenu purement et simplement les propos que je lui ai entendu tenir. J'aurais ainsi obtenu un effet de démodé, à aussi bon compte et de la même façon que cet acteur du Palais-Royal à qui on demandait où il pouvait trouver ses surprenants chapeaux et qui répondait: "Je ne trouve pas mes chapeaux. Je les garde." En un mot, je crois que ma mère jugeait M. de Norpois un peu « vieux jeu », ce qui était loin de lui sembler déplaisant au point de vue des manières, mais la charmait moins dans le domaine, sinon des idées - car celles de M. de Norpois étaient fort modernes - mais des expressions.
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..remarquons que la nature que nous faisons paraître dans la seconde partie de notre vie n'est pas toujours, si elle l'est souvent, notre nature première développée ou flétrie, grossie ou atténuée ; elle est quelquefois une nature inverse, un véritable vêtement retourné.
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À toute autre époque de sa vie, les petits faits et gestes quotidiens d'une personne avaient toujours paru sans valeur à Swann si on lui en faisait le commérage, il le trouvait insignifiant, et, tandis qu'il l'écoutait, ce n'était que sa plus vulgaire attention qui y était intéressée ; c'était pour lui un des moments où il se sentait le plus médiocre. Mais dans cette étrange période de l'amour, l'individuel prend quelque chose de si profond, que cette curiosité qu'il sentait s'éveiller en lui à l'égard des moindres occupations d'une femme, c'était celle qu'il avait eue autrefois pour l'Histoire. Et tout ce dont il aurait eu honte jusqu'ici, espionner devant une fenêtre, qui sait ? demain, peut-être faire parler habilement les indifférents, soudoyer les domestiques, écouter aux portes, ne lui semblait plus, aussi bien que le déchiffrement des textes, la comparaison des témoignages et l'interprétation des monuments, que des méthodes d'investigation scientifique d'une véritable valeur intellectuelle et appropriées à la recherche de la vérité.
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Marcel Proust
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Nous étions sortis du petit bois et avions suivi un lacis de chemins assez peu fréquentés où Andrée se retrouvait fort bien. « Tenez, me dit-elle tout à coup, voici vos fameux Creuniers *, et encore vous avez de la chance, juste par le temps, dans la lumière où Elstir * les a peints ». Mais j'étais encore trop triste d'être tombé pendant le jeu du furet, d'un tel faîte d'espérances. Aussi ne fût-ce pas avec le plaisir que j'aurais sans doute éprouvé sans cela que je pus distinguer tout d'un coup à mes pieds, tapies entre les roches où elles se protégeaient contre la chaleur, les Déesses marines qu'Elstir avait guettées et surprises, sous un sombre glacis aussi beau qu'eût été celui d'un Léonard, les merveilleuses Ombres abritées et furtives, agiles et silencieuses, prêtes au premier remous de lumière à se glisser sous la pierre, à se cacher dans un trou et promptes, la menace du rayon passé, à revenir auprès de la roche ou de l'algue, dont, sous le soleil émietteur des falaises et de l'Océan décoloré, elles semblent veiller l'assoupissement, gardiennes immobiles et légères, laissant paraître à fleur d'eau leur corps gluant et le regard attentif de leurs yeux foncés.


* Le chemin des Creuniers longe la falaise entre Trouville et Villerville
* Elstir est un peintre, personnage important du roman

Marcel PROUST – À l’ombre des jeunes filles en fleurs

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L’amour physique, si injustement décrié, force tellement tout être à manifester jusqu’aux moindres parcelles qu’il possède de bonté, d’abandon de soi, qu’elles resplendissent jusqu’aux yeux de l’entourage immédiat.
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Il est devenu normand comme ces beaux hortensias roses qu’on aperçoit d’Honfleur à Valognes et de Pont-l’Évêque à Saint-Vaast , comme un fard rapporté mais qui caractérise maintenant la campagne qu’il embellit, et qui mettent dans un manoir normand la couleur délicieuse, ancienne et fraîche d’une faïence chinoise, apportée de Pékin mais par Jacques Cartier .
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Marcel Proust
Le seul, le vrai, l’unique voyage, c’est de changer de regard.
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