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Citations de Marceline Bodier (36)


Je l’ai fait, vivre avec quelqu’un. Eh ben merci pour l’expérience. Je n’ai même pas envie d’en parler : parce que j’ai l’impression que ça rend parano. Avant, je me voyais comme quelqu’un de plutôt sympa et facile à vivre, et au bout de deux ans de vie commune, j’avais l’impression d’être un monstre. Et je ne crois pas que ce soit à cause de celui avec qui je vivais. Ne me redites pas son nom, il faut que je le retrouve toute seule… Bref, ce n’était pas lui. Je crois que c’était la situation qui créait ça : vivre à deux, ça rend fou.
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Elle s’appelait Ruth Kniess. Des origines allemandes, sans doute ? Pourtant, contrairement à sa belle-famille, elle n’était pas née dans l’Est et ses parents venaient même du sud de la France. Mais ils avaient des amis allemands et quand elle était adolescente, ceux-ci disaient régulièrement d’elle « Sie schaut so intensiv an », « elle a un regard d’une telle intensité ». Intensiv. Elle en était très intriguée : comment ça, intensiv ? Elle, elle essayait seulement d’être très très attentive pour comprendre les secrets des adultes, pour percer les mystères de leur assurance, de leurs certitudes. Discrètement, sans que personne ne remarque rien : car son obsession, à cette époque, c’était que personne ne comprenne dans quelle incertitude elle se trouvait, et dans quel abîme de perplexité la mettait ce monde adulte.
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D’où ils étaient, tous les quatre dominaient la campagne lorraine : de grands prés très verts à perte de vue, des champs de blé ou de colza qui ponctuaient le vert de grands pans dorés, des bosquets. Au loin, un petit village, et plus loin encore, la voie de chemin de fer qui barrait discrètement le paysage et ne révélait sa présence que lorsqu’un train la traversait, trop loin pour que son vacarme semble autre chose qu’un murmure amical. On apercevait ça et là des troupeaux de vaches blanches et rousses étendues paresseusement au soleil, profitant de sa chaleur. Un tracteur remontait un champ, on entendait à peine son ronronnement. Le paysage était à la fois très calme, écrasé de soleil, et légèrement inquiétant : la preuve de la présence humaine était partout, mais pourtant, où se cachaient les humains ?
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Ce moment où les regards changent de nature et où chacun le sait, où se parler devient difficile parce qu’il faut tenir deux conversations en même temps, celle des bouches et celle des yeux, et qu’elles ne disent pas du tout la même chose. Des images s’intercalent, et chacun suppose que l’autre voit les mêmes, « et si je la plaquais contre le mur, et s’il me plaquait contre le mur… », chacun le sait, mais les bouches continuent l’autre conversation, celle où ces images sont gênantes. Intrusives. Situation difficile à tenir, impossible même, mais tellement délicieuse…
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Elle n’était pas féminine au sens de la féminité des magazines, mais elle avait tiré parti de ses caractéristiques physiques pour se créer un style ambigu, masculin-féminin. De dos, elle était souvent prise pour un homme qui aurait eu de très longs cheveux, et dont quelque chose dans l’attitude incitait à penser « attention, c’est un homme qui doit avoir l’habitude qu’on l’appelle mademoiselle, donc je vais faire attention. Monsieur ? » Elle se retournait alors, et ses traits parlaient pour elle : c’était une femme. Qui avait l’air d’un homme qui avait l’air d’une femme. Trouble puissant…
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[…] et je sais que ce ne sont pas les déportés qui peuplent les asiles psychiatriques, ni même leurs enfants, mais leurs petits-enfants. Parce que le secret qui ronge leurs grands-parents, qui blesse leurs parents, chez eux, il arrive à l’état de case blanche à laquelle il ne faut pas toucher. Mais ils ne savent pas pourquoi, ils ne savent pas mettre de mots dessus, et ne pas savoir les rend fou. Alors la malédiction ne va pas en s’éteignant ; au contraire, elle grandit jusqu’à l’explosion finale…
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C’est aussi en juin 1982 qu’eut lieu la première fête de la musique. La première de l’histoire. Ce ne serait jamais plus pareil : cette année-là, il n’y eut aucune institutionnalisation, aucune récupération par des organismes officiels. Tout était artisanal, tout le monde était pris par surprise, le partage de la musique qu’on portait en soi, et rien d’autre, était total. Personne n’avait répété des mois juste pour se montrer ce soir-là : c’était seulement la musique telle qu’elle existait à ce moment-là qui descendait dans la rue et se mêlait aux autres musiques
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Stéphane était né dans une décennie où il y avait encore des enfants qui avaient nourri leur imaginaire avec ce que leur donnait l’école, et non pas uniquement avec une culture faite par d’autres jeunes pour tous les jeunes du monde. Du moins, il avait été nourri par les deux et en avait fait une sorte de synthèse personnelle.
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Oui, je le connaissais depuis que j'étais petite. Alors sa mort m'avait bouleversée, et ce vide que je ressentais, j'avais beau y jeter des mots, des phrases, des volumes entiers, dans l'espoir de le combler, je n'en voyais jamais le fond monter. Il était peut-être sans fond ?
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Agatha alla directement s'installer au creux du tronc d'un vieux mirabellier ; à moins d'un mètre du sol, le tronc très épais se divisait en trois branches, dont l'une était recourbée quasiment en forme de hamac. Les deux autres l'entouraient, partant un peu plus verticalement : on aurait dit qu'elles protégeaient celui ou celle qui s'allongerait sur celle du milieu, lui offrant des accoudoirs.
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Un brouillard, un mitote, autour d'elle, c'était bien assez romantique : elle ne voulait pas avoir de détails prosaïques sur ce qui s'était passé. C'était le passé, elle voulait le connaître, mais ce qu'elle en savait à ce moment-là lui suffisait, d'autant plus que le mot dont sa tante venait de le recouvrir lui donnait une beauté nouvelle, qui magnifiait momentanément son mal-être. Oui, elle voulait bien sympathiser avec ce fantôme qui se cachait dans le brouillard qui l'entourait : elle savait qu'il était là, donc il ne pouvait rien lui faire. Et que pourrait-il y avoir d'autre, qui soit pire qu'un homme assassiné ?
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Vivre comme un automate, continuer sa vie comme un automate, c’est se copier soi-même : tout faire comme on faisait avant, mais pas par envie, pas parce qu’on réagit aux circonstances autour de soi, non… mais parce qu’on sait qu’avant, on aurait fait comme ça, alors on le fait. On peut faire une copie parfaite de soi-même : là, on sait qu’on aurait ri, alors on rit ; là, on sait qu’on aurait suivi le groupe, alors on suit ; là, on sait qu’on aurait écouté et pansé une plaie morale, alors on écoute et on panse. L’imitation peut être parfaite, un chef d’œuvre, si on est suffisamment doué : seulement, à l’intérieur, on n’existe plus.
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Le mitote, c’est le joli brouillard que notre inconscient diffuse autour de nous et qui obscurcit notre relation aux autres, tout autant que notre relation à nous-même. Nous fonctionnons tous comme ça, nous sommes tous des enfants au mitote, c’est du moins comme ça que nous décrit la sagesse toltèque. Vous savez, les Toltèques, ces anciens habitants de l’Amérique du Sud ? Leurs chamanes s’appellent les naguals, et l’un d’eux, don Miguel Ruiz, a remarquablement su faire la jonction entre la sagesse de ses ancêtres et celle du dieu de l’édition. Il est devenu richissime avec ses petits bouquins, vous avez peut-être entendu parler des Quatre accords toltèques. Il y explique très bien ce qu’est le mitote. Et moi, je l’ai compris comme un synonyme poétique de l’inconscient.
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Ceux qui venaient vers elle attirés par son côté maternel reculaient devant ses yeux : ils ne s'attendaient pas à ça. Mais ceux qui auraient pu être séduits par ses yeux, ceux qui auraient pu être attirés par la femme qui méritait de tels yeux, eux, ne venaient pas vers elle puisque cette femme n'avait pas l'air d'être présente.
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En la voyant passer la porte du café, Esfera sut tout de suite que c'était elle. Elle ne se l'était absolument pas imaginée ainsi, mais il y avait quelque chose de décidé en elle, qu'elle avait transmis à son fils et qu'Esfera reconnut tout de suite. Quand elle entra, il était évident que tout le monde se retournerait sur son passage.
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Ils eurent à cette époque, à la fin de l’année 1984, le sentiment de vivre un premier paroxysme de leur destinée, un pic de confiance en l’avenir. Chacun avait trouvé sa voie. Avaient-ils l’intuition que ce genre de paroxysme est toujours le début de la fin ? Car la vie ne reste jamais plate, après : elle ne peut que redescendre. Mais c’est après-coup qu’on peut se le dire. Sur le moment, on a juste l’impression d’avoir le bonheur devant soi. Ou peut-être avaient-ils au contraire le sentiment que ça ne pourrait pas durer comme ça ? Était-ce pour cela qu’ils essayaient de mettre ce moment en scène, de le surfêter, pour l’obliger à être concret, sérieux, pour l’obliger à prendre de l’importance et de l’épaisseur ? Chacun avait peut-être inconsciemment cette impression que si on n’arrive pas à croire complètement à son propre bonheur, mais qu’on voit que les autres, eux, y croient dur comme fer, alors il devient réel.
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