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Critiques de Marco Balzano (73)
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Je reste ici

1923, Trina passe sa maturité, le bac italien.

Elle habite dans l'Alto Adige, le sud Tirol, région frontalière de l'Italie, avec l'Autriche. La langue est l'allemand, la religion, chrétienne, le travail celui des champs et des étables. Mussolini rase la région, italianise les noms, fait changer les enseignes des négoces, et interdit le port des vêtements traditionnels. de plus il est question de la construction par les fascistes, d'une digue sur le fleuve, déjà projetée en 1911 mais annulée pour cause de risques géologiques. Une digue qui signera la fin de la région.



Trina dans ce chaos, est dans le vide, quoi faire ? Elle ne peut enseigner vu l'interdiction de la langue. Passer dans la clandestinité pour le faire, comme lui conseille le prêtre et suivre Erich,résistant, le garçon qu'elle veut épater ?

L'injustice de la vie se manifeste à travers une belle prose imagée, où les sentiments s'y apposent comme des gouttelettes de pluie.



Encore une histoire de fascisme, encore le dilemme entre partir ou rester ? Erich

dit à sa femme, “c'est ici que je suis né, mes parents sont nés, tu es née, mes enfants sont nés. Si nous partons, ils auront gagnés.”.....mais cette résistance pacifique sera-t-elle suffisante pour les empêcher de leur faire du mal, et résister à la souffrance, même si à la fin, ils gagnaient (?). le comble du paradoxe, je dirais même de l'ironie, est qu'à l'époque ils espèrent être sauvé par Hitler et reprendre leur identité allemande.......Et quand Hitler va leur proposer de quitter leur région et émigrer officiellement en Allemagne, les choses vont se compliquer encore plus , la région se divisant radicalement et tragiquement en deux camps, ceux qui restent et ceux qui partent et surtout que la deuxième guerre mondiale gronde aux portes de l'Italie.....

Une population prise entre deux feux, les fascistes et les nazis.....



Trina, la narratrice, écrivant dans un vieux cahier, s'adresse à sa fille, Marica.... partie....disparue, suite au dilemme.....



Pour être franche je n'avais aucune idée de cette tranche de l'histoire du Sud Tirol ni de ce livre, ni de l'auteur, qui m'a été proposée par le club de Lecture de l'unique et magnifique librairie de la ville voisine. Une librairie qui essaie de subsister grâce à l'amour des livres de sa propriétaire, et ses activités intéressantes comme ce club où participent hommes et femmes de tout âge, et plutôt des jeunes. Pourtant l'auteur est déjà présent sur Babelio, et son livre “Le dernier arrivé “ traduit en français a remporté le grand prix littéraire italien Campiello en 2015. C'est un beau récit tragique où la petite histoire s'immisce dans une page douloureuse de l'Histoire italienne. Une heureuse surprise, qui se lit d'une traite et que j'espère sera très bientôt traduite en français.



« Le parole non potevano niente contro i muri che aveva alzato il silenzio. »

( Les paroles n'avaient aucun pouvoir face au mur érigé par le silence )
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Quand je reviendrai

Avec " Quand je reviendrai "de Marco Balzano , j'ai poursuivi mon chemin bordé de pépites étincelantes dans la littérature italienne et j'avoue avoir une nouvelle fois été happé par ce " drame" dans lequel on se retrouve complètement immergé au point de faire partie de cette famille roumaine plongée dans la douloureuse épreuve des difficultés économiques . Le père , Filip est au chômage et Daniela se voit obligée de prendre la voie de l'émigration vers l'Italie et Milan pour assurer le " confort " de Manuel et Angelica , les deux enfants du couple .Manuel , Daniela et Angelica qui , à tour de rôle , prendront le récit à leur compte pour nous permettre de comprendre ce " mal d'Italie " qui s'empare le plus souvent des femmes contraintes à un exil forcé particulièrement douloureux et perturbant .

Trois personnages , trois destins , trois visions , trois perceptions d'un fait courant ,hélas , mais bien mal connu .Les récits sont sincères , amusants , violents , touchants , plein de douleur , d'amertume et la fin du roman , remarquable , montre combien les destins et la vie des protagonistes a été bouleversée au point de rompre tous les équilibres .La charge mentale portée résistera- t- elle ? Qui sortira indemne ? Qui sortira " cabossé " ? Tout l'art de l'auteur est de nous maintenir du début à la fin dans juste ce qu'il faut d'eau pour ne pas sombrer , pour se demander si le mensonge et le silence ne seraient pas , finalement , un remède ...Un sujet difficile , je l'ai dit , rédigé par une main d'orfèvre , avec , au final , un roman qu'il est impossible de ne pas lire d'une traite et dont on tourne la dernière page ...

Je vous conseille vivement de lire la note de l'auteur , en fin de volume , elle est vraiment intéressante .. à condition , bien entendu d'avoir commencé par lire le texte sinon " c'est de la triche ! ".

A bientôt chers amis et amies , pour de nouvelles aventures pas forcément italiennes mais la littérature est universelle et regorge de trésors venus de toutes parts , n'est-ce pas ? ...



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Le dernier arrivé

D'abord , si j'ai choisi de me " lancer " dans cette lecture , c'est , qu'une fois de plus , j'ai été attiré par la superbe couverture du roman qui vient de faire son apparition en poche , une photo dans laquelle , toutes proportions gardées, je me retrouve un peu , comme sans doute tous ceux et celles nés dans les années 50 .

Ninetto a 9 ans , vit misérablement avec son père et sa mère dans un village de Sicile . Les coups pleuvent , on ne discute pas dans la famille ...Heureusement , il y a le copain Peppino et la véritable figure tutélaire, le modèle, l'espoir , le maître d'école, passeur de la culture libératrice. Hélas, le mère est atteinte d'apoplexie et , confié à un " pays " pas forcément très scrupuleux , Ninetto part pour Milan .......

Vie de " petits boulots " , amitiés, exploitation , mariage , un " immense trou noir de 32 ans dans une usine ", un second " trou noir avec 10 ans de prison " . C'est là que nous le rencontrons , enfermé dans la solitude avec comme " seule distraction", la résurgence des souvenirs marquants du passé.......

Et puis , la sortie . Un monde qui a changé. Une famille qui a changé et , surtout , un Ninetto qui a changé, lui aussi .Dix ans sont passés, la roue de la vie est passée , broyant tout sur son passage , pensez- donc , il faut remplir un " CV européen " pour livrer des pizzas.....Ninetto va devoir faire face à la dure , très dure épreuve du retour à la vie active dans un monde sans pitié....

Les trois parties de ce roman , la prison , l'avant et l'après sont écrites, on s'en doutera , de façon bien différentes , l'auteur adoptant bien son style à la situation décrite , la fin du roman se voyant empreinte de plus de désespérance que la première partie , douloureuse certes , mais pleine de facéties et d'espoir .

Le personnage central ,Ninetto , ne laisse pas , ne peut pas laisser indifférent. Chacun appréciera sa personnalité à sa convenance , les avis étant très partagés ( et ça, c'est vraiment bien ) .On pourrait vraiment faire de sa personne , une très bonne analyse , en classe , j'imagine d'ici les discussions acharnées...Pardon , mes vieux démons me jouent encore des tours pendables. En conclusion , j'ai beaucoup aimé ce roman , vraiment . Il m'a fait rire ( un peu , parfois ) , il m'a ému, il m'a interpellé.....A 9 ans , en Italie , a quelques centaines de kilomètres de nous , on pouvait " être livré à la rue " , dans les années 60....Terrible .

J'avais beaucoup aimé " je reste ici " , du même auteur .J'espère le retrouver très bientôt.







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Je reste ici

Décidément, en ce moment, j’ai la main heureuse. « Resto qui » de Marco Balzano est une très belle découverte que j’ai lu en français « Je reste ici ». Après les chroniques de Bookycooky et de Michfred, j’attendais sa sortie en français avec impatience.



C’est une excellente traduction de Nathalie Bauer puisque le lecteur peut y ressentir toutes les émotions que cherche à susciter l’auteur qui écrit simplement, dans un style dépouillé, limpide, et qui nous touche en plein cœur. J’ai refermé ce livre des larmes plein les yeux. Je me suis trouvée plongée dans la tête de l’héroïne, je me la suis accaparée, elle m’a été proche pendant toute la lecture.



Je me suis dit que ce XXème siècle avait été bien cruel et que nous avions beaucoup de chance nous génération de la paix. Mais à travers cette fiction, inspirée de faits réels, Marco Balzano souligne aussi l’inhumanité de certains intérêts politico-financiers.



Dans un premier temps, j’ai découvert le Trentin-Haut-Adige, région d’Italie située à la frontière autrichienne, au Tyrol Sud. Je savais que c’était une région autonome mais n’en connaissait pas l’histoire. En 1919, cette région autrichienne est rattachée à l’Italie et les fascistes tentent par tous les moyens d’italianiser cette province. Ce sont les alliés qui ont imposé, après la seconde guerre mondiale, la protection de cette minorité de langue allemande. Dans cette fiction tout est vrai sauf les personnages encore que le prêtre, le père Alfred, a été inspiré par le père Alfred Rieper, curé de Curon pendant cinquante ans.

La couverture représente le clocher de Curon émergeant du lac. Ce clocher est devenu une attraction touristique. Elle masque le désespoir qu’ont ressenti les villageois lorsqu’ils ont entendu le bruit des murs qui s’écroulent, la destruction de leur village et de tous les souvenirs qui s’y rattachent.





Dans les années 50, Trina éprouve le besoin d’écrire à Marica, sa fille qui a disparu un beau matin et dont plus personne n’a eu de nouvelles. Elle lui parle de son absence, des blessures qu’il a fallu surmonter pour accepter cette absence. Dans cette lettre, elle fait un retour en arrière et remonte à ses dix sept ans et lui relate son histoire d’amour naissante avec Erich, son père, la solidité de cet amour malgré les aléas de la vie, la résistance à Mussolini qui s’installe au village, comment l’école devient clandestine. Elle lui décrit au seuil de la seconde guerre mondiale, comment la région s’est trouvée prise en étau entre les nazis et les fascistes, les relations agressives entre ceux qui voulaient rester et ceux qui voulaient partir et le positionnement de son père devant la guerre, et tout cela, avec en toile de fond, l’imminence d’un danger : la construction, maintes fois reportée, d’un barrage hydraulique qui menace d’engloutir son village, Curon.



C’est un livre magnifique qui énonce les affres d’une plaie jamais refermée : la disparition d’un enfant. C’est aussi l’histoire d’une femme courageuse qui ne lâchera jamais la main de son mari dans toutes les circonstances y compris celles des plus dangereuses : la fuite dans la montagne. C’est encore une héroïne admirable qui se battra pour sa terre, son identité. Sa devise :



- les paroles de sa propre mère : « Aller de l’avant. Sinon Dieu nous aurait fait des yeux sur le côté, comme aux poissons ».

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Je reste ici

La vie en est pleine de ces rencontres inattendues et précieuses qui font que chaque jour ne ressemble à aucun autre.....Ça y est , vous allez dire , " lui , il est tombé amoureux " pendant les vacances et il va nous " bassiner " avec son histoire ...Mais , non , pas du tout ...D'abord ma femme ne veut pas et puis nous ne sommes pas sur un site de rencontres...enfin , quoi que , si , finalement , oui mais il n'est pas comme les autres ce site , on y rencontre des amis et des amies..... Quoi ? Oui , c'est un peu ambiguë quand même cette affaire et je me demande bien comment je vais m'en sortir , moi .

Bon , je reprends ....Les vacances terminées , je suis retourné dans ma librairie préférée et là , sur l'étal ...il était là avec sa superbe couverture .Du bleu , de l'eau , le ciel et ..un clocher qui surgit fièrement de l'onde claire et.....c'est tout . Impossible de résister . Il paraît tout frêle avec ses 200 pages mais la quatriéme de couverture finit par me convaincre , me séduire , je l'adopte ....

Le soir - même, c'est le sommeil qui a raison de moi car j'y suis plongé ( c'est le cas de le dire ) dans l'extraordinaire histoire de ce petit village de Curon Venesta , au Tyrol , pris entre l'Italie , l'Allemagne , l'Autriche , la Suisse , un village qui n'appartient à personne mais intéresse tout le monde , un village qui va souffrir sous le joug des fascistes italiens , puis des nazis allemands , puis des investisseurs étrangers pour qui seul prime l'intérêt économique et financier ....Dans ce chaos sans fin vont évoluer des personnages attachants , attachés ou non à des valeurs , à leur village , des personnages qui prendront des chemins différents ou similaires , qui briseront des liens forts , malgré eux , simplement en raison des dramatiques évènements relatés.

Cette histoire est racontée par Trina et adressée à sa fille. On y découvre son portrait , certes , mais aussi sa " construction " de femme et de citoyenne dont la conscience se forgera au fil des pages...C'est un roman puissant , addictif , qui vous transporte dans un voyage dont on ne sort pas indemne mais sans doute un peu grandi ou grandie...

" Nous ne pouvons pas perdre du temps à nous plaindre de ce qui existait lorsque nous n'étions pas là . Il n'y a qu'une direction possible , comme disait Ma : "Aller de l'avant .Sinon Dieu nous aurait fait des yeux sur le côté. Comme aux poissons."

Je suis toujours prudent quant aux conseils que je donne car tout le monde , fort heureusement , n'a pas la même approche , les mêmes goûts, la même sensibilité. Là , pourtant , je me permets de....sinon ce serait sans doute dommage .. Encore hésitant ? Lisez les critiques.....Ah , ça y est ? Alors bonne lecture et .....à bientôt sur" notre site de rencontres" préféré .

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Je reste ici

L'émotion est une étrange alchimie..



La première de couv' de "Resto qui" -je reste ici- m'a tout de suite plongée- c'est le mot- dans deux souvenirs : une ballade sentimentale  et une balade sépulcrale..



La première,  je l'ecoutais sur mon Teppaz à carreaux, quand j'avais un petit coup de  blues, ou envie de me faire un coeur de midinette:



"Dans le ciel, pas un nuage

Et pourtant j'ai le coeur gros:

Mon village, mon village

Dort au fond de l'eau..

Loin d'ici la vie m'appelle

Je m'en vais mais j'ai le coeur

Qui sommeille, qui sommeille

Tout au fond de l'eau". ..



....chantait Marie Laforêt de sa voix nasillarde et un peu métallique..



Quant à la seconde, la balade avec un seul "l" ,  c'était  à Laussac, en Aveyron, l'année où le barrage de Sarrans a été vidé . Je me suis promenée, le coeur serré,  entre des arbres noircis, des pans de murs moussus,  des fermes sans bêtes et une église sans cloche, au milieu d'un grand silence, comme dans un village fantôme. L'ancien Laussac, le Laussac sacrifié,  immergé,  refaisait provisoirement surface, et ses chemins herbeux remontaient vers le Laussac épargné qui semblait lui faire signe du haut de son promontoire.



Mais l élément décisif de l'alchimie émotionnelle est venu du livre lui- même,  de son sujet, de sa voix narrative,  celle de Trina, et, pour moi, de cette langue italienne, chantante, musicale, qui rend toujours ma lecture plus intime, plus vibrante que la version française, si élaborée soit-elle.



Oui, Resto qui, je l'avoue, m'a profondément touchée. 



Trina parle  à une absente, une disparue, Marica, sa fille.



Elle lui fait la chronique de sa vie de paysanne, de montagnarde.



Elle lui dit son enfance entre un père aimant et une mère dure, puis sa vie de femme, aux côtés de son mari, Erich Hauser,  le taciturne éleveur - et menuisier - qu'elle aime depuis qu'elle est toute petite.



Elle dit la naissance de ses deux enfants, celle de Michaël,  le terrien, rétif aux études, et celle de Marica, son interlocutrice , cette fille "disparue", qui lui ressemblait tant et  aimait étudier, apprendre et enseigner, comme elle.



Trina semble définitivement enracinée  à Curon,   ce village des sommets, si verdoyant à la belle saison,  si blanc et glacé l'hiver, ce village du Haut Adige,  dans le Sud Tyrol  germanophone, que les fascistes italiens essaient d'italianiser à toute force, divisant le pays entre "restanti" et "optanti" qui optent pour l'Autriche ou l'Allemagne ...



Ils  interdisent l'école en allemand - encouragée par le curé du village, Trina et ses amies feront l'école clandestine dans les caves, les granges ou les prés,  au risque d'etre arrêtées ou déportées. Ne donnent les postes  administratifs qu'aux italianophones. Et déjà  menacent les villageois de noyer leur village et leur résistance  sous l'eau d'un barrage hypothétique. ..mais la guerre éclate : les nazis allemands remplacent les Italiens ...à la grande joie de certains qui voient dans cette occupation une délivrance! Le barrage est abandonné mais la chasse aux déserteurs et la férule nazie sévissent. Les temps sont durs, la montagne aussi. 



Quand la paix revient, enfin, revient aussi le projet du barrage...



La chronique de Trina est linéaire comme le temps qui passe,  implacable comme l'hiver, inéluctable comme le destin. Elle ne regarde pas en arrière, elle avance comme cette eau qui finit par noyer les espoirs, briser les luttes, user les forces.



A quoi a servi à  Trina,  l'ancienne institutrice, d'écrire aux "gens qui comptent", à quoi a servi au courageux Erich d'avoir été reçu par Pie XII,  pape failli et dodelinant , qui ne lui a pas dit un mot ni jeté un regard?



A quoi a servi leur longue patience à tous les deux, leur engagement, leur fidélité , leur solidarité,  leur courage ? À garder intacte leur dignité , sans doute, mais qu'elle est douloureuse,  leur dernière promenade , sur la digue du barrage , au bord du nouveau lac, avec leur vieux chien et leurs bêtes effrayées qu'ils mènent à  l'abattoir faute de pouvoir laisser à  l'un, son  travail de berger et aux autres, des terres où  paître.



La photo de la 1ere de couv' est vraiment celle du clocher de Curon, à demi immergé par un barrage qui n'a finalement pas eu le rendement qu'en escomptait la Montecatini mais qui, ironie du sort, est devenu le passage obligé des touristes en quête d'images romantiques et "the place to be" pour tous les abrutis du selfie...



Pour tous les lecteurs de Marco Balzano, ce clocher est l'âme  fière et droite d'un petit village qui ne voulait être ni fasciste, ni nazi, ni italien, ni allemand, juste germanophone et montagnard,  près du ciel, sur les alpages, où il fait si bon se rouler dans l'herbe  et où  les cloches des vaches tintinabulent, le soir,  dans les brumes qui montent de la vallée.



Un beau livre, simple, fort. Et triste.
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Quand je reviendrai

Voilà un roman à trois voix poignant, évoquant un sujet peu traité: le départ obligé de femmes roumaines pauvres pour l'Italie, afin de subvenir aux besoins de leur famille.



Manuel a seize ans, cela fait déjà plusieurs années qu'il ne voit sa mère qu'épisodiquement, juste quelques jours par an. Grâce à elle cependant, sa soeur Angelica et lui peuvent faire des études. Mais il lui en veut de cette absence pesante. Son père est parti, lui aussi. Et son grand-père, auquel il était très attaché vient de mourir. Survient un drame, qui fera revenir sa mère, Daniela.



C'est ensuite elle qui prend la parole, racontant son exil difficile, en tant qu'aide à domicile auprès de vieilles personnes exigeantes. le manque des enfants, leurs reproches, le travail épuisant...



Sa fille , Angelica, diplômée d'université, relatera enfin comment elle a vécu ces années sans présence maternelle. Ces trois-là arriveront-ils à se réconcilier, à se montrer leur amour?



J'ai trouvé ce livre très intéressant, socialement et psychologiquement. J'ai beaucoup aimé l'image finale, symbolique, du boomerang. Je ne connaissais pas cet auteur italien, je souhaiterais découvrir davantage son univers.
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Je reste ici

Une histoire poignante, dans la tourmente du 20e siècle. Le Haut-Adige, ou Sud-Tyrol comme l'appellent les Allemands et Autrichiens, est souvent pris entre deux feux.

Parler allemand comme avant, ou italien ?

S'engager dans la guerre ou rester neutre ?

Déserter ou résister ?

Rester au village à Curon, ou partir (pour l'Allemagne, ailleurs ...) à cause du futur barrage ?

Pour Erich et Trina, le pardon sera-t-il possible après l'évolution de leurs enfants Marica et Michael ?

Un très beau livre, qui malgré son écriture simple, nous questionne sur de nombreux sujets : fascisme et oppression, comment et pourquoi résister, quand pardonner, les relations familiales ...

Décidément, j'aime de plus en plus lire les auteurs italiens
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Je reste ici

«  Mais l'Italien et l'allemand constituaient des murs de plus en plus élevés.

Désormais les langues étaient des signes raciaux .

Les dictateurs les avaient transformées en armes et en déclarations de guerre » .

«  A Curon , les gens ne paraissaient pas inquiets , juste plus las .Las des fascistes , las de tituber dans le noir » .



Deux extraits significatifs de ce beau roman historique , une page douloureuse de l'Histoire Italienne, que je ne connaissais pas , superbement écrit comme une longue lettre....



Au printemps 1923, Trina adolescente préparait son baccalauréat dans la région autrichienne du Haut- Adige, au Sud Tyrol, au coeur du superbe village de Curon.

La vie y suivait le rythme des saisons , l'histoire ne s'était pas élevée jusque là ....dans ces régions frontalières .

Trina, Pa et Ma , ses parents , Michaël , son frère parlaient allemand, étaient chrétiens , travaillaient aux champs et dans les étables..



Mais dès 1922, sur l'ordre de Mussolini les rues, les ruisseaux et les montagnes ont été rebaptisés .



Ses sbires ont même molesté les morts en changeant les inscriptions sur les pierres tombales , italianisé les noms , remplacé les enseignes des magasins, interdit aux habitants de porter leurs tenues habituelles ...



C'est un Tournant Historique .



La narratrice est alors dépossédée de sa langue, de sa terre, de sa culture .



A Curon les familles divisées, fracturées, écartelées , subiront de plein fouet les oppressions du fascisme puis du nazisme.

Tout au long de ce récit tragique , Trina parle à une absente, sa fille Marica, qui lui a été arrachée par Anita , la soeur de son mari Erich, et son mari Lorenz , des gens riches... beaucoup plus âgés que Trina et Erich.



Ils avaient choisi d'intégrer le Reich...



Elle lui conte son enfance : Ma , sa mère, insensible , froide, assez autoritaire, indifférente à la culture et au diplôme de sa fille devenue institutrice, Pa, son père , aimant, sa vie auprès d'Erich, son mari, orphelin, silencieux , aux longues mains nerveuses , l'amour de toute sa vie..



Nous découvrons une Italie divisée, trahie par Mussolini et ses acolytes , une population prise entre deux feux :

Partir ou rester?

Parler allemand ou italien?

Les tyroliens sont brimés au quotidien , l'auteure nous révèle une Trina courageuse, vaillante, résistante , indépendante ,devenue enseignante qui combat avec les «  Mots » aux côtés d'Erich , son amour.



Un magnifique récit tragique lié à l'histoire doublé de la douleur intense de l'absence ....

Découverte de la Grande Histoire à travers la petite sous des aspects inconnus, qui nous questionnent :



oppression et fascisme, nationalisme, dictats imbéciles , importance de la langue et de l'identité , des liens familiaux indestructibles et de la survie dans une période trouble sans parler de la construction d'un immense barrage ....

«  Ceux qui vivent , ce sont ceux qui luttent » . Victor Hugo.

Remarquable ! A lire !





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Je reste ici

Enchanté d’apprendre qu’il avait des racines italo-autrichiennes, mon ado m’a demandé de lui trouver des livres sur l’histoire du Sud-Tyrol qui, jusqu’à la Première Guerre Mondiale, faisait partie de l’Empire autrichien des Habsbourg.



J’ai trouvé deux romans, « Eva dort » de Francesca Melandri et celui que je viens de lire « Je reste ici » de Marco Balzano. À travers l’histoire de Trina et du village de Curon, c’est un autre bout d’Histoire que j’ai découvert. Un roman bouleversant.



Si le sujet vous intéresse, j’ai aussi lu un article de Licia Bagini Scantamburlo disponible en ligne.

https://journals.openedition.org/mimmoc/232



Après la Première Guerre Mondiale, la frontière italienne est repoussée jusqu’au Col du Brenner et le Tyrol du Sud devient italien (Traité de Saint-Germain-en-Laye, 1919). La population est italianisée de force et il devient interdit de parler allemand.



Pour enseigner l’allemand aux enfants, émergent des écoles clandestines. Quand elles étaient découvertes, les enseignants étaient battus et parfois exilés. La vie quotidienne au temps du fascisme est terrifiante mais elle le devient davantage quand Hitler arrive avec ses fausses promesses. Certains se laissent convaincre bien sûr, d’autres ne sont pas dupes. Les déserteurs ne sont pas toujours les lâches de l’histoire.



« Les gens qui posent un doigt sur leurs lèvres permettent chaque jour à l’horreur d’avancer. »



Entre le fascisme, le nazisme, la guerre et toutes leurs conséquences il y a aussi le projet de barrage qui menace le village. Quand on a vécu quelque part toute sa vie, c’est la fin du monde quand tout est détruit et englouti.



Un roman très émouvant, impossible de ne pas verser quelques larmes à la fin. L’écriture de Balzano est fluide et agréable à lire. À l’occasion, je lirai un autre livre de cet auteur.









Challenge livre historique 2021
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Le dernier arrivé

Ninetto est couché, les mains derrière la nuque, les yeux clos pour ne pas voir les autres, serrés comme des harengs dans la même cellule. Il se raconte une histoire.



Son histoire.



Parce que dix ans, c'est long. Même s'il doit sortir bientôt.



Ninetto vient de Sicile, il vient de la misère et de la faim, il vient du pays où les baffes volent bas quand on est un "picciridù".



Ces mioches-là ont juste le droit de se taire - " tu pourras parler quand tu verras la poule pisser", lui dit sa mamma quand elle l'emmène à " casa d'altri"- ils ont aussi celui de retrousser leurs manches et de bêcher la terre aride pour un " paesino" presque aussi pauvre qu'eux. Et enfin, celui de s'arracher, à neuf ans, à ce "pays de merde" pour tenter leur chance dans les grandes villes du Nord où le boulot ne manque pas.



Cette triste histoire- là, Ninetto se la raconte dans sa langue à lui, chaleureuse, haute en couleurs, cocasse, émaillée d'expressions locales...et c'est comme un rayon de soleil dans l'eau froide!



Ses tribulations de "galoppino"-littéralement, coursier- tricotant des gambettes sur son biclou dans les rues crasseuses d'une banlieue ouvrière de Milan, deviennent une geste héroïque et facétieuse qui masque pudiquement une vie déracinée et douloureuse.



Quelques rencontres chaleureuses-les maçons des Abruzzes, Antonio le musicien sans guitare, Maddalena la femme de sa vie et sa femme pour le meilleur et le pire- viennent trouer de leur lumière le récit sans cesse interrompu que Nino se fait à lui-même, dans la promiscuité de sa cellule.



Mais il sort, et le récit butte sur l'irracontable.



Quels mots, pour raconter le noir tunnel du quotidien, et celui, plus noir encore, de la faute qui l'a mené en prison ?



Quels mots pour raconter l'impossible réinsertion pour ce travailleur de la première heure qui retrouve, à cinquante ans passés, un monde sans usine, sans travail, sans âme ?



Ninetto aurait voulu être poète, et peut-être aussi un peu communiste, s'il n'avait juré à Maddalè qu'il ne se ferait ni rouge, ni noir, ni blanc. Sa courte expérience de l'école lui a laissé le goût des rimes et une grande admiration pour "Russò", qui eut le cran de faire le procès du premier qui osa dire : "Ceci est à moi!"



Maintenant, c'est un autre livre qu'il lit, relit, et peu à peu, reconnaît. le héros de ce livre s'appelle Meursault. Un frère. Un Étranger.



Un Étranger comme Ninetto, petit "napuli" de Milan -les italiens du Nord mettent tout le mezzogiorno dans le même sac-.



Un Étranger comme Nino devenu vieux, maintenant, dans ce nouveau monde où il faut un c.v. modèle européen téléchargé sur le net pour pousser des chariots ou vider des palettes.



Un Étranger dans ce monde où de nouveaux pauvres de toutes les couleurs, venus de plus en plus loin, ont remplacé siciliens, abruzziens et calabrais, pour faire un travail d'esclave.



Un Étranger à lui-même, puisqu'il n'arrive plus à mettre ses mots colorés sur cette vie toute noire, toute opaque, menacée par le silence, la solitude, la folie..



Magnifique livre, une fois encore, de Marco Balzano, qui a été , nous dit-il en postface, précédé d'un long travail d'interviews de ces anciens petits migrants des années cinquante, arrachés en pleine enfance à leur terre natale, à leur famille et qu'il a patiemment interrogés et écoutés.



Mais loin de nous livrer le fruit d'un reportage, Balzano a complètement intériorisé son sujet. Il a donné une stature-décharnée, - on l'appelle "pelleossa", sac d'os- à son narrateur, et surtout une voix, étouffée, douloureuse, marquée, mais, quand elle revient à l'enfance, toute chargée de soleil et d'humour. Et c'est ce clivage des tons qui fait, mieux que tout, sentir la brisure de l'être.



Un beau personnage que cet Etranger sicilien, qui m'a paru d'autant plus vrai et proche que j'ai lu - ou plutôt dévoré- le livre dans sa version originale.
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Quand je reviendrai

Roumanie. Dans la famille de Daniela, il n'y a plus de ressources. Filip, son mari, est au chômage depuis trop longtemps. Les enfants, Manuel et Angelica, sont étudiants. L'argent manque cruellement. Alors, pour subvenir aux besoins de tous, elle s'en va. Un matin, sans rien dire, sans prévenir, elle quitte tout en laissant une lettre expliquant son départ.



Comme beaucoup de femmes de son pays, Daniela a rejoint l'Italie. C'est du côté de Milan qu'elle trouve du travail. Là-bas, on recherche du personnel domestique et il est possible de gagner sa vie rapidement. Mais, la réalité est toute autre. Pensant partir quelques mois, économiser et envoyer l'argent en Roumanie, c'est plusieurs années qui s'écoulent. Toute une vie pour beaucoup de familles qui se trouvent séparées du jour au lendemain.



Puis, un drame oblige Daniela à revenir chez elle.



Je remercie Babelio et les éditions Philippe Rey pour cette lecture.



"Quand je reviendrai" est le roman d'une vie, d'une génération et d'une époque.



L'histoire de Daniela est celui de beaucoup de femmes de Roumanie et des pays de l'Est. Ce sont des épouses, des mères, des filles obligées de quitter leurs proches pour l'Italie, accueillante pour ces travailleuses domestiques prêtes à travailler jour et nuit auprès des personnes âgées et des enfants dans bon nombre de familles occidentales.



Ce sont des migrantes de l'ombre. Au pays, on les voit de plus en plus partir et on sait que beaucoup ne reviendront pas.



L'histoire de Daniela est aussi celle de ses enfants et des conséquences familiales et psychologiques qui en découlent. Les relations ne sont plus les mêmes. Les retrouvailles sont courtes. Au téléphone, à part les banalités, on a plus rien à se dire. Le quotidien n'est plus partagé. La présence de cette mère manque.



Filip, las d'attendre, finit par partir. Angelica fait de son mieux pour obtenir son diplôme et ne pas connaître le même sort dans sa vie de femme. Manuel, plus jeune, est celui qui souffre le plus de la situation. C'est quand un accident survient que Daniela rentre précipitamment au pays, auprès des siens.



Marco Balzano propose un roman choral écrit à trois voix, découpé en trois parties dans lesquelles Daniela, Manuel puis Angelica s'expriment. Chacun raconte son histoire telle qu'il la vit, la ressent et la subit.



On parle de sacrifices, de rêves et de regrets, puis d'espoir et de confiance en l'avenir.



Un beau roman résolument humain, écrit après un voyage en Roumanie durant lequel l'auteur a rencontré des enfants, des adolescents, des médecins et surtout les membres de l'Association des femmes roumaines d'Italie pour comprendre et raconter à son tour l'histoire de ces mères et des "orphelins" blancs.



Une écriture fluide. Un livre très bien écrit où l'on est plongé dans le quotidien de ces personnages. J'avais l'impression d'être assise à côté de l'auteur et de l'entendre me raconter son histoire. Un très beau texte touchant. Un coup de cœur !

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Quand je reviendrai

Il est éclairant de lire ce roman à l’heure où tant de réfugiés sont éparpillés sur les routes. Comme le rappelle l’auteur, l’écrasante majorité de ces réfugiés sont des femmes. Elles viennent de l’Est et fuient leurs patries inhospitalières pour trouver du travail. Aides à domicile des vieillards, nounous des jeunes enfants ou prostituées pour les plus malchanceuses, elles comblent les lacunes d’une société capitaliste qui rechigne à s’occuper des plus fragiles et des moins productifs.

Daniela est l’une d’entre elle. Roumaine, elle décide, sur un coup de tête, de partir à Milan. Avec dans ses bagages quelques affaires et beaucoup de culpabilité, elle promet à ses enfants de revenir.

Elle devra surmonter les préjugés, le sentiment d’ignorance (« Quand on est privé de sa langue, on raisonne comme des animaux ») et les multiples sacrifices que sa servitude consentie lui impose (« Seuls les gens qui nettoient les chiottes savent ce que c’est la vie »).

Elle a laissé dans sa ville natale une fille aînée dont elle finance les études tant bien que mal et un fils cadet qui ne supportera pas le décès de son grand-père adoré.

La cruauté et l’ironie de sa condition la percute : la voilà qui bichonne les enfants de la bourgeoisie milanaise alors que ses propres enfants la réclament.

Si l’écriture de Marco Balzano n’est pas exceptionnelle, elle suffit au récit contemporain de cette Europe à deux vitesses.

Bilan : 🌹

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Je reste ici

Dans ce très beau roman Marco Balzano a à cœur d' " aborder les thèmes de l'incurie,des frontières,de la violence du pouvoir,de l'importance et l'impuissance de la parole...".

Pour ce faire plusieurs réalités de mêlent pour habiller la fiction. Ces réalités sont:

Le contexte historique de Ciron,un village du Haut-Aridge,un territoire autrichien annexé par l'Italie après la première guerre mondiale. La présence écrasante et humiliante du fascisme incarné par Mussolini qui interdit à la population tout ce qui constitue son identité et en premier lieu sa langue.

Puis la montée du nazisme et l'entrée dans la seconde guerre mondiale. Celle ci va diviser la population entre ceux qui voient en Hitler un sauveur et ceux qui rejettent une guerre qu'ils savent injuste et dévastatrice.

Enfin,le projet d'un barrage par les italiens ,qui doit ensevelir le village sous les eaux.

Quant à la fiction elle est constituée des personnages qui vont illustrer la souffrance liée à ces violences, l'impact sur l'intime,les déchirures inévitables. L'histoire se raconte par le très beau personnage de Trina qui s'adresse à sa fille qui s'est enfuie , encore fillette avec sa tante pour fuir le fascisme. A travers ce beau portrait de femme on partage le désir de lutter pour la liberté,la vie l'amour. A travers son regard on fait connaissance avec les autres acteurs de son roman dont le très touchant Erich son mari et bien d'autres.

Ce n'est que le deuxième roman que je lis de cet auteur mais il rejoint déjà ma famille littéraire de cœur. Son écriture est faite de délicatesse,de pudeur, de dignité, d'émotions à peine nommées mais ressenties parce qu'elles sont justes,qu'elles font écho à ce que chacun peut un jour eprouver quelque soit le contexte. Elle parle d'universalité des sentiments,de l'importance de la transmission,de la lutte,de la nécessité de rester fidèle à ce que l'on pense être vrai.
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Je reste ici

J'aime parcourir les époques et les pays avec des livres qui éveillent ma curiosité en faisant entrer la fiction dans une réalité historique. Resto qui. Je reste ici de Marco Balzano est l'un de ces romans qui m'a particulièrement touchée par sa générosité à faire revivre l'âme d'une vallée et de ses habitants, le Val Venosta (entre le Tyrol du Sud et le nord de l'Italie) qui commence en 1923 avec l'entrée des troupes italiennes et finit en 1947 .

Le Val charmant est un petit bout de territoire de l'ancien empire austro-hongrois. Y vit une communauté de paysans, des montagnard soudés les uns aux autres par la langue allemande et par le travail des champs et l'élevage des bêtes. Aucun ne se voyait faire autre chose que de cultiver la terre qui était toute leur vie.

Edrich, le paysan et Trina l'institutrice étaient fait pour se rencontrer, s'aimer et avoir beaucoup d'enfant. Mais ce n'est pas un conte de fée et il s'abat bien des malheurs sur le village de Curon. C'est Trina, la narratrice qui raconte la fin de l'histoire, leur histoire à sa fille absente Marica. le village est la cible des invasions fascistes puis nazies, acculturés de force à l'Italie, la langue allemande interdite, les habitants perdent ce qui faisait leur identité. N'ont d'autres choix que de partir ou de rester, dans les deux cas, c'est tout abandonner.

Que peut-il leur arriver de pire ?

L' épée de Damoclès est suspendue à leur tête depuis 1911 : l'inondation du village par l' entreprise Montecatini afin de construire un barrage et fournir de l'énergie.

Le son du glas sonne dans chaque maz. Je l'entends encore dans mon coeur, j'aurais tant voulu aider ces gens qui restent tous solidaires pour sauver leur village malgré les choix qu'ils ont pu faire pendant la guerre.

Comme le dit tristement Trina qui étant la seule du clan à manier l'italien écrit des lettres aux personnalités les plus influentes d'Italie pour empêcher le désastre«  les mots ne sauvent pas ». Non, mais ils restent en tant que vestige et témoin comme le clocher de l'église au milieu des eaux, il surprend et questionne.

J'ai été choquée par la manière forte et brutale dont les habitants sont acculés à vivre la destruction de leur village, c'est violent comme une ville assiégée en pleine guerre.

J'aimerais penser ici que je leur tends une dernière fois la main en lisant leur histoire passionnément racontée par Marco Balzano qui à partir d'archives et de témoignages ressuscite les chers disparus de la vallée. le roman est une photo de famille sépia, derrière chaque personnage, je vois leur image par la précision d'une écriture intensément vivante.

Le courage ne leur a pas défaut ni l'endurance pour mener leur dernier combat.

Je garderai longtemps résonner en moi la voix de Trina, poignante et sincère pareille au chant du cygne sur le lac.
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Le dernier arrivé

Je ne connaissais pas Marco Balzano. Je ressors très émue de cette rencontre. Son écriture a cette particularité qui me touche beaucoup, d'être à la fois simple mais capable de donner vie, profondeur,et singularité aux personnages.

Le dernier arrivé, c'est l'histoire de Ninetto ou " sac d'os" qui,petiot,a vécu dans un village sicilien,dans la pauvreté. Il a cependant eu la chance de côtoyer,trop peu longtemps, Vincenzo un instituteur qui saura voir en lui un enfant sensible et intelligent et valorisera son rêve de devenir poète. Ninetto a 9 ans lorsqu'il doit quitter son village pour Milan avec son "pays" un oncle,afin de fuir la misère. Il la retrouve pourtant sous une autre forme,en tant que migrant, "sale Napolo". Il trouve des petits boulots, évidemment peu gratifiants et sous payés,puis découvre l'amour,l'usine,mais aussi 10 ans de prison.

Ninetto raconte ses souvenirs et son récit alterne les moments qui reconstituent son parcours,et ceux qu'il passe dans sa cellule jusqu'au moment de sa libération où il retrouve sa femme et va,d'une certaine façon ,continuer à purger sa peine...ce n'est qu'à partir de là qu'on découvre la raison de son incarcération et celle qui le tient éloigné de sa fille et petite fille.

Le discours de Ninetto n'est ni plaintif,ni révolté. Son regard est juste lucide sur une vie volée, gâchée. Bien que la plume de M.Bolzano évite totalement le larmoiement, l'émotion a grandi en moi au cours des pages dans un mélange d'admiration,de tendresse et de compassion pour ce " sac d'os" malmené par la vie.

Avec ce beau personnage, l'auteur dévoile l'Italie des années 60, la migration de nombreux enfants du Sud vers le nord de l'Italie pour tenter une vie meilleure mais qui, souvent ont perdu leurs racines et leur âme sans trouver le bonheur. Il nous rappelle,si besoin était, l'abrutissement de l'usine,qui bien souvent à broyé les êtres psychiquement encore plus que physiquement...

Je recommande vivement la lecture de ce roman d'une grande justesse dans sa capacité à décrire l'itinéraire d'un homme comme beaucoup d'autres,qui a dû oublier ses rêves,et même parfois oublier qu'on peut rêver...
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Le dernier arrivé

En un paragraphe Ninetto, le narrateur, explique son parcours depuis son départ tout gamin de son petit village de Sicile : « La vraie vie pour moi a été ma misère de petiot, mon émigration à Milan et ma survie au cours de ces années difficiles. Quand l'usine est arrivée, je me suis certes casé, mais je suis entré dans un tunnel sombre. Ça a été un chapelet, madame. Oui vous avez bien compris, un chapelet, la prière la plus stupide qui soit, car à force de répéter machinalement une seule rengaine, la parole de Dieu elle-même tourne à vide, comme la voix dans une marmite en cuivre. Et la prison, chère madame, vous savez ce que la prison a été pour moi ? Un deuxième chapelet et un deuxième tunnel ».

Tout une histoire résumée en quelques lignes et détaillée dans un livre laissant une impression mitigée.

Ce roman démarre mal. Ninetto reprend ses souvenirs de jeunesse, en les contant d'une façon hachée. Balzano y ajoute un style délibérément simple. J'ai failli abandonner ma lecture.

A partir de la rencontre avec Maddalena, sa future femme, le livre s'améliore. Le duo fuit à Milan pour trouver à se marier malgré leur très jeune âge. S'en suit une vie simple et sans grand accrocs dans la banlieue ouvrière de Milan. Trop routinière sans doute pour Ninetto, qui enchaîne les boulots pour améliorer la condition de sa famille, son trésor, lui qui est parti de rien. Son côté protecteur et possessif lui vaudra pourtant une cruelle désillusion.

Le Ninetto sorti de prison retrouvant la vie « normale » est touchant. Toujours aussi maladroit ; voulant bien faire, mais n'y mettant pas les formes attendues.

D'ailleurs, la partie finale est certainement ce qui est le plus réussi dans cette histoire. Dommage d'avoir du supporter de longs passages insipides et lourds avant d'en arriver là.
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Le dernier arrivé

Coup de coeur.

A cinquante sept ans, Ninetto se remémore sa vie et son parcours. Un gosse qui grandit dans la Sicile pauvre de la fin des années cinquante, surnommé "sac d'os" parce que son repas quotidien de pain et d'anchois n'est pas suffisant et qu'il reste maigre, essuyant les coups de son père, privé de sa mère éloignée après une attaque cérébrale, le jeune garçon trouve du réconfort auprès de son ami Peppino et surtout en la personne de Mr Vincenzo, le maître d'école. Mais à neuf ans à peine, son père le confie à Guiva un ami de la famille qui monte chercher du travail comme maçon à Milan où, encore enfant, Ninetto va devoir travailler.

Le dernier arrivé est le récit de la vie d'un gamin comme tant d'autres nés dans des famille pauvres du sud de l'Italie, envoyés au Nord, dans la famille ou chez des amis, afin d'y trouver un travail sûr et mieux rémunéré et l'espoir de faire carrière...

Un roman a deux vitesses, alternant passé et présent, pour comprendre l'enfance et la vie d'adolescent qui se cherche tombe amoureux, se marie et va tourner mal pour finir en prison.

Marco Balzano offre un roman d'apprentissage et de rédemption d'un homme avec, toujours en filigranes, les racines siciliennes, l'attachement à la famille et l'influence de la poésie transmise dès l'école comme un lueur au bout du tunnel. Mais il y évoque également la face cachée, peu connue de ses gamins exploités.

Un très beau roman qui met en lumière de nombreux enfants éloignés trop jeunes, loin de leur famille.
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Quand je reviendrai

Il y a un an, j’ai lu le premier roman de Marco Balzano traduit en français et Je reste ici était une de mes meilleures lectures de 2021. J'ai tout de suite acheté le deuxième roman traduit et je n'ai pas traîné à lire Quand je reviendrai.



Etrange résonance entre ces deux titres, du moins en français (pour ce deuxième roman, c’est la traduction exacte de l’italien) : et de fait, si dans le premier, c’est une mère qui parle à sa fille qui a été enlevée par sa tante, ici c’est une mère roumaine qui décide de quitter sa famille et son village sans rien dire pour aller trouver du travail en Italie, à Milan, croyant ainsi gagner de quoi faire vivre décemment ses deux enfants, leur permettre des études correctes et revenir plus riche à Radeni. Daniela va se heurter à la réalité de plein fouet : les seuls emplois accessibles aux Roumaines (et à d’autres étrangères venues de l’est) sont des postes de garde-malades, d’auxiliaires de vie pour des personnes âgées atteintes de maladies comme Parkinson ou Alzheimer. Leurs employeurs ne les déclarent pas toujours et leur espoir de rentrer rapidement au pays s’éloigne de jour en jour. Quand elles rentrent pour les vacances de Noël par exemple, elles mesurent l’éloignement physique et psychologique qu’elles subissent et qu’elles font subir à leur famille – avec les meilleures intentions du monde.



C’est ce que déploie Marco Balzano à travers ce roman choral qui donne ‘abord la parole à Manuel, le cadet, lycéen que l’argent gagné par Daniela parvient à faire inscrire dans un lycée huppé qui ne lui convient pas du tout. Le garçon va « mal tourner » jusqu’à ce que son grand-père lui redonne une certaine stabilité affective. Mais la mort du grand-père va gravement perturber Manuel, qui se retrouve à l’hôpital dans le coma après un grave accident.



La deuxième partie – la plus longue – nous fait entendre Daniela, revenue au chevet de son fils. Elle va lui raconter ce qu’elle a fait à Milan, pour qui elle a travaillé, révélant ainsi les trésors d’humanité et de « prendre soin » dont font preuve ces travailleuses immigrées envers des personnes dépendantes dont les proches ne savent pas ou ne veulent pas s’occuper. Cela n’empêche pas Daniela de se sentir écartelée entre ce désir de donner le meilleur d’elle-même à ses enfants à travers l’argent gagné dans ce travail ingrat et l’éloignement, la solitude, le burn-out (le « mal d’Italie ») qui guette les femmes comme elle.



La dernière partie donne la parole à Angelica, la fille aînée, huit ans plus âgée que Manuel et qui a dû assumer la vie de famille tout en continuant ses études et en cherchant à se construire sa propre vie. Une autre forme de manque et de ressentiment contre sa mère qui la poussera elle aussi à s’éloigner du village et de la Roumanie.



Dans ce roman, pas de fond historique particulier comme dans Je reste ici mais une réalité sociale et humaine bien précise. Au départ, Marco Balzano voulait écrire un roman sur ces migrantes qui viennent travailler en Italie et assumer un travail difficile, dans l’ombre. Un voyage en Roumanie lui a fait découvrir l’autre « maillon » de la chaîne : les enfants et adolescents restés au pays, parfois confiés à des institutions quand la famille restante ne peut s’en occuper. Il a alors compris qu’il devait donner la parole aux unes et aux autres. Il le fait une fois de plus sans pathos, nous donnant à sentir les aspirations, les frustrations, les rêves et les déceptions des uns et des autres, nous montrant les conséquences des choix effectués. Il donne ainsi une belle dignité à ses personnages et offre un point de vue inattendu sur l’exil et sur l’amour maternel.
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Je reste ici

Marco Balzano met en exergue l'histoire vertigineuse du village de Curon dont les habitants ont perdu leur nationalité autrichienne lors de l'annexion de la région du Tyrol du Sud par l'Italie après la première guerre mondiale et la ratification du traité de Saint-Germain-en-Laye. Quand Mussolini arrive au pouvoir, il italianise cette région de façon autoritaire et brutale. Les habitants avaient interdiction de parler allemand, les enfants devaient aller à l'école italienne, les maires germanophones ont dû démissionner pour laisser leur poste à des italiens. Un élan de solidarité a vu le jour contre l'oppression et certains enseignants germanophones se sont organisés clandestinement afin d'accueillir les enfants dans des caves ou des greniers pour leur apprendre à lire et écrire l'allemand. Certains ont pris la fuite ce qui a eu pour conséquences de diviser la société, et les familles, et ceux qui sont restés ont été taxés de traites. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, la région du Tyrol Sud est occupée par les Allemands, ce qui a redonné un court espoir aux habitants. En 1945, le Tyrol Sud est définitivement rattaché à l'Italie. Et c'est une région toujours sous tension encore aujourd'hui.



Sur la photo en couverture, se dresse un clocher au milieu des eaux. L'église est sous l'eau, et avec elle, des maisons, des prés dans lesquels paissaient les vaches des paysans, des lieux de vie de tout un village, celui de Curon Venosta notamment...Autour de ce clocher, un lac artificiel, créé par la cupidité des hommes, devenu aujourd'hui un lieu de villégiature. Un barrage qui au final ne produit que très peu d'énergie; il est pus rentable de l'acheter aux centrales nucléaires françaises. Pauvre de nous !



« En l'espace de quelques années, le clocher qui domine les eaux mortes est devenu une attraction touristique. Les vacanciers lui lancent un regard surpris, puis de plus en plus distrait. Ils se prennent en photo devant en affichant tous le même sourire idiot. Comme si l'eau n'avait pas recouvert les racines des vieux mélèzes, les fondations de nos maisons, la place où nous réunissions. Comme si l'histoire n'avait pas existé. »



Marco Balzano raconte avec beaucoup de pudeur, par le truchement de Trina, une mère courageuse, intrépide et indépendante qui s'adresse à sa fille, Marica, absente depuis bien trop longtemps, la vie de ce village sur qui le sort s'est indéniablement acharné. Elle lui raconte aussi sa douleur, ses douleurs, les fractures qui ont immanquablement divisées la famille, la résistance qui s'est organisée face à l'oppression italienne, les joies, les petits bonheurs de la vie aussi. Une histoire touchante sur un fond d'histoire de l'Italie.



Une fois encore une belle lecture témoignage de la barbarie des hommes. Hobbes ne se trompait pas : Homo humini lupus est.

Il manque bien trop souvent la valeur humaine dans les décisions prises au sommet. Les conséquences des ces décisions arbitraires sur les populations sont désastreuses.



Merci Monsieur Balzano pour cet intéressant moment de lecture.



« Les mots ne pouvaient rien contre les murs que le silence avait élevés. Ils parlaient uniquement de qui n'existait plus. Mieux valait qu'il n'en demeure pas de traces. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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