“L'okapi est un animal aberrant, bien plus aberrant que la mort, avec ses pattes de zèbre, ses hanches de tapir, son corps couleur rouille évoquant celui de la girafe, ses yeux de biche et ses oreilles de souris, il n'a l'air lié à rien, rien du tout. Un okapi est totalement invraisemblable, aussi bien dans la réalité que dans les rêves funeste d'une habitante de Westerwald.” Westerwald, est la région boisée du centre de l'Allemagne, à l'est de Bonn, où se trouve le petit village où se déroule cette histoire, dans les années 80-90. Y vit Selma, la soixantaine, à qui quand un okapi apparaît en rêve, la mort apparaît dans la vraie vie dans les 24 heures qui suivent. Et justement elle vient d'en rêver d'un.....et les gens du village sont très superstitieux.
Nous allons suivre des yeux de Luisette, la petite-fille de Selma, l'affairement du village et de ses habitants dans les 29 heures qui suivent le rêve maléfique, dans l'angoisse de qui sera la cible mortelle du rêve ? Y défile une galerie de personnages loufoques, digne de Paassilina, l'opticien, chevalier servant de Selma, Palm, l'alcoolique, son fils Martin, futur haltérophile, copain de Luisette, Marlies la triste, Elsbeth “la chamane”,belle-soeur de Selma.......et leurs histoires émouvantes, aberrantes.
Tout est aberrant dans ce livre, l'okapi, le rêve, le village, la relation entre les habitants et le destin; pourquoi lui et pas moi ?.....et si c'était tout simplement la vie qui était aberrante ? Et oui, mais aberrante ou non, la Vie suit son cours, le rêve et la mort qui en découle n'en sont qu'une parenthèse, oubliée jusqu'au prochain rêve.
La Vie, vaut-elle la peine d'être vécue ? Qu'est-ce-que la vie réelle ? .....autant de questions, dont les réponses sont en chacun de nous....
Dans la veine de l'humour de Paassilina, que Leky manipule génialement pour amortir clichés et pathos, un premier roman primé qui nous vient d'Allemagne. Une très belle lecture qui divertit et fait réfléchir avec de l'amour en prime, c'est déjà beaucoup 😊 ! Et n'oubliez pas de passer chez Alberto , le glacier italien du village, déguster la coupe le” Très Grand Amour éperdu ”, pour vous éloigner de toutes vos certitudes et incertitudes et savourer en douceur ce magnifique récit !
Je remercie Les Éditions J.C.Lattés et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce beau livre.
#LeReveDeLocapi#NetGalleyFrance
“Chez un okapi non plus, il n'y a rien qui aille ensemble, et pourtant, c'est un animal d'une beauté “
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L'Okapi animal étrange et aberrant, mais vraiment beau quand même, à mon avis.
Un conte moderne (hors du temps) où se mêlent le temps présent, le temps d'avant et l'intemporel.
Comme l'Okapi il n'y a rien qui va ensemble et pourtant tout se rejoint.
Sorte de puzzle de destins entremêlés.
Comme fil conducteur, le rêve, les croyances et un peu de poésie qu'on retrouve au détour du chemin de vie de chacun des protagonistes.
Une musique s'invite "Felicita", chanson des années 1980 du duo pop italien Al Bano et Romina Power.
La mort, l'amour foudroient au hasard des vies.
L'étrangeté du récit m'a happé.
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le rêve de l'Okapi Mariana Leky J.C Lattès avril 2019
#LeRêveDeLokapi #NetGalleyFrance
Ce matin-là une ambiance de plomb pèse sur un village du Westerwald . Selma a rêvé d'un okapi, cet animal improbable "avec ses pattes de zèbre, ses hanches de tapir, son corps couleur rouille évoquant celui de la girafe, ses yeux de biche et ses oreilles de souris". le problème est que lorsque Selma rêve d'un okapi la mort survient dans les 24 heures. Qui emportera t'elle cette fois-ci?
Luise sa petite fille raconte...
Mariana Leky nous confie une bien jolie histoire entre rêve et réalité. Mêlant à son récit la sagesse bouddhiste elle accompagne ses personnages tout au long du chemin. Plein de beaux moments , une écriture plaisante confèrent à ce roman une atmosphère surréaliste. Mais voilà je suis restée à côté et j'ai laissé se dérouler ce rêve sans y prendre part. Ce n'était sans doute pas le bon moment ...
Un très grand merci aux éditions J.C Lattès pour ce voyage au pays des rêves.
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Ce livre choisi pour sa couverture originale et la 4 ème qui me laissait entrevoir un roman amusant et léger, s'est avéré comme l'okapi " il n'y a rien qui aille ensemble,et pourtant c'est un animal d'une grande beauté." Et donc pas si léger que cela... J'avoue qu'au début j'ai eu un peu de mal car le moins que je puisse dire c'est que Mariana Leky ne privilègie pas la ligne droite pour aller d'un point à l'autre ! Et pourtant quel plaisir lorsque je me suis laissée couler dans cet univers. J'y ai trouvé un curieux mélange de Paasalina pour ses personnages hauts en couleurs,un peu des frères Grimm pour l'aspect conte, mais aussi de Mathias Malzieu pour la candeur,la pureté et la force des sentiments.
Luise,la narratrice est la petite fille de Selma, personne lumineuse, merveilleuse de douceur et pourtant affirmée et repère pour tous. L'histoire prend naissance autour d'un de ses rêves car lorsque l'okapi apparaît dans ses songes,la mort emporte quelqu'un du village. Superstition bien ancrée et ceux qui s'en défendent sont les plus affectés! Son dernier rêve va cependant toucher celui auquel personne n'aurait pensé et pour Luise alors âgée de 10 ans c'est l'effondrement. Pourtant Selma va l'aider à admettre que "quelqu'un est parti. Mais le monde est toujours là. Le monde entier,moins un". Tout l'intérêt de ce roman repose sur le lien qui unit les personnages du village en développant avec tact, sensibilité, poésie, amour et humour une bien jolie philosophie.
Autour de cette grand mère adorable,se côtoient l'opticien son amoureux de toujours qui n'a jamais pu lui déclarer sa flamme mais partage chaque instant de sa vie, Luise bien sûr,petite fille puis jeune fille qui pourrait bien être la cousine d'Amelie Poulain,Palm, l'alcoolique irascible un peu comme l'ogre des contes mais que la tristesse metamorphosera, Frédérick le beau moine bouddhiste qui suit chaque mouvement du village depuis son monastère au Japon grâce au battement de son cœur qui bat à l'unisson de celui de Luise,et puis les autres: le père et la mère de Luise, Alberto le glacier, le commerçant,le libraire etc.
Tout un monde que je quitte avec regret mais qui ne disparaît pas car " si nous regardons une chose, elle peut disparaître à notre vue,mais si nous n'essayons pas de la voir,elle ne peut pas disparaître". Cette phrase énigmatique signifie que " si on n'essaie pas de différencier une chose de toutes les autres choses qui nous entourent,alors cette chose ne peut pas non plus disparaître parce qu'elle n'est pas différencier. Comme elle ne se détache pas de tout le reste,elle est toujours là."
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Les merveilleux personnages de ce roman vont me manquer.
Quand Selma rêve d'un Okapi, un habitant du village va mourir. C'est Luise sa petite fille de 10 ans qui raconte.
L'auteur, dans un style raffiné, nous parle de deuil, d'amour, d'amitié et de solidarité.
C'est un conte un peu philosophique, un peu absurde.
Tous les villageois sont attachants même les plus antipathiques. L'opticien est mon préféré.
C'est un roman sensible, original et à part.
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La vie secrète de l'Okapi est un achat totalement imprévu, de ceux qui me saisissent parfois au détour d'une librairie. Babélio et ses challenges y sont certainement pour quelque chose ;), challengée pour lire ‘Un livre d'un auteur allemand', voici le candidat tout trouvé, le livre ayant reçu un alléchant Prix des libraires allemands*.
Dès les premiers chapitres, je suis happée par l'atmosphère du roman : un petit village du Westerwald et ses habitants croqués à travers le regard de Luise, petite fille de CM1 à l'entourage plus qu'attachant. On y apprend à connaitre Selma, la grand-mère, Martin, le meilleur ami, l'Opticien, les parents… Tout un petit monde se dessine à travers les conséquences d'un rêve, celui de l'Okapi, supposé annoncer une mort imminente.
J'ai adoré cette première partie, alliage improbable de cocasse, de terre-à-terre, de magie, avec un rythme très personnel, mélange de petites préoccupations et grandes questions métaphysiques vues sous l'oeil d'un enfant.
Après un hiatus de plusieurs années, on retrouve Luise jeune adulte dans la deuxième partie du livre.
Et cette deuxième partie m'a moins charmée : on y retrouve toujours la délicatesse, mais la narratrice maintenant adulte fait perdre de la pertinence au récit qui en devient moins surprenant, plus répétitif et moins convaincant.
Je garderai cependant une petite pensée émue pour Selma et l'Opticien, délicieux personnages qui sont pour moi l'atout de cette lecture douce-amère.
* Parmi les prix littéraires, ceux attribués par des libraires ont toute mon attention : les libraires lisent beaucoup, et, me semble-t-il, ont tendance à détecter ce qui sort de l’ordinaire.
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Voilà un livre au titre et au résumé attirants, que je voyais comme un conte africain (allez savoir pourquoi...) et qui m'a complètement déstabilisée.
Objectivement, il est bien écrit, varié, foisonne de personnages très bien campés et attachants, et d'idées géniales. Et la fin vaut le détour.
Mais il faut entrer dans ce monde un brin onirique, pas toujours réaliste, il faut adhérer au déroulement parfois décalé de l'histoire. Et cela n'a pas été mon cas.
Mais je suis certaine qu'il plaira, je vois même auxquelles de mes connaissances, car l'auteure a de réelles qualités de conteuse et sait créer une ambiance personnelle.
Lancez-vous pour vous faire votre idée, dans ce livre plébiscité en Allemagne.
Merci aux Editions JCLattès et à NetGalley pour la découverte de ce roman atypique.
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C’est la première fois que je lis un roman de Mariana Léky et même si la 4e de couverture me semblait quelque peu banale et la couverture étrange, j’ai eu envie d’en savoir plus. J’espérais ne pas lire un roman uniquement pétri de pathos sans aucune originalité ni pointe d’humour.
Et quelle lecture !
J’ai dévoré ce roman qui se trouve au croisement entre la douceur et la spontanéité du film Amélie Poulain et l’univers décalé et particulier d’un Tim Burton (je pense notamment à Big Fish pour les amateurs de Burton).
Ce roman est une symphonie de personnages hauts en couleur auxquels on s’attache immédiatement. Le tandem Luise et Martin, le tandem Selma et l’opticien et le tandem Selma et Luise (on n’est pas loin de Thelma et Louise…). On s’attache à la grand-mère et sa petite fille ainsi qu’à l’opticien dont on ne découvre le nom qu’à la fin (peut-être que lui-même ne se découvre vraiment qu’à ce moment-là…) désespérément amoureux de Selma et incapable de le lui révéler car il en est empêché par ses voix intérieures qui font un sacré boucan. Martin, un pilier pour Luise, son meilleur ami, va bouleverser sa vie à « jamais » et pour « toujours ». On rencontre aussi Elsbeth, une veuve superstitieuse qui se rend compte que son mari l’a trompée toute sa vie et qui connaît toutes sortes de remèdes pour faire face aux maux de la vie mais pas aux siens, à coup de cœur de chauve-souris ou de langue de coq. Il y a aussi Palm un alcoolique sans foi ni loi ou encore Frédérik un jeune moine bouddhiste rencontré inopinément au détour d’un sentier lors d’une battue afin de retrouver Alaska, un chien gigantesque. Bien sûr, il y a Selma qui est le pilier de ce chef-lieu car dès lors qu’elle rêve d’un okapi (animal étrange à la croisée entre plusieurs espèces) un décès a lieu dans les 24h. Autour d’elle, gravitent tous les personnages du roman et c’est sa petite-fille Luise qui raconte cette histoire. Et puis, il y a Martin…
Lorsque Selma rêve d’un okapi, les habitants de ce chef-lieu s’ébrouent et s’animent : il y a ceux qui attendent la mort sans la voir jamais venir à eux, ceux qui l’évitent et tentent de conjurer le sort et ceux qui, même vivants, semblent déjà morts. À chaque fois que survient ce rêve, chaque habitant sentant la mort venir décide de révéler un amour caché trop longtemps, de prendre la décision de quitter la personne qu’il n’aime plus (ou dont il n’est plus aimé), de partir à la découverte du monde, de régler ses comptes ou de pardonner…
Bref, les personnages semblent revenir à la vie lorsque le danger de mort plane au-dessus d’eux. Et de fait, la mort va les toucher à plusieurs reprises et les transformer, les faire évoluer le plus souvent.
J’ai adoré lire ce roman et je pressentais à chaque page tournée qu’il me serait difficile d’abandonner tous ces personnages et même si j’ai tenté de ralentir mon rythme de lecture pour pouvoir faire durer le plaisir du texte, j’ai terminé ce roman en moins de 24h. Il faut croire que, comme eux, je me suis sentie menacée par la présence onirique de l’okapi et que je sentais l’urgence de connaître la fin de l’histoire.
Je ne suis pas étonnée du succès rencontré par ce roman et je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans cette lecture et d’en savourer chaque ligne.
Vous avez 24 heures…
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Cette jolie fable prend place dans un charmant village allemand et raille avec finesse et dérision la place de la superstition dans la culture populaire.
"Selma avait rêvé de d'un okapi trois fois dans sa vie et, chaque fois, quelqu'un était mort juste après. Nous étions donc persuadés que le rêve de l'okapi et la mort étaient inextricablement liés. ainsi fonctionne notre esprit : il est capable, en un clin d'oeil, d'associer les choses les plus curieuses. des cafetières et des lacets, par exemple, ou des bouteilles en verre et des sapins."
Le ton est donné avec ces associations fantaisistes, dans la lignée d'Arto Paasilinna, et on retrouve ces personnages burlesques évoqués avec empathie, ces situations cocasses mais où le ridicule ne tue pas.
Car les nombreux personnages sont depeints avec bienveillance et tendresse et l'auteure porte sur leurs défauts un regard amusé.
Lorsqu'elle introduit un personnage extérieur au village, il s'agit d'un moine bouddhiste dont Luise, la narratrice tombe éperdument amoureuse et cet amour à distance, dont le village est partie prenante, ajoute à la joliesse de l'histoire.
Un roman dans la lignée du roman feel-good, pimenté d'une part de drames et de dérision.
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C'est d'abord le titre de ce roman qui m'a attirée : le Rêve de l'Okapi… Il s'agit du premier livre de Mariana Leky à être traduit en français et j'ai pu lire ici et là que c'est un best-seller primé en Allemagne.
Je remercie NetGalley ainsi que les éditions J-C Lattès de me l'avoir confié en échange d'une critique.
Ce roman avait tout pour m'intriguer et me plaire : un animal africain méconnu, « aberrant », discret et solitaire, entre l'antilope, le zèbre et la girafe que j'avais un peu mal à me représenter, une ambiance onirique entre prémonition mortifère et personnages déjantés, une certaine approche des relations grand-mère/petite fille, des non-dits, des évènements surréalistes…
Et pourtant, j'ai mis un certain temps à le lire, le posant, le reprenant, l'oubliant. Comment expliquer mon peu d'intérêt pour les personnages, pourtant hauts en couleur, originaux, touchants, plutôt bien travaillés… et pour des histoires d'amour et d'amitié racontées de manière loufoque et décalée ? Il y avait aussi un chien improbable et attachant et surtout la symbolique du lieu, un petit village allemand, véritable microcosme avec des protagonistes à la manière de Boris Vian ou de Lewis Carrol. Enfin, la manière dont la narratrice, parlant à la première personne, présentait les choses, entre clarté et complexité, entre « oui, mais » et prises de risques, avait un côté irréel et poétique dans une ambiance où l'on sentait bien que tout était possible… J'aimais assez la manière de mettre en scène la mort annoncée, l'amitié entre les deux enfants, la fuite du père, les atermoiements de l'opticien ou encore la folie de la voisine… La grand-mère avait un présence matriarcale décalée assez savoureuse…
Malgré tout, quelque chose ne fonctionnait pas pour moi comme cela aurait pu, compte tenu de la présence de tous ces ingrédients prometteurs. Ce n'est qu'à la toute fin du livre que j'ai eu l'explication quand il est dit que certains motifs de ce roman sont issus d'une pièce radiophonique datant de 2012 ; en fait, à partir de l'arrivée du moine bouddhiste dans la vie de l'héroïne principale, j'ai trouvé que la narration manquait de fluidité, comme si certaines scènes étaient simplement copiées/collées. La réponse était là : un déséquilibre dans le récit, un carambolage d'histoires là où j'attendais une greffe…
Ma conclusion sera donc en demi-teinte… Un livre pas mal, sans plus, dont le côté conte philosophique ou fable poétique aurait mérité d'être un peu mieux mis en valeur.
#LeRêveDeLokapi #NetGalleyFrance
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“Je décidai qu’un jour j’épouserais Martin, parce que l’homme idéal était pour moi celui qui m’évitait le spectacle de la marche du monde ».
Luise est encore une petite fille lorsqu’elle prononce cette phrase à propos de son meilleur ami Martin. Les deux comparses forment un duo inséparable, et ni les parents de Luise, ni sa grand-mère Selma, ni le père de Martin n’y peuvent rien changer. Dans leur village loufoque, les deux petites têtes blondes s’abreuvent de rêves et de magie, et s’adonnent à un jeu quotidien ; dans le train les menant à l’école, ils connaissent le paysage par cœur, arbre, champ, maison, et, pendant que l’un ferme les yeux et récite son panorama, l’autre valide. Mais y a-t-il pire danger que les habitudes dont on ne se méfie pas ? Et s’il était impossible d’échapper au spectacle de la marche du monde … ?
Tout se joue donc dans ce village de Westerwald qui, tous les jours, vit sous la menace d’une terrible annonce qui, lorsqu’elle tombe, s’abat sur les habitants comme l’éclair sur une étable isolée de campagne ; fatalement et non sans ravages. Pire qu’un gros nuage noir menaçant, que le ciel s’assombrissant et l’air se gonflant à en devenir lourd, lourd, bien trop lourd, il est un présage dont il faut se méfier : l’okapi que Selma voit en rêve.
L’okapi est un animal étrange, bizarrement constitué et plutôt disgracieux de composition que personne n’a jamais vu et pourtant, la seule évocation de son nom suffit à chambouler chacun des habitants de Westerwald : déclarer sa flamme, quitter son mari, avouer son amour, quand l’okapi pointe le bout de son nez, les couards se voient confier un courage sans nom. Cette phobie paralysante est à l’image de ses habitants et de leurs drôles d’habitude ; qu’il s’agisse de marquer au sol les endroits stratégiques à éviter dans la maison, d’écrire des lettres d’amour mille fois raturées et mille fois recommencées, de quitter sa famille pour enfin partir en voyage au bout du monde ou de venir du bout du monde pour prier, rien n’a de sens à Westerwald.
Et si c’était ça, le secret ? S’il fallait que rien n’aille ensemble, s’il fallait que tout soit fou, qu’on craigne les zèbres-chevaux, qu’on craigne les déclarations d’amour, s’il fallait attendre, si les portes s’ouvraient sur la mort en plein voyage, si six moines répondaient au téléphone avant qu’on ait le bon interlocuteur, s’il fallait cinq verrous à sa porte ?
« On ne peut pas toujours choisir les aventures pour lesquelles on est fait ».
Le rêve de l’okapi est absurde, tout autant que l’est la vie – n’ayons pas peur de nos rêves et tâchons d’accomplir notre vie et de vivres nos expériences autant que faire se peut. Et si le tout est disgracieux, alors qu’il en soit ainsi, car la sagesse n’est pas dans les livres, la vérité non plus ; toutes deux nous entourent…
« Comment il s’appelait, déjà, celui qui a dit que tout le monde ferait mieux de rester chez soi ?
- Blaise Pascal.
- Non, l’autre.
- Ah, le docteur Maschke. »
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Curieux animal qui semble fait de morceaux d'autres comme le zèbre ou la girafe. Etrangement, quand Selma rêve de cet animal, quelqu'un meurt. Chacun se demande sur qui cette malédiction va tomber.
Poésie, fantaisie...des personnages loufoques y compris Alaska, le chien.
Un bon moment de lecture (je voulais savoir ce qu'aimaient les lecteurs allemands)
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Un vrai, mais vraiment très très très joli livre. Avec une fantaisie , une tendresse drolatique tout à fait délicieuses, mais sans mièvrerie aucune , et qui n'excluent pas le sens du tragique. Cette fraîcheur, cette grâce enfantine, cette façon d'animer et de poétiser le monde, à mes yeux ne sont pas sans rappeler, surtout dans les premières pages, l'enchantement de "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur " de Nelle Harper Lee.
On rencontre d'abord une petite narratrice de 10 ans et son ami Martin, et à travers eux tous les gens qui leur sont chers: en premier lieu Selma, la merveilleuse, héroïque et poétique grand-mère . Avec elle tous les voisins, les parents et amis; et aussi les animaux, familiers ou sauvages, et tout l'arrière -plan du village....Tous ces personnages, même les plus anodins, étant campés avec une drôlerie, une délicatesse exquises.
Quelque dix ans plus tard, après un deuil inguérissable, la petite Luisette a grandi: on la retrouve très jeune femme encore, mais sans qu'elle ait le moins du monde perdu le regard candide et frais qu'elle portait sur le monde . Comme si ( c'est mon hypothèse) elle était en quelque sorte restée bloquée sur le traumatisme de ses dix ans, et n'avait pas totalement grandi.
On est toujours comme dans un village de santons, avec des figures presque toutes marquées par le farfelu, le bizarre. Il y a des relents de magie tranquille: par exemple, il peut arriver qu'on sente sur son épaule un "appesart", sorte de gargouille qui symbolise les pensées mauvaises ou douloureuses; il y a de gentilles sorcières, qui ne parlent pas de magie mais de "superstitions" , ou qui rêvent d'un okapi étrangement prémonitoire, car annonciateur d'une mort prochaine. Il y en a une un peu moins gentille car toujours triste et de mauvaise humeur, mais du haut de ses dix ans un petit Martin, haltérophile et poète, a pressenti qu'elle avait été placée là, en dernière maison du village, pour en protéger les arrières...
Avec cela une façon charmante, et pour ainsi dire enfantine, d'attribuer des pensées non seulement aux animaux, aux objets, mais parfois aux pensées elles-mêmes (Ex: "Pendant un bref instant l'opticien se sentit très seul, comme s'il vivait sur une minuscule planète très éloignée , avec pour unique compagnie une phrase reconnaissante qui ne se sentait comprise que par lui".
Ou encore: " Marlies avait échappé à la mort, mais pas à elle-même ; l'opticien avait omis le fait que certains changements n'aiment pas qu'on les bouscule, même sous la menace d'un fusil").
Certes le temps n'est pas figé, il passe et de temps en temps quelqu'un trépasse; les personnages vieillissent, ou évoluent; pourtant la "vie réelle", l'agitation du monde sont ailleurs, bien loin, on ne les perçoit qu'à travers la correspondance, le téléphone, ou les beaux albums photographiques qui donnent à connaître toutes les merveilles de notre planète.... Comme le personnage de Marlies la triste, mais sans son aigreur méchante, on dirait que le village tout entier vit retranché du bruit et de la fureur du monde. Pourtant, au sein de cette petite communauté humaine très solidaire la vie fourmille: répétitions des gestes ou des attitudes, menus incidents, amours, chagrins, deuils, mais la plupart du temps contenus, ou mentionnés avec compassion, avec tendresse, et même avec humour...
Beaucoup d'humour, en effet, à commencer par ce comique de répétition parfaitement maîtrisé : le petit détail , ou le rituel, qui caractérisent chaque personnage. Ainsi, pour Luisette, ces objets qui se décrochent du mur chaque fois qu'elle s'aveugle sur elle-même ou profère une contre-vérité : discrètement au début, puis de manière frénétique dans la cuisine de Marlies la déprimée, produisant un spectaculaire cataclysme d'objets brisés.
Et beaucoup, beaucoup de scènes d'une irrésistible cocasserie :
Par exemple, entre beaucoup d'autres, celle où le bon vieil ami opticien, dans la librairie où travaille Luisette, se répand en compliments on ne peut davantage bienveillants ( "Je me sens extrêmement bien conseillé par votre employée ici présente...... Elle sait ce que je cherche avant que je le sache moi-même...... votre employée lit en moi comme dans un livre ouvert....").
Ou bien , quelques pages plus loin, la saynète du répondeur téléphonique qui n'en fait (pour ainsi dire) qu'à sa tête : annonce "47 messages" quand il y n'en que quatre ou cinq; raccroche frénétiquement au nez des interlocuteurs (" Fin des messages, dit vite le répondeur, fin des messages, fin des messages ; puis exceptionnellement, pour être bien sûr: Fin des messages")... Quand il n'alloue pas aux correspondants des temps d'appel qui les laissent sans voix.
J'ai certainement été beaucoup trop longue, et je doute qu'aucun lecteur de Babelio ait le courage de lire ces lignes jusqu'au bout. Mais il me fallait cela pour consigner tout le bien que je pense de ce livre charmant qui, à sa façon légère, enjouée, brasse tant de thèmes profonds: la beauté inépuisable de la nature, les chagrins inguérissables, l'inéluctable et ravageur passage du temps. Le dilemme entre rester sur place, dans son petit village ou dans sa chambre, ou bien au contraire s'élancer dans le vaste monde .
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Avez vous déjà rêvé d’un Okapi ? Mais si, cet animal étrange, qui n’appartient à aucune catégorie….Selma, elle le connaît bien, et s’en passerait certainement…
Si vous aimez le merveilleux, l’inattendu, les personnages décalés, et plein de poésie, cet animal est pour vous.
Un livre enchanté à découvrir !!!
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