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Citations de Marie Sellier (128)


Pourquoi es-tu un ventre sur pattes, gourmande maladive, obsédée par la bouffe, et pas éthérée, pâle et sans appétit comme Madeleine ?
Pourquoi es-tu la seule grosse dans cette famille ? Une patate dans un plat de haricots verts.
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La journée sera merveilleuse, Bonny a minutieusement établi le programme des réjouissances : un petit tour au musée, un peu de shopping, un bon déjeuner, un film choisi entre mille... mais tu sais déjà que la chute sera rude. La gare bondée à l'heure de pointe, le wagon qui file entre chien et loup à travers des zones urbaines aux couleurs indistinctes, l'humidité qui tombe, le froid qui te saisit, tu connais tout ça par coeur, et surtout l'arrivée à la maison où Elle t'attend de pied ferme, l'oeil noir, la bouche pincée. Il faudra bien que, cette fois encore, tu payes pour ces heures volées où tu lui as échappé.

L'hiver s'installe. Deux boursouflures sont apparues sur ton torse. Des seins. Il ne manquait plus que ça. Comme si tu n'étais pas assez grosse comme ça. Comme si tu n'avais pas autre chose à faire qu'à gérer ta poitrine.

Tu n'aimes pas les gros seins.

*

Tu te sens jambon, côtelette, saucisse sur pattes.
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L'image que te renvoie le miroir est affligeante : tu ressembles à une grosse saucisse que l'on aurait trempée dans de la moutarde.
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Tu découvres d'autres modes de fonctionnement, presque un nouveau monde : qu'il est possible de discuter de tout posément en prenant le temps de réfléchir et d'affûter ses arguments, qu'on peut ne pas être d'accord avec quelqu'un sans nécessairement lui sauter à la gorge, échanger des points de vue sans s'écharper et que la confrontation des idées enrichit la pensée. Tu aimes le sérieux et la retenue de cette famille apaisante, légère, dégraissée

*

L'automne, le bel automne, a perdu toutes ses feuilles.
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Klara n'est pas comme les autres. Elle est lumineuse. Et cette lumière n'est pas uniquement due à son extrême blondeur. Tu sens bien qu'elle a des ancrages dans des univers plus harmonieux, plus fluides que les tiens, même si tu ne saisis pas tout. Cette fille a plusieurs peaux.
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Tout va bien, répète-t-il. Elle vous embrasse, Elle vous appellera.

Faut-il le croire ? Comment s'y retrouver dans ses dits, ses non-dits, ses mal-dits ? Ses maladies à Elle, ses dissimulations à lui ?
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Maintenant tout est rentré dans l'ordre, oui vraiment, dit papa.
Tu te demandes bien de quel ordre il peut bien s'agir : votre vie familiale n'a jamais été que désordre et chaos.
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Quand il est parti pour l'hôpital avec Elle, inconsciente à l'arrière de la voiture, tu es allée dans leur chambre, les coussins étaient éventrés, les rideaux lacérés et leurs affaires, découpées en lanières à peine plus larges que des tagliatelles, reposaient sous une fine neige de flocons de polystyrène. Elle avait tout saccagé.
Est-ce que la folie est inscrite dans les gènes ?
Est-ce qu'elle est héréditaire ?
Est-ce que tu en as hérité, toi ?
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La vie tourne autour des repas. Des heures à table. Des heures à parler de ce que vous allez manger dans la journée, dès le petit-déjeuner, comme si vous étiez des tubes digestifs sur pattes.
- Si on faisait du cochon ?
- Plutôt du veau, Bertin en a un excellent, élevé sous la mère.
Tu vois un grand veau bleu qui nage entre deux eaux. Est-ce qu'il a un goût de poisson, ce veau-là ? Des branchies, des arêtes ?
Tu as des cuisses de jambons.
Les feuilles des grands plumeaux blancs ont des bords coupants comme des lames de scie.
Le paradis n'est plus ce qu'il était, il sent le graillon.
La magie Bonny ne fonctionne plus.

L'année dernière encore, tu sanglotais dans ta petite chambre tout en haut de la maison sur la mer, en te passant le film de l'agonie de ta Bonny chérie. Tu la voyais, pâle gisante, le visage cireux, les yeux creusés, ses longues mains posées à plat sur le repli soigneusement bordé de drap blanc. Elle murmurait ton nom, et tu te penchais pour recueillir son dernier souffle. De grosses larmes chaudes et salées roulaient sur tes joues, inondaient ton oreiller.
C'était tragique et beau comme les mélos que vous aimez tant, Bonny et toi, ces romances à la rose qui vous transforment en loukoums.
Et tu pleurais à gros bouillons, tu hoquetais, tu reniflais jusqu'à te dissoudre dans la plainte sourde des vagues qui allaient et venaient sur le sable humide tandis qu'à l'étage du dessous, ta morte bien-aîmée regardait tranquillement sa série préférée à la télé.
Comme il est doux de t'endormir, percluse de tristesse, dans le sel de tes larmes.
Quel bonheur parfois d'être triste.
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L'amour de Bonny est à rebrousse-poil, amour papier de verre, râpeux comme la langue d'un fauve. Pas d'attendrissement, ni d'embarrassants contacts physiques, tout juste parfois un : donne-moi un petit baiser, incongru, au moment où tu t'y attends le moins.
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Les jours s'étirent dans la fournaise de l'été
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Entre Bonny et Miette non plus, ce n'est pas la grande entente. Pas d'affrontements directs mais une froideur, une distance. Bonny n'est pas au goût de sa fille qui la juge trop rugueuse, trop à l'emporte-pièce. Elle la voudrait plus féminine, à son image, elle qui adore les soies précieuses, les draps brodés, les lumières tamisées. Bonny égratigne son sens du beau. Quand à Bonny, elle a renoncé à comprendre cette fille exigeante, rarement contente, qui la malmène, la prend de haut et peut-être même la méprise un peu.
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- Il va rappeler.
- Quel imbécile !
Tu penses : bouffie, boursouflée, grosse dondon. Si tu étais plus courageuse, tu prendrais la défense de ton père, tu lui demanderais de ne pas l'injurier, tu lui raconterais votre vie avec Elle, ses crises, ses délires, ses oukases, peut-être qu'elle comprendrait l'enfer qu'Elle vous fait vivre. S'il est parti, c'est qu'il n'y arrivait plus, il faut avoir vécu au jour le jour avec Elle pour prendre la mesure de sa toxicité. Elle est arsenic, amanite phalloïde, il n'y a pas pire poison. Mais tu t'écrases, tu ne te mêleras pas de leurs histoires, tu ne discuteras pas avec Grandma. Tu te recroquevilles sur les marches.
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Il lui donne des boutons, Grandma, ce fils traîne-savates qui ne porte pas de costume-cravate, roule dans une vieille guimbarde déglinguée, squatte à gauche et à droite, la nuit dans les bars, à gratter sa guitare, chansons de Brassens contre demis à volonté, un bon deal qui l'envoie au plumard au petit matin, jamais levé avant midi, et encore, faudrait voir dans quel état, pas à prendre avec des pincettes, la tête dans le sac qu'il se remet tant bien que mal d'aplomb à grandes goulées de bière fraîche... un marginal, même pas capable d'avoir un vrai métier, pas comme son autre fils, ah non ! certainement pas, parce que lui, il aurait réussi, c'est évident qu'il aurait réussi. Il aurait fait Polytechnique, Médecine ou Normale sup, il voyagerait dans le monde entier, habiterait les beaux quartiers, serait marié à une femme ravissante, aurait des enfants en or... Tatatata ! La mécanique du rêve peut s'emballer puisque Auguste n'est plus là pour remettre les pendules à l'heure. Ce qui est merveilleux avec les morts, c'est que tout reste éternellement possible, portes ouvertes à l'infini, choix multiples ad mortem aeternam.
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- Tu sais bien que c'est toujours la même histoire quand Grandma est chez vous.
- Oui, mais là, en plus, il y a papa qui se rajoute, enfin, façon de parler : je devrais plutôt dire qui se retranche...
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Tu aimerais juste couper le son, ne plus entendre sa voix de crotale qui te paralyse et t'injecte du venin à distance. Plus jamais.
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tu saisis quelques brides d'une histoire ancienne, l'histoire d'une petite file qui perd brutalement sa mère à onze ans. Cette petite fille, c'est Bonny, ta Bonny. Sa mère meurt en mettant au monde son cinquième enfant, et le bébé y passe aussi. Le père est désemparé. La famille, ce n'est pas sont truc, c'est un artiste, un violoncelliste qui sillonne l'Europe avec son merveilleux quatuor de musique de chambre. Mais qu'est-ce qu'il va bien pouvoir faire de tous ces marmots ? Il ne peut tout de même pas les emmener en tournée avec lui. Tatatata ! entrée de la grand-mère, la Bonny de ta Bonny. Un grand coeur, celle-là, et la rage au ventre. Ces petits, c'est elle qui s'en occupera, dans sa maison. Elle n'a plus qu'eux. Elle a perdu son mari et sa fille unique, adorée, son trésor. Du jour au lendemain, elle se retrouve à la tête d'une tribu de quatre enfants dont le dernier n'a pas deux ans.
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- Et quoi encore ? Tant que tu es sous mon toit, j'ai tous les droits.
Couah ! Drouah ! Touah ! Elle aboie; Elle est chez Elle, Elle marque son territoire.
Tu sens la pulpe de tes lèvres qui grésille comme un vieux bout de viande brûlée, signe de montée des eaux. Mais tu ne vas pas pleurer, non, il ne manquerait plus que ça, tu ne vas pas lui procurer ce plaisir.
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Elle range. Depuis que votre père est parti, Elle aère, trie, vide, jette, brique, récure, astique. Rien ne lui résiste, pas la plus petite tache, pas la poussière la plus inoffensive. Elle a convoqué ses troupes, éponge, serpillière, brosse en chiendent, paille de fer, eau de javel, térébenthine, cire et ammoniaque, pour la plus grande croisade propreté de tous les temps. Elle retourne les tapis, les bats à plate couture, les enduit de mousse, se jette à quatre pattes pour les frotter rageusement, se rue sur les fauteuils et le canapé, les tire, les pousse, saccage les pauvres toiles d'araignées dissimulées sous leurs ventres, vaporise du tue-insectes, du tue-la-mort pour trucider toutes les bestioles, pas de quartier, en se protégeant la bouche, le nez derrière un mouchoir, et, pendant qu'Elle y est, plonge la tête dans le four, bombe à la main, pour décaper les parois, venir à bout du vieux gras et des coulures noires qui ont toujours été là. Et elle tousse, Elle tousse à s'en décrocher les poumons.
Ca te rappelle quelque chose. La dernière fois qu'Elle a été prise d'une telle fureur domestique. Elle a atterri à l'hôpital. Tu t'en souviens, c'était il y a cinq ans, Titus était encore bébé. Bonny était venue vous garder : elle vous avait fait des crêpes tous les jours.

Tu en gardes un souvenir merveilleux.
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- Fais attention, Zou, ne me blesse pas ! gronde Grandma.
Tu t'en garderais bien. Tu n'est pas près d'oublier le vigoureux coup de pied qu'elle t'a décoché la fois, la seule, où, par mégarde, ta main a dérapé, et que le coupe-coupe a effleuré le dessus de son pied, sans même l'égratigner. Un coup de pied réflexe, s'était alors justifiée Grandma, sans pour autant s'excuser, les excuses ne faisant définitivement pas partie de la culture familiale, côté maternel. Mais les réflexes, ça oui, ils fonctionnent du tonnerre dans cette famille.
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