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Critiques de Marin Fouqué (53)
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G. A. V.

Rentrée littéraire 2021 #29



G.A.V. Garde à vue. Un moment de quelques heures qui vous coupe du monde. C'est c'est espace-temps à l'orée de la société que Marin Fouqué choisit comme unité de lieu durant une nuit pour nous plonger dans la psyché de neuf personnages, là pour différentes raisons, y compris un flic « nuiteux ». de ce dispositif polyphonique naît une tragédie pleine de fils, tristement ancrée dans la réalité contemporaine, mêlant toutes ces voix avec toute la palette des pronoms personnels, du « je » au « il », du « tu » au « nous ».



Les intentions de l'auteur sont extrêmement claires. Marin Fouqué ne se cache pas et assume totalement le caractère politique de son deuxième roman. Il ne cherche pas à faire acte de sociologie mais ausculte avec une urgence presque rageuse tellement on sent la colère, l'indignation, le désenchantement et l'urgence à dénoncer le patriarcat, le harcèlement sexuel, le racisme ou les violences policières. Car en garde à vue, alors qu'en théorie, les droits ou leurs privations provisoires devraient être les mêmes pour tous, alors que les privilèges y persistent selon le sexe, la couleur de peau ou le statut social. le roman questionne sur comment la société crée des parias, d'une nuit ou d'une vie, et se perpétuent ainsi. La description du travail de la jeune femme intérimaire est saisissant, chaque nuit dans l'attente du SMS qui confirmera son embauche du matin, le corps vrillé et asservi par le picking dans les entrepôts d'une entreprise type Amazon.



Marin Fouqué est un auteur qui travaille la phrase à l'extrême, en tant que romancier mais aussi comme un slameur. Il écrit comme on rappe. Les phrases sont portées par une énergie électrisante, rythmé, saccadé puis le tempo ralentit, s'allonge avant de s'accélérer à nouveau jusqu'à s'épanouir dans une punchline percutante. En fait, le texte semble fait pour être lu à voix haute tant sa musicalité s'impose. Et ça cogne, et ça fait sens. De ce flot de mots qui au départ s'apparente à un maelstrom de voix, on parvient progressivement à reconnaître la voix de chaque personnage afin de vivre leurs sensations, au plus près de leur corps et de leur esprit.



Cette lecture s'apparente à une expérience très stimulante par sa radicalité assumée. Pas vraiment confortable d'ailleurs, elle ne conviendra clairement pas à tous les lecteurs. Si j'ai été impressionnée par la puissance du style conjugué à la rage de la dénonciation, cette lecture a souvent été irrespirable. Epuisante au sens littéral du terme. Moi qui lis extrêmement vite et souvent d'un trait, j'ai eu besoin de souffler, atteinte presque physiquement par les mots de l'auteur, étouffée par ce flow tumultueux qui parfois m'a fait décrocher du fond et de l'entrelacement des voix.





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G. A. V.

Même si j'ai le droit de garder le silence, je voudrais témoigner du beau combat auquel je viens d'assister dans cette lecture. Il est à la fois intérieur et sociétal, rythmé de phrases choc, coups de poing, avec des mots qui volent en éclat, éparpillés, comme les pensées des gardés à vue qu'il nous est donné de côtoyer dans ce roman. Pourquoi sont-ils là ? Comment le vivent-ils ? Dans G.A.V., l'auteur nous fait vivre l'expérience de la garde à vue en nous plaçant dans la tête de ses personnages : On se retrouve seuls avec leurs pensées, enfermé physiquement mais aussi mentalement puisque, sans distraction, il n'y a plus moyen d'occuper les réflexions autrement qu'en les laissant se dérouler, révélant le plus profond des êtres. Elles prennent alors toute la place, une place démesurée, rebondissant contre les murs de la cellule et contre les parois de notre cerveau, vomissant rage, impuissance, idées politiques, histoires personnelles...





Une fois entré en G.A.V., le lecteur n'a donc plus d'autre choix que de subir les règles du commissariat, les bruits des cellules d'à côté, mais surtout les méditations de chacun sur ce qui les a amené ici. Tour à tour, nous sommes les gardés à vue de ce commissariat en pleine nuit : Angel, habitant de la cité qui ne cesse de penser à son sourire cicatriciel et à ce qu'il a vu - surtout ne pas leur dire qu'il prend un traitement, RIEN À DÉCLARER ; K-Vembre qui a pété un câble à l'usine où elle travaillait - est-ce que tout vient de la différence entre les sexes ? Et puis il y a ces black block arrêtés à la manifestation pacifique pour le climat - eux ne veulent pas s'entendre penser, ils préfèrent chanter LIBÉRÉÉÉÉÉ DÉLIVRÉÉÉÉÉ, c'est de circonstance.





"Ces mômes sont des enragés, ça paraît évident. Et comme tous les enragés, ils vivent mieux en cage."





Parmi eux et quelques autres, les flics régulent la vie en cellule. Blasé aux insultes, pratiquant l'humour de carapace et habitués à gérer le grabuge des cellules, ils sont ce soir particulièrement tendus : Ils recherchent le détenteur de l'arme qui a tiré deux coups de feu la nuit dernière. Est-il l'un d'entre eux ? Et si oui, pour quoi faire, et comment en être arrivé là ? Pour le savoir, il faudra subir les raisonnements intimes de chaque gardé à vue. Et subir est parfois le terme. Car tous ici trompent l'ennui en tentant de faire le tri dans ce flot de mots et d'images mentales que personne ne peut arrêter. Avez-vous déjà essayé d'arrêter de penser ? Leur vie défile sous nos yeux et nous fera entrevoir ce qui les a amenés entre ces murs inhospitaliers.





Concernant le style, l'auteur nous offre des scènes précises et percutantes lorsqu'il s'agit de décrire la vie réglée des flics, les procédures, les manipulations automatiques. Ensuite il souffle une véritable tempête de mots sur le vent de pensées libérées par les protagonistes, match de ping pong entre les phrases qui heurtent les souvenirs et rebondissent sur le présent. Enfermer quelqu'un c'est, paradoxalement, libérer ses pensées puisque plus rien ne les détourne. Subir ce flot est aussi éprouvant pour le lecteur que pour celui qui le vit, bousculé, noyé, vidé. Mais les gardés à vue continuent de cogiter car ils n'ont que ça à faire, et le lecteur continue de lire pour avoir le fin mot, et savourer cette prose travaillée, taillée pour le job. Et s'il tient bon, le lecteur est récompensé car Marin Fouqué offre une construction qui tient la route. Avouons-le, il est aussi content d'en sortir.





Un lecteur enfermé pendant 400 pages dans les idées des autres qui, pour s'en libérer, doit les écouter jusqu'au bout, les démêler. Les comprendre. C'est parfois long, de laisser la pensée s'écouler, mais c'est en cela que la forme rejoint le fond, et que ce livre fait sens. Car 24 heures au trou, ça s'écoule lentement. Mais ça se lit d'une traite, car une fois les pensées lancées, on ne peut plus les arrêter. A réserver cependant à ceux qui ne craignent pas les lectures exigeantes, car l'auteur rend parfois celle-ci aussi confortable qu'une cellule bétonnée sans toilettes où, seule, trône sur un banc-lit une couverture malodorante qui bouge toute seule.





Ici, finalement, c'est bien par la pensée qu'on s'évade.

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77

Ce récit d'initiation à jet continu, sans chapitres, ni espaces, ni dialogues à l'écriture visuelle, métaphorique, saccadée , tranchée, tel un long monologue inhabituel résonne comme du rap ou de la poésie .



En petites phrases pressées , répétitives, urgentes , fulgurantes , brutes, l'auteur , rappeur, boxeur, né en 1991 , dont c'est le premier roman, conte la vie d'un jeune en capuche, seul , sous son abri- bus .

Il ne montera pas dans le car scolaire .



Dans sa solitude musicale , il laisse son regard se perdre sur les terres du 7- 7 , département vague entre La Province et Paris —- au bout du monde ——Entre boue et bitume, autour de vastes étendues de camaïeu de brun, ocre, jaune, les terres du Père Mandrin....Sur son tracteur...





Un livre qui pourrait se lire à voix haute ...qui dit l'innocence et la rage, la violence et les bagarres , la bande de potes qui se partagent un shit bien gras, où on joue encore au loto , où on se fait couper les cheveux au seul bistrot du coin par la fille du patron qui passe son CAP...



Les potes : le grand Kevin, la fille Novembre, le Traitre , les faux jumeaux, et puis lui—- seul.

Il se remémore son passé dans un flux spontané, inventif, fulgurant , fait le bilan d'une enfance sans innocence , sans nostalgie d'un temps heureux , du côté des pylônes et des bennes à ordures , où les jeunes se noient dans un ennui semblable à un épais brouillard ...





C'est la chronique douce amère d'une génération en peine , fracturée , laissée pour compte , où les jeunes galèjent, galèrent, rament pour se trouver , un entre - deux , sorte de chassé croisé entre ville, champs et province , une voix qui porte la parole , existe au milieu des champs , entre construction des corps et fractures des rêves .



Une chronique étonnante où les mots claquent, cognent , piquent , apostrophent ...

Spontané , inventif, criant de vérité , original , obsession sonore, inhabituel.

Qui ne plaira pas à tout le monde ,..



«  Bien sombre , la capuche. Importante la Capuche. Seconde peau. Vrai armure pour corps de lâche .UN abri dans l'abri.. »

«  Vieux qui bavent, vieux qui rôdent, vieux qui hantent. Vieux qui rotent , vieux qui puent . Vieilles carcasses qui traversent l'unique rue . Vieux qui divaguent . Vieux qui se perdent . le père Mandrin est le seul vieux qui bosse encore. »

«  Jeunes , jeunes qui se noient dans leur ennui dense comme le BITUME . »

 « Métallisée .Métallisée . Métallisée.  »

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77

Seul dans un abribus perdu en plein milieu des champs d'une petite bourgade de Seine et Marne ( le département 77 du titre de ce premier roman), un jeune vivant dans une ville de cette grande couronne parisienne, ni tout a fait banlieue ni tout a fait province, décide de ne pas compter dans le car de ramassage scolaire qui se présente devant lui et se remémore des instants de sa vie passée dans un entre deux assez singulier...



Dans l’abribus, tout seul,il ressasse son passé en fumant des joints et essayant de mettre des mots sur sur ses pensées et sur cette terre en périphérie de grande métropole, une terre un peu bâtarde qu'il déteste et vénère à la fois.



Marin Fouqué, 77



Marin Fouqué vient du rap et de la scène et cela s'entend pleinement avec ce premier roman presque scandé comme un slam et qu'on peut parfaitement lire à voix haute..



Une langue syncopée, incisive, poétique qui claque et qui donne une vision personnelle et subtile dune jeunesse en manque de repères et rend ce 77 comme un des beaux textes de cette Rentrée littéraire 2019.



Sa plume, particulièrement imagée et métaphorique, insiste sur les sensations et sur les petits et grands événements de notre existence et dépoussière la littérature française traditionnelle, souvent un peu trop corsetée et académique.



Avec énergie et une poésie à ras le bitume aussi addictive que singulière, Marin Fouqué, un peu à la manière d'un David Lopez avec "Fief" ou même Gael Faye avec "Petit Pays" ( un autre slameur) convoque un univers bien à lui, à mi chemin entre la littérature et le slam, entre la poésie et la chronique sociale.



Il en profite également pour se faire le porte voix d'une génération brisée, laissée pour compte, et qui tente tant bien que mal de trouver une place que personne ne semble vouloir leur donner...



Un des romans uppercuts de cette rentrée littéraire !


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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77

Lecture malaisée. Écriture fragmentée. Comme si on enfonçait du rap dans la gueule de la littérature. Billie Eilish en prose. Phrases courtes. Heurtées, cabossées. Parfois, ça déroute. Souvent, ça s’encroûte. Sans vers et contre toute… logique stylistique. Une prose libérée. Rarement créative. Enragée pour rien. Le flow n’est pas fluide. Ça patine. Sortie de route. Et puis, au carrefour de trois phrases emmêlées, succession de virgules, abus d’anaphores, répétitions gratuites, sans poses, par à-coups, comme une conduite de taxi chinois, la tête qui tourne, je perds le fil, envie de vomir, laissez-moi sortir de ce bouquin. Quand on abîme la forme, on touche le fond. Ce livre m’a fait penser à ce poisson qu’on m’obligeait à bouffer quand j’étais gosse. À chaque bouchée, je me dis que ça va être bon mais rien à faire, je trouve toujours des arêtes. Je n’ai pas parlé de l’intrigue. Quelle intrigue ? Des adolescents, sous un abribus près de Melun, s’emmerdent à mourir. Et le lecteur avec. Pour tuer le temps, ils parient sur la couleur des bagnoles qui passent à toute allure, sans jamais les calculer. Des jeunes désœuvrés, frappés par le père, oubliés par la mère, rejetés par le système. Une impression de déjà-vu. Marin Fouqué, tu peux te le garder ton 77. Ni curiosité, ni compassion. Moue dégoûtée. Des champs boueux avec des petits merdeux au milieu (rimes en… euh). Pas senti la révolte, ni la poésie. Juste l’ennui. Des bandes qui s’affrontent ? Ni Guerre des boutons ni West Side Story. Des branleurs qui ne voient plus l’horizon. Sans façon. Je m’en fous si je passe pour une classique, moi je te chro-nique, et je sauverai plein de gens. De la dépense et du néant.

Bilan : 🔪

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77

La Seine-et-Marne est un territoire sans identité et sans charme. L'horizon se résume à une succession de champs aux couleurs ternes, du vert parfois, du marron surtout. Ces paysages plats sont striés par des lignes de bitume ; départementales ou nationales où fusent des véhicules pressés d'atteindre un ailleurs. Seuls dépassent au loin des pylônes électriques, un silo et un abribus. Les murs de l'abri sont couverts de tags, le sol est maculé de crachats, l'air est saturé par l'odeur de shit. Un jeune se tient affalé sur le banc, engoncé dans sa capuche, concentré par la préparation de son prochain joint. Ce jeune, c'est le narrateur de “77” (sept-sept). Le récit tient en une journée, du départ au retour du car. L'adolescent va suivre le cours de ses pensées et nous expliquer par de nombreux flashbacks pourquoi il a choisi de ne pas monter dans le car. Le texte est vivant, proche du slam ou du « spoken word ». C'est un récit à lire à voix haute, à scander, à interpréter. Le monologue se compose de bouts de phrase, de répétitions, de flux de pensée qui s'entrecroisent portés par la rage, la douleur et le cannabis. Le narrateur dépeint le quotidien de ce village en marge, pourtant situé à à peine une heure de Paris. Une commune péri-urbaine – ni ville, ni campagne - peuplée de déclassés parmi lesquels se détachent l'agriculteur qui possède toutes les terres, l'idiot du village, la voisine sénile ou la Parisienne qui passe ses week-ends dans sa résidence secondaire. Le reste, ce sont des vieux, surtout des vieux. Et des enfants qui s'ennuient dans cet horizon indépassable.A la maison, les pères s'effacent ou écrasent. Dehors, c'est toujours la violence qui règne. Ils doivent se faire une place à la force de leurs poings, dominer ou être dominé. C'est une lutte permanente pour obtenir du respect. La gueule d'ange et le corps frêle de notre narrateur le classe parmi les faibles, les perdants. Il choisit de s'endurcir mais il va prendre conscience que le personnage qu'il façonne ne correspond en rien à sa personnalité et qu'il lui faudra trouver sa propre voie, découvrir sa véritable identité. Ce roman se démarque par son phrasé mais aussi par son message qui lui permet de dépasser le simple constat sociologique.

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G. A. V.

Belle matière à roman, la garde à vue de nuit dans un commissariat; routine pour les "nuiteux" qui récupèrent des désespérés, des révoltés, des blacks blocks et parfois des pauvres bougres qui se retrouvent , ce n'est pas leur première fois...

C'est dans cette atmosphère enfiévrée, malodorante souvent , que se passe ce roman choral, où, dans chaque cellule se revivent des histoires, , des désirs, des désillusions, des impressions de ne pas être sur la planète qui conviendrait le mieux à chacun.

Angel, au sourire énigmatique et K-Vembre une jeune femme écrivaine à ses heures mais brutalisée par les cadences exigées par son travail alimentaire. Et d'autres bien sur, qui , pour la majorité reverront le ciel au petit matin.

L'écriture de M. Fouqué , syncopée parfois ou faite de phrases interminables transmet bien cette fièvre de la nuit, et en écrivant je revois plus positivement mon avis, parce que quand même je n'ai pris de véritable intérêt à cette lecture que vers la centième page, soit à un quart du roman. Effet de génération certainement, un peu trop bousculée peut-être.

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G. A. V.

G.A.V. : Mesure privative de liberté prise à l'encontre d'une personne suspectée d'avoir commis une infraction, lors d'une enquête judiciaire.

Sans que nous ayons quoi que ce soit à nous reprocher, enfin, c'est ce que disent tous les coupables, Marin Fouqué nous place en Garde à vue.

Avec cette jeune femme qui vient de péter un câble contre son patron, ces manifestants aux airs de black box, ou Angel, qu'on connaît déjà bien dans ce commissariat du 93.

Gentiment on dépose nos effets personnels, papiers, téléphone, argent, cigarettes, ceinture et surtout, ne pas oublier les lacets, c'est dangereux de laisser les lacets à un gardé à vue.

Nous voici donc enfermé.

L'auteur nous invite à visiter, tour à tour, le cerveau de ces présumés délinquants.

Et il s'en passe des choses dans la tête de ces prisonniers d'un jour.

Ils refont l'historique du pourquoi ils sont là.

La journée d'avant.

Et puis le passé, parce que c'est peut-être le passé qui les a conduit là...

Ça cogite.

Rien à déclarer.

Une phrase qui tourne en boucle, pour dire qu'on ne dira rien. Pour dire qu'on ne craquera pas. Pour dire qu'on ne dénoncera personne. Pour se rassurer.

Les méthodes de la police, on les connaît ou on les devine.

Une épreuve à passer, avant l'espoir d'une liberté retrouvée.

Petit détour dans la tête du policier de service, il n'y a pas de raison de l'oublier, lui, même du bon côté des barreaux, il a un bout de vie en commun et lui aussi il a le temps de penser.

L'écriture de Marin Fouqué est perturbante, percutante aussi.

Il est capable de phrases de plusieurs pages, comme de mettre soixante points dans une seule.

C'est brut.

C'est direct.

Je me suis perdu parfois. Identifiant, avec difficulté, le narrateur. Il ne nous simplifie pas la tâche non plus, qui donne des drôles de noms à ses personnages (heureusement, il y a Angel) ou qui les en prive.

J'ai mis beaucoup de temps à rentrer dans son univers avant de trouver le bon rythme d'une lecture qui me laisse un goût étrange, entre plaisir et frustration.

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G. A. V.

Après le succès en 2019 de 77, un nouveau roman coup-de-poing (et l’on voudrait qu’on n’entende pas derrière l’expression un simple cliché) de Marin Fouqué, s’emparant avec rage de sujets d’une brutale actualité pour les glisser dans l’étouffant huis-clos d’un commissariat-prison. G.A.V., c’est l’abréviation - usuelle pour ceux, policiers ou leurs « clients », qui en ont une certaine habitude - de « garde à vue », et la plus grande partie du récit, se déroule, en effet, pendant le séjour contraint de quelques interpelés, tout au long d’une nuit, dans les différentes cellules d’un commissariat. Il y a là Angel, arrêté parce que des policiers, à la recherche des auteurs de coups de feu, l’ont coincé avec le sac de son copain S-Kro et la barre de shit qu’il contenait, Angel, habitué des contrôles au faciès et des séjours au commissariat, qui refuse de lâcher le morceau et de dénoncer qui que ce soit. Mais il y a aussi cette jeune femme, K-vembre, écrivaine en attente d’édition, travaillant comme intérimaire dans un entrepôt logistique, rendue dingue aussi bien par son environnement de travail que par le harcèlement dont elle souffre et qui a fini par craquer. Il y a aussi ce vieil homme maghrébin et ces trois Black Blocks – des gauchistes radicaux, pas nécessairement sympathiques, mais qui donnent, dans le texte, un vrai cours de stratégie de combat et d’agit-prop… - qui s’en sont pris à lui, lorsqu’il leur a reproché de perturber par leurs actes violents la manifestation pacifiste « pour le climat » à laquelle ils participaient conjointement. Et puis quelques autres encore, tous blessés par la vie… et un policier, nuiteux, philosophe et mélancolique, pas forcément à sa place là, pas forcément le meilleur des petits soldats ! Chacun, dans cette nuit, dit sa vérité, sa détresse et sa colère, le racisme, le patriarcat, l’inhumanité des cadences et de la robotisation du travail, la misère sociale, les violences policières. Et puis, il y a les fragments du décor (« Pinces », « cages », « lacets », qui donnent leurs titres aux parties du récit), le béton froid, le métal et le plexiglass des cellules, les bruits de la prison. Il y a, enfin, dans ce long texte, exigeant mais prenant d’un bout à l’autre, cette langue, un peu moins oralisée que dans «77 », mais rythmée, adaptée au discours de chacun. Un grand roman polyphonique, oui, ce G.A.V., comme un chant de résistance à toutes les oppressions… Et si on se le mettait en bande sonore, en boucle ?
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G. A. V.

La nuit dans un commissariat, on en voit des choses, on en entend des histoires... Celle d'Angel, jeune garçon au sourire énigmatique, celle de K-vembre, aspirante autrice et intérimaire en burn-out, celle de ces trois militants de gauche aux manière de fascistes, celle de ce militant pour le climat qui n'a pas demandé à se faire traiter de "vieil Arabe", celle de ce gamin trop paumé, celle de ce flic désabusé... Toutes des histoires déroulent souvenirs, émotions, violence, injustice et envie d'une vie meilleure.

Si j'ai parfois été perdue face aux différentes voix des personnages (un petit sigle à-la-Damasio m'aurait bien aidée), je me suis laissée embarquer par le flot de l'écriture de Marin Fouqué. J'avais déjà adoré "77" (auquel l'auteur fait d'ailleurs des petites allusions) et c'est avec joie que j'ai retrouvé son débit, sa poésie, sa noirceur et surtout la manière dont il interroge son lecteur.
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77

Cette lecture fait l'effet d'un coup de poing, tant par sa forme que par son fond.

En effet, l'écriture est "tranchée", "saccadée", les phrases sont souvent courtes et percutantes et quand elles sont plus longues, elles sont "rythmées".

Le thème est aussi assez brut et presque violent: nous suivons un jeune homme et sa bande d'amis par le biais de souvenirs que le jeune homme se remémorent, assis sur le banc de l'abribus de son point de ramassage scolaire dans le 77. Nous allons comprendre au fil du récit les relations plus ou moins positives qui se sont nouées entre eux.

J'ai parfois eu l'impression de lire de la poésie et j'en ai eu l'explication en découvrant que l'auteur en avait écrit ainsi que du rap. Cela se ressent dans l'écriture de ce premier roman.
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77

Il y avait de bonnes idées dans cette histoire où, avec le contexte encore campagnard du 77 sud et les fantasmes de l'abri-bus, un récit intéressant aurait pu se structurer.



Hélas, non, on ne retient que d'énièmes tranches de vie de pré-adolescents en quête de ce dont ils ne soupçonnent même pas l'existence, leurs pauvres délires et leur sexualité tristounette. L'ensemble rédigé à la hache, sans style, avec un vocabulaire restreint et des phrases déstructurées.



Au terme de cette lecture, je me souviens à peine de la couleur des voitures et, vraiment, seule la séquence aux auto-tamponneuses a accroché mon intérêt.
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77

Roman pioché dans mon immense pile à lire avant-hier. Le narrateur, adolescent désabusé vit quelque part dans le sud 77, dans la lointaine banlieue parisienne. Il doit se rendre en cours avec le bus de ramassage tous les matins sauf que non ça fait des jours qu'il sèche et trompe l'ennui toute la journée dans l'abribus. Il divague au gré de ses pensées et se replonge dans un passé proche ou le traître était encore appelé Enzo, ou la fille novembre le protégeait et traînait avec lui, lui frêle, fragile, renfermé, souffre-douleur. Et puis il y a Kevin le grand balèze, nouvellement arrivé dans ce bled paumé entouré de champs. Leur vie à tous semble vide, de sens et de but. Ils errent au gré de la routine quotidienne. Le narrateur nous emporte tout le long de ce livre dans un monologue intérieur, brut et spontané.



Seulement voilà, l'ennui ressenti par cette bande de jeunes est très facilement transféré au lecteur. C'est à dire qu'il ne se passe pas grand chose durant la journée du narrateur à part chauffer le banc de l'abribus et fumer du shit. Le style d'écriture est moderne, tout d'un bloc, sans chapitre et avec un langage parlé, de la rue, viscéral. J'aime ce style narratif mais avec plus de rythme et de péripéties, ici c'est mou malheureusement.



Cette lecture ne sera pas inoubliable...
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G. A. V.

Bonjour les babeliophiles petit retour sur ma dernière lecture.

J'avais mis ce livre dans ma PAL car le titre me faisait très envie,et je ne vois cache pas que j'ai été déçu (peut être que je m'attendais à autre chose aussi!!)

une nuit de G.A.V ppir une poignée de de personnages,écrivain,maghrébin,Black-bloc,collégien,etc,etc. On arrive à confondre tout le monde et on ne sait plus qui parle au fil de la lecture tant la confusion est totale.Une écriture facile avec des phrases courtes un peu trop à mon goût. Je vais faire court moi aussi je n'ai pas aimé mais comme je dis toujours ceci n'est que mon avis personnel.
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77

En cet entre-deux du 77, ni complètement banlieue, ni complètement Paris, un jeune homme attend dans un abribus, fumant joint sur joint, tandis que le jour passe. Depuis la rentrée, lui et ses amis se sont éloignés : Enzo est devenu le traître ; la fille Novembre a repris son prénom et rangé ses poings au placard de ses désirs. Mais le grand Kevin a fait son apparition, ce grand gars du 93 avec sa dégaine et ses pompes classes, et le jeune homme a décidé, d’un coup, de rester avec lui dans l’abribus, tandis que les autres prenaient le car scolaire. Et puis, jour après jour, le jeune homme est resté, seul, et aujourd’hui sera un jour comme ceux d’avant, un jour de solitude qu’il peuplera de ses pensées et souvenirs.



« 77 » est le premier roman de Marin Fouqué, c’est aussi un ovni littéraire étonnant et détonnant. « 77 » prend la forme d’un monologue intérieur continu seulement ponctué, çà et là, de couleurs écrites en majuscules, celles des voitures qui passent devant l’abribus et viennent hacher, pour un temps, le flux des pensées qui roule dans la tête du jeune homme. Il faut lire « 77 » d’une traite pour mieux entrer dans sa couleur, se laisser porter par le torrent des souvenirs de cet adolescent, dont on comprend peu à peu la construction et la souffrance qui l’anime. A l’image du département où il vit, il incarne l’entre deux d’un âge : plus enfant mais pas complètement adulte ; en quête d’amis, de reconnaissance, mais le plus souvent rejeté, mis à la marge d’un monde qui ne veut pas de lui. Alors se déplient ses doutes, errances, méandres et se dessine la vacuité d’un être en quête d’identité, entouré par des congénères guère aidants.



« 77 » c’est aussi le souffle d’un style à nul autre pareil, une écriture affutée à l’encre du labeur, qui sonne, résonne, comme un slam percutant, une chanson triste, une litanie sans dieux. Le rythme parfois s’emballe et quelques fioritures linguistiques (articles, verbes, …) passent à la trappe pour que l’écho des mots frappe encore mieux l’esprit. Forme et fond se complètent, s’entremêlent et se fondent et l’on est vite saisit par une lecture qu’on ne peut plus quitter.



En filigrane surgissent des questions identitaires : qui faut-il devenir ? Celui que les autres nous assignent à être ? La case sociale pré-remplie par son environnement ? Ou bien cherchera-t-on à devenir soi, quoi qu’il en soit du désir des autres ? « 77 » est un premier roman magistral qui cogne aussi sûrement que les bonnes terres grasses du sud 77.
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77

C'est un premier roman dont on va entendre parler j'en suis certaine. Pour diverses raisons.



Sa forme : c'est un récit écrit d'un jet continu, d'une traite, sans chapître, sans alignement. Un texte continu entrecoupé de nom de COULEUR ou de METALLISE en majuscules. C'est tout.



Un peu perturbant au départ mais nécessaire comme un flot de paroles continu, un grand monologue qui raconte le quotidien d'un ado en capuche dans le 77.



C'est un récit qu'à plusieurs reprises, j'ai lu à voix haute pour entendre claquer la langue, sa musicalité, son rythme.



Ça claque, ça pète, ça vit et pourtant il ne se passe pas grand chose dans cet abribus en béton où notre narrateur passe ses journées à fumer des pétards refusant de prendre le car scolaire conduit par Polnareff. Il regarde Enzo, le traître, la fille de novembre, le grand Kevin et les jumeaux partir et reste la journée dans son abri sous sa capuche.



Il nous raconte son 77, et regarde passer les voitures sur la nationale, une rouge, et il se souvient, une jaune, d'autres souvenirs reviennent et surtout 3 métallisées ce matin là.



C'est un roman d'initiation, lui au corps frêle, qui se planque sous sa capuche, nous raconte son bled, ses champs marron, le père Mandrin sur son tracteur, la vieille, les vieux qui jouent au loto, la parisienne, ce qui a fait que son pote Enzo soit devenu le traître, ...



Il nous conte l'arrivée du grand Kevin qui fera de lui un autre.



Je n'ai pas envie de vous en dire plus si ce n'est que c'est rural, c'est noir, ça claque, ça pulse, la vie quoi dans le 77.



L'écriture est tranchée, saccadée, c'est un long monologue sonore et sensible. Poétique à sa manière.

Quelle force d'écriture. Un coup de poing, un coup de maître disent certains.



Ce roman sort de l'ordinaire. A découvrir de toute urgence.



Ma note : 8.5/10


Lien : https://nathavh49.blogspot.c..
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77

C'est LA révélation de la rentrée. Le quotidien depuis l'abribus d'un môme paumé dans le 7-7. Sa jeunesse avec la fille Novembre et Enzo avant qu'il ne devienne le Traitre. Sa fascination pour les terres grasses de sa campagne. Son décompte des voitures en espérant que l'Oracle de la Vache lui soit favorable. Sa formation par le Grand Kevin pendant leurs journées buissonnières. Ses pensées qui divaguent alors que les mauvais souvenirs se consument au rythme de ses joints.

Un récit puissant qui prend aux tripes. Et l'écriture, ah la belle écriture saccadée, l'intelligence des engrenages, un monologue sonore et sensible comme on en lit rarement!

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G. A. V.

Au départ, j’ai trouvé une similitude d’écriture avec Joseph Ponthus : des phrases très courtes qui donnent le rythme.



Mais ensuite la magie a cessé d’opérer pour faire place à de l’incompréhension : où va le propos ? La GAV pour faire taire les opposants ? Et puis ce mélange dans le récit, je me suis perdue.



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77

Un premier roman original d'un jeune auteur rencontré par hasard dans un salon. C'est écrit tout à la suite mais pas sans logique, et bien écrit dans le genre. Le slam y côtoie la poésie.

Un ado du 77 (Seine-et-Marne) un peu désœuvré fait défiler dans sa tête ses relations avec ses copains et voisins, tout en contemplant les champs alentours dans leurs dégradés de couleurs et en remarquant celles des voitures qui passent sur la route. Les pensées et les mots s'entrechoquent dans sa tête, les reprises sont saccadées et aident à suivre.

Une découverte intéressante et un moment de lecture que je ne regrette pas.
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77

A l'abribus, ce matin, ils sont plusieurs. Il y a notamment la fille Novembre, Enzo le Traître, le grand Kévin. Le bus arrive mais lui, il ne monte pas, tout comme ces dernières semaines. Sa journée, il la passera là, dans l'ennui et la fumée des joints de shit qu'il enchaine, sous l'abribus de béton quelque part dans le 77, là où c'est encore un peu la campagne, rustre et grise. Non, il ne montera plus. Fini d'être la risée, fini les coups, les crachats, fini d'en prendre plein la gueule tout le temps parce qu'il a « un corps de lâche, une gueule fine et de longs cils ». Une journée sous la capuche, sur le banc de béton froid, le narrateur, jeune garçon grandi entre la violence et la crasse se remémore ces dernières années : le trio protecteur qu'il formait avec la fille Novembre et Enzo, les humiliations répétées, les moments de répit, les rires partagés, les trahisons, la rage, les larmes qu'on retient. Une journée pour éprouver sa solitude à présent que chacun a trouvé son rôle à jouer.

Marin Fouqué sera sans aucun doute une des voix singulières de cette rentrée littéraire (euh bon, je peux me tromper mais il l'est pour moi parmi les quelques premiers romans lus parmi les parutions de cette rentrée littéraire d'automne). Son style incisif aux phrases brèves donne une vraie force à ce monologue dur et violent qui dit sans concession le désœuvrement, les poings quand la parole manque, le monde sans tendresse. Ça commence en ronronnant comme l'ennui - celui de ces heures d'attente vaine sous l'abribus, ça tangue, s'illumine parfois, jamais longtemps, ça cogne et ça fait mal souvent. Un roman coup de poing.
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