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EAN : 9782330125462
256 pages
Actes Sud (21/08/2019)
3.44/5   133 notes
Résumé :
Ce matin, il a attendu le car scolaire avec les autres adolescents mais il n'est pas monté dedans.
Aujourd'hui il va rester toute la journée seul sous l'abribus, à regarder passer les voitures, à laisser son regard se perdre sur la terre du "sept-sept", ce département de transition entre Paris et la glaise, à se noyer dans les souvenirs qui le lient à Enzo le Traître, à la fille Novembre, au grand Kevin.

Ce premier roman parvient à créer un f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
3,44

sur 133 notes
Ce récit d'initiation à jet continu, sans chapitres, ni espaces, ni dialogues à l'écriture visuelle, métaphorique, saccadée , tranchée, tel un long monologue inhabituel résonne comme du rap ou de la poésie .

En petites phrases pressées , répétitives, urgentes , fulgurantes , brutes, l'auteur , rappeur, boxeur, né en 1991 , dont c'est le premier roman, conte la vie d'un jeune en capuche, seul , sous son abri- bus .
Il ne montera pas dans le car scolaire .

Dans sa solitude musicale , il laisse son regard se perdre sur les terres du 7- 7 , département vague entre La Province et Paris —- au bout du monde ——Entre boue et bitume, autour de vastes étendues de camaïeu de brun, ocre, jaune, les terres du Père Mandrin....Sur son tracteur...


Un livre qui pourrait se lire à voix haute ...qui dit l'innocence et la rage, la violence et les bagarres , la bande de potes qui se partagent un shit bien gras, où on joue encore au loto , où on se fait couper les cheveux au seul bistrot du coin par la fille du patron qui passe son CAP...

Les potes : le grand Kevin, la fille Novembre, le Traitre , les faux jumeaux, et puis lui—- seul.
Il se remémore son passé dans un flux spontané, inventif, fulgurant , fait le bilan d'une enfance sans innocence , sans nostalgie d'un temps heureux , du côté des pylônes et des bennes à ordures , où les jeunes se noient dans un ennui semblable à un épais brouillard ...


C'est la chronique douce amère d'une génération en peine , fracturée , laissée pour compte , où les jeunes galèjent, galèrent, rament pour se trouver , un entre - deux , sorte de chassé croisé entre ville, champs et province , une voix qui porte la parole , existe au milieu des champs , entre construction des corps et fractures des rêves .

Une chronique étonnante où les mots claquent, cognent , piquent , apostrophent ...
Spontané , inventif, criant de vérité , original , obsession sonore, inhabituel.
Qui ne plaira pas à tout le monde ,..

«  Bien sombre , la capuche. Importante la Capuche. Seconde peau. Vrai armure pour corps de lâche .UN abri dans l'abri.. »
«  Vieux qui bavent, vieux qui rôdent, vieux qui hantent. Vieux qui rotent , vieux qui puent . Vieilles carcasses qui traversent l'unique rue . Vieux qui divaguent . Vieux qui se perdent . le père Mandrin est le seul vieux qui bosse encore. »
«  Jeunes , jeunes qui se noient dans leur ennui dense comme le BITUME . »
 « Métallisée .Métallisée . Métallisée.  »
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Seul dans un abribus perdu en plein milieu des champs d'une petite bourgade de Seine et Marne ( le département 77 du titre de ce premier roman), un jeune vivant dans une ville de cette grande couronne parisienne, ni tout a fait banlieue ni tout a fait province, décide de ne pas compter dans le car de ramassage scolaire qui se présente devant lui et se remémore des instants de sa vie passée dans un entre deux assez singulier...

Dans l'abribus, tout seul,il ressasse son passé en fumant des joints et essayant de mettre des mots sur sur ses pensées et sur cette terre en périphérie de grande métropole, une terre un peu bâtarde qu'il déteste et vénère à la fois.

Marin Fouqué, 77

Marin Fouqué vient du rap et de la scène et cela s'entend pleinement avec ce premier roman presque scandé comme un slam et qu'on peut parfaitement lire à voix haute..

Une langue syncopée, incisive, poétique qui claque et qui donne une vision personnelle et subtile dune jeunesse en manque de repères et rend ce 77 comme un des beaux textes de cette Rentrée littéraire 2019.

Sa plume, particulièrement imagée et métaphorique, insiste sur les sensations et sur les petits et grands événements de notre existence et dépoussière la littérature française traditionnelle, souvent un peu trop corsetée et académique.

Avec énergie et une poésie à ras le bitume aussi addictive que singulière, Marin Fouqué, un peu à la manière d'un David Lopez avec "Fief" ou même Gael Faye avec "Petit Pays" ( un autre slameur) convoque un univers bien à lui, à mi chemin entre la littérature et le slam, entre la poésie et la chronique sociale.

Il en profite également pour se faire le porte voix d'une génération brisée, laissée pour compte, et qui tente tant bien que mal de trouver une place que personne ne semble vouloir leur donner...

Un des romans uppercuts de cette rentrée littéraire !

Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Lecture malaisée. Écriture fragmentée. Comme si on enfonçait du rap dans la gueule de la littérature. Billie Eilish en prose. Phrases courtes. Heurtées, cabossées. Parfois, ça déroute. Souvent, ça s'encroûte. Sans vers et contre toute… logique stylistique. Une prose libérée. Rarement créative. Enragée pour rien. le flow n'est pas fluide. Ça patine. Sortie de route. Et puis, au carrefour de trois phrases emmêlées, succession de virgules, abus d'anaphores, répétitions gratuites, sans poses, par à-coups, comme une conduite de taxi chinois, la tête qui tourne, je perds le fil, envie de vomir, laissez-moi sortir de ce bouquin. Quand on abîme la forme, on touche le fond. Ce livre m'a fait penser à ce poisson qu'on m'obligeait à bouffer quand j'étais gosse. À chaque bouchée, je me dis que ça va être bon mais rien à faire, je trouve toujours des arêtes. Je n'ai pas parlé de l'intrigue. Quelle intrigue ? Des adolescents, sous un abribus près de Melun, s'emmerdent à mourir. Et le lecteur avec. Pour tuer le temps, ils parient sur la couleur des bagnoles qui passent à toute allure, sans jamais les calculer. Des jeunes désoeuvrés, frappés par le père, oubliés par la mère, rejetés par le système. Une impression de déjà-vu. Marin Fouqué, tu peux te le garder ton 77. Ni curiosité, ni compassion. Moue dégoûtée. Des champs boueux avec des petits merdeux au milieu (rimes en… euh). Pas senti la révolte, ni la poésie. Juste l'ennui. Des bandes qui s'affrontent ? Ni Guerre des boutons ni West Side Story. Des branleurs qui ne voient plus l'horizon. Sans façon. Je m'en fous si je passe pour une classique, moi je te chro-nique, et je sauverai plein de gens. de la dépense et du néant.
Bilan : 🔪
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La Seine-et-Marne est un territoire sans identité et sans charme. L'horizon se résume à une succession de champs aux couleurs ternes, du vert parfois, du marron surtout. Ces paysages plats sont striés par des lignes de bitume ; départementales ou nationales où fusent des véhicules pressés d'atteindre un ailleurs. Seuls dépassent au loin des pylônes électriques, un silo et un abribus. Les murs de l'abri sont couverts de tags, le sol est maculé de crachats, l'air est saturé par l'odeur de shit. Un jeune se tient affalé sur le banc, engoncé dans sa capuche, concentré par la préparation de son prochain joint. Ce jeune, c'est le narrateur de “77” (sept-sept). le récit tient en une journée, du départ au retour du car. L'adolescent va suivre le cours de ses pensées et nous expliquer par de nombreux flashbacks pourquoi il a choisi de ne pas monter dans le car. le texte est vivant, proche du slam ou du « spoken word ». C'est un récit à lire à voix haute, à scander, à interpréter. le monologue se compose de bouts de phrase, de répétitions, de flux de pensée qui s'entrecroisent portés par la rage, la douleur et le cannabis. le narrateur dépeint le quotidien de ce village en marge, pourtant situé à à peine une heure de Paris. Une commune péri-urbaine – ni ville, ni campagne - peuplée de déclassés parmi lesquels se détachent l'agriculteur qui possède toutes les terres, l'idiot du village, la voisine sénile ou la Parisienne qui passe ses week-ends dans sa résidence secondaire. le reste, ce sont des vieux, surtout des vieux. Et des enfants qui s'ennuient dans cet horizon indépassable.A la maison, les pères s'effacent ou écrasent. Dehors, c'est toujours la violence qui règne. Ils doivent se faire une place à la force de leurs poings, dominer ou être dominé. C'est une lutte permanente pour obtenir du respect. La gueule d'ange et le corps frêle de notre narrateur le classe parmi les faibles, les perdants. Il choisit de s'endurcir mais il va prendre conscience que le personnage qu'il façonne ne correspond en rien à sa personnalité et qu'il lui faudra trouver sa propre voie, découvrir sa véritable identité. Ce roman se démarque par son phrasé mais aussi par son message qui lui permet de dépasser le simple constat sociologique.
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En cet entre-deux du 77, ni complètement banlieue, ni complètement Paris, un jeune homme attend dans un abribus, fumant joint sur joint, tandis que le jour passe. Depuis la rentrée, lui et ses amis se sont éloignés : Enzo est devenu le traître ; la fille Novembre a repris son prénom et rangé ses poings au placard de ses désirs. Mais le grand Kevin a fait son apparition, ce grand gars du 93 avec sa dégaine et ses pompes classes, et le jeune homme a décidé, d'un coup, de rester avec lui dans l'abribus, tandis que les autres prenaient le car scolaire. Et puis, jour après jour, le jeune homme est resté, seul, et aujourd'hui sera un jour comme ceux d'avant, un jour de solitude qu'il peuplera de ses pensées et souvenirs.

« 77 » est le premier roman de Marin Fouqué, c'est aussi un ovni littéraire étonnant et détonnant. « 77 » prend la forme d'un monologue intérieur continu seulement ponctué, çà et là, de couleurs écrites en majuscules, celles des voitures qui passent devant l'abribus et viennent hacher, pour un temps, le flux des pensées qui roule dans la tête du jeune homme. Il faut lire « 77 » d'une traite pour mieux entrer dans sa couleur, se laisser porter par le torrent des souvenirs de cet adolescent, dont on comprend peu à peu la construction et la souffrance qui l'anime. A l'image du département où il vit, il incarne l'entre deux d'un âge : plus enfant mais pas complètement adulte ; en quête d'amis, de reconnaissance, mais le plus souvent rejeté, mis à la marge d'un monde qui ne veut pas de lui. Alors se déplient ses doutes, errances, méandres et se dessine la vacuité d'un être en quête d'identité, entouré par des congénères guère aidants.

« 77 » c'est aussi le souffle d'un style à nul autre pareil, une écriture affutée à l'encre du labeur, qui sonne, résonne, comme un slam percutant, une chanson triste, une litanie sans dieux. le rythme parfois s'emballe et quelques fioritures linguistiques (articles, verbes, …) passent à la trappe pour que l'écho des mots frappe encore mieux l'esprit. Forme et fond se complètent, s'entremêlent et se fondent et l'on est vite saisit par une lecture qu'on ne peut plus quitter.

En filigrane surgissent des questions identitaires : qui faut-il devenir ? Celui que les autres nous assignent à être ? La case sociale pré-remplie par son environnement ? Ou bien cherchera-t-on à devenir soi, quoi qu'il en soit du désir des autres ? « 77 » est un premier roman magistral qui cogne aussi sûrement que les bonnes terres grasses du sud 77.
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critiques presse (2)
Telerama
01 octobre 2019
Le 7-7 ? Un département, la Seine-et-Marne, à la lisière de ­Paris. En certains endroits un bout du monde, dont Marin Fouqué, également rappeur, boxeur, poète, a restitué la violence, l’ennui, la rage… Un processus d’écriture de neuf mois, entre deux boulots.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeFigaro
12 septembre 2019
Dans la tête d’un adolescent de Seine-et-Marne, l’auteur tisse un monologue puissant où les mots claquent, cognent, piquent.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
MÉTALLISÉE, MÉTALLISÉE, MÉTALLISÉE
Trois à la suite. Si lentement. C’est rare. Voilà pourquoi je m’en souviens. Cette journée a commencé comme un moteur qui démarre mal. Une hésitation. Une saccade. Trois longs râles. D’habitude, les cris des pneus, c’est court, c’est net, ça vibre le regard. Salve brève. Oui, d’habitude, ça déboule comme des balles d’un trait et ça brise la ligne droite et ça brouille la bande grise et la surface brune s’étirant derrière sur des kilomètres de marron à t’en perdre la vue, une tache qui passe, épis de blé se penchent, bref vrombissement, gravillons éjectés dans le fossé, virage au loin, poussière qui retombe, retour au silence. D’habitude, en règle générale, c’est métallisé et c’est rapide, ça ne fait que passer, ça ne s’attarde pas. Et pourquoi ça s’attarderait ? Courts cris stridents, ils foncent. Pour le boulot, pour le mouvement, pour le tumulte, foncent sur Paris, foncent sur le bitume, foncent dans le brouillard. Mais aujourd’hui, ce matin, c’était lent. Ça ne criait pas. Ça chantonnait presque. Comme une profonde inspiration avant le saut, une turbine en peine qui refuse la noyade, le bourdonnement d’un bourré qui dort, le bruit au-dedans du silo à grains ou le long râle du Fendi 301 du père Mandrin qu’on entendrait au loin, à peine sa silhouette aperçue au bout des terres que déjà son grondement dans tes oreilles et, de longues dizaines de minutes plus tard, ses jantes rouges sous ton regard, mastodonte, vastes cercles qui écrasent le bitume et disparaissent petit à petit en laissant le fracas et puis le vacarme et puis le bruit et puis le son et puis le souffle et puis l’écho et puis le chuchot et puis le doute et le soupir et puis plus rien. Le silence du 77. Oui, trois à la suite, métallisées, comme ça, aussi lentement, ce matin, juste avant que le car ne passe, c’est rare. Rare convoi. Comme si ça voulait marquer le coup. On l’a tous remarqué, on se l’est pas dit parce qu’on se dit jamais rien, mais on l’a tous remarqué. Ça se voyait à nos tronches, qu’on s’y attendait pas. Drôle de convoi. Surtout à cette heure-ci : le soleil presque pas debout, le brouillard qui mange encore la terre, le vent se lèvera bientôt. Alors on a fait de drôles de tronches et puis ont s’est tus. Renfoncer sa gueule dans l’abri. Drôle de convoi, n’empêche, pour un matin dans le 77. C’est rare d’en voir trois à la suite, de métallisées, qui passent si lentement avant même que le car arrive, s’arrête, se remplisse, reparte au loin sur la bande de bitume, le vrombissement du moteur et les doigts d’honneur par la grande vitre arrière, rectangle qui reflète et s’enfonce dans le 77. 77, c’est le département. Ça se revendique. C’est quelque chose. Plus grand que le 93, même, le 77. On ne dit pas soixante-dix-sept. On dit sept-sept. Comme une salve qui briserait le silence. C’est important, ici, le silence. Il est partout. Le ronronnement de la nationale au loin, le chant du tracteur, parfois, les pylônes électriques comme des cigales, toujours, et çà et là, des aboiements de chiens. C’est un silence spécial. Le silence du sud 77. On dit sud 77 parce qu’ici, c’est pas Paris. Tu peux partir en vacances dans le monde entier, à Rouen par exemple, tu verras, ils te diront Paris. Du coup on dit sud 77. Ça sonne plus exotique. Plus ailleurs. Ca sent presque la mer. On sait bien qu’on est du 77 mais ça marque la différence. Parce qu’ici, c’est pas Paris. Pas encore. Pas comme le nord 77. Ici, tant que le bitume n’aura pas tout recouvert, des vagues de bitume qui entourent l’horizon, ça restera chez nous. Et chez nous, c’est vert, c’est gris et c’est marron. Surtout marron. Vu d’en haut : quadrillage marron. Y a que le silo rond, la centrale électrique carrée, les pylônes triangles et les bagnoles rectangles qui sont métallisés. Et ce matin :
MÉTALLISÉE, MÉTALLISÉE, MÉTALLISÉE
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Autour de nous, le silence, le silence du 77. Rien que le bruit de la terre, le grésillement des pylônes et le ronronnement permanent de la nationale derrière les grands champs, derrière le Gros Chêne, derrière l’obscur bois de Chailly, derrière la noire ligne d’horizon, ronronnement sourdine de la nationale entrecoupé d’aboiements, ça et là, chiens tirant sur leur colliers, carillonnant de leurs chaînes, se répondant par écho de clôture en clôture, aboiements qui traversent les terres grasses du 77 comme les puissantes lumières rouges à notre droite de l’antenne électrique du mont et les timides scintillements des rues désertes du bourg dans le lointain.
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On avait tous des surnoms. Enzo, pas encore le Traître à l’époque, avait voulu se faire appeler Lieutenant Kurtz dès son arrivée, rapport à un de ses films chiants, mais ça a pas tenu. Ça tient jamais les surnoms quand c’est toi qui te les choisis. Sauf pour la fille Novembre. C’est qu’elle avait sa méthode pour qu’on s’en souvienne. Moi, mon surnom de l’époque, c’est pas nécessaire de le rappeler. Vraiment pas nécessaire. C’est là que le silence du 77, les pylônes et la nationale, ils devraient intervenir. Des bouches qui se ravalent. La fille Novembre, c’est elle qu’avait décidé qu’on l’appelle comme ça, rapport à une histoire d’horreur qu’elle avait lue ou entendue, une fille retrouvée morte en novembre et qui revient hanter, ou quelque chose dans le genre. Les histoires d’horreur, elle a toujours adoré. Alors tout petits on jouait au jeu de la fille Novembre : elle nous coursait et si on était attrapés, on devenait les morts vivants de la fille Novembre. Ensuite, elle a commencé à péter la gueule de tous ceux et toutes celles qui l’appelaient par son vrai prénom. Elle aimait pas son vrai prénom. C’est vrai qu’il était bien moche, il lui allait pas du tout. Au début, c’était difficile parce que les adultes et les vieux nous engueulaient quand on l’appelait la fille Novembre. Alors devant eux on disait son prénom, et une fois seuls entre mômes, elle nous pétait la gueule. Un à un. Costaud, la fille Novembre. Et puis, à force qu’elle nous pète la gueule, on s’est mis à la craindre davantage que les adultes alors on l’a plus appelée que la fille Novembre, du coup des vieux se sont mis à oublier son ancien prénom et des adultes se sont mis à confondre. Un jour, à un loto, la fille Novembre a fait la misère à sa mère parce qu’elle l’avait appelée par son ancien prénom. À partir de ce jour, même la mère de la fille Novembre l’a appelée comme ça, la fille Novembre, en public au moins. Elle le disait sur le ton de la blague, mais ça sonnait la crainte.
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Fallait avoir une vie bien calme pour avoir envie d’écrire sur la violence. Une vie de Parisienne par exemple. Là elle a souri. Enfin je disais quelque chose. (…) Elle a dit que la vie d’une femme, de Paris ou d’ailleurs, ça n’est jamais calme. Que les femmes, la violence, elles la connaissent mieux que n’importe qui puisqu’elles la vivent chaque jour. De plein fouet. Rien qu’en marchant dans la rue, le regard des chiens. Rien que ça. Toutes les femmes ne gagnent pas, mais toutes les femmes sont des battantes.
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Mais quand on est entrés dans la salle, le carillon de la porte, ça s'est tu un court temps, et puis tous les yeux et les mots se sont mis à se braquer sur nous. C'est toujours comme ça, les vieux. D'abord c'est méfiant, mais si ça te reconnaît, ça s'arrête pas de parler. Vu qu'ils ont presque plus de temps, ils te le prennent à chaque instant. A te montrer quelle taille tu faisais quand ils t'ont vue la première fois, à insister comme eux ils se rappellent bien mais que toi t'en as aucun souvenir, ce petit pouvoir qu'ils ont sur toi, à dire que t'as bien grandi, que t'es bientôt costaud, bientôt baraque, bientôt un homme, à te demander comment va la famille, et à se remémorer ta dernière connerie en date. [...] Le loto, pour nos vieux, c'est important. [...] Ils viennent des quatre coins du village, ils s'organisent un mois à l'avance par hameau pour que le fils ou la petite-fille d'untel les ramasse chez eux en voiture une heure à l'avance, les installe confortablement à l'arrière et les emmène jusqu'à la salle communale à côté du lavoir. Là, on les aide à descendre, et ils se mettent à boitiller jusqu'à la petite porte d'entrée. Y entrer et embaumer l'espace de leurs odeurs de peau. Toutes et tous agglutinés. Rance. L'odeur de peau des vieux, faudrait réussir à l'isoler. Pour comprendre. Comprendre l'odeur du temps, des paquets d'années entassés. Comme les strates de terre en cours de SVT, à l'époque où j'y allais encore. Cette odeur qui te fout le vertige des falaises, cette odeur de peau de vieux, elle imprégnait la salle, tu la sentais dans ton nez à peine passé la porte. [...] Drôle comme leurs voûtes se déplient quand on leur apporte des cartons colorés avec du quadrillage et des numéros dessus.

pp56-57
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Videos de Marin Fouqué (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marin Fouqué
**77**, le premier roman de Marin Fouqué, est également disponible en livre audio ! Plus d'informations : https://www.actes-sud.fr/actes-sud-audio
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« Il lisait ses textes debout. *C'est peut-être un détail pour vous.* Mais pour moi ça veut dire donner corps au texte, ça veut dire lui prêter mon corps, ça veut dire lui tendre la chair, ça veut dire l'accompagner comme si le texte était un môme s'appuyant de ses deux mains sur ses cuisses pour se lever tant bien que mal, il tire la langue et bientôt son bassin tangue, il se vautre, la langue fourche, mais plein d'espoir il se relève, le coeur battant, et se jette d'un coup dans le vide, sa langue pulse et zigzague maladroitement jusqu'à trouver son propre rythme – fuite vers l'avant. Sur scène, je lis debout. Faire comprendre le texte ? de ça, je m'en fous. Ce qui m'importe, ce sont les chuchots, les cris, le flow, le souffle. Je veux montrer un corps mu par le texte. Un corps habité du texte. Un texte vivant de corps. Mais une fois privé de public, seul dans la lumière tamisée de cette cabine, il m'est devenu impossible de lire debout. Impossible de rester autant d'heures dans pareille position. Impossible de donner à voir un corps avec seulement le son. Et, impossible de savoir dans quelles conditions vous alliez ensuite écouter ce livre audio. Alors j'ai dû m'asseoir. M'asseoir dans la cabine face au micro. M'asseoir dans ce silence, là, sur le banc. M'asseoir dans le studio comme dans le 77 et y retrouver son narrateur, enfoncé dans sa capuche. Tous les deux sous l'abribus, au bord de la route, entre bitume et boue, au milieu des Grand-Champs. Ça faisait longtemps. J'ai eu beaucoup de joie à le retrouver. J'espère que lui aussi. J'ai eu honte, j'avoue. Honte et rage de ce qu'il avait subi. Subi à cause de moi. Est-ce qu'il m'en voulait encore ? Il ne m'en a rien dit. Comme les deux boloss pétris de virilité que nous sommes, on s'est juste contentés de se regarder, timidement. Puis il m'a tendu son joint, et je lui ai prêté mes cordes vocales. Lui, il parle dans les crânes. Moi, je sonne aux oreilles. À nous deux, c'était parfait pour un livre audio. J'ai commencé l'écriture debout – pour qu'on l'entende sans vraiment la comprendre. J'ai continué l'écriture assis – pour la faire comprendre sans avoir à la dire. Aujourd'hui je vous dis mon écriture, pour qu'elle résonne et que le môme de 77 se tienne à son tour, enfin – debout. J'espère qu'il vous parlera. » Marin Fouqué
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#livreaudio
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