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Critiques de Marquis de Custine (6)
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Voyage en Russie.

Ceci n’est qu’une version abrégée du vénérable originale en quatre volumes de quatre-cent pages chacun, mais elle est déjà fort instructive. Héritier d’une famille ralliée à la Révolution puis à l’Empire, Astolphe de Custine fut un diplomate, puis un écrivain romantique assez secondaire. Il resta dans l’histoire pour la relation du voyage qu’il effectua en Russie dans les années 1840, où il manifeste un certain talent pour les deux professions précitées. La raison pour laquelle ce volume passe à travers les siècles – même si dans un cercle de plus en plus restreint – est on ne peut plus simple : la Russie qu’il décrit n’a à beaucoup d’égards absolument pas changée depuis.



Sur certains points si, bien sûr. Notamment sur le servage, dont l’archaïsme total le stupéfie. Mais au niveau de la vie politique, il fait un étonnant constat. Une chape de plomb s’étend sur la société. Au dessus, tel un dieu, plane le tsar. Personne n’ose parler. Fin connaisseur de l’absolutisme, Custine découvre le totalitarisme. Quand Louis XIV disgraciait un ministre, cela devenait le sujet de discussion général. En Russie, son nom disparait des lèvres ; personnes n’ose plus le prononcer. Comme s’il n’avait jamais existé. Une société pré-orwelienne en somme.



Avec de tels constats, il ne lui est pas difficile de prédire le risque d’une révolution d’une puissance telle qu’en comparaison celle qu’a connue la France paraitrait anecdotique. S’il n’est pas possible en 1830 d’anticiper la chute du tsarisme tout-puissant, il pressent également que cet état de fait tire ses racines d’un mal bien plus profond – pour ne pas dire de la nature même de son peuple, et à son histoire tourmentée : broyé par l’invasion mongole, replié sur lui-même, puis ouvert sur le monde à marche forcée et à coup de knout par Pierre le Grand…



En somme, se dessine déjà un système que l’Okhrana ne fera que perfectionner, avant qu’il n’atteigne son apogée sous le Guépéou puis le KGB. Bien des choses ont changé depuis le temps de Monsieur de Custine – le rôle de la noblesse, l’organisation de la société… Mais il n’en est que plus impressionnant de constater qu’en Russie, il n’y a pas que la perspective Nevski qui a fort peu bougée depuis.
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Aloys, ou Le Religieux du mont Saint-Bernard

Quelle injustice que ce livre méconnu ! Savouré en une journée, je referme les pages de cette perle rare comme sous l'effet d'un enchantement : celui inattendu de la justesse et de la finesse des mots de l'auteur.



Car, si l'histoire dont il est question ici est celle d'un religieux, il n'est pas tant question de foi que de sincérité et d'amour. Et c'est ce dernier, passionné et enrobé de folie, qui s'exprime au travers des lignes brillantes et parfaites de ce court roman. Ainsi, voici comment l'attente chimérique de toute une vie peut prendre forme en la chair de l'être aimé et briser, sous sa pression insupportable et son rayonnement infini, le coeur et la destinée d'un homme.



C'est cette histoire que raconte, sous la forme d'une confidence douloureuse à un jeune voyageur, le religieux Aloys. De son enfance solitaire à la découverte d'un monde qui le répugne et le subjugue, de ses espoirs fous à la rencontre de la femme élue à laquelle il doit pourtant renoncer au profit de sa fille, c'est toute la fascination d'une personnalité hors du commun, pétrie de contradictions, qui nous plonge dans une mer de souvenirs et de combats intérieurs.



J'ai éprouvé une grande admiration pour la justesse et l'habileté presque effrayante avec laquelle le marquis de Custine dénonce ici les faiblesses et les dérives des coeurs trop grands face à la lâcheté de ceux qui les abritent. Chaque pensée interpelle, résonne comme un glas face à nos propres erreurs, nos propres dissimulations et les mensonges que, toujours, nous justifions par leur nécessité. Par le personnage d'Aloys, lâche se cachant au monde pour effacer le souvenirs de ses fautes, l'auteur invite chacun à une réflexion sur ses instincts égoïstes et sur sa faculté à assumer ses actes.



Et si le pusillanime du religieux lui donne encore le courage de se retrancher derrière la prière, refuge de son âme faible et perdue par manque de bravoure, il n'est pas certain que cette consolation soit encore donnée aux coeurs conduits par lui à la destruction. Le mal que l'on fait peut-il jamais se réparer…?



À lire et à relire.







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Lettres de Russie - La Russie en 1839

Aristocrate raffiné, le marquis de Custine allait chercher dans la Russie de 1839 des arguments en faveur de l'absolutisme. Cinq mois à peine lui suffirent pour en rapporter un livre féroce et prémonitoire: sous les couleurs de la Russie de Nicolas 1er, cet homme intuitif nous donne à voir, déjà, celle de Staline et de ses successeurs.

Un grand classique.
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Lettres de Russie - La Russie en 1839

Ce récit du marquis du Custine n'est pas passé inaperçu à sa sortie et a influencé les relations franco-russes du XIXeme siècle. Il partait pourtant avec un tout autre objectif : conservateur convaincu que la monarchie représentative était une hérésie, il partait chercher des arguments en faveur de l'autorité dans la Russie impériale. Il est revenu avec un recueil de critiques virulentes à l'encontre du régime et de ses conséquences sur la vie russe.





"Il est vrai, j'ai mal vu, mais j'ai bien deviné" répond-il aux critiques de son temps!



C'est là le plus étrange et déroutant phénomène de ce livre : si l'on en croit Pierre Nora, qui signe la préface, Custine n'a pas effectivement très bien vu la Russie du temps : influencé qu'il était par ses amitiés avec l'opposition impériale, ne quittant guère Saint-Pétersbourg et Moscou et s'approchant peu du peuple russe .

D'ailleurs sans être spécialiste, et même si la version que j'ai lue est expurgée de certaines longueurs, j'ai été amusée ou agacée par certains travers du marquis, comme par exemple sa fascination au début de l'ouvrage par les quelques mots échangés avec l'empereur dans lesquels il croit déceler une connivence et une sincérité qu'on peut imaginer politique ou ses digressions, son goût pour les commérages et ses commentaires qui prennent la place d'un récit parlant.

Mais l'homme de salon est un homme honnête, capable d'indignation et sensible à la condition humaine. Ce qu'il voit ne peut trouver grâce...



" Un homme, pour peu qu'il s'élève d'une ligne au-dessus de la tourbe, acquiert aussitôt le droit, bien plus, il contracte l'obligation de maltraiter d'autres hommes auxquels il est chargé de transmettre les coups qu'il reçoit d'en-haut ; quitte à chercher dans les maux qu'il inflige, des dédommagements à ceux qu'il subit. Ainsi descend d'étage en étage l'esprit d'iniquité jusque dans les fondements de cette malheureuse société qui ne subsiste que par la violence, mais une violence telle qu'elle force l'esclave à se mentir à lui-même pour remercier le tyran ; et de tant d'actes arbitraires dont se compose chaque existence particulière, naît ce qu'on appelle ici l'ordre public, c'est-à-dire une tranquillité morne, une paix effrayante, car elle tient de celle du tombeau ; les Russes sont fiers de ce calme. Tant qu'un homme n'a pas pris son parti de marcher à quatre pattes, il faut bien qu'il s’enorgueillisse de quelque chose, ne fût-ce que pour conserver son droit au titre de créature intelligente..." (page 269)



" A la vue de tant de souffrances inévitables, de tant de cruautés nécessaires, de tant de larmes non essuyées, de tant d’iniquités volontaires et involontaires, car ici l'injuste est dans l'air; devant le spectacle de ces calamités répandues non sur une famille, non sur une ville, mais sur une race , sur un peuple habitant le tiers du globe, l'âme éperdue est contrainte de se détourner de la terre, et de s'écrier : " C'est bien vrai, mon Dieu ! votre royaume n'est pas de ce monde."

.. Le spectacle de cette société, dont tous les ressorts sont tendus comme la batterie d'une arme qu'on va tirer, me fait peur au point de me donner le vertige... " (page 270)





Voilà où réside l'étonnement : la Russie dépeinte par Custine ressemble tant à l'Urss de la guerre froide ; période où le livre connut une seconde jeunesse. Pour Pierre Nora, cette similitude est liée à l’aspect caricatural de la description de Custine : il a fait une caricature de la société de 1839 mais une peinture de la société de 1950... Troublant non ?

A mon sens, le moment où le trouble "temporel" est le plus grand est celui de la visite de la forteresse de Schlusselbourg, où était mort Ivan VI : difficultés à être autorisé à approcher, comportement des accompagnateurs entre valet déférent et garde chiourme accompli, esquivant les questions et trouvant en tout prétexte à l'écarter. Il ne pourra voir la cellule d'Ivan VI... : il a mal vu mais il a bien deviné ...
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Lettres de Russie - La Russie en 1839

Brillantissime. Quelle écriture, mais surtout quelle vision de la Russie. Pour qui connait l’histoire post 1839 et a connu l’URSS, quelle vision magistrale. Extrêmement critique, grinçant mais tout à fait réaliste, en seulement trois mois de séjour. Quand on pense à tous les crétins et à tous les mensonges écrits et publiés… La préface de P. Nora vaut pour elle-même la lecture. On donne raison à Herzen quand il dit que c’est “le meilleur ouvrage écrit sur la Russie par un étranger”.
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Lettres de Russie - La Russie en 1839

Nous restons influencés, souvent inconsciemment, par l’image de la Russie que nous a laissé Astolphe de Custine. Ses Lettres de Russie – d’aucuns y voient l’équivalent russe de la Démocratie en Amérique de Tocqueville – sont un portrait dressé par un esprit Mortemart. D’une plume acerbe, Custine diffère des stagiaires de l’esprit. Brillant, y compris jusque dans ses propres caricatures, l’auteur possède ce ressenti aristocratique qui le conduit à juger un système politique sur le double front des mœurs et des institutions. Il semble croire en cette alliance étroite entre la pensée et le style, entre la politique et l’esthétique.



Ses observations ne sont pas sans rappeler les critiques adressées encore aujourd'hui à la Russie, un pays que l'on se sent obligé de juger (plus que d'autres!) à l'aune de la modernité occidentale.
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