Marta Morazzoni :
Une Leçon de styleDepuis le capitole à Rome,
Olivier BARROT présente le
roman de
Marta MORAZZONI "
Une Leçon de style" puis en lit un passage.Propos illustrés par une
photoNoir et blanc de l'auteur.
...il existe un lieu à occuper, dans la vie, et une fois qu’on l’a trouvé, la vie a un sens.
La crainte, chez les personnes revêches, se transforme en intransigeance. Et en surdité.
Il neigea. La neige, comme la mer, exerce un pouvoir ensorceleur, nous repousse vers la dimension de l'enfance, vers une euphorie sans raison.
On peut se demander quel maître mystérieux coordonne la mise en scène d'un amour. Je parle d'un amour, c'est-à-dire d'une chose rare, bien plus rare que cette pacotille d'unions et de fusions et confusions entre apparence, convenance, nécessité, sentiment, parfois, et sexe, qui fait un mariage. Les mariages sont la norme, l'amour l'exception.
Il observa la mer, il ne la quitta pas des yeux durant de longues minutes, comme s'il avait le pouvoir d'évoquer la silhouette du navire,à l'horizon. Ceux qui savent ce que veut dire attendre dans l'impuissance comprendront.
Il existe un lieu à occuper, dans la vie, et une fois qu'on l'a trouvé, la vie a un sens.
On lui coupa les cheveux, et le geste tranchant de la nonne âgée eut quelque chose de triomphant :
- Ils devaient beaucoup vous gêner sous le voile, hein, ma soeur ?
Mais la soeur ne se prononça pas. Elle avait décidé, pour sa défense, de ne manifester dans ce lieu aucun sentiment, aucune émotion. Elle regarda sa chevelure éparse sur le sol, et eut l'impression de voir le pelage d'un animal mort, encore inutilement doux. Elle pensa au setter, qui s'élançait dans le grand pré de Sevenoaks. La nonne âgée se pencha pour ramasser la chevelure :
- Vous ne le croirez pas, mais mes cheveux avaient la même couleur, et ils étaient encore plus longs, quand j'ai prononcé mes voeux. Elle se tut un instant, puis revint sur le sujet, afin que, dans la tête fille de la jeune femme qui rajustait capuchon et voile, ne naisse aucune idée fausse : Mais j'ai été si contente de les voir à terre, comme toutes les vanités !
Et elle sortit, portant dans son tablier les cheveux qui deviendraient la perruque de quelque dame romaine.
Car il faut dire que les funérailles ont l’avantage, par rapport aux mariages, d’être des cérémonies ouvertes, sans besoin d’invitation, et si la réputation va de pair avec la curiosité, eh bien l’espace d’une église comme Sainte-Radegonde ne pourra que se remplir, telles les alvéoles d’une ruche, la nuit tombée.
"De la nef de l'église s'élevait vers l'autel, l'admiration du public, des ignorants aux cultivés, mais le message visait une seule personne, qui devait comprendre que l'invocation à Jésus Sommo Conforto était un labyrinthe dans lequel la voix cherchait le chemin pour parvenir jusqu'à lui."
...le rite de la messe est du théâtre à l'état pur, et qui y croit en est acteur, qui n'y croit pas est spectateur et suit pas à pas les séquences d'une mise en scène ponctuelle...d'une dramaturgie parfaite qui se répète, à l'identique, depuis des siècles.