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Critiques de Maryna Uzun (188)
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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

« Sur quoi oeuvres-tu, maman griffonneuse, dactylographieuse, maman engloutie ?

— J'écris sur les arbres, les hommes aussi, car je les confonds, voisinant parfois dans le même cadre…

— Tu aimes ton végétal comme un vrai humain ?

— J'aime plutôt l'homme comme une pinède ! »



Chers lecteurs et amis Babelio, après un bienheureux piétinement poétique de cinq ou six ans, je me suis relancée dans le roman !

Mon titre, vous rappelle-t-il les oisillons des parcs urbains ? C'est une prose rongée de vers comme le granit de lichen. C'est une prose bénie de vers comme une vie d'une passion. Galilée s'émerveilla : « Et pourtant elle tourne ! » Pourtant c'est un roman ! ai-je envie de crier. Récit où je slame et m'exclame… Vous trouverez cela barbant si vous ne prisez pas l'aspect dense, et même cursif, rabougri, de la poésie contractée. C'est une fiction qui nous ressemble, moi qui notais, lui qui dribblait, et nous shootions, nous nous pendions chacun à son panier de songes…

J'ai traversé le Rhin, écouté Novalis, je me suis cachée dans le myosotis romantique pour réunir l'onirisme et le monde réel, comme un trouvère en quête de l'amour absolu.

En un camaïeu volubile et hyperbolique, mon dégradé de vert, abreuvant mon âme avide, j'ai décliné à loisir mes tags de prédilection : rêve, pluie, ardeur, poème, liane, sylve, lac, lilas… Vous, feuilles, troncs et branches, mes membres, mes torses, mes peaux ! Bourrée comme un coing de rimes, je me suis muée en Ève !









La suite, ce n'est ni une critique ni un préambule mais un texte qui révèle le caractère du livre, plonge dans son ambiance et ses exaltations gardant le « je » initial de la narration. Commencer par un épilogue, n'est-ce pas une bonne approche ?

La vie, versatile, est impossible à cerner. Elle persévère alors que ce livre se fige. Il n'est qu'un oeil-de-boeuf parmi d'autres éclairant le creux de ma paume... Dès qu'une fin fragile point, une nouvelle intrigue se dessine déjà à l'horizon.



***

Je quitte très tôt mon appartement. La nuit règne encore sur ma promenade. Gisent sagement sur l'échiquier sombre d'un plan d'eau étroit les paons aquatiques. Je ne compte que sur les lampadaires, épouvantée par le désert des lieux. le givre m'enjôle couvrant chaque brin. Tout endolori, près de se casser, mon index semble un bâton de cannelle. Mon pompier agile qui n'est pas venu éteindre le feu de ma foudre en boule, que je voudrais épier sa tenue de course par ces temps gelés, l'entrevoir d'un oeil ! A-t-il un bonnet ? Est-il en collant, sous un coupe-vent, ou toujours sans rien ?

Loin de notre idylle, j'opère mes boucles de Paris-boudeur. C'est ainsi qu'un schéma de la Ville-Lumière se montre à ma vue : dans sa fraise clownesque, juche une tête ronde fendue par la Seine, sa bouche maussade presque édentée ! Bannies soient les cartes !

Ô détail divin ! Sous le pont d'Iéna, le torrent grommelle, remue son prénom, renouvelle encore mon flux de désir. Dans le brouillard bleu du fleuve évolue un petit navire que mon éros berce. Entre les piliers de la Flèche Eiffel, les Sainte Nina et Sainte Rita, les cordes moussues ancrent les péniches. Ces humbles pylônes m'attisent sans fin.

Ma Tour ne sort pas, et c'est le covid qui s'est invité, ennuyé sans elle ! Mais voici mon grog, aux agrumes-mots, une décoction de mes veillées longues, au vin de syllabes, au miel de virgules. Qu'en toutes circonstances, tu demeures ivre ! Quatre pétales de « v », pour ailer ton coeur, et sept pincées d'« i », pour un sourire ample, assaisonnées d' « e », très euphorisants, comme d'une essence naturelle exquise. Puis, à volonté, points d'exclamation !

Mon châle persan, pour ma délireuse ! Tu pionces ou tu brûles, tu racles la gorge murmurant une strophe, apte à distiller une mélodie de ta maladie. Ne sois enrhumée que d'une narine, ne sois obscurcie que du côté gauche ! Vivent nos remakes !

D'un coup j'aperçois le tronçon d'un fût flottant sur les ondes comme un short géant. Salut, mon Baumier, mon témoin muet ! Une mouette grise se pose à mes pieds…

Je tweete et retweete mes « selfies » pour lui, sur un air de Brel. Mais mes lieds cryptés, ma radio de Londres, n'éclaire que moi…

Ce matin hiémal, j'ai froid à la langue à bader la figue au bord de la Seine, à béer devant les arches brumeuses, à foncer depuis trois heures entières dans la vie fermée pour qu'elle s'éventre ! Yeux écarquillés ! Hier, j'ai soufflé ma flamme amoureuse comme une chandelle. Je vais devenir une Laponie ! Et, comme les vieux, tout asymétrique ! Mes encourageuses seront mes deux larmes, mes humeurs du nez !

J'entre aux Tuileries aux piétons épars, hantés de virus. Les paros houssés offrent leur silhouette ou plutôt leur spectre. Je me crois à Vienne où mes doigts de bois peinaient pour capter un lunch d'écureuils, les derniers seigneurs d'un château royal.

Sans raison, je suis montée sur la butte du pont desservant le Palais Bourbon. Là, ma perle rare, je l'ai dénichée ! C'était un trou vague de soleil timide, une lueur baroque, l'éclat tamisé d'un jaune de Naples crevant les nuages et le smog ambiant ! Sous les réverbères encore allumés, dans l'optique amène des ponceaux voûtés, mon Paris loukoum, poudré, impalpable, cité de poupée, s'est ouvert à moi !

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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

Je classerais sans hésiter ce récit parmi les ouvrages romantiques qui me sont chers, inondé qu’il est de cette quête douloureuse d'un amour contrarié. Avec cette différence ou plutôt ce supplément poétique qui en fait une œuvre unique ; un roman qui serait comme un tableau à l’abstraction narrative.



Et ce que je perçois au cœur de cette toile c’est un tourbillon de couleurs, d'odeurs, de parfums et de formes. Des lieux et des silhouettes floues.



Les couleurs irradient, les arbres se prennent pour des hommes, les hommes pour des arbres.



Et la musique tout le temps qui imprègne tout.



Je vois un manège multicolore et son orgue de barbarie qui tourne et tourne, nous enivre, nous empêche de prendre nos repères. Un manège dont je ne veux pas descendre.

Et je pense à « Lucy dans le ciel avec ses diamants », je pense à ses yeux kaléidoscopiques qui ne veulent pas voir la tristesse, sa tristesse.



Le cosmos de Maryna Uzun n’est riche que de quelques éléments : un lac, la Seine, le bois de Boulogne, les arbres, la musique, la tour Eiffel, son fils, la mer un peu.

Mais derrière la prose de l’auteure se cachent ses vers qui nous emmène autant dans un long poème presque épique que dans un roman.

Tout y chatoie. Pour elle tout est mots, rimes, quatrains, alexandrins.

Une interface splendide qui fait que son cosmos en devient presque infini.



J'ai l'impression que Maryna me décrit un univers différent dans lequel je me fonds.

Comme elle lui appartient, elle en parle le langage. Une langue qui sonne dans mes oreilles, une langue qui résonne dans mon cœur, une langue qui n'est pas la mienne, mais que je comprends si bien pourtant et que j’aime.



Parfois cependant je redescends car c’est un roman, il y a une trame : il y est question de son amour, de fidélité, d'un enfant, de désamour, de dénigrement, de tentations, de refuge dans ce monde qui n'appartient qu'à elle et qui la sauve, de promesse d'un nouvel amour, d'emballement, de souffrance, de résignation, de désespérance, d'idéalisation, de désillusion, de trahison



Vous voyez ; il s’agit bien d’une œuvre romantique ; les ingrédients y sont et il y a ce supplément d’âme qui en fait un objet unique : un roman-poème-romantique.



Un voyage troublant qui m’aura marqué.

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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

Roman, poème fleuve, journal intime où l'auteure grime sa vie d'écrivaine, de mère, d'épouse, de femme: un bouillonnement d'images qui se bousculent, d'émotions qui se prennent les pieds dans leur évocation, de "tristesses primesautières", de citation assumées ou non de ces poètes d'antan qui, depuis leur silence éternel, lui soufflent leurs vers immémoriaux.

Le lecteur se sent pris dans un long jogging, quasi inépuisable, où, à chaque foulée, mots et émotions explosent en métaphores. Il y a les êtres, réels mais rien de plus qu'humains, il y a les fantasmes qui parfois s'épuisent puis la nature jamais décevante, jamais déçue, dépositaire de ce monde rêvé ou écrit.

Il y a donc enfin l'écriture rédemptrice à laquelle elle s'accroche à pleine mains.

À la fin de la lecture, n'oublions pas de revenir au titre : cet apparent jeu de mot "primesautier" bien innocent cache une vérité profonde, brûlante, propre à tout poète : se nourrir d'émotions, c'est se donner de la matière à écrire mais aussi un labeur certain, une douce mais implacable souffrance. Mettre à nu son vécu, c'est aussi risquer ce qu'il y a de plus fragile dans l'écriture: l'expression d'un "je" qui se survit à peine.

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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !



J’apprécie depuis longtemps les citations de Maryna Uzun postées par des lecteurs de Babelio, il me tardait d’aller plus loin et de me pencher sur un de ses livres.



Et je découvre ce titre insolite et sublime !



De suite, pourrait se poser la question - mais est-ce vraiment important - ce livre est-il un roman ou un long poème ? Maryna Uzun nous donne immédiatement sa réponse :

“C’est un roman rongé de vers

Comme le granit de lichen.

C’est un roman béni de vers

Comme une vie d’une passion.



L’originalité et la beauté du titre donne le ton, tout au long de ma lecture, je retrouve des images ou des associations surprenantes.



Comment, après une vingtaine de pages, allais-je réagir devant ce texte étonnant, moi qui ait, comme Casimir, l’époux de la narratrice, le défaut d’avoir un esprit cartésien ?

Ce ne fut pas un obstacle, je me connais, j’ai besoin de la poésie pour oublier ce défaut. Je me suis laissé apprivoiser par le récit, sans le dévorer d’une traite, le texte se déguste, il m’a pris la main, j’ai cheminé lentement avec lui et, en retour, il m’a fasciné.

Je l’ai relu ensuite, et d’une traite, à voix haute pour me laisser porter par sa musicalité, il se révèle alors encore davantage.



C’est un livre qui se savoure, je le lis, je m’en imprègne, je le relis, je le laisse de côté pour y insérer du silence - ce silence si musical entre deux mouvements de sonate - je laisse mon esprit vagabonder, je jouis de l’empreinte qu’il a laissé en moi, il ne m’abandonne pas, ses images subsistent en moi.



Il m’a entraîné dans le square des poètes « déterrer des rimes éteintes sous le feuillage bas des bambous verdoyants », que de brillantes phrases m’y accompagnent ! Et la magie continue avec la découverte du fils adoré, au prénom tiré de l’elisir d’amore, Némorino - les références musicales ne manquent pas …, Casimir, l’hautain cartésien, l’époux possessif qui ne la comprend pas et dont elle s’éloigne « Où t’es-tu évaporé, Étalon adoré ? Il n’est plus que tes yeux pour m’aimanter vers toi ! ».

J’ai aimé l’apparition du joggeur inconnu, « Poli comme un galet marin, luisant comme un têtard géant, c’est un triton sorti du lac aux larges épaules humaines », et la quête éperdue de la narratrice pour le revoir, et l’idéalisation qu’elle en fait.



J’ai aimé ce livre, agrémenté de plus par de belles photos ou illustrations, j’ai aimé le style de Maryna Uzun, imagé, parsemé d’adjectifs vieillis, j’ai aimé parcourir ce trajet avec elle

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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

C'est une balade (et ballade) allègre sous un ciel mélancolique et changeant qu'accroche la tour Eiffel. C'est un parc aux poètes, on peut même les y lire ; la nature est luxuriante ; au sein d'un lac transparent, peut-être une Ophélie parle-t-elle d'une "brûlure lointaine".



C'est l'histoire d'un amour et de ses limites "mon mari édredon qui bande pour moi et me croit bécasse".



C'est une veine foisonnante, fulgurante et poétique, la lirait-on une centaine de fois qu'on y rencontrerait toujours des mots inconnus, des vocables oubliés, d'autres enchantements encore, ceux de l'héroïne qui vient "fêter ses étonnements".



Parfois, un prince au nom oriental apparaît furtivement et caresse l'imaginaire fantasmé de la femme. Les mots qu'elle lui a écrits resteront lettre morte. "Les miroirs endormis ne lui renvoient plus rien".

"Rien ne dure, oh cette lugubre loi - Rien sauf la règle elle-même". Mais des gestes inauguraux furent-ils vraiment posés ?

Son fils, complice et confident, s'emploiera à la consoler de ce "fiancé tombé du camion".



Reste l'irrépressible joie de vivre de la reine du domaine, le réconfort des arbres, des cygneaux près du lac, un envol de pluviers dorés, d'exquises images dans le livre et ces poètes que nous ne nourrirons pas.
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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

Merci pour m'avoir envoyé ce manuscrit si personnel. Je choisi de ne pas mettre d'étoiles par "conflit d'intérêt" comme diraient nos politiciens qui maîtrisent bien la chose.

Pour qualifier l’œuvre, on peut parler de poésie, ou peut parler d'emballement, on peut parler de plein de choses...

Il est difficile de le situer littérairement pour un néophyte et c'est peut être mieux ainsi.

J'ai lu des tas de citations qui en sont issues et à chaque fois, je les ai trouvé ... belles? folles? débridées? osées?

C'est je crois respecter le texte de ne pas trop en dire. Il faut simplement se laisser porter par les mots. A moins qu'il ne faille les porter, eux., au creux de nos oreilles, les dire, les murmurer, les crier...



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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ! Qu'il est bien intrigant ce titre que nous propose notre amie poétesse Maryna Uzun ! J'ai pensé forcément aux pancartes posées sur les paysages picorant les yeux, picorés d'oiseaux dans nos parcs urbains. J'ai imaginé Maryna Uzun écrivant ces vers en se promenant dans le Parc du Luxembourg, ou bien pourquoi pas le Parc Montsouris. Un petit sentiment de nostalgie me vient alors en pensant à Jacques Higelin que j'embrasse là où il est et pour qui le Parc Montsouris était le domaine où il aimait tant promener ses anomalies en pensant à son père...

Maryna Uzun aime aussi promener ses anomalies dans des pages dévorées par les vers...

En poétesse inspirée, elle m'a ouvert les grilles d'un parc aux songes désuets. J'y suis entré comme on entre dans une chapelle vide, comme on entre en amour pour la première fois, dans le vertige d'une amante, s'y perdre comme au bord d'un puits...

Eh bien moi je les aime les poètes et je les nourris... Je les nourris de mes désirs ardents, de mes soifs d'azur, de mes lointains rivages à portée de mains, de regards, de respirations...

Roman-poème ou poème-roman ? Telle n'est pas la question.

Maryna Uzun nous ouvre ici les portes de son coeur. C'est un oiseau blessé mais qui rit encore aux éclats, comme pour faire semblant. La poésie sait faire cela.

C'est l'histoire d'un amour éperdu, qui a du plomb dans l'aile.

Un vers à moitié vide ? Un vers à moitié plein ? Et me voilà renversé dans les mots de Maryna Uzun.

Mon vers est plein d'odeurs légères et je veux boire jusqu'à l'Eulalie.

Dans ces arabesques insolites, je m'invite à perdre pied, à perdre mon âme peut-être. C'est un paysage intérieur façonné d'ivresses.

Ce sont des vers aléatoires qui retiennent le désir comme des digues...

Des vers parfois solitaires pour cheminer dans les sentiers intérieurs.

Des vers correcteurs pour atténuer la douleur ténue du monde.

Comment noyer son chagrin dans la succession et l'entrechoquement des vers ?

Allez ! Venez ! C'est ma tournée.

J'ai aimé ce vagabondage des mots où l'intime prévaut toujours.

Heureux paysage où les frontières sont abolies. Où les pas sentent les herbes folles, les mauvaises herbes comme je les aime. Où les mots effleurent l'épiderme... Sur la partition des pages, les mots jouent des sonates impromptues.

Au pied des arbres, les vers s'insinuent grouillant de vie et d'azur.

Ce jogger que la poétesse croise et qui court en sens inverse, où court-il donc ? Est-ce qu'il se pose lui-même la question ? Où cours-je ?

Dans les parcs solitaires, des femmes des hommes courent, des oiseaux picorent, les pages des livres s'envolent sur le bord des bancs publics...

Ce sont des mots qui nous dévorent des yeux.

Ici un corps se souvient sans cesse...

Primesautière et facétieuse est l'écriture de Maryna Uzun.

Douloureuse aussi pour qui sait lire entre les lignes, écarter le store, approcher une main qui se souvient encore des gestes d'autrefois si bien apprivoisés.

Inviter la lune, la décrocher, y poser un baiser astral...

Exister dans l'entrelacement des phrases, dans la blessure torride qui tangue et s'ouvre.

Les philtres magiques n'ont plus cours. Quelqu'un a perdu la recette, elle est tombée au fond d'un puits à force de s'y pencher, alors il faut baisser le store, baisser les bras, arpenter d'autres corps...

Bucoliques, mélancoliques, érotiques sont les errances de Maryna Uzun.

Marier les mots dans l'atelier d'un alchimiste, c'est l'alliance improbable dans le creuset d'un livre qui devient vivant et nous emporte dans l'eau vive d'une amante fugitive, son corps emporte en moi des torrents de gourmandise.

Marcher dans les allées d'un parc, s'éprendre d'un chêne, d'un cèdre, ce saule qui penche vers nous, ce cerisier à portée de la main, ce pommier allègre.

Comment continuer d'étreindre un amour lorsque celui qu'on aime devient trop conformiste pour imaginer l'horizon, inviter l'impatience des oiseaux ?

Sous le feuillage callipyge des arbres, se cachent des endroits aux abîmes insoupçonnés, j'ai effeuillé le désir sous la page tant convoitée.

Les arbres s'éprennent entre eux dans le carrousel du parc. Il y a des odeurs de barbe à papa. C'est la quête mélancolique d'un amour qui fut, d'un amour qui fuit comme un robinet mal fermé. Les amours contrariées ont quelque chose de tenace, reviennent comme la rengaine d'un orgue de barbarie qui entame une valse et fait tourner le paysage. Peut-être ainsi peut-on effacer tout et s'offrir une chance de tout recommencer ?

Posée sur mes paupières fermées, la langue de Maryna Uzun m'embrase, s'immisce sur ma peau, m'éveille aux sens, chatoyante à l'oreille comme une promesse éprise et troublante, comme une désillusion qui s'en va...

Parfois elle invite un prince oriental, un joggeur du matin qui sent encore la lessive, un pluvier majestueux, un paon qui tourne autour du matin comme une brouette ensorcelée.

Elle réveille les miroirs endormis, nous invitent à les traverser. Elle est cette reine d'un royaume joyeux et triste à la fois.

J'ai ouvert cette cage fermée depuis trop longtemps et les mots se sont envolés comme des funambules.

Affamée, inventive, impudique, libre, telle est l'écriture de Maryna Uzun...

Les circonvolutions ont dressé leur chapiteau, la piste aux étoiles jette un peu de sable dans nos yeux ébahis.

Vous aimez les poètes, ne les enfermez pas, même dans des cages dorées !

Le soir vient, je m'en vais, je referme les grilles du parc.

Le livre peut s'envoler comme un oiseau apaisé.

Vous reprendrez bien encore un vers ?



Merci chère Maryna pour cette invitation magnifique, pour ces mots qui m'ont apprivoisé.

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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

« Pourtant c'est un roman !

Ai-je envie de crier.

Récit où je slame et m'exclame… »



C'est grâce à l'incipit du roman que j'ai pu découvrir une des premières clés nécessaire à l'entrée dans le monde poétique de Maryna Uzun. Avec son slam qui lui est particulier, elle sait utiliser les mots de tous les jours avec une grande liberté, comme les mots anciens de la littérature française qu'elle sait manier aussi avec une main de maître … Pour comprendre son livre-poème, il faut accepter de se laisser emporter par le flot impétueux de sa prose sans lui résister. C'est une écriture-baïnes où il ne faut pas chercher à lutter contre le courant mais se laisser porter par lui.



Mais ces phrases libres résonnent aussi comme une mélodie. Pas besoin de les entendre, il suffit de les écouter au lieu de les lire. Alors comme pour le chant des oiseaux où en vous concentrant sur les sons vous pouvez comprendre leur langage; de même chez Maryna Uzun, en vous arrêtant sur la sonorité des mots, vous pénétrez au coeur de sa poésie musicale. C'est dans le titre du roman que vous trouverez cette deuxième clé : « Si vous aimez les poètes (oiseaux), ne les nourrissez pas ! ». Une clé nécessaire à une exigence d'écoute qui est obligatoire à la compréhension de cette partition autant musicale que littéraire.



Après les flots et la musique des mots, c'est de la couleur qu'émerge notre troisième clé. Ces lettres se transforment en véritables tags plus proches de la peinture que de l'écriture. Ils sont une palette aux couleurs infinies où la plume de l'auteur se transforme en pinceau. On assiste à une explosion de nuances où les roses sont bleues, la terre devient bleue comme une orange, une coccinelle est jaune tango et la chaîne des ponts de Paris se pare d'un magnifique violet. Maryna Uzun nous dévoile son don pour le street art en repeignant les lieux publics, nos rues et nos murs en rouge, en jaune, en rose et en bleu. Tout son univers est pénétré de lumière…



La dernière des clés nous ouvre la porte d'un monde qui est continuellement en mouvement. de Simha, son amoureux adepte de la course à pied qu'elle a rencontré lors d'une de ses promenades au parc ; à son fils Nemorino et aux rebondissements incessants de son ballon de basket, tout est prétexte à bouger, courir... « Je danse avec ma plume, avec mon coeur battant, pour mon serin rêvé, pour mon amour, j'oscille, confinée au château, dans mon jardin taillé, dans ma cour intérieure, au bord de mon étang ». Oui, Maryna Uzun danse avec sa plume et nous emmène dans un tourbillon effréné de marches et de démarches, de sports, de dribbles, de sauts, de vols, de liberté.



Les quatre clés trouvées ne sont donc pas des clés ordinaires, elles sont là pour vous ouvrir les portes de son multivers. Celui-ci est souvent déroutant voire déconcertant. Il est difficile de le parcourir sans ces laissez-passer. En véritable magicienne des mots, elle risque de vous perdre dans son dédale d'écrits inventés, inventants ou inventifs. Vous pourrez également ne pas comprendre sa musicalité par manque d'attention, être trop éblouis par ses couleurs et surtout être emportés dans le flot de ses locutions comme par sa danse endiablée. Oui c'est cela Maryna Uzun une composition de mots, de musique, de couleurs et de mouvements, le tout lié magistralement voire magiquement.



Merci Maryna pour ton surprenant roman !!! Un seul regret à te signaler le baiser que la narratrice n'osa pas prendre et au coeur de Simha qui doit l'attendre. Et quand on sait que la sim'ha signifie le sentiment de joie qui s'éveille en l'homme quand il a réussi à combler un manque, on est peut-être un peu loin du compte…



« Aux baisers qu'on n'osa pas prendre

Aux coeurs qui doivent vous attendre

Aux yeux qu'on n'a jamais revus.

Alors, aux soirs de lassitude

Tout en peuplant sa solitude

Des fantômes du souvenir.

On pleure les lèvres absentes

De toutes ces belles passantes

Que l'on n'a pas su retenir. »

Les Passantes de Georges Brassens (1972) d'après un poème d'Antoine Pol.

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