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3.99/5 (sur 69 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Croix , 1980
Biographie :

Matthieu Zaccagna est né à Croix en 1980. Après des études de gestion et de communication, il s'installe à Paris, où il exerce toutes sortes d'activités dans le secteur culturel. Depuis 2006, il travaille à la production de concerts à la Cité de la musique-Philharmonie de Paris. Lorsqu’il rentre chez lui, il écrit. Asphalte est son premier roman.

Source : Noir sur blanc
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Tu serres les dents. Te montres dur avec toi-même. C’est douloureux mais tu finis par t’y faire. T’as plus le choix. Tu te poses pas de questions. Tu t’y fais car la douleur vaut mieux que l’enfermement, la souffrance que la haine. T’as bien compris ? Alors, maintenant, avance.
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Mais j'ai réalisé que je pouvais avoir deux vies qui cohabitent. Une vie consciente, d'instinct, de rage, d'effort physique. Et une autre, inconsciente, de tristesse, de nostalgie, de mélancolie.
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- - - J’imagine la neige recouvrant tout, les rues silencieuses, les voitures, les routes, les trottoirs, le bruit des moteurs assourdis, l’atmosphère cotonneuse s’emplissant d’une lumière blanche, les flocons virevoltant dans l’air glacé, léchant délicatement le sol.
À l’exception, peut-être, des traces de pas de quelques marcheurs aveugles, les flocons de neige emportent tout, soignent, guérissent. J’avance encore dans la nuit blanche. Il doit faire trente degrés, mais mes cils gèlent. Je me roule par terre, dans la neige pure, immaculée, douce sur ma peau. Je m’y blottis. Me sens d’une autre terre, lointaine, oubliée, balayée par le vent. Le froid attaque mes lèvres gercées. Bientôt, je ne suis plus capable d’articuler le moindre mot ni de faire le moindre geste. Le vent fouette mon visage, l’anesthésie, le rigidifie, le couvre de givre. Alors il n’y a plus rien, plus de douleur, plus de battements de cœur.
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De Justine, j’ignore tout. Je m’en rends compte. Hormis son obsession pour ce trompettiste. Comme je ne sais de Rachid que son obsession pour le skate. Des obsessionnels. Qui se tiennent à la lisière des choses, pas loin du vide. Ailleurs que là où c’est normal. Ailleurs qu’à l’endroit où les gens veulent les ranger, les classer, faire en sorte qu’elles les laissent tranquilles, ces choses. Voilà ce que je me dis. Nous partageons une sorte d’inadaptation. Qui m’attire comme une force vive, par un lien indistinct, sans que je sache pourquoi.
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L’atmosphère est lourde malgré une légère brise. J'ai toujours mal aux côtes, mais j'avance, m'assure que j'ai toujours mon sac, le plaque contre moi. Par la rue des Dames, nous débouchons sur le haut de la rue Nollet. «Là», annonce Rachid d’une voix grave, tout en s’accroupissant. En silence, il gratte sa planche contre le bitume. Sort la clé à molette. Serre les roulements de son skate. Enfonce ses doigts au plus profond de ses gants. «Sept cents mètres. On fonce jusqu’à Cardinet. On ne s'arrête pas.» Je réprime un mouvement de recul, garde le silence face à la perspective d’une telle folie. Il y a quatre perpendiculaires pour arriver jusqu’à Cardinet. Rue La Condamine. Rue Legendre. Rue des Moines. Rue Brochant. p. 48
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Je le lui dis alors, à Agnès. Silencieusement, par la pensée. Je l’implore de ne pas parler. J’ai renversé de la purée fade sur mon pantalon et ça a fait une grosse tache fade, mise en lumière par l’éclairage fade de la cuisine fade, ce qui a pour effet d’énerver sévèrement Louis, qui n’a vraiment pas besoin de ça, n’est-ce pas, qu’on se comporte ainsi comme des malpropres, bande de porcs, même pas foutus de manger convenablement. Mais Maman croit bon de s’interposer pour une fois, de vouloir tempérer, « Allons, c’est juste de la purée, ça partira à la machine. C’est moi qui m’en occuperai ». Et puis quoi encore ! Y’avait un doute là-dessus ? rugit Louis en m’en collant une, ce qui fait crier Agnès, transforme sa crainte en peur. Je lui répète par la pensée, le visage plein de purée dans laquelle ma tête a plongé en raison de la violence de la claque, lui dis intérieurement d’arrêter d’avoir peur. « Baisse la tête, Maman », voilà ce que je lui dis. Mais la table se dresse à la verticale et tout ce qui est dessus se renverse par terre dans un vacarme effroyable. La purée fade s’étale partout sur le sol fade de la cuisine fade, sur le carrelage fade aux couleurs fades, un mélange d’orange et de vert fade des années soixante-dix. Nous sommes misérables, petits et misérables, sales vermines, et je ne sais plus très bien ce qu’il vaut mieux faire dans ces cas-là, rentrer en moi pour me dissoudre ou sortir de moi pour tenter de ne plus m’appartenir.
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Une course agressive, sauvage, destinée à faire mal. Mes jambes écrasent le bitume comme ses mots martèlent mon cerveau. Mes pieds heurtent le sol, font vibrer mon corps. La douleur impérative, nécessaire, donne un sens à l'effort furieux. Sans douleur, pas de course. Je cours sale. M'échappe de moi, m'agresse.
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(Les premières pages du livre)
Courir déterminé, en un bloc solide, résistant. Se faire violence, serrer les dents, plisser les yeux, broyer l’asphalte. Courir vite, sentir la vie, maintenir l’urgence, ne jamais ralentir, jamais faiblir. Respirer fort, mécaniquement, trois inspirations, trois expirations, toujours, même dans les montées. Sentir qu’on brûle, qu’on arrache cette chose, qu’on tient bien là, doigts moites, mains tremblantes. Cette chose qu’on serre, qu’on use, qu’on épuise, ce corps qu’on purge, que diable peut-il contenir pour qu’on l’éprouve ainsi ? Courir avec méfiance, avec défiance, sans compromis, sans concession, slalomer entre les voitures, les piétons, les deux-roues, les laisser derrière, tous. S’échapper, partir d’ici, partir de soi. J’avance dans les quartiers nord de la ville. Mes cuisses sont en vrac. Mes genoux, pareil. Je ne m’arrête pas. J’abîme la douleur. Dans l’aube naissante, la brume se dissipe sur l’eau du canal. J’ignore combien de temps je vais pouvoir tenir comme ça.

Il arrive encore que je déraisonne quand je repense à ma course dans les rues de Paris. À ma fuite, ma fugue, jamais trop su comment appeler ça. Au coin de la rue Étex, je marque un temps d’arrêt, ferme les yeux, prends une profonde inspiration. Pense à Kadidja, à Rachid, répète lentement leurs prénoms, tout bas puis à voix haute. Autour de moi, les gens me dévisagent, me prennent sûrement pour un dégénéré, je ne peux pas les blâmer. Au bout d’un moment, j’arrête de dire Kadidja, j’arrête de dire Rachid, pourtant je continue de penser à eux. Je me calme, redeviens serein. Je sais que je vais mieux. Le temps a passé, les crises s’espacent. Je ne suis plus seul. Kadidja veille sur moi, Rachid aussi.
Sans Rachid, je ne serais pas là pour parler d’avant. Il a fait irruption lorsque je ne m’appartenais plus. J’ai tout de suite aimé son appétit de vie. De vitesse, aussi. Sa manière de glisser. Son obstination. Il prend des risques inconsidérés. Avale le bitume. Oublie son corps. J’observe son œil luisant, son visage déterminé. Je le regarde fixer l’obstacle, se mettre en position, surmonter l’épreuve. Rien ne l’arrête. Il tombe parfois. Quand sa tête cogne par terre, il se relève, adresse au monde un regard résolu, l’air de penser que la chute n’est pas une option. Puis il y retourne. N’abandonne jamais. Et quand il arrive à ses fins, il hurle de rire, de grands éclats au cours desquels je ne pense plus à rien. Alors ce rire déboule en moi, incontrôlable.
Sur le trottoir, je prononce son prénom à voix haute, une nouvelle fois. Repense à nous deux dans la nuit. Nos sessions, comme on les appelait. Course effrénée dans la ville endormie. On ne calculait rien. Il n’y avait que nous. On se laissait porter. On allait trop vite. On savait. Mais plus on prenait conscience du danger, plus on accélérait. Plus je prenais mes jambes à mon cou. Serrais les dents. Hurlais intérieurement. Plus Rachid mettait les bouchées doubles, sa planche rugissant à des degrés variés selon l’état d’usure du bitume. Le danger, on ne faisait rien pour l’éviter. On lui disait « Qu’est-ce t’as ! » On lui disait de la fermer. Traversant les boulevards à l’aveugle. Débouchant à fond au coin d’une rue en pente. Nous exposant à l’arrivée d’un engin qui nous aurait réduits en bouillie.

Je sens les moteurs bourdonner sur l’avenue, les véhicules démarrer en trombe, fuser autour de moi. Je pénètre dans l’enceinte du Carrefour Market. Ravale mes angoisses en même temps que les portes du supermarché coulissent derrière moi. De part et d’autre des rayons déserts, des étagères ploient sous une masse de produits conservés, plastifiés, réfrigérés, congelés, mondialisés. Les enceintes crachent une musique de variété polluée par des nappes de synthétiseurs eighties. Je déambule dans les rayons, ma liste de courses froissée en main. Tout est coloré, bien rangé. Tout clignote, rutile. Je suis censé trouver des légumes, mais à cette simple tâche j’échoue. Lassé de cette lumière artificielle, de cette accumulation absurde de nourriture, je ressors les mains vides, sans un signe pour la caissière absorbée par l’écran de son iPhone.
J’erre au hasard des rues. Cherche un autre endroit pour faire mes courses, me rassure en pensant qu’avec Kadidja et Rachid nous avons trouvé un équilibre, que depuis le temps nous formons ce qu’on pourrait appeler une famille. Sorte de. Je formule clairement ce mot dans mon esprit. Famille.

Lorsque je vivais à Fécamp, avant qu’il ne m’embarque dans sa Xantia pour Pantin, je me demande si pendant cette vie-là, je peux dire que j’ai eu une famille. Je ne sais pas. La manière dont il me plaquait contre son torse, me serrant fort dans ses bras au milieu du salon. Elle nous regardait, assise sur le canapé, un faux sourire aux lèvres, nous écoutions de la musique et tout redevenait calme dans nos têtes. Oui, il nous arrivait de passer de bons moments tous les trois. Mais ça ne peut pas être ça, une famille. Kadidja me l’a répété mais je n’ai jamais su entendre raison.
Je m’appelle Victor, j’ai dix-sept ans et c’est à peu près la seule chose dont je sois sûr puisque je ne peux plus parler à la dame en noir. Maintenant, c’est à moi que je parle, mais c’est douloureux et insuffisant. Papa ne parle pas, il hurle, crie, devient tout de suite très rouge et très violent. Je pleure souvent parce que je sais que Maman ne reviendra pas et que je ne peux rien faire pour changer ça. Il n’y a plus que Papa depuis que nous sommes arrivés à Pantin et la situation a encore empiré depuis qu’il s’est mis en tête d’écrire à plein temps. Il aurait mieux fait de continuer à vendre ses composants électroniques sur le quart nord-est de la France, au moins ça nous aurait fait de l’argent. Là, nous vivons des minima sociaux. Biscuits et boîtes de conserve. Pain sec et produits périmés. Je sais très bien qu’il faut que je sorte d’ici. Je sais très bien qu’il faut que je voie d’autres personnes. Je sais très bien qu’il faut que j’arrête de m’instruire uniquement à travers les écrits de Louis car Louis est cinglé et il me fait apprendre les choses de manière bancale. Je m’appelle Victor, je regarde à l’intérieur de moi, mais à cette époque, il n’y a que des voies sans issue.
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Je laisse Papa derrière. Rachid devant. Mon objectif? Le rattraper.
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Papa est l’auteur d’une fiction fondée sur notre histoire, mais cette histoire est imprécise, fantasque. C’est sa vision déformée des choses, dont il tente de me faire accepter l’authenticité. Mais j’enferme la douleur, et cela, Louis l’ignore. Je me robotise. Les mots n’ont plus aucun sens. Je deviens hermétique au cerveau malade de Louis. Vide à l’intérieur de moi quand je récite son texte.
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