AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Maurice Denis (23)


Il nous libérait de toutes les entraves que l’idée de copier apportait à nos instincts de peintre. À l’atelier où le réalisme le plus grossier avait succédé à l’académisme falot des derniers élèves d’Ingres ; où l’un de nos professeurs, Doucet, nous conseillait de relever l’intérêt d’un sujet d’esquisse, emprunté à la Passion de J.-C., en utilisant des photographies de Jérusalem ; — nous aspirions à la joie de « s’exprimer soi-même », que réclamaient si instamment aussi les jeunes écrivains d’alors. La théorie des équivalents nous en fournissait les moyens, nous l’avions tirée de son imagerie expressive ; il nous donnait droit au lyrisme ; et par exemple, s’il était permis de peindre en vermillon cet arbre qui nous avait paru, à tel instant, très roux, pourquoi ne pas traduire plastiquement en les exagérant ces impressions qui justifient les métaphores des poètes : affirmer jusqu’à la déformation la courbure d’une belle épaule, outrer la blancheur nacrée d’une carnation, raidir la symétrie d’une ramure que n’agite aucun vent ?
Commenter  J’apprécie          71
Incidemment la question se pose : faut-il restaurer ? Maintenant que les Musées, les sociétés d’amis des monuments, les catalogues et les archéologues ont tari ou à peu près notre faculté créatrice, faut-il faire l’éloge du vandalisme ? Nos pères, au XVIIe et au XVIIIe siècles, se croyaient permis d’ajouter, dans le goût de leur temps, des ornements, des autels, des transepts, des façades aux vieilles nefs des cathédrales. Une verrière tombait en ruines : ils la remplaçaient sans scrupules, ou simplement la consolidaient de plombs quelconques, au hasard des cassures. Leur style à eux, croyaient-ils, était toujours préférable aux styles du passé. Cette illusion féconde nous manque, définitivement.
Commenter  J’apprécie          51
« De toute part, disait Albert Aurier dans l’article-manifeste de la Revue Encyclopédique, on revendique le droit au rêve, le droit aux pâturages de l’azur, le droit à l’envolement vers les étoiles niées de l’absolue vérité. La copie myope des anecdotes sociales, l’imitation imbécile des verrues de la nature, la plate observation, le trompe-l’œil, la gloire d’être aussi fidèlement, aussi banalement exact que le daguerréotype ne contente plus aucun peintre, aucun sculpteur digne de ce nom ».
Commenter  J’apprécie          50
Qu’est-ce qui distingue entre eux les peintres modernes ? C’est souvent la vision (comme je l’ai expliqué plus haut) : plus souvent le procédé, le sujet plus souvent encore.

Quelles imaginations identiques ! Ils suivent tous la même mode. Et si l’un s’avise de révéler une fantaisie nouvelle, — au lieu de modifier, oh ! très peu, comme il convient, l’éclairage ou le modelé de l’autre, — le beau scandale !

(Définition du Néo-traditionnisme, page 12)
Commenter  J’apprécie          40
M. K.-X. Roussel exposa naguère une suite de paysages de l'Ile-de-France d'une beauté déjà très générale : larges aspects de terres nues, bois dépouillés, frondaisons d'automne, coteaux, silhouettes d'arbres, profils blancs de nuages entrevus dans des ciels clairs ; — ou bien encore c'était la Normandie, grasse et verdoyante, où les pommiers alignent leurs masses sombres, où la mer grise apparaît par delà les toits gais des villas, et les fermes.

Cette remarquable série de notations, pastels et dessins rehaussés, qui eût suffi à établir la réputation d'un peintre, n'était que des croquis, des études pour des tableaux dont nous venons de voir, soit des états achevés, soit des esquisses. Les souples caprices d'une technique très libre et ces délicatesses d'œil ne devaient servir qu'à enrichir, à meubler de réalités une imagination toute apte à créer des ensembles, à faire vivre dés personnages de rêve dans des décors vrais, à inventer des scènes où l'être humain occupe dans la nature la place classique.
Commenter  J’apprécie          30
Oui, l'attitude du primitif est celle d'un enfant, et c'est pourquoi elle est profondément religieuse. Il voit la nature avec des yeux d'enfant, tandis qu'un moderne la voit avec des yeux de peintre. L'observation d'un primitif, de Giotto par exemple, ne porte pas seulement sur les apparences mais sur les qualités usuelles des objets. Il les regarde avec une âme neuve, et sa curiosité est autant d'un savant que d'un artiste. Il tient à nous définir et à nous expliquer ce qu'il voit et ce qu'il sait des objets. Sa gaucherie est donc le témoignage de sa sincérité.
Commenter  J’apprécie          30
L'admiration irraisonnée des tableaux anciens où l'on cherche, puisqu'il faut les admirer, des rendus consciencieux de « nature » a certainement déformé l'oeil des maîtres de l'École.
Commenter  J’apprécie          30
Incidemment la question se pose : faut-il restaurer? Maintenant que les Musées, les sociétés d'amis des monuments, les catalogues et les archéologues ont tari ou à peu près notre faculté créatrice, faut-il faire l'éloge du vandalisme?
Commenter  J’apprécie          30
Remarquez que moi qui vous parle, j'admire autant que quiconque notre grand Poussin, et même le Dominiquin et même l'Aurore du Guide et la Galerie des Carraches au palais Farnèse, et la Farnésine, et le palais du Té à Mantoue, et Lebrun à Versailles.

Mais il est question d'art religieux. Lorsque je suis touché par un Rembrandt ou par un Primitif, je constate que ce maître-là n'a pas cherché la beauté dans l'idéal classique, dans une forme séparée de la matière, comme dit saint Thomas, mais dans un contact respectueux et tendre avec la nature concrète. Il n'y a rien de païen, rien de platonicien, rien d'idéaliste dans son esthétique ni dans son art. Il aime, avec tout son cœur, la réalité du bon Dieu.
Commenter  J’apprécie          20
On ne trouvera dans ce livre ni une histoire de l'Église, ni une histoire de l'Art. Nous indiquerons comment les moeurs artistiques et la culture de chaque époque se sont adaptées aux besoins liturgiques et dogmatiques de l'Église, aux divers aspects de la pensée chrétienne. C'est le rapport entre les civilisations changeantes et la Religion immuable dans sa vérité, mais variable dans ses manifestations, qu'il importe de montrer. Les monuments de l'art sacré sont l'image des conceptions théologiques, sociales et artistiques des siècles qui les ont créés.
Commenter  J’apprécie          20
Que survivait-il de l'ancienne Académie ?
L'enseignement dit officiel était à peu près nul. Son éclectisme, son empirisme datent de loin. Il en faut faire remonter l'origine aux méthodes qui ont substitué à l'atelier, à la boutique (bottega) des maîtres d'autrefois, — où le métier était pratiqué d'abord comme un apprentissage, puis comme une collaboration, — des écoles ou trop ouvertes ou trop fermées, des académies où les professeurs corrigent et n'enseignent pas. Le mode de nomination de ces professeurs, le peu de crédit de ceux qui veulent imposer une doctrine, le scepticisme des autres, les programmes abstraits où la pratique du métier est laissée à l'initiative de l'élève ont introduit un perpétuel flottement dans les ateliers.
Commenter  J’apprécie          10
La libre, la souple technique impressionniste avait permis à Monet, à Sisley, à Renoir, à Berthe Morizot, d’exalter les belles couleurs pures, de créer dans la clarté des harmonies étincelantes comme la Nature en fête. Pour Pissarro, c’étaient les gris qu’il cherchait, et qu’il obtenait au prix des plus savantes combinaisons de teintes. Il divisait pour neutraliser. C’est à des tapisseries éteintes que font penser ses paysages du Vexin. De nos plus radieux soleils il faisait des « Verdures ».

Mais quand il peignait les marchés normands, les paysans courbés au labeur de la terre, la cueillette des pommes, alors il trouvait, surtout dans ses gouaches, des tons frais, chantants, parfois acides, où dominaient encore les verts, les bleus, les violets préférés. Bien loin d’exprimer l’âme et la vie des paysans comme fit Millet, — dont le romantisme/d’ailleurs, idéalisait exagérément, — il les observa avec la curiosité d’un Gauguin avide d’exotisme. De l’ethnographie du Normand abruti de bien-être, il donna des illustrations pittoresques. C’est les cotonnades qu’il aima, les fichus, les tabliers, le coloriage des étoffes bon marché; il en égayait la silhouette trapue des filles de ferme. Plus que l’odeur du terroir, sa peinture fleure l’apprêt des blouses neuves.
Commenter  J’apprécie          00
L'art ne doit rendre que la beauté.

Si vous voulez voir cette jambe laide, je sais bien qu'il y aura matière : mais je vous dirai : prenez mes yeux et vous la trouverez belle.

Si je pouvais vous rendre tous musiciens, vous y gagneriez comme peintres. Tout est harmonie dans la nature... Aujourd'hui nombre d'artistes crient contre les compositions, ne veulent plus de l'arrangement d'un tableau... la nature du hasard, rien que la nature, et avec cela, empâtez, placardez la couleur en masse : voilà leurs principes ! (cité par Balze).

Croyez-vous que je vous envoie au Louvre pour y trouver le beau idéal, quelque chose d'autre que ce qui est dans la nature. Ce sont de pareilles sottises qui aux mauvaises époques ont amené la décadence de l'art. Je vous envoie là parce que vous apprendrez des antiques à voir la nature, parce que ils sont eux-mêmes la nature : il faut vivre d'eux, il faut en manger... (Balze).
Commenter  J’apprécie          00
La nature supérieure est maîtresse, elle accorde tout à ceux qui lui demandent en face et n'est avare que pour les pauvres honteux (cité par Flandrin),

Copier tout bonnement, tout bêtement, copier servilement ce qu'on a sous les yeux; l'art n'est jamais à un si haut degré de perfection que lorsqu'il ressemble si fort à la Nature qu'on peut le prendre pour la Nature elle-même.

Conservez toujours cette bienheureuse naïveté, cette charmante ignorance (cité par Amaury-Duval).

Aimez le vrai parce qu'il est aussi le beau.

Le nom de beau idéal, si mal entendu de nos jours, ne désigne que le beau visible, le beau de la nature.
Commenter  J’apprécie          00
Je cherche une définition peintre de ce simple mot « nature » qui étiquette et résume la théorie d'art la plus généralement acceptée de cette fin de siècle.
Probablement : le total des sensations optiques? Mais, sans parler des perturbations naturelles de l'oeil moderne, qui ne sait la puissance des habitudes cérébrales sur la vision? J'ai connu des jeunes gens qui se livraient à une gymnastique des nerfs optiques, fatigante, pour voir les trompe-l'oeil dans le Pauvre Pêcheur : et ils y arrivaient, je le sais. M. Signac vous prouvera par l'impeccable science que ses perceptions chromatiques sont de toute nécessité. Et M. Bouguereau, si ses corrections d'atelier sont sincères, est intimement persuadé qu'il copie la « nature ».
Commenter  J’apprécie          00
Une guerre qui met aux prises tant d'hommes et tant d'idées ne saurait se terminer sans laisser, dans tous les domaines de l'activité humaine, des traces profondes. On l'a senti dès le début du gigantesque conflit, et ce fut la préoccupation de tous ceux à qui le devoir présent laissait des loisirs, de discerner par avance quelles seraient les répercussions de la guerre, de prévoir et de prédire les révolutions et les renaissances futures. Les artistes, les amateurs, les critiques s'inquiétaient de résoudre, à propos de l'art, la même question que par ailleurs les philosophes, les moralistes, les savants, les économistes, les politiques avaient posée.
Commenter  J’apprécie          00
M. Ingres, esprit sans culture, mais violemment et naturellement classique, se trouva vers 1827 le seul guide d'une jeunesse tourmentée à la ,fois de volontés traditionnistes et d'aspirations romantiques. Il bénéficiait des liens qui l'attachaient à l'ancienne école, encore qu'il eût été mal mène pur la critique officielle et qu'il eut passé à ses débuts pour révolutionnaire.
Commenter  J’apprécie          00
Les premières de ces feuilles ont été écrites il y a plus de vingt ans, en 1890, à la demande de Lugné-Poé pour Art et Critique, sous le titre bizarre de Définition du Néo-traditionnisme, et ce fui un manifeste du Symbolisme. Les dernières ont paru en 1910 à l'Occident, sous le titre : De Gauguin et de Van Gogh au Classicisme. Ainsi ce recueil montrera les origines, les misons et l'enchaînement d'une évolution d'art parallèle si ce grand mouvement doctrinal qui entraîne vers un ordre nouveau la culture et les énergies françaises,
Commenter  J’apprécie          00
Comme dans les peintures des cimetières, ont hésite d'abord à distinguer le sujet chrétien du sujet païen. Il semble que, fabriqués en série, ces sarcophages n'aient été ornés d'emblèmes chrétiens qu'au IIIe siècle.
Commenter  J’apprécie          00
Il ne suffit pas de regarder l'affiche invraisemblable qui annonce comme l'unique Salon celui de la Société des Artistes français, pour connaître les différences de goût et de tactique qui séparent irréparablement les deux sociétés rivales. Il faut entrer dans le grand hall, le salon d'honneur on
s'ébattent les grosses femmes nues de M. Lalyre, toile immense autant que joviale, parmi d'innombrables grappes de figures humaines qu'à leurs raccourcis savants on devine destinées à embellir des plafonds.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Maurice Denis (13)Voir plus

Quiz Voir plus

naruto tome 60

Comment s'appelle le démon à 5 queues?

Gobi
Grokiki
Giuki
Gonki

8 questions
20 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..