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Citations de Mazarine Pingeot (323)


Est-ce qu'on peut porter plante pour réparer une injustice qu'on ne ressent pas ? Est-ce qu'on a le droit de ne pas ressentir une injustice dont tout le monde s'accorde à dire que c'est une injustice ? Dont on ne voit pas en quoi elle constitue une injustice ?
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J'ai le bourdon et le cafard, j'ai attrapé toutes ces bestioles. Je suis une eau stagnante, fatalement, ça attire les insectes.
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Le silence, quand on y est accoutumé, n’empêche pas de savoir les choses tues. 
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Alors des bruits circulent, que j’ignore, mes oreilles se ferment sur leur passage, sourdes à volonté, mais ouvertes aux ultrasons. Je sens que l’on parle de moi, ces regards curieux, ces papiers qui circulent, une tête qui se tourne et me dévisage. Rester de marbre. Me retirer un peu plus loin, dans cette bulle hermétique où la souffrance est bloquée. Alors j’attends que la jeune fille, à son tour, entende quelque chose, qui la dérange, qui la fasse fuir. Le moment va arriver où elle me posera une question sur mes parents. C’est un jour comme un autre, et la question est anodine. Je n’arrive pas à deviner si elle a eu vent de quelque chose. Que dois-je lui répondre ? Si elle sait, elle me piège, et je deviens une menteuse, si elle ne sait pas, je mens aussi, et ne fais pas preuve de confiance. Si elle l’apprend par quelqu’un d’autre, comment me faire pardonner ? Et si elle me dit : Tu sais, on raconte vraiment n’importe quoi sur toi ! Je hausse les épaules en répondant, "Oui, ça arrive, les gens sont dingues ! » ? ou je baisse les yeux en lui avouant « Ce n’est peut-être pas complètement n’importe quoi… il faut que je te dise une chose, tu ne m’en voudras pas » ? et, après cet aveu, me regardera-t-elle comme une bête curieuse, se détachera-t-elle de moi, m’en voudra-t-elle pour avoir été bernée par ce qu’elle croyait être une amie ?
Quand pourrai-je le lui dire ? A quel degré d’intimité aurais-je le courage de formuler l’informulable ? Et d’ailleurs, y parviendrai-je ? Non, sans doute. A chaque fois que je mets quelqu’un dans la confidence, je ne le préviens pas, je le mets devant le fait accompli. Parce qu’il n’y a pas de mots ni de ton acceptable, il y a des faits, évidents, intraduisibles.
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Certains ont peur de moi, mon secret les repousse, ils ne le connaissent pas, ont seulement quelques doutes, mais un secret se voit, il a un visage triste, une moue fermée, un regard éteint. Un secret porte le noir, émet des ondes radioactives, sans doute parce qu’on ne l’approche pas, même si on en brûle.
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Dans le pacte, il était écrit : tu garderas jalousement l’exception que l’on a vécue. Petit témoin deviendra grand. Et l’exception lointaine. Ma mémoire se vide si les mots ne font pas barrages. Avant, il n’y avait pas de mots. Je dois les réinventer pour que la réalité ne meure pas tout à fait. Alors je remplis de lettres mon grand réservoir asséché. A force, il y aura des phrases, et peut-être, à la fin, du sens.
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Je n'ai jamais menti, et ça m'a demandé pas mal d'énergie, avec toute cette vérité que je ne devais dire. Il y a des manières de ne pas être clair. Il y a des manières de toujours se taire. Même en parlant. Il y a des manières de ne pas souffrir.
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Que deviennent les choses quand on les garde pour soi ? Peuvent-elles continuer de vivre ?

Les faits se sont abolis à n’être pas dits, la chair du monde s’est réduite à un vague parfum. Je suis une porte fermée, sans rien derrière, pas même une cellule, seulement du vent. Je n’ose pas l’ouvrir, la garder cadenassée fait encore illusion.

Je pourrais très bien faire que mon enfance n’ait jamais eu lieu. Qui le saura. Ou m’inventer une histoire. J’ai le pouvoir de vie ou de mort sur mon passé, de mort plus que de vie. Il ne tient qu’à moi de me cacher encore ce destin qu’enfant j’avais cru mien, il ne tient qu’à moi de tricher. Et pourtant, non. Le mensonge me met mal à l’aise, c’est comme vouloir quitter sa province natale, triste et étouffante, pour la capitale, parce que rien ne nous convient, rien ne nous ressemble, le mensonge c’est ma bulle, ma prison, je me suis toujours arrangée pour ne jamais mentir, j’étais déjà moi-même un joli petit mensonge qui courait dans la cour de l’école.
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Contrainte de me taire, de ne pas exister aux yeux des autres, de n’avoir de nom, de n’avoir pas de père, et pas même de père imaginaire puisque le vrai existe bel et bien. Je le protège en taisant son identité, il ne m’a rien demandé, mais c’est ce que j’ai compris.
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Je suis l’enfant du renoncement, le choix contre le monde. L’enfant du courage et de l’amour de ma mère. Dois-je rester fidèle au sacrifice ?
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Cet homme que très vite elle apprendrait à ne pas nommer.
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Mon deuxième prénom est Marie. C’est celui de la Vierge et de la clandestinité.
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Mon corps est un musée d’archives obstrué par le silence.
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« Jamais, tu m'entends, me dit-elle, jamais je n'aurai honte à cause de toi, on n'a pas honte du mal subi. »
Et pourtant moi, j'ai honte du mal qu'on m'a fait.
C'est même exactement ce sentiment qui enrobe d'une nuit de brouillard cette journée, la honte, la honte d'avoir été transformée en chose, puis la honte de devoir l'avouer.
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Je n'ai jamais pensé pouvoir lui reprocher quoi que ce soit. Aimer, paraît-il, c'est aussi accepter les faiblesses de l'autre. Je ne me suis jamais octroyé le droit de reconnaître des faiblesses à mon père. Sa seule faute en vérité est de n'être plus là.
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Avec la solennité du serment, je lui certifie avoir été agressée par cet homme, dont je ne prononce jamais le nom; mais la violence qu'a libérée cette révélation a fini par me faire douter. Pas douter de ce qui a eu lieu, ou plutôt que ça ait bien eu lieu, mais de la nature de ce qui a eu lieu, ce qui est venu se briser ainsi en moi, pour découper mon existence en cet avant et cet après, et faire de moi une énigme.
Les traces du crime n'existent nulle part ailleurs qu'en moi, dessinées sur ma propre temporalité, à même ce corps qui ne répond plus, elles ont déserté la surface, ne s'y sont jamais imprimées, pour coloniser directement le fond, là où on ne va pas chercher, là où moi seule ai un accès, lui-même intermittent, ce lieu d'où naissent les maladies et la folie, ce lieu interdit où se cachent les secrets, ce lieu qui ressemble aux archives des préfectures, poussiéreuses, oubliées : collection des violences des hommes, mémoire des souffrances, grignotée par les rats.
Paul aurait peut-être eu besoin d'une attestation plus claire, moins intime, plus factuelle : que dire aux autres pour me défendre, comment accepter l'injustice avec aussi peu d'armes que ces mots confus ? « Ne me défends pas auprès des autres, crois-moi, c'est tout.»
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Je n’ai pas la force de rendre vraisemblable mon agression. Si je n’y parviens pas, c’est qu’elle n’a peut-être pas existé ? Et cette hypothèse est aussi angoissante que rassurante, parce que du toute évidence il la partage.
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À cet instant, j’éprouve de la pitié pour moi, pour elle, pour ceux à qui on a confisqué l’usage de la parole. Et je sais que tout ce que nous pourrons dire ne servira à rien. Personne ici n’a les mots, sans quoi on ne serait pas là.
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J’ignore totalement ce que j’attends en échange. J’ignore aussi si sa colère vaut quelque chose. Si elle me fait du bien.
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Dorénavant, je n’ai qu’un simple dilemme : me taire, ou mais pas trop contrôle impossible. Est-ce vraiment un choix ? Ou deux manières d’être acculée. Faire comme si de rien n’était, ou consacrer ma vie à ma défense, moi qui ne m’accorde pas une lueur d’estime.
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