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EAN : 9782260054269
Julliard (22/08/2019)
3.79/5   157 notes
Résumé :
Avec pour seule expérience ses vingt ans et son talent de photographe, Mathilde est envoyée par un grand magazine chez une sommité du monde politique, récemment couronnée du prix Nobel de la paix. Quand l'homme, à la stature et à la personnalité imposantes, s'approche d'elle avec de tout autres intentions que celle de poser devant son appareil, Mathilde est tétanisée, incapable de réagir. Des années plus tard, une nouvelle épreuve la renvoie à cet épisode de son pas... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
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Hasard du calendrier, ce livre réservé à la médiathèque depuis plusieurs semaines m'est arrivé en pleine tourmente médiatique au sujet du viol et de la parole des victimes, avec l'affaire « Matzneff ».

L'histoire est malheureusement trop courante, un abus de pouvoir d'une personne haut placée, ici un prix Nobel de la Paix, sur une jeune fille qui n'a pu se défendre et s'est fait violer, acte défini comme un crime.

Issue elle-même d'une famille bourgeoise et intellectuelle, où la politique s'invite souvent dans les conversations, elle s'est d'abord bâillonnée, sous état de choc, et n'a pu révéler l'indicible.

Se taire n'est plus la seule issue, à l'heure où toutes les victimes, quelles qu'elles soient, sont exhortées à parler, à révéler, à formuler avec les mots justes, de ceux qui appellent un chat un chat, et un viol un viol. (La loi détaille parfaitement toutes les définitions).

Mazarine Pingeot, qui le précise, n'a jamais subi cette infamie, a su analyser avec finesse toute la problématique de la victime, qui d'abord se sent injustement coupable, puis se confie à ses proches, pour finalement se taire, trop longtemps. Longtemps, c'est le temps nécessaire pour se rendre compte que la gangrène progresse insidieusement, dans le corps, dans la tête, et tue peu à peu.

D'un style assez agréable, et tout à fait accessible, ce roman décrit bien la vie d'une femme qui a connu un « avant » et un « après ».

Oser porter plainte quand il n'y a pas prescription, faire face au scandale s'il s'agit d'une personnalité haut placée, s'exposer à subir la désapprobation de certains, l'épreuve est loin d'être aisée.

Ne plus se taire, révéler, témoigner, dénoncer, se libérer d'un secret létal : telle est l'injonction actuelle.
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Surfant sur la vague du « #Metoo », ce roman explore avec finesse et profondeur l'omerta qui entoure les agressions sexuelles.

Si le viol et ses circonstances sont hélas tristement banals, une jeune femme et un prédateur, celui-ci agissant avec l'impunité que son statut social particulièrement privilégié (un Nobel de la Paix!) lui octroie, sa proie ne tire de sa situation familiale elle aussi exposée aux commentaires publics, qu'une entrave de plus.

C'est ce que met en lumière le roman : la souffrance de la victime, qui ne pourrait s'atténuer que par une reconnaissance, est au contraire niée, sacrifiée sur l'hôtel de la bienséance , et rien ne doit éclabousser l'entourage. Certes il s'agit de la protéger, et on constate lorsqu'elle sort partiellement de ce silence emmurant, les dégâts collatéraux et le cauchemar d'une blessure réouverte.

Le constat est clair : il est impossible ni de garder le secret, ni de le conserver. C'est toute sa vie affective qui pâtit de l'impasse au fond de laquelle elle est terrée.

L'auteure va plus loin et suggère que l'histoire même du viol était inscrite de tout temps, et cela en raison des contraintes que suscite la notoriété, qui fait des célébrités des cibles pour la meute hurlante qui n'a rien d'autre à faire que de se saisir de faits divers vaguement inconvenants, et surtout amplifiés par la bêtise et le pouvoir délétère des réseaux sociaux, puisqu'il est impossible d'en faire abstraction.

Une histoire malheureusement ordinaire, dans le contexte particulier d'une victime médiatique, celui ne simplifie pas les choses pour se reconstruire. le savoir-faire et la culture de l'écrivain transparaissent à travers ces pages, et peut-être aussi l'expérience de n'être pas anonyme parmi les anonymes
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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#Metoo mission ou démission?

En imaginant une fille de bonne famille se faire violer par un Prix Nobel de la paix, Mazarine Pingeot entend montre dans un roman éclairant qu'il est difficile de lutter contre «des décennies de servitude féminine et d'acceptation du silence.»

https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/dans-son-prochain-livre-mazarine-pingeot-evoquerait-elle-le-viol-de-sa-niece-par-un-celebre-homme-politique_431921

Commençons par évacuer cette polémique que la presse people s'est empressée de relayer. Il faudrait voir dans ce roman l'histoire de Pascale Mitterrand, la petite fille de l'ancien président. Elle serait l'auteur de la plainte à l'encontre de Nicolas Hulot et les faits relatés par Mazarine Pingeot seraient inspirés par ce qu'elle a vécu. Outre le fait que la romancière et son éditrice rejettent ces allégations, il faut une fois encore dénoncer un faux procès et laisser aux romanciers leur liberté, le droit de s'inspirer de témoignages et de faits divers pour construire une oeuvre de fiction plausible, réaliste.
Le personnage de Mathilde Léger, jeune fille de vingt ans, est au coeur du roman. Fille «du plus grand chanteur français, artiste engagé, et image de la France» et d'une intellectuelle féministe, petite-fille d'un écrivain membre de l'Académie française et également conscience morale du pays, elle a choisi d'être photographe. Parmi ses premiers mandats, elle se voit confier la réalisation d'une série de portraits du Prince de T., Prix Nobel de la paix qui vient de perdre sa fille. Dès les premières minutes du rendez-vous, elle sent que le regard du «grand homme» est bizarre, mais reste fixée sur le travail qu'elle a à faire. C'est alors que les choses dérapent : «Il prend mon visage dans sa main, le serre, […] il pose ses lèvres violemment contre les miennes, et me mord, et cherche ma langue, quand la deuxième main s'enfonce dans mon jean, puis ma culotte et enfin mon sexe, qu'il tient fermement […] il me pousse sur le lit, me traite de petite salope, baisse violemment mon pantalon et s'enfonce en moi, il y reste peu de temps. […] il me dit que je suis belle, qu'il aime ma beauté, qu'il m'a déjà vue dans des magazines, quand j'étais plus petite, qu'il m'avait repérée, que ça faisait longtemps qu'il en avait envie, il est content, il me remercie, mais maintenant il a du travail à terminer, si je pouvais le laisser. »
Malgré le choc et la sidération, Mathilde fait les photos qu'elle était venue réaliser et qui bientôt paraîtront en une du magazine qui l'a engagée et qui lui vaudront de vivres félicitations. Mais pour la jeune fille, ces clichés seront d'abord une marque d'infamie et le douloureux rappel d'une scène qu'elle veut oublier. Parce qu'elle a «été programmée pour ne pas faire scandale. le Prix Nobel l'a bien compris.»
Car ici, contrairement au roman de Karine Tuil qui aborde aussi la question du viol et de ses conséquences, il n'est pas question de porter plainte. le premier réflexe de la jeune fille, c'est de nier la chose, de laisser le silence recouvrir la chose: «Cette scène n'a pas eu lieu, j'en suis le seul témoin, les photos n'en montreront rien.»
Mazarine Pingeot montre fort bien combien il est difficile de vivre avec une telle épreuve. Car on ne se sent pas seulement souillée, on se sent aussi responsable…
«Depuis le Nobel, tout chez moi est coupable, le corps, le manque d'appétit, la fatigue, encore elle, demeurer auprès des miens, les quitter, l'approche de la nuit, le réveil. Les mots comme le silence. Tout s'équivaut, la valeur a failli. Son idée même. C'est dire. Et moi qui préférais l'image, ça me semblait plus vrai, plus fort. Je me raccroche aux mots que je ne dis pas. Je n'ai plus aucune confiance ni dans les formes ni dans les couleurs. Je n'ai plus confiance en ce que je vois.»
Au poids pesant d'une famille qui refuse le scandale vient s'ajouter «des décennies de servitude féminine et d'acceptation du silence.»
Seule Clémentine, la soeur de Mathilde, lui prête une oreille attentive, compréhensive, essayant de la soutenir, de lui changer les idées, de faire que le mal passe.
Sa rencontre avec Fouad marquera-t-elle la fin du traumatisme? Maintenant qu'elle a trouvé un homme avec lequel elle n'éprouve pas de crainte, avec lequel elle a envie de se construire un avenir, avec lequel elle se confie. Et qui l'encourage, bien des mois plus tard, à porter plainte.
Le fera-t-elle? Sera-t-elle prête à accepter le procès? À reprendre cette histoire douloureuse? C'est tout l'enjeu de la fin de ce roman, aussi surprenante que réussie.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Plusieurs fois, j'ai été tenté par un des livres de Mazarine Pingeot. Seulement, en la voyant intervenir dans des émissions culturelles, j'avais une certaine appréhension face à cette enseignante en philosophie. Je craignais que son écriture et ses résonnements soient un peu trop élitistes pour le simple lecteur que je suis.

J'ai très vite été rassuré. Même si elle traite de sujets de société qui font énormément débat, « Se taire » est un simple roman. Aucune digression, aucune analyse complexe, juste une histoire. Elle nous raconte la vie de la narratrice après une agression dont elle a été victime. On la suit dans tous ses déboires amoureux, amicaux et familiaux. On se retrouve au coeur de son quotidien. Mais bien sûr cette aventure n'est ni futile ni innocente. Elle aborde les différentes facettes des conséquences d'un drame traumatisant. C'est donc le lecteur lui-même qui va lancer ses propres réflexions.

Les thèmes abordés mettent en lumière les tabous qui règnent encore dans notre société moderne. le poids de la notoriété, l'impunité des puissants, le statut de la victime sexuelle et plus globalement de la femme, le texte regroupe l'ensemble des préjugés qui ont perduré dans le temps et qui créent encore de l'injustice. le silence apparaît alors comme la seule solution à la vindicte populaire.

Je suis ravi d'avoir dépassé mes préjugés pour découvrir le style Mazarine Pingeot. L'écriture de l'écrivaine est de haut rang et en même temps très agréable à lire. le personnage de Mathilde est attachant et son destin chaotique est passionnant. Loin d'être larmoyant, il se présente comme une vision objective des mentalités d'aujourd'hui, avec leurs faiblesses et leurs incohérences.

Le travail vers un monde plus juste est encore long mais ce livre peut être considéré comme une pierre de l'édifice du changement. Romanesque et utile !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Une jeune femme se fait violer par un prix Nobel de la paix. On la voit lutter pour s'en relever, se laisser séduire par un autre homme et construire tant bien que mal une relation de couple. Sa soeur la soutient, mais pas ses parents qui, personnalités bien connues, la poussent à étouffer l'affaire. Je vous recommande chaudement ce roman de Mazarine Pingeot, qui se montre une de fois de plus magistrale lorsque qu'elle aborde les thèmes du secret et du poids du milieu familial.

Après avoir été marqué par la force émotionnelle de "Magda", j'ai gardé à Mazarinne Pingeot une place de choix sur ma pile, place que "Se taire" à confirmée.

Mathilde est une jeune photographe. Son père est un chanteur vedette, son grand-père est un poète renommé. Cette belle carte de visite familiale la fait remarquer par un magazine, qui l'envoie tirer le portrait d'un prince, récemment honoré d'un prix Nobel de la paix. Viol mondain, dirais-je: Mathilde ne se fait pas brutaliser dans un terrain vague mais elle se laisse maîtriser par l'autorité dégagée par le prince, seul dans son beau bureau.

Et puis elle prend la photo commandée par le magazine…

Comme la plupart des femmes qui subissent cette offense, Mathilde peine à la raconter. Et quand elle parvient à s'en ouvrir à sa famille, on lui conseille poliment d'étouffer l'affaire, pour ne pas se faire détruire par le scandale médiatique qui allait en résulter. le style vif de cette première partie fait particulièrement bien ressentir toute la colère et la haine de Mathilde.

Heureusement, pour supporter tout le poids du milieu familial imposé par ses parents, Mathilde peut s'appuyer sur la sagesse réconfortante de sa grand-mère et sur l'infatigable dynamisme de sa soeur (elle pratique le roller derby, renseignez-vous et vous comprendrez).

Ensuite, le rythme du texte s'apaise lorsque Mathilde rencontre Fouad avec qui, petit-à-petit et avec la méfiance qu'on imagine, elle entame une relation de couple. Fouad fait preuve de beaucoup de bienveillance. Mais tout de même... Je trouvais qu'il avait tendance à faire preuve d'une certaine autorité qui, malgré toute son affection, rappelait un peu l'autorité du prince. Je vous laisse découvrir la suite…

Reste enfin à Mathilde à exorciser son viol, à poser un acte qui la fera prendre le dessus, une fois pour toutes, sur ce qu'elle a subi. J'aime beaucoup la solution proposée par Mazarine Pingeot; je n'en dirai pas plus…

Enfin, si vous avez lu ce livre, je suis curieux de comprendre comment vous avez compris le tout dernier paragraphe. Je me suis demandé s'il signifiait le bout de récit qui le précède était un film que Mathilde s'était joué dans sa tête avant de frapper à la porte (répondez-moi en message privé pour ne pas en dire trop à ceux qui n'ont pas lu). Et j'ai bien apprécié que le récit se termine sur ce petit mystère: cela laisse un beau sillage d'ambiance en terminant la lecture.

Un excellent moment de lecture, même si la force du texte était moins intense que celle de « Magda ». Quoi qu'il en soit, je laisse Mazarine Pingeot sur ma pile, assurément !
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critiques presse (1)
LeSoir
07 octobre 2019
Le viol, la honte, le secret. Avec « Se taire », Mazarine Pingeot donne un roman puissant qui soulève notre empathie et notre indignation.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Alors je balance tout, le Nobel, la voix gonflée de désir, et moi qui ne sais pas quoi faire, s’il faut obéir parce que c’est le Nobel, «un homme bien», le premier sujet qu’on me donne, il ne faut pas gâcher la fête, et si je me trompais, si c’était moi qui me faisais des idées, si ma peur prenait le dessus, parce que la peur habite les filles depuis la nuit des temps, parce que la peur est parfois la seule grille de lecture des filles qui passent à côté de sacrées expériences, parce que la peur dicte aux filles que tout est sexuel, alors qu’en réalité..., mais non, la peur disait vrai; tout est sexuel ET tout est politique, n’est-ce pas, bien sûr il voulait me sauter, il voulait sauter la fille et la petite-fille de. La fille de l’image. p. 44 
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INCIPIT
Prologue
Ici ou là, les femmes commencèrent à révéler les agressions dont elles avaient été les victimes. C’était au début un bruissement, amplifié par la Toile, puis devenu raz de marée. Les mentalités étaient emportées par la vague, elles donnaient l’impression de changer – comme si une mentalité pouvait changer en un clic, les temps s’affolaient et se court-circuitaient, on pouvait se poser des questions légitimes sur la notion de changement et sur la croyance collective qu’un cri de colère se transformerait en progrès social –, des hommes étaient accusés publiquement, on facilitait les dépôts de plainte, et même les délations. Les journalistes étaient à l’affût de scoops, de cette façon, deux d’entre eux allèrent fouiller dans les commissariats. Il ne leur fallut sans doute pas longtemps pour exhumer de vieilles mains courantes frappées par la prescription, mais qui contenaient des trésors…
Tout commença par un flash d’information: un personnage haut placé était accusé d’agression sexuelle. Il n’était ni le premier ni le dernier, ce type de nouvelle devenait monnaie courante. Il suffisait ensuite de jouer aux devinettes et d’accoler des noms. Ça allait du plus vraisemblable au plus farfelu, la vraisemblance tenant à la notoriété et à la respectabilité de l’homme en question. Les bons pères de famille pouvaient trembler, plus ils affichaient de vertu, plus dure serait la chute. On traquait indifféremment les cavaleurs et les curés défroqués, nul n’échapperait à la chasse à l’homme, puisque l’homme, potentiellement, était une bête de proie. Des affiches dans le métro montraient des femmes apeurées, s’accrochant à la barre métallique de la rame, tandis qu’un requin, un ours ou un loup rôdait, s’approchant dangereusement. Ces espèces en voie de disparition étaient censées représenter la plus mauvaise part de l’homme, voire son être profond. Au-delà de leur caractère illisible, ces affiches avaient suscité l’indignation des défenseurs des animaux. Comment pouvait-on comparer un être humain à un animal dont la nature était de chasser ? Certes l’homme s’était « humanisé » précisément en dépassant et en niant sa nature, mais ces pauvres bêtes, exterminées par la seule espèce qui conservait le monopole de la violence légitime, étaient innocentes. Les antispécistes furent à deux doigts de manifester, mêlant leurs voix à celles des féministes, plus promptes à s’insulter entre elles qu’à élaborer un plan de lutte commun. Les hommes se terraient, leur parole n’était plus audible, à moins qu’ils se fassent les porte-parole d’un féminisme militant, et se montrent prêts à offrir en expiation leurs testicules sur un plateau d’argent. La guerre des sexes battait son plein, dévoilant un marché au développement exponentiel, dont la presse écrite entendait bien profiter, elle qui vivait aussi ses derniers moments. Le journalisme avait abandonné sur le champ de bataille sa déontologie, l’heure était à l’hallali, on cherchait les coupables avec des piques, sur lesquelles, à l’instar des sans-culottes, on aurait volontiers planté des parties génitales sanguinolentes afin de les exposer à la vindicte populaire.
En réalité, le problème était d’ordre politique, il s’agissait ni plus ni moins d’une question de domination, mais le temps médiatique n’avait pas le loisir de creuser, il lui fallait des coupables et des victimes, ce qui signifiait alors : des noms. Non pas des catégories, des entités conceptuelles, des classes, des caractères, des appartenances, mais bien des noms : il fallait que la victime ait un visage et un corps, une histoire singulière, pour qu’on l’imagine au moment où sa vie avait basculé. On voulait des récits, on voulait des voix, on voulait des visages, de préférence attrayants. Raison pour laquelle les actrices firent sensation. Elles étaient belles, toujours parfaitement vêtues, elles avaient nécessairement souffert du regard des hommes puisque le système les contraignait à se faire objet du désir pour devenir sujet économique. Elles avaient dû plaire, et d’abord à leur producteur. Il avait l’argent, elles la chair. La transaction était facile à imaginer. Leur indignation et l’avalanche de dénonciations qui s’ensuivit permirent que s’ouvre le dossier du harcèlement sexuel. Ces femmes inventèrent de nouveaux modes de résistance : le choix de la couleur de leurs robes, le port de broches identiques. Elles parlèrent à des magazines, coiffées et maquillées par de grandes marques pour l’occasion.
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Pourquoi n'avais-je pas parlé ? Cette question est restée en suspens de mes vingts ans à aujourd'hui. Elle trouve sa réponse. (...)
Prononcer ces mots : j'ai été violée, j'avais vingt ans et j'ai été violée.
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Elle connaît les méfaits du scandale : il n'atteint pas seulement celui qui en est l'origine, tous en sont éclaboussés, au premier chef la victime, puis les témoins, et enfin ceux qui prennent parti. Une femme responsable de la chute d'un homme, ça ne se pardonne pas.
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Depuis le Nobel, tout chez moi est coupable, le corps, le manque d’appétit, la fatigue, encore elle, demeurer auprès des miens, les quitter, l’approche de la nuit, le réveil. Les mots comme le silence. Tout s’équivaut, la valeur a failli. Son idée même. C’est dire. Et moi qui préférais l’image, ça me semblait plus vrai, plus fort. Je me raccroche aux mots que je ne dis pas. Je n’ai plus aucune confiance ni dans les formes ni dans les couleurs. Je n’ai plus confiance en ce que je vois.
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