Salon du livre romand 2016, Mélanie Chappuis nous lit un extrait de son dernier livre, "Un thé avec mes chères fantômes".
Je t'aime trop.
Et celui qui a dit qu'on aime jamais trop n'a jamais trop aimé. Sinon il saurait que ça fait mal, peur, que ça submerge, enveloppe, ronge, étouffe. Que ça empêche de faire le reste alors que, pourtant, il faut faire le reste pour que l'amour se régénère.
- Tu es belle ce soir, profites-en, ça passe vite. Et que ça ne te monte pas trop à la tête... Moi, à ton âge, j'étais encore plus jolie que toi.
-C'est triste, tu as remarqué? Les hommes ne nous regardent plus.
-Ouais, c'est n'importe quoi, ces histoires de cougars.
Elle les accueille alors qu’ils débarquent. Ils se ruent sur les habits secs, cherchent leur taille, se changent en tremblant, enfilent tout ce qu’ils peuvent. Hagards, ils semblent se demander quelle sera la prochaine épreuve. Aucun n’a dans les yeux la lueur des recommencements. Ils savent qu’il est loin le temps de la renaissance, ils savent que les lendemains qui chantent sont de la poudre aux yeux. Ils ont mis une mer entre eux et leur malheur mais ils pressentent la dureté des étapes à venir. Leur redonner des forces, vite, avant qu’ils n’aient plus le courage de continuer. Ça commence par un café chaud, une soupe, un endroit où s’allonger. Vient ensuite la possibilité d’un échange. Des regards, des sourires, des remerciements qui lui donnent des forces quand elle se sent fléchir.
Qui sauve une vie sauve l'humanité entière. Elle s'accrochera jusqu'à ce que cette femme tienne sur ses jambes. Jusqu'à ce que son regard se teinte d'espoir et dise l'envie d'en découdre
La forêt est un soutien. Entre les arbres, je prends du recul. J'inspire du calme, j'expire mes angoisses. Je me tranquillise. Me rééquilibre. Ou je m'évade, au rythme de mes pas.
Aujourd’hui, la mère a décidé que l’égalité passait par le vélo. Le plaisir de pédaler en jeans, de tenir un guidon, de sentir que c’est à elle qu’incombe le choix de tourner à droite, à gauche, c’est elle qui édicte les règles et dirige sa vie jusqu’au marché de ce quartier d’Islamabad.
Elle aime son papa. Il est si beau, si fort. Si elle pouvait, elle l’épouserait. Lui aussi, il l’épouserait, elle le sait. Il l’appelle tout le temps ma petite femme. Avec elle il rit, il a l’air heureux. Avec maman, il est comme recroquevillé.
Il faut toujours souhaiter le bonheur à ses ennemis, c'est la meilleure façon de les neutraliser. À l'origine de la méchanceté, il y a toujours une tristesse, une amertume.
Parfois je suis joyeuse, parfois je pense à autre chose et j'aime la vie et je n'ai besoin de personne d'autre que de moi. Quand je marche par exemple. Quand je lis. Quand je regarde les arbres et que je comprends leur importance, quand je sais qu'ils valent davantage qu'une maison, une voiture ou une carte de membre dans un club d'équitation, quand je peux jouir de leur présence, autant qu'une autre, quand je fais sourire mon mari ...