Citations de Mohammed Dib (352)
A l'intérieur d' une des maisons de pierres dispersées à mi-pente ,une vieille femme aux pieds nus trottine de-ci, de-là ,à la clarté mouvante d' une lampe à huile . De multiples robes l' enveloppent malgré la saison ; sa tête est encapuchonnée dans d' épais foulards .Parfois elle s' arrête ,s' appuie des deux mains à ses genoux et pousse un profond soupir .Le temps de reprendre souffle ,puis elle recommence à cheminer de son pas de fourmi .
Lumière crue, chaleur écrasante, c 'est en Algérie un été comme les autres .Quelques chuchotements nocturnes entre deux verres de thé à la menthe , la famille ,les amis qui passent .Qu' entend-on pourtant derrière cette rumeur ?
Le silence du secret et de l' inquiétude ,l' écho des clandestins partis préparer une histoire pour leur pays et le pas de l' armée française .( 4 eme de couverture ).
Je chuchote :Aelle et je recommence : Aelle .Mais elle dort ,le
soleil est haut , il nous éclaire ,bientôt j' aurai tout oublié ,
l' instant présent ,celui qui vient de passer ,mon cauchemar ,
cette chambre ,ce qui s' y trouve ,bientôt j' aurai transpiré tout ce que j' ai fait et tout ce que j' ai vu comme je transpire
en ce moment ( est-ce moi , est-ce toi , Aelle ,je ne sais pas ) mon eau brûlante ,avec Aelle dans mes bras .
Omar ,le jeune héros de "La grande maison" et de"L'incendie",est maintenant devenu un adolescent grave et réfléchi .Il fait son apprentissage chez les tisserands .
C'est dans un sol à l'air raréfie ,où la misère montre son visage émacié qu'il va le mieux approcher du malheur secret de son pays .Nous sommes en 1940 et la guerre est encore trop loin pour que sa rumeur parvienne aux oreilles du jeune Omar .Mais il écoutera les interminables discussions entre les tisserands toujours à l’affût d'une espérance ;il apprendra combien il est difficile pour une
communauté écrasée par le labeur ,la faim ,le dénuement de relever le visage quand le soleil même le blesse . ( 4 eme de couverture ) .
"La photographie capte l'instant et le fixe pour l'éternité. Là est le drame : elle assèche le temps, qui est expression de vie" (p 107).
"L'exil, c'est être aveugle, non des yeux, mais de la voix, c'est ne savoir comment demander son chemin" (p 27),
Je vis désormais dans un monde en paix. Je ne veux plus connaître l'autre.
Les Églises ont volé Dieu à l'homme.
pays d’œil
...
se reposer dans ces froncements
ces palpitantes levées de temps
où tu fais tache et converger
vers les litanies du sommeil
capturer la source fertile
sous une moisson de cris
sous une moisson de cils la raison
propagée de tes gîtes d’air
L'amour ne vous rapproche-t-il que d'une illusion quand il vous libère de vous-même [...].
La sagesse de la mer finit toujours par l'emporter sur les trépignements de l'homme, j'étais prêt à le croire. J'aimais aussi, sans m'en rendre compte, le parfum de sel dans lequel sa parole me parvenait.
— Il y a tout de même de telles misères dans ce pays qu’on ne sait comment en parler. On s’en rend compte surtout lorsqu’on revient, comme moi, d’un endroit où tout le monde travaille, gagne de l’argent, vit son content.
(le Compagnon)
Il n’osa pas toutefois m’entretenir de sa femme bien que, visiblement, il songeât à elle. Il n’est pas d’usage, chez nous, qu’un homme parle de sa femme. Quelle idiotie ! Quoi ? Est-ce une tare que d’avoir une belle et bonne épouse ? Race nigaude des maris !
(le Compagnon)
Ça
Ça ne savait rien faire.
Que dormir dans les coins.
Ça poussait des plaintes
Et ne savait que dormir.
La pendule qui berçait.
Ne savait rien d’autre.
Il n’y avait que ça. Ça
Et que lui, que sa mère.
Le jour pouvait rayonner.
Ou la lampe veiller, luire.
Que dormir, ça ne savait
Faire que ça. Rien d’autre.
La pendule parlait. Tiens
Et nous aussi, des fois.
Ça ne savait que dormir.
Ça ne se réveillait pas.
Le jardin
Le jardin dormait noir
Et parfois soupirait.
Ce n’étaient que bruits
Noirs dans l’obscurité.
Et la maison elle-même.
Toute sacrifiée à la nuit,
Une dépendance noire.
Pourtant c’était là et
Qui allait, faisait halte.
Et repartait sans bruit.
Refaisait halte, attendait.
Écoutait peut-être. Écoutait.
FEU QUI SE NOMME
être paille
devant la flamme
beau feu
en nourrir le feu
de temps en temps…
de temps en temps
à genoux la traverser
parcourir la nuit
chargé de ses pavots
Le visiteur
Il arriva. Il salua,
Ses fleurs à la main.
Je serai couché là
Dit l’enfant. Mais quand ?
Il les déposa. Resta.
Il dit, je reviendrai.
Il dit, de la maison
Non il n’y a pas loin.
Il revint, en redéposa.
Revint. En redéposa.
Il dit : toute la nuit
Qui me tiendra compagnie ?
Il se regarda autour.
Il dit : ces fleurs.
Force commise
ouverte
de quoi
ombelle
de quoi
ta main
est-elle
chaufferie
secrète
de quoi
est-elle
bonheur
Quelque chose
Quelque chose de perdu.
Quelque chose d’irrésistible.
De grand comme un arbre.
Ça n’en finit pas d’être,
Quoi ? dit-il. Ce n’est rien.
Il n’y a que nous chez nous.
Comme un plein d’air
Entré par le jardin,
Un moment qui ne passe pas.
Mais ce cœur perdu ? À qui,
À qui est-il ? dit l’enfant.
Voilà il ne respire plus.