Nancy Guilbert

Rien n'est jamais figé. Rien. Ni les mots, ni les êtres humains. Et on ne sait jamais à l'avance comment évolueront une boule d'argile ou une vie. Alors laisse une chance à la tienne.

Ce qui est grave, ce sont les personnes qui dictent les soi-disant règles de normalité. Les cases bien rangées. (...) Je les fuis comme la peste. Ils sont ennuyeux et surtout, dangereux. Ils étouffent toute forme de liberté et de singularité.

Prenez soin de vous, comme l'on prend soin d'une pièce que l'on a mis longtemps à façonner et à peindre.

Est-ce qu'on peut changer sa vie, son destin, grâce à une seule personne ? Peut-on basculer vers l'ombre ou la lumière en une fraction de seconde ? Chacune de mes rencontres avec l'un de ces ados m'a toujours fait comprendre quelque chose de nouveau. M'a aidée à ouvrir les yeux sur la réalité.

- Je vais me trancher un doigt, il faudra m'emmener à l'hosto. Et on vous retirera votre foutu brevet de famille d'accueil. Ce sera bien fait pour votre g... euh... pour vous.
- Qui dit que je t'emmènerai à l'hôpital ? Je te laisserai te vider de ton sang dans ma cuisine, puis j'enterrerai ton corps dans mon jardin et je dirai que tu as fugué.

Entre les murs lisses de la ville,
briques mornes et béton froid,
se déploie mon ennui dans l'étourdissant silence
et le fracas des bruits.

Mon cœur peine, mon cœur erre,
mes yeux cherchent en vain un brin de folie.
Mes mains empilent des trouvailles,
trésors et rêveries que je suis seule à percevoir.

Il y a une telle concentration de cons sur Terre que je me demande comment elle réussit encore à tourner correctement sans cracher du pus.

Pourquoi ai-je l'impression de devenir vivant, de plus en plus vivant à chaque coup de pédale ? Pourquoi j'ai l'impression de m'envoler sur la route, d'ouvrir mon espace intérieur, de respirer, enfin ? Je pensais que j'allais mourir, c'est le contraire qui est en train de se passer. Je n'ai jamais autant eu d'espoir en la vie avec un V majuscule. La Vie en grand.

Tu vois, Livia, toi aussi tu peux apprendre à lâcher prise. Regarde comme l'eau glisse sur les rochers coupants, regarde comme elle bouillonne joyeusement, sans s'encombrer de savoir si elle va se heurter ou se fracasser dessus. Veux-tu faire confiance à la vie ? Cette rivière ne s'arrêtera pas de couler, malgré les pierres entassés.

Pourquoi la vie fait-elle des boucles et se retrouve-t-on sans cesse confronté aux situations qu'on cherche le plus à fuir ?

Je suis seule dans la forêt. Seule avec moi-même et ça ne changera jamais. La solitude s'accroche comme une seconde peau froide et visqueuse.

J'ai tellement la haine que je pourrais mettre le feu à la planète entière.

Ce soir, j'aurai de quoi dessiner dans mon carnet. Une Livia en morceaux mais toujours debout.

Elle l'a tellement bien aménagé, on dirait bel et bien un endroit pour les fées. Un endroit où j'aurais adoré venir me réfugier petite. Pour y jouer en paix. Me raconter des histoires, des tendres et des ensoleillées, pas des histoires de ténèbres et de monstres. Maintenant, les monstres sont à l'intérieur de moi. Ils ont colonisé chaque cellule, chaque pore, chaque neurone, chaque petit morceau d'espace, de cartilage, d'os. Ils m'ont envahie et je n'arrive plus à les faire partir.

Dempsey tourne la tête mais j'ai eu le temps de voir un sourire se dessiner sur son vissage. J'adore cette première fois. Ce moment fragile où la porte du cœur d'un ado s'entrouvre. Un tout petit peu.

Leurs vêtements sont accrochés sur les cintres, comme des témoins impassibles d'une vie effacée. Je n'ai jamais pu me résoudre à me séparer de ce fils de souvenirs qui me raccrochent à ma fille et à mon compagnon pour toujours.

Ne fais jamais rien par pitié, Dempsey. Ce n'est pas une bonne intention.

- Il faut lâcher prise. Tu connais "Chacun sa chimère", le poème de Baudelaire ?
- Non.
- Je t'encourage à le lire, puis à te débarrasser de la tienne.

Tu n'es plus là à côté de moi, tu es partie de l'autre côté,
Là où je ne peux plus te voir ni te toucher.
J'effleure mon rêve du doigt,
es-tu là pour le voir ?
Est-ce toi qui me donnes la force,
qui me prends par la main,
qui apaises mes craintes et mes chagrins ?
J'ai envie de le croire.
Alors, tant pis si mon cerveau me joue des tours,
tant pis si la caresse du vent me donne l'illusion
que c'est ta main qui frôle ma joue.
Tes mots résonnent toujours à mon oreille
et je les écoute, comme avant.

Le loup, à la différence du chien, ne gratifie pas immédiatement la personne qui le nourrit ; notrès geste doit être libre, dénué de toute attente : n'est-ce pas ce que devrait être toute relation, d'ailleurs ?