Citations de Nicolas d` Estienne d`Orves (140)
« On veut diriger vos goûts. On ne peut tout de même pas m’obliger à aimer la choucroute si je préfère les spaghettis. »
Que Pavarotti admirait sa voix de ténor. Qu’il a connu une enfance à la Camus, qu’il avait le crochet d’un Cerdan, que sa carrière fut encouragée par Henri Laborit, Jean Bernard et même Einstein (rien que ça !).
Je l’ai dit : le mauvais goût ne se partage pas, en ce qu’il est une exploration de nos propres frontières esthétiques, la ligne de crête entre ce que l’on goûte et ce que l’on recrache.
Souvenirs intimes, émissions de télévision, films, livres, plats, commerces, personnages imaginaires ou pas, attitudes de tous poils, mon mauvais goût est une auberge qui n’a rien d’espagnol mais tout d’un grenier.
On pourra évidemment arguer que cela ressort du jugement de valeur : l’épithète « mauvais » serait une convention puisqu’on n’a pas trouvé mieux. Peut-être, mais c’est ainsi. Tout regard n’est-il pas une première salve ? Première salve d’un point de vue, d’une critique, d’une célébration ou d’une mise à mort.
Le mauvais goût peut également être une frontière sociale, un racisme de classe. Telle vêture, telle habitude, telle interjection serait le stigmate d’une naissance trop modeste ou trop huppée, que le camp opposé toise avec un mélange de dégoût et d’envie.
Quelques articles et l'opinion publique pourraient tout à fait retrouvé le sourire. Les gens sont des moutons...
Quand je leur parle de Susie, la famille Delord a un sourire entendu : ici, tout le monde la connaît.
— On connaît surtout son chien : c’est une terreur, il vide toutes les poubelles du quartier.
Susie veut que son chien soit végétarien. Alors il s’enfuit tout le temps pour faire les poubelles.
Son amour a désormais une marque, planté à jamais dans le sol de Paris, comme les amoureux gravent leurs initiales dans le tronc d'un arbre.
Une boule d'énergie et d'idées, ce Gustave Eiffel. Bien sûr son nom sonnait teuton bien qu'il se dise bourguignon. Mais après tout on s'en moquait.
Mes aïeux butinaient des cotignacs et des négus ; mes parents croquaient des mistrals gagnants et léchaient des roudoudous ; j’ai grandi parmi les tagadas, chamallows, crocodiles et bien sûr l’incontournable petit ours gélifié qui a fait la fortune de monsieur Hans Riegel, à Bonn (HaRiBo…).
« Mr King est de retour… »
Comme toujours avec Max King, la légende précède l’homme et le sensationnel masque l’artiste…
Le concert aura-t-il vraiment lieu ? N’est-ce pas là l’ultime pirouette d’un prestidigitateur qui a tiré sa révérence depuis des années ?
Avec un être aussi extravagant que ce pianiste, tout semble possible.
Seule certitude : voici un chapitre de plus au « Mystère Max King ».
Sur internet, les billets sont partis en moins d’une minute trente. Seule solution pour faire partie des happy few du 1er août : le marché noir. On dit que certains revendent leur place près de cent fois son prix ! Les hôtels de la région sont pris d’assaut ; la moindre chambre se loue des sommes astronomiques ; les chaînes de télévision du monde entier veulent couvrir l’événement ; on ne compte plus les yachts qui mouillent autour de Lost Lake ; on parle même d’un héliport flottant, ancré au large de l’île, pour que certaines personnalités puissent venir assister à ce qu’on appelle déjà « le concert du siècle ». Dans le monde de la musique, aucun artiste « classique » n’a jamais autant fasciné le grand public.
Cinq jours avant son grand retour sur scène, le musicien reste un mystère pour ses admirateurs.
Aucune disparition n’a fait couler plus d’encre que celle du pianiste Max King.
Le drame atroce qui l’a condamné au silence, l’été 2005, a provoqué conjectures, théories et suppositions.
Certains l’ont dit emmuré dans sa folie, dans un hôpital psychiatrique du Colorado.
D’autres l’ont déclaré mort, pendu sur la scène de son dernier concert, ou bien lynché par les habitants de cette île étrange, où il vivait depuis des années.
Un pêcheur de l’archipel soutient même qu’on lui aurait broyé chaque phalange, pour que jamais il ne puisse rejouer, car c’est son talent qui avait plongé la région dans le carnage.
Brusquement, les chasseurs semblaient effrayés. Comme s’ils allaient commettre un sacrilège. Ils étaient allés trop loin, trop vite. Ils n’avaient pas voulu cela. Ils ne voulaient pas revoir cet endroit.
Mais c’était trop tard.
— On ne voit rien, nom de Dieu ! maugréa une voix rauque.
— Suivez-moi, ordonna Doug. Restez exactement dans mes pas.
Plongés dans le noir, les neuf hommes se repéraient aux faisceaux de leurs torches.
— Tu connais le chemin, au moins ? demanda Harry en s’approchant de Doug, comme s’il craignait d’être entendu des autres.
— Il n’y en a jamais vraiment eu, tu sais bien… À part celui qui mène…
— … au théâtre, fit Josh, qui arrivait derrière eux.
Au même instant, l’homme à la voix rauque brandit la torche devant lui.
— Good God !
Cette grande nuit de l’hiver canadien. La nuit profonde, impénétrable, de la nature brute. Une nuit sans lune, sans étoiles, sans le moindre signe de ce qui peut exister lorsque revient le soleil. L’heure où les arbres ont des griffes, où les choses prennent vie, où l’obscurité vous aspire, comme une crevasse.
Depuis combien de temps marchaient-ils ? Une heure, peut-être ? Aucun d’eux ne songeait pourtant à regarder sa montre, perdue sous l’épaisseur des vêtements, des gants, des moufles.
Les pieds s’enfonçaient dans la boue jusqu’aux chevilles. Les visages étaient giflés par les branches. Les genoux se cognaient aux troncs, aux souches. Le vent s’engouffrait dans les sous-bois, faisant claquer les dents du vieux Ron.
— Qu’est-ce qu’on gèle, nom de Dieu !
— C’est toi qui as voulu venir, Ron…
— Comment ne pas être là ? balbutia le vieil homme, en resserrant la ceinture de sa canadienne ; mais il était si maigre qu’il avait déjà atteint le dernier trou.
Surtout, il y avait la nuit.
La lampe a glissé de mes mains tremblantes. Son faisceau a éclairé la pièce vitrée en diagonale. Au dehors, l’orage déchirait le ciel, les arbres se couchaient sous le vent, le lac se soulevait comme une lave noire et glacée, les feuilles giflaient les baies vitrées. Hormis le piano, son tabouret et quelques feuilles épars sur le sol, le caisson était vide.
Si on ne trouve pas les vrais coupables, il va falloir un bouc émissaire. Une foule reste une foule : haineuse, simpliste, radicale.