Citations de Nii Ayikwei Parkes (45)
Un gros homme en habit de civil est descendu du Pinzgauer. Il portait un grand abomu noir pour tenir son pantalon jeans, et il mâchait des arachides.
C’est qui le chef ici ?
Les enfants ont pointé vers le kapokier géant derrière le champ du cultivateur Asare. Le chef habite dans la concession là-bas.
Les autres policemans étaient déjà descendus de leurs voitures. Tous les policemans là – un, un, un jusqu’à neuf, en habit tout noir noir dans notre village dès le jeune matin là ? Celui qui était en habit de civil a regardé de droite à gauche, et j’ai vu qu’il regardait aussi derrière l’arbre, vers la bassine sanyaa bleue de ma mère, que j’ai placée au sommet du toit de ma case, après sa mort. Je me souviens qu’elle a transporté son eau dedans jusqu’à ce que le fond se perce de petits trous, et après elle a emporté ça dans son champ pour récolter ses légumes dedans jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’un seul gros trou. J’ai placé la bassine sur les feuilles séchées de mon toit, pour voir ma case au loin quand je reviens de la forêt. Quand le policeman a regardé, j’ai regardé aussi. Et il m’a regardé, et il a pointé vers moi.
Toi là, tu parles anglais ?
Ah. J’ai pensé que l’homme là, ou bien il ne connaît pas le respect, ou bien, sebi, parce que j’ai rasé mes cheveux, il n’a pas vu mes soixante-quatorze années ? Mâcher des arachides pendant qu’il me parle ! Je n’ai même rien dit. J’ai levé ma calebasse, et j’ai bu un peu du vin de palme de Kwaku Wusu. C’était doux. Kwaku Wusu est le meilleur malafoutier des seize villages de notre chefferie et des douze villages de la chefferie de Nana Afari.
Il se rappelait combien ces femmes avaient été contrariées lorsque l’électricité était arrivée dans leur petit coin de pays. Mais ce n’était pas tellement l’électricité qui les dérangeait, plutôt les réverbères. À quoi bon détruire la nuit ? Et elles s’échauffaient, s’échauffaient, tandis que les hommes, eux, contemplaient, soupiraient, et réparaient leurs filets.
Avec le recul, Kayo se demandait si ce n’était pas justement au moment où il avait accédé à la requête de Nana Seykere, lui demandant de laisser Oduro choisir la manière dont on allait se débarrasser des restes, que son enquête avait cessé d’être scientifique. Mais après tout, de quel droit aurait-il pu, lui, Kayo, arriver dans ce village et prétendre balayer d'un geste les traditions de ces gens, leurs coutumes, et précipiter dans le chaos tout un monde, au nom d'une science qui, pourtant, n'était pas dénuée d'incertitude ?
Et quand la peur t'attrape comme ça, ce qu'elle va chercher en dedans, c'est ton premier cri, la langue de ta mère.
Kayo quittait souvent la maison à l’aube pour aider père et équipage à tirer les filets. Il se souvenait des chants des hommes ; du soleil lent à paraître, comme s’il avait été pris à l’autre extrémité du filet que les pêcheurs tiraient, puis qui émergeait enfin, illuminant l’océan d’une étincelante nuée rose orangé. Tout le long du rivage miroitait la lumière, qui se reflétait sur les grandes bassines d’aluminium des marchandes de poisson, en pâles éclats scintillants, comme autant de clins d’œil de l’horizon.
chacun a le droit de faire la même erreur deux fois et venir demander pardon après, mais si tu fais la même chose une troisième fois encore, alors c'est toi-même qui es en train d'insulter la sagesse de ceux qui ont vécu avant toi.
Je veux être le premier à le voir
sourire, et voir ses petites dents
blanches s'exposer sans inhibition,
nudistes sur une plage de gencives.
Je n'ai rien à monter
parce que
l'amour ne laisse pas de mots.
"Hmm, Qu'est-ce que je vais vous dire encore? C'est ça mon histoire. Et comme toutes les histoires, c'est une histoire qui parle d'oublier. Di nous cessons d'oublier alors il n'y a plus d'erreurs, et il n'y a plus d'histoires"
P.237
Elle portait une façon de jupe petit petit là. Et ça montrait toutes ses cuisses, sebi, mais les jambes de la fille étaient comme les pattes de devant de l'enfant de l'antilope - maaaaigre seulement!
North Ridge était un étrange collage d'ambassades, de squats, de résidences d'employés de la Banque Mondiale, de bureaux et de clubs sélects, mais flirtant avec le cœur battant d'une ville semblable à toutes les villes que Kayo avait connues : un patchwork de rêveurs, de survivants et de mercenaires. Les mercenaires se repaissaient du gras des rêveurs et des survivants; la vie des survivants quelquefois se faisait plus douce grâce aux rêveurs; quant aux rêveurs, ou bien ils dépérissaient, ou bien ils prospéraient.
Qu’est ce que je vais vous dire encore ? C’est ça mon histoire. Et comme toutes les histoires, c’est une histoire qui parle d’oublier. Si nous cessons d’oublier, alors il n’y a plus d’erreurs, et il n’y a plus d’histoires
The makings of you
Tu n'en parleras à personne
de ce jour de Noël où tu t'es assis
seul dans ton studio minuscule,
une fourchette de pommes sautées
à tes lèvres, et là fermant les yeux ;
comment la saveur de cette bouchée de chaleur
électrique et de labeur zélé d'un agriculteur,
suivie de deux heures à lire Neruda et Li-Young
Lee, étaient le seul moyen que tu avais de te rappeler
que le sac de la vie recèle le plaisir comme la peine.
[...]
Et cette semaine, j'achète sept beaux citrons verts. Un
pour chaque journée nouvelle. Je les couperai en deux
chaque matin, en presserai une moitié pour moi, et une
autre moitié dans la tasse vide. Pour le souvenir.
La société Acquabio était nichée dans un recoin de North Ridge dont l'impression de quiétude ne parvenait guère à maintenir à distance l'animation trépidante d'Accra. North Ridge était un étrange collage d'ambassades, de squats, de résidences d'employés de la Banque mondiale, de bureaux et de clubs sélects, mais flirtant avec le coeur battant d'une ville semblable à toutes les villes que Kayo avait connue : un patchwork de rêveurs, de survivants et de mercenaires.
Mais c'est vrai que tous ceux qui connaissaient vraiment Ananse pouvaient comprendre sa peine. Sebi, depuis que son pénis avait appris à se lever pour ce qu'il est censé accomplir, Ananse avait tout fait pour se rapprocher de celle qui allait être son épouse.
Alors on ne se plaint pas. Il fait bon vivre au village. La concession de notre chef n’est pas loin et nous pouvons lui demander audience pour toutes sortes d’affaires. Il n’y a que douze familles dans le village, et nous n’avons pas d’embêtements. Sauf avec Kofi Atta. Lui, c’est mon parent, mais avant même que j’aie su nouer mon pagne tout seul ma mère m’avait déjà averti qu’il nous apporterait de lourds ennuis. Je me souviens ; la nuit d’avant, mon père avait rapporté otwe, la viande d’antilope, et ma mère était en train de cuisiner une sauce abenkwan.
Eï, les choses étonnantes ne cesseront jamais. Les gens disent qu'il n'y a rien d'autre que ce qu'on voit, mais il est vrai aussi qu'il n'y a rien d'autre que ce qu'on ne voit pas.
Avant, beaucoup d'hommes avaient l'habitude de corriger leurs épouses de temps à autre, mais quand nous tous là nous avons vu ce que Kwaku Ananse faisait, nous avons compris pourquoi nos Aïeux disaient que l'homme brave doit montrer son courage et sa force sur le champ de bataille, et non dans sa maison. Ce que nous avions coutume de faire là, ce n'était pas correct. La force qu'on nous a donnée, cette force doit nous servir pour protéger nos semblables, et non pour faire de nos semblables des esclaves.
Mais après tout, de quel droit aurait-il pu, lui, Kayo, arriver dans ce village et prétendre balayer d'un geste les traditions de ces gens, leurs coutumes, et précipiter dans le chaos tout un monde, au nom d'une science qui, pourtant, n'était pas dénuée d'incertitude ? (p 246)