Son visage rayonnant de paix et de calme et ses grands yeux profonds pétillants de vie ne reflétaient peut-être pas tout à fait la vérité, mais cette intelligence vive et rapide, la compréhension à demi-mot de l'interlocuteur, la réponse qui apparaissait furtivement sur son visage avant d'être traduite en paroles, ses brusques rêveries, son accent étrange et le fait que chacun, en parlant avec elle ou en étant simplement assis à ses côtés, était on ne sait pourquoi intimement persuadé que lui et lui seul avait à cet instant plus d'importance pour elle que toutes les autres personnes au monde, tout cela lui conférait cette chaude et précieuse aura que l'on sentait auprès d'elle.
Ces soirées apportaient à Borodine l’excitation et le bonheur indispensables à son âme, qui en sortait bouleversée. Il rentrait chez lui comme ivre, s’asseyait devant le piano et ne bougeait plus. Dix heures d’affilée, il jouait, réfléchissait, se rappelait.