Comment savoir qui on est, quand on ne comprend pas d'où on vient ?
J'ai beau me concentrer, cette sensation de malaise tenace ne se dissipe pas. Le seul moyen de trouver cette HEIMAT que j'ai perdue est peut-être de regarder en arrière ; de surmonter la honte abstraite pour affronter ces questions vraiment difficiles à poser : au sujet de ma ville natale, et des familles de mon père et de ma mère. Retourner dans les villes où ils sont nés. Retourner à mon enfance, au commencement, suivre les miettes de pain, en espérant qu'elles me mènent à la maison.
Tout le monde ici - sauf moi - sait qui je suis. Géographiquement. Historiquement. Génétiquement.
Je commence tout doucement à accepter que mes connaissances seront limitées, que je ne saurai jamais précisément ce que Willi pensait, ce qu'il a vu ou entendu, ce qu'il a décidé de faire ou de ne pas faire, ce qu'il aurait pu faire et n'a pas fait, et pourquoi.
Qu'il y ait participé activement ou pas, en devenant membre du parti nazi, il a inévitablement contribué à soutenir la cause d'un régime criminel. Est-ce que ma vie serait différent si j'avais trouvé la preuve que Willi n'avait jamais porté son uniforme, que sa femme avait bel et bien été expropriée de sa crèmerie par les nazis, qu'il avait caché son employeur juif dans une cabane, ou qu'il était lui-même à moitié ou au quart juif ? Ou serait-il plus facile de supporter ma honte si j'avais pu avoir la preuve de sa culpabilité , si j'avais appris qu'il avait été un parfait nazi, sans l'ombre d'un doute ?
Du traité de Versailles à la conférence de la paix de Paris, mes camarades de classe et moi ne laissions rien passer : nous analysions les discours d'Hitler dans leurs moindres détails - allitérations, tautologies et néologismes ; nous donnions des performances théâtrales d'avant-garde à la mémoire de la REICHSKRISTALLNACHT ; nous préparions des questions pour les vieilles dames qui venaient d'Amérique pour nous parler des camps, mais jamais nous n'aurions eu l'idée d'interroger nos propres grands-parents.
J'ai beau me concentrer, cette sensation de malaise tenace ne se dissipe pas. Le seul moyen de trouver cette HEIMAT que j'ai perdue est peut-être de regarder en arrière ; de surmonter la honte abstraite pour affronter ces questions vraiment difficiles à poser : au sujet de ma ville natale, et des familles de mon père et de ma mère. Retourner dans les villes où ils sont nés. Retourner à mon enfance, au commencement, suivre les miettes de pain, en espérant qu'elles me mènent à la maison.
Quelle famille serions-nous si la guerre n’avait jamais eu lieu ?
Je ne comprenais pas pourquoi JÉSUS ÉTAIT MORT POUR NOS PÉCHÉS, mais le concept de PÉCHÉ HÉRITÉ (car c'est ainsi que les Allemands appellent le PÉCHÉ ORIGINEL) et le fait de devoir subir les conséquences des actions d'une génération antérieure m'étaient familiers. Et j'ai fait à Jésus le serment d'accepter cela.
Mon père est retourné à Külsheim et a fait le tour de la ville à pied, « pour voir comment elle s’est développée ». Il a rencontré Michael et Iris, ses neveu et nièce, qu’il n’avait pas vus depuis qu’ils étaient enfants, et il est retourné à la vieille ferme où il a grandi.
Nous ignorions ce qui s'était passé dans notre ville.
Nous n'avons jamais appris les paroles de notre hymne national.
Nous n'avons jamais appris les chansons traditionnelles.
Nous avions du mal à comprendre le sens du mot HEIMAT.