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Citations de Pascal Manoukian (355)


Les livres de Léa appelaient ça « la destruction créatrice », Aline lui avait fait réviser le chapitre. En théorie, y apprenait-on, l'innovation inventait perpétuellement de nouveaux emplois qui, en s'imposant, détruisaient les anciens ; à terme, le solde entre postes créés et postes supprimés était censé devenir positif. La France, par exemple, avait remplacé ses paysans par des ouvriers, puis ses ouvriers par des employés de service ; aujourd'hui, elle remplaçait ces derniers par des travailleurs du numérique. Pour que le système fonctionne, il fallait accepter une marge d'erreur, une « casse marginale », car tous les salariés ne se révélaient pas interchangeables, d'autant qu'on oubliait d'anticiper les grands changements technologiques et de former les hommes aux métiers qui viendraient percuter les leurs — difficile alors de passer d'un atelier de fabrication de chaussettes à la programmation d'un site internet. Ainsi, chaque révolution se faisait au prix du sacrifice d'un quota de travailleurs inadaptés.

Page 36, Seuil, 2018.
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En face, les volets sont clos depuis plus d’une année. Personne n’a rien vu venir. Une charrette en plein mois de juin, la veille des vacances. Trente licenciements secs. La direction a prévenu les employés par un SMS groupé. Élise, la voisine, et Jérôme, son mari, faisaient partie de la liste. Huit mois après, un huissier vidait leur maison et posait des scellés. Trop de dettes
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Autour d'Essaimcourt, aucun village n'a résisté. Une seconde Occupation, sans chars ni Gestapo. Les mêmes qui avaient combattu se sont rendus, ont capitulé, ont levé les bras. Les drapeaux bleu-blanc-rouge déployés à l'époque de Léon pour affirmer la résistance au néant le sont aujourd'hui pour symboliser son acceptation. C'est une reddition. Cette fois, l'ennemi vient de l'intérieur. Les slogans de haine endeuillent les murs des usines, souhaitent la mort d'Arabes là où on n'en croise aucun. Chaque voyage en car scolaire désespère Léa. Elle regarde défiler cette France recroquevillée où les frontistes, comme des dealers, refilent leurs saloperies et leurs idées mortifères. Les villages comptent de plus en plus d'accros. Les permanences du parti sont autant de salles de shoot, où à l'abri des murs et des slogans on autorise ce qui est interdit : la haine de l'autre, le racisme, le négationnisme. Le plus noir de l'homme est repeint en bleu marine, un camouflage grossier. On n'est plus facho mais patriote, plus raciste mais pour la préférence nationale, plus antisémite mais contre les forces de l'argent. Le père a fait sa fortune en détournant l'héritage d'un cimentier, sa fille s'en sert pour dresser des murs. Chaque village conquis s'isole du reste du monde, s'entoure de remparts comme au Moyen Âge. Ils sont déjà des centaines à avoir choisi cet enfermement volontaire. Léa, elle, ne rêve que d'enjamber des ponts.

Pages 21-22, Seuil, 2018.
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Les seuls à faire repartir le cœur des chômeurs sont les restos du même nom
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Tout autour des fours, ses gars s'activent. Chacun maîtrise un geste à la perfection. Aucun n'est suffisant mais tous sont indispensables. Il est fier d'être le chef d'orchestre de ce ballet d'artistes en bleu de travail... Dix années d'apprentissage pour cinq secondes de perfection.
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[Le licenciement] C'est comme une coulée de boue, un glissement de terrain, un éboulis d'espoir déracinant tout sur son passage, les rêves et les projets, rasant des vies au hasard, laissant le miraculé comme les engloutis sans souffle, incapables de réaliser leur chance ou leur malheur tellement la sidération les pétrifie.
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C'est comme ça que les vies partent en fumée aujourd'hui. En attendant, Aline doit vivre avec une ombre à son tableau, cette tâche en face de son bonheur, un nuage devant son soleil... un avertissement. La fracture sociale pouvait l'engloutir à tout moment.
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Finalement leur grand huit s'est transformé en petit train-train, leurs rêves comme leurs corps ont rétréci, mais ils sont restés amoureux, corrigeant leur vision du bonheur chaque fois qu'elle baissait pour ne jamais se perdre de vue.
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J'ai souvent tenté d'expliquer à mes amis afghans qu'il était impossible de développer un pays en ignorant la moitié de ses forces vives. Que la femme était l'avenir de l'homme. Peine perdue.
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En 2001, après les attentats du 11 septembre, les Français et les Américains ne retenant aucune des leçons de la défaite des Soviétiques, s'engagent ensemble dans le bourbier afghan pour affronter des islamistes qu'ils ont eux-mêmes armés.
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"Donne un cheval à celui qui dit la vérité, il en aura besoin pour fuir" dit un proverbe afghan.
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"S'il est possible d'entrer en Afghanistan, disait Wellington le vainqueur de Waterloo, il est presque impossible d'en sortir."

Depuis des siècles, l'Afghanistan est le cimetière des empires. Les Moghols, les Iraniens, les Britanniques, nombreux sont ceux qui y ont été défaits.
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Le 15 décembre je pose pour la première fois le pied sur le sol afghan. J'ai 24 ans, un âne, et beaucoup de rêves.

15 jours plus tard, les troupes soviétiques s'emparent de Kaboul. C'est l'évènement le plus important de cette fin de siècle. J'ai faim, je gèle, mais je suis au bon endroit au bon moment.
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"Ils peuvent tuer toutes les hirondelles, ils n'empêcheront pas le printemps."

Une réponse d'un Afghan à Pascal Manoukian qui leur expliquait la puissance phénoménale de l'Armée soviétique.
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Trop d'acides gras, de E210, de E215, de graisses saturées, d'additifs chimiques, d'exhausteurs de goût, destinés à augmenter l'accoutumance aux marques les moins chères et les plus caloriques. Pour les Hyper et les Super, peu importe la cholestérol et la glycémie pourvu qu'il y ait l'ivresse d'un flux continu de Caddie aux caisses. Tout est bon à prendre : salaires, indemnités, allocations de fin de droits, minimum vieillesse, tickets restaurants. (p. 81)
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Depuis, comme un cyclone, le chômage a déforesté sa vie, plus un de ses arbres ne tient debout, on dirait les montagnes pelées d'Haïti, rien pour arrêter l'érosion, personne, un Sahel affectif
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Anderson a défini que l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de ses parents ne lui assurait pas nécessairement une position supérieure dans la vie professionnelle.Par exemple,imagine que moi,après trois ans de fac ou cinq ans d'école de commerce,je finisse caissière chez Simply.Ca,c'est le paradoxe d'Anderson.
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c'est pour ça que l'on fait des enfants, pour les hisser sur ses épaules, le plus haut possible, les aider à atteindre ce que l'on n'a pas pu atteindre soi-même
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Elle se demande ce que vont devenir tous ceux qui travaillent avec leurs mains. Où vont disparaître leurs gestes, dans quels musées ? Les terrils et les mines sont déjà classés au Patrimoine de l'Unesco. Quel avenir pour toutes ces usines mortes ? Des cars scolaires y emmèneront peut-être les enfants pour observer des des ouvriers faisant semblant de travailler en tournant en rond autour des machines débranchées comme les singes des zoos font semblant de vivre libres.
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Le paradoxe d'Anderson ! (...)
- C'est la perte d'une position sociale, soit celle de son milieu d'origine- par exemple, ton père était médecin et tu es fonctionnaire-, soit celle qu'un individu avait atteinte- par exemple, toi tu es contremaître et tu te retrouves ouvrière ou chômeuse.
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