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Citations de Patrick Chamoiseau (332)


Bien entendu, ces ouvrages où je vivais au rêve ne me parlaient jamais de moi. Ils n'évoquaient ni les paysages que je connaissais, ni ma langue maternelle, ni les choses qui composaient mon existence. Pour disposer d'ouvrages qui refléteraient ma réalité antillaise, je me mis à rôder du côté de la Bibliothèque Schoelcher, un édifice improbable, pagode de fer et de dorures, posté au centre de la ville, en face d'une savane d'origine militaire, juste à côté de ce palais de gouverneur qu'utilisent encore nos préfets de passage. Sa base livresque provenait du don des ouvrages personnels de l'admirable Victor Schoelcher. Je me vois encore monter les quelques marches , traverser une sorte de nef entre les falaises de livres reliés sentant le cuir confit, le papier mort, le ravet sec, la naphtaline. Je me vois approcher du vieux conservateur qui somnolait l'après-midi dans les poussières de son bureau. Touché par ma démarche de négrillon bizarre, cet être humain (...) m'accorda l'accès à une vieille armoire grillagée où s'éternisaient dans un coin d'oubli des livres concernant les Antilles. Livres de flibustiers en dérade dans les îles; livres de prêtres savants qui établissaient chronique de leurs séjours aux Amériques; livres de colonialistes heureux de posséder des îles; enfin, livres de poètes énamourés alentour des doudous, des fleurs et des joliesses du paysage.... d'une manière générale, les vainqueurs tenaient la plume, et quand ce n'était pas eux c'était leur seul imaginaire qui introduisait l'évocation de ce pays et qui disait le monde. Mais j'avais une telle soif de ma propre " réalité" que ces lectures me procuraient, à beau dire à beau faire, un plaisir sans manman. (p. 4
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Ces frontières multiformes se mettent à broyer du sang, les broient encore, et toujours, sous nos yeux. Elles tuent tous les jours et en masse, mais elles s'inclineront. Elles ne pourront que s'incliner sous un imaginaire du monde qui rejoint sa propre diversité, qui fait images ainsi, et que blessent dès lors les murs et les frontières. Aucune clôture ne saurait contester le réel, ni invalider le passage du réel, l'envolée des oiseaux, les dégagés de l'esprit et des grands sentiments. Si une frontière n'est pas une anomalie du monde tissé en ses diversités, nulle frontière en revanche ne saurait considérer le monde comme une anomalie.
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Hugo, mes enfants, Hugo...! Le plus considérable des poètes imbéciles !...
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Que rappellera ici le scribe qui ne rappelle à travers elle le sévère destin de toutes ces femmes condamnées aux maternités perpétuelles, expertes à déchiffrer les prophéties du vent, des crépuscules ou du halo brumeux qui parfois semble émaner de la lune, pour prévoir le temps de chaque jour et les travaux à entreprendre ; ces femmes qui, luttant à l'égal des hommes pour leur subsistance, firent ce qu'on appelle une patrie et que les calendriers réduisent à quelques dates bruyantes, à certaines vanités dont souvent les rues portent le nom ?

Hector Bianciotti
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Où s'achève l'enfance? Quelle est cette dilution? Et pourquoi erres-tu dans cette poussière dont tu ne maîtrises pas l'envol? Mémoire, qui pour toi se souvient? Qui a fixé tes lois et procédures? Qui tient l'inventaire de tes cavernes voleuses?
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Patrick Chamoiseau
es békés avaient vu couler leur bitations. Ce qui marchait bien avec l’esclavage marchait moins bien sans l’esclavage. Dans le pays, épaississait une langueur. Les cannes poussaient moins vite que le herbes à piquants. Le sucre roux semblait moins bon que le sucre de betteraves. En plus, ces histoires de salaires à payer, alors que personne n’avait la moindre pièce, enchoukait les planteurs dans des soucis sans nom. Les gouverneurs, l’un après l’autre, mirent en place des banques. Des prêts autorisèrent la paye des salaires. Mais il fut tout autant difficile aux planteurs d’atteindre leur compte de salariés. Pièce nèg n’ambitionnait de suer au lieu des anciennes chaînes. Ceux qui s’y résignaient, ordonnaient un autre rythme que ceux de l’esclavage. Cela embarrassait les aisances des békés. Alors ils firent venir d’autres modèles d’esclaves.
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Le feu convulsait au soleil comme une bête sauvage, avec la même folie hagarde, la même énergie destructrice.
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Patrick Chamoiseau
Ecrire , c'est la seule intimité que l'on épuise avec soi même en pleine présence de tous .
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Aucune douleur n'a de frontières
Patrick Chamoiseau
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L'identité est une corde avec laquelle les pouvoirs enchaînent les hommes pour les exploiter et les mener à la guerre
Boualem Sansal
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L'habitation est — à l'instar de toutes choses de ces temps — désenchantée, sans rêves, sans avenir que l'on puisse supposer. Le vieil esclave y a blanchi sa vie. Et, au fond de cette soupe, son existence n'a eu ni rime ni sens apparent. Juste les macaqueries de l'obéissance, les postures de la servilité, la cadence des plantations et des coupes de canne, la raide merveille du sucre qui naît dans les cuves, le charroi des sacs vers les gabarres du bourg. On ne lui a jamais rien reproché. Il n'a jamais rien quémandé à quiconque. Il répond à un nom dérisoire octroyé par le maître. Le sien, le vrai, devenu inutile, s'est perdu sans qu'il ait eu le sentiment de l'avoir oublié. Sa généalogie, sa probable lignée de papa maman et arrière-grands-parents, se résume au nombril enfoncé dans son ventre, et qui zieute le monde tel un oeil coco-vide, très froid et sans songes millénaires. L'esclave vieil homme est abîme comme son nombril.
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Depuis l'arrivée des colons, cette île s'est muée en un magma de terre de feu d'eau et de vents agité par la soif des épices. Beaucoup d'âmes s'y sont dispersées. Les Amérindiens des premiers temps se sont transformés en lianes de douleurs qui étranglent les arbres et ruissellent sur les falaises, tel le sang inapaisé de leur propre génocide. Les bateaux négriers des seconds temps ont ramené des nègres d'Afrique destinés aux esclavages des champs-de-cannes. Seulement, ils ont vendu aux planteurs-békés, nullement des hommes, mais de lentes processions de chairs défaites, maquillées d'huile et de vinaigre. Elles ont semblé non pas émerger de l'abîme mais relever à jamais de l'abîme lui-même. Les colons sont les seuls à mouvoir les masses charnelles de ce magma (baptiser, assassiner, libérer, construire, s'enrichir), mais ils ressemblent mieux à des fermentations qu'à des personnes vivantes ; et leurs yeux régentant les actes d'esclavage n'ont sans doute plus de ces jeux de paupières qu'autorisent l'innocence, la pudeur, la pitié.
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Nos contes et nos Conteurs datent de la période esclavagiste et coloniale. Leurs significations profondes ne peuvent se discerner qu'en référence à cette époque fondamentale de l'histoire des Antilles. Notre Conteur est le délégué à la voix d'un peuple enchaîné, affamé, vivant dans la peur et les postures de la survie. Pour exprimer cela, sa Parole (les contes créoles) a mêlé le bestiaire africain (baleine, éléphant, tortue, tigre, compère lapin...) aux personnages humains ou surnaturels (Diable, Bondieu, Cétoute, Ti-Jean l'horizon...) d'influence plus nettement européenne.
Extrait de la Préface de Patrick Chamoiseau.
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Le monde et ses misères sont des régions de nous.
Faire pays de ce monde, richesse de ces misères, ce sont le nôtres.
Faire courage de ces peurs, ce sont les nôtres.
Faire rencontre des fuites et des terreurs, ce sont les nôtres.
Faire minaret de l’Asile, cathédrale du Refuge, temple de la Bienveillance, ce sont nos dignités.
Appliquer cette étendue à notre propre abondance, quelle qu’elle soit, quoi qu’elle craigne, voilà notre plus beau défi. Refuser de contempler ce qui vient du haut d’un trône sécuritaire, ou depuis les retranchements d’un ilet au trésor, c’est ici notre gloire. Organiser en pleine humanité nos irruptions dans l’irruption du monde, c’est notre humilité. Tout déverrouiller en soi pour mieux ouvrir en nous le sanctuaire de l’humain, c’est notre liberté. Négocier ainsi la crête d’une aventure, déjà vécue par tous, dont gardent mémoire les cheminements de notre conscience, c’est notre manière de demeurer vivants.
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« La Relation n'assigne à aucune fixité, semblance ou ressemblance, à aucune différence intangible donc fictive. Aucun ancêtre obligatoire. Elle s'accommode des écarts, distorsions ou divergences féconds. Elle ne craint pas l'imprévisible. C'est elle qui instille dans le multiculturalisme le "trans" du vivre-ensemble ouvert. […] Qu'elle en soit consciente ou pas, la Relation déterritorialise. » (p. 91)
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« Quand l'Humain n'est plus identifiable par l'humain, la barbarie est là. Pas une tribu, pas une nation, pas une culture ou civilisation qui n'ait en quelque heure essaimé sous le désir ou la contrainte. Qui n'ait en quelque moment de ses histoires vu une partie d'elle polliniser le monde. Ou qui n'ait accueilli ou n'ait été forcée de recevoir ce qui provenait d'un bout quelconque du monde, puisant au monde autant que se donnant au monde, s'érigeant en source en asile et refuge, ou réclamant et asile et refuge.
Pas une.
[…]
Dès lors, l'homme campé sur son seuil qui ne reconnaît pas l'homme qui vient, qui s'en inquiète seulement, qui en a peur sans pouvoir s'enrichir de cette peur, et qui voudrait le faire mourir ou le faire disparaître, est déjà mort à lui-même. » (pp. 43-44)
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… des gens, des milliers de personnes, pas des méduses ou des grappes d’algues jaunes mais des gens, petites grandes vieilles toutes qualités de personnes, qui dépérissent et qui périssent, et longtemps vont mourir dans des garrots de frontières, en bordure des nations, des villes et des États de droit…
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Telle une vieille araignée impitoyable, velue, horrible, il s'efforçait de reconstituer les fils brisés de son horrible toile narcissique et criminelle, et peu importait que celui auquel il s'adressait fût un officier de police.
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« Le conteur créole ne dépeint jamais rien, aucun paysage, et surtout pas ses personnages, il ne fait ni dans la psychologie ni dans l’exploration des profondeurs de l’âme. Ce qui constitue son histoire se situe bien plus dans ce qu’il ne dit pas que dans ce qu’il expose »
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Le sentiment du beau ouvre à l'état poétique : cette partie de la vie qui échappe aux obligations des survies immédiates. C'est quand le chasseur observe un oiseau sans songer à le tuer. C'est quand le guerrier s'attarde un instant à regarder une fleur.
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