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Citations de Patrick Chamoiseau (332)


Alors, je m’accroupis comme une petite personne auprès du singulier visiteur et me mis en devoir de l’entendre… ou bien d’imaginer ce qu’il ne pouvait dire…
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« la sensation la plus désagréable fut d’admettre que je n’étais au centre de rien » (p. 112)
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Mon Esternome apprit à tirer chaque personne selon son degré de blancheur ou la déveine de sa noirceur. Il apprit à se brosser la rondelle de ses cheveux huilés dans l'espoir qu'un jour de l'impossible année cannelle, ils lui flottent sur le front. Tout un chacun rêvait de se blanchir: les békés en se cherchant une chair-France à sang bleu pouvant dissoudre leur passé de flibuste roturière; les mulâtres en guignant plus mulâtres qu'eux ou même quelques békés déchus; enfin la négraille affranchie, comme mon cher Esternome. Celle-là se vivait comme autant de zombis à civiliser sous d'éclatantes hardes et à humaniser d'une éclaircie de peau de toute la descendance. Cela ne les empêchait pas dans le même ballant, au fond même de leur être, de haïr cette peau blanche et les façons mulâtres, cette langue, cet En-ville et le restant fascinateur. Mon Esternome sur ce sujet me disait tout puis le contraire de tout. L'envers valait l'endroit, et l'endroit le plus souvent était des deux côtés.
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Ô manman... te perdre me révéla combien nous sommes fermés à ceux que nous aimons, comment nous sommes inaptes à nous rassasier d'eux, de leur présence, de leur voix, de leur mémoire, comment jamais assez nous ne les embrassons... jamais assez.
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Ô mes frères, vous savez cette maison que je ne pourrais décrire, sa noblesse diffuse, sa mémoire de poussière. De la rue, elle semblait un taudis. Elle signifiait la misère grise du bois dans un Fort-de France qui commençait à se bétonner les paupières. Mais pour nous, elle fut un vaste palais, aux ressources sans saisons, un couloir infini, un escalier peuplé de vies comme une niche de crépuscules, une cour, des cuisines, des bassins, des toits de tôles rouillées où nous découvrîmes le monde en de secrètes magnificences. Située au mitan de la ville, elle nous filtrait la ville. Elle savait allier les lumières et les ombres, les mystères et les évidences. La tiédeur de son ancienne sève s'exhalait parfois dans le silence des jours de messe. Elle porte encore nos griffes et nos graffitis, elle a nos ombres dans ses ombres, et me murmure encore (mais des choses maintenant incompréhensibles) quand j'y pénètre parfois.
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Les campements n'ont pas d'histoire. Les réfugiés n'érigent pas de monuments.
Chantal Thomas
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Pour un migrant, il n'y a pas de retour possible, ni le troisième jour, ni aucun autre jour. Le lieu que l'on appelle "chez soi" n'existe qu'en soi, dans l'espace intangible du souvenir inextricablement emmêlé au présent
Anna Moï
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" L'exil c'est avoir un accent partout, y compris chez soi"
Velibor Colic
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6- Les poètes déclarent qu'en la matière des migrations individuelles ou collectives, trans-pays, trans-nations et trans-monde, aucune pénalisation ne saurait être infligée à quiconque, et pour quoi que ce soit, et qu'aucun délit de solidarité ne saurait décemment exister.
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Alors, ce qu'il faut dire, c'est que, lorsqu'une loi est mauvaise - et la loi est qui punit les riverains de la frontière dans les Alpes-Maritimes parce qu'ils ont porté secours à des êtres humains en situation de danger, cette loi est mauvaise -, ceux qui l'enfreignent ont raison, ce ne sont pas eux qu'il faut punir, c'est la loi qu'il faut changer.
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Quand avons-nous commencé
A n'être plus
Que foule
Masse,
Groupe sombre de visages et de mains ?
Quand
Avons-nous perdu ce qui nous donnait lumière et vie ?
Nous avançons les uns derrière les autres, attendons
Les uns contre les autres, dormons
Les uns
Sur les autres,
Si proches, les uns
Se toussant sur les autres,
Si serrés
Les uns les
Autres à n'en faire plus
Qu'un au milieu des
Autres.

Laurent Gaudé
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« Celui qui ouvre, qui attire et qui offre ses trésors à la sensibilité relationnelle de tous fait du monde non seulement sa demeure, mais son bouclier, son gardien, et le degré le plus exact de sa richesse. Nul ne s'étonne que ces milliers de personnes veuillent sauter par-dessus la Ville lumière, zapper la terre des Droits de l'Homme pour s'en aller vers l'Angleterre ou vers l'Allemagne. Leur vision particulière du monde peut expliquer un tel dédain. Mais je redoute d'y voir le pire : l'attractivité devenue faible de ce que la France a de plus admirable.
[…]
Un écosystème relationnel suscite de la multi-attractivité. Les mobilités du monde ne se feront plus comme on ne voit encore, de la pauvreté vers la richesse, du dominé vers le dominant, de la guerre vers la quiétude, de la pénurie vers l'abondance. Elles actionneront une cartographie de désirs erratiques, les stimulations imprévisibles de l'inconnu, de l'étrangeté, du possible ou de l'impossible.
Une "sentimographie" de la mondialité.
Ce sont ces mobilités autorisées et, pour tout dire, organisées qui vont, mieux que toute institution mondiale, disséminer les richesses, répartir les pauvretés, équilibrer les pénuries, et en finale rompre avec les accumulations absurdes. L'équité, la sobriété, la stigmatisation des richesses indécentes se feront autant par les flux de la mondialité – ce sentiment panoramique qu'elles offrent – que par les règles de Droit qui surgiront tôt ou tard de cet autre imaginaire du monde. » (pp. 102-104)
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La liberté, l’égalité, la fraternité, le partage, l’équité, la dignité humaine et le bonheur pour tous sont des forces qui se sont vues construites contre les barbaries.
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Réchauffe ta parole avant de la dire. Parle dans ton cœur. Savoir parler c'est savoir retenir la parole. Parler vraiment c'est d'abord astiquer du silence. Le vrai silence est un endroit de La Parole. Écoute les vrais conteurs.
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L’accueil est un réflexe, un immédiat comme une compétence de la sensibilité humaine qui surgit sous l’impact de l’inconnu, de l’imprévisible, une distortion soudaine qui renverse l’esprit, dépasse la peur et mobilise des sources et des ressources bienveillantes. Dans l’accueil, on recueille puis on va au-delà : on prend soin, on s’emmêle l’un à l’autre, on s’enveloppe d’un espace partagé.
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la richesse, toute richesse quelle qu'elle soit, surgit toujours des industries de tous !
Aucun manager, aucun capitaine d'industrie, aucun manicou du business ne saurait distinguer son ouvrage de ceux qui la portent, la supportent et en finale la font.
(...)
Toute naissance est nue, fragile et démunie. (...) toute naissance en ce monde convoque cette générosité : richesse acquise, toujours produite par tous, se doit d'être redistribuée dans l'équitable et dans le généreux, entre tous et pour tous ! Toute naissance en ses fragilités appelle cette justice, cet héritage universel et l'ordonne autant.
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Aux bordures grecques et italiennes - blancs déchirés sur des gris d'impuissance - des gens, pas des roches, pas des mailles de plastiques, des personnes, des milliers de personnes, se tassent, s'entassent s'enlacent en une poisseuse dentelle où la mort et la vie se distinguent plus leurs mailles et se maintiennent en haillons grelottants, d'un grand mauve écarlate, l'une dans l'autre ainsi.
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Préface d’Antan d’enfance : « [Ces textes] disent de mon enfance la magie, le regard libre, le regard autre, les effets qui ont structuré mon imaginaire, modelé ma sensibilité, et qui grouillent […] dans mes ruses d’écriture ».

Mémoire, je vois ton jeu : tu prends racine et te structures dans l’imagination, et cette dernière ne fleurit qu’avec toi (p. 71).


Sur la maison :
Les nègres avaient déjà donné dans les cases en paille, puis dans les cases en bois puis dans les cases en fibrociment… Vu leur prédisposition à être rayées des surfaces de notre boue, ces qualités de cases ne furent jamais vraiment des données du Bon Dieu. […]Le ciment était non seulement porteur d’avenir mais aussi d’un art de vivre (p. 44).

Ô mes frères, vous avez cette maison que je ne pourrais décrire, sa noblesse diffuse, sa mémoire de poussière. De la rue, elle semblait un taudis. Elle signifiait la misère du bois dans un Fort-de-France qui commençait à se bétonner les paupières. […] Située au mitan de la ville, elle nous filtrait la ville (p. 185).

Sur les mères :
Les manmans ne se reposaient jamais. Elle changeaient simplement de travail et de rythme (p. 84).

Les manmans cultivaient la fierté. Il était impensable que leurs enfants puissent ne pas bien manger. La hantise du plat vide est de culture créole, elle rode dans l’histoire et parvient jusqu’aux cases de la ville (p. 177).

Le négrillon passait les journées à la fenêtre, suivant des yeux Man Ninotte à travers le quartier. Elle n’était jamais plus à l’aise que dans l’apocalypse. S’il n’y avait plus d’eau, elle ramenait de l’eau. S’il n’y avait plus de poissons, elle brassait du poisson. Elle trouvait du pain chaud. Elle trouvait des bougies. Elle trouvait des paquets de rêves et les charriait en équilibre dessus son grand chapeau. Et surtout, elle ramenait […] des objets perdus sous une gangue sans prénoms. […] Il la voyait disparaître au bout de la rue, réapparaître à l’autre, massive et puissante sous les ailes de son chapeau, parlant fort, saluant tous, distribuant des conseils que nul ne demandait. Pour cette adversaire des déveines, le désastre était un vieil ami. Elle s’y démenait à peine plus que d’habitude et nous en extrayait le meilleur (p. 121-122).

Sur son père :
Le papa déployait un ramage du mulâtre, dense et gonflant (p. 115).

Sur la langue créole :
La langue créole avait de la ressource dans l’affaire d’injurier […] par son aptitude à contester (en deux trois mots, une onomatopée, un bruit de succion, douze rafales sur la manman et les organes génitaux) l’ordre français régnant dans la parole. Elle s’était comme racornie autour de l’indicible, là où les convenances du parler perdaient pied dans les mangroves du sentiment. Avec elle, on existait rageusement, agressivement, de manière iconoclaste et détournée. […] La langue créole est un bel espace pour les frustrations enfantines, et possède un impact souterrain de structuration psychique inaccessible aux structurations établies de la langue française (p. 69).
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L'intuition fréquente les secrets du réel.
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Rien de savant, nulles citations : juste des couleurs accolées à mon âme. Des limons-mots. Des paillettes-verbes étincelantes. Des traces-fluides rémanentes. […] Lectures terribles. Rencontres imaginées. Plaisirs ramenés de leurs propres mots et de mes notes somnambules (p. 24-25).

Lire et relire, lire encore. Lire-triste. Lire-joie. Lire-sommeil. Lire-gober-mouches. Lire-sans-lire. Lire-réflexe. Lire-obligé. Lire-sauter-page. Lire-relire-encore. Man Ninotte se réveillait la nuit pour me surprendre au fond d’un livre. Elle me prédisait cette fatigue irrémédiable d’où germe l’échec scolaire ; elle me promettait une usure de mes yeux qui allaient devenir ciel-pâle comme du vomi de chat […]. Elle éteignait d’un geste menaçant. S’enfouir sous le drap […], entrer en pétrification stratégique, puis réenclencher sa lecture à la lueur sépulcrale d’une bougie ou d’une lampe de poche (p. 35).

Ces livres [Dézafi, Malemort] me conviaient à un point fondateur. Tout relire. Tout réexplorer. Tout interroger […] Il fallait tenter l’urgence intérieure d’un regard neuf, celui qui associe les contraires, domestique les paradoxes et fréquente l’impossible sans aucun dogme (p. 103).

Dans les cultures traditionnelles, le Dit du Mythe fondateur servait surtout à maintenir l’Autre à l’opposé de soi, à se légitimer face à lui, à se construire en rupture avec lui (p. 194).
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