Citations de Patrick Modiano (1621)
On a beau faire de son mieux et se croire hors d'atteinte, on n'échappe pas toujours aux fantômes. (p. 36)
Je n’ai jamais respecté l’ordre chronologique. Il n’a jamais existé pour moi. Le présent et le passé se mêlent l’un à l’autre dans une sorte de transparence, et chaque instant que j’ai vécu dans ma jeunesse m’apparaît, détaché de tout, dans un présent éternel.
Le silence entre nous était un lien beaucoup plus fort que les paroles. Nous étions comme ceux qui marchent côte à côte sans rien se dire mais toujours sur le chemin des écoliers.
J'ignorais son nom de famille lui qui n'avait pas de famille.
Il faut marcher à pas comptés pour déjouer le désordre et les pièges de la mémoire.
Voilà qu'un éclat de passé s'incruste dans la mémoire comme un éclat de lumière qui vous parvient d'une étoile que l'on croit morte depuis longtemps.
Il contempla un instant le feuillage du charme qui s'agitait doucement, comme si l'arbre respirait dans son sommeil. (p.46)
Les façades d'immeubles et les carrefours étaient devenus, au fil des années, un paysage intérieur qui avaient fini par recouvrir le Paris trop lisse et empaillé du présent. (pp.129-130)
Bien des années après, on essaie de résoudre des énigmes qui ne l'étaient pas sur le moment et l'on voudrait déchiffrer les caractères à moitié effacés d'une langue trop ancienne, dont on ne connaît même pas l'alphabet. (p.118)
On finit par oublier les détails de notre vie qui nous gênent ou qui sont trop douloureux. Il suffit de faire la planche et de se laisser doucement flotter sur les eaux profondes, enfermant les yeux. ((p.96)
Pourquoi des gens dont vous ne soupçonniez pas l'existence, que vous croisez une fois et que vous ne reverrez plus, jouent-ils, en coulisse, un rôle important dans votre vie? (p.92)
Brusquement j'entendais le bruit de la clé dans la serrure et son pas dans le couloir, et cela suffisait pour dissiper toutes mes graves pensées.
Et je finissais par me persuader que c'était nous, car les mêmes situations, les mêmes pas, les mêmes gestes se répètent à travers les temps. Et ils ne sont pas perdus, mais inscrits pour l'éternité sur les trottoirs, les murs et les halls de gare de cette ville. L'éternel retour du même.
Écrire un livre, c'était aussi, pour lui, lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l'intention de certaines personnes dont il ignorait ce qu'elles étaient devenues. (p.70)
Les souvenirs d'enfance sont souvent de petits détails qui se détachent du néant. (p.47)
Mais tout ce passé était devenu si translucide avec le temps ... une buée qui se dissipait sous le soleil. (p.15)
Maintenant ils étaient seuls tous les deux dans la chambre, et au bout de quelques instants elle avait de nouveau cette sensation, comme l'autre jour au studio Wacker, de danser avec lui à la même cadence, en parfaite harmonie... Et bientôt des éclats de plus en plus forts se succédaient à des intervalles de plus en plus courts. Chaque fois, elle éprouvait un vertige qui s'amplifiait à l'infini.
Il n'y avait pas de passé, ni d'étoile morte, ni d'années-lumière qui vous séparent à jamais les uns des autres, mais ce présent éternel.
Voilà qu'un instant du passé s'inscruste dans la mémoire comme un éclat de lumière qui vous parvient d'une étoile que l'on croit morte depuis longtemps.
Elle finissait par penser qu'il s'agissait d'un rêve, de ceux dont il subsiste encore des relents le lendemain, et même les jours suivants, si bien qu'ils se mêlent à votre vie quotidienne et que vous ne pouvez plus séparer le rêve de la réalité.