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Daniel Guérin (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070325337
350 pages
Gallimard (01/01/1989)
3.94/5   25 notes
Résumé :
" Je suis un grand artiste et je le sais. C'est parce que je le suis que j'ai tellement enduré de souffrances. Pour poursuivre ma voie, sinon je me considérerai comme un brigand. Ce que je suis du reste pour beaucoup de personnes (...) Ce qui me chagrine le plus c'est moins la misère que les empêchements perpétuels à mon art que je ne puis faire comme je le sens (...) Je sais depuis longtemps ce que je fais et pourquoi je le fais. Mon centre artistique est dans mon ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
«  Écrivain faisant flèche de tout bois, polyvalent, autobiographie, critique et théoricien d'art, pourfendeur d'académisme pamphlétaire non conformiste et, plus il avança dans la vie, anticlérical, anticolonialiste, pacifiste, antimilitariste, anti-versaillais, chantre de l'amour libre et de l'émancipation féminine, voire, à l'occasion de l'androgynie et de la bissexualité, d'humeur anarchiste, en lutte sur tous tes terrains avec l'ordre établi, donc sur ce chapitre, toujours révolutionnaire pour notre temps. ».

Voilà Gauguin en son jardin.

On l'aura compris Gauguin n'était pas l'adepte du demi ton.

Oviri nous le dit : ce sont les écrits d'un sauvage !


N'y tenant plus, Il plantera femme et enfants au Danemark et choisira son monde.
Un monde où pression familale, sociale et académique lui ficheront une bonne fois pour toute la paix.
«  Voilà six mois que je ne parle. L'isolement le plus complet. Naturellement pour la famille je suis un monstre de ne pas gagner d'argent. A notre époque on n'estime que celui qui réussit ».

Gauguin assume . Il assume tout.

Il sait son état de crève faim, de traîne misère mais il sait son chemin.
Rien ne l'arrêtera. «  Je suis un grand artiste et je le sais ».


Gauguin assume, c'est décidé il ne s'excusera jamais de rien. Il doute parfois. « Il me semble que je suis fou », il doute mais se souvient toujours de sa raison.


Il est hors norme. Et cela on lui ne pardonne pas.


Il aura connu le bel amour des Marquises mais aussi la haine et la bave des colonies.

Bel homme est celui qui sait faire de vilains corbeaux ses ennemis !

Procureurs, gendarmes, bourgeois, curés, il ne les « démordera » jamais.

Il est un sauvage peut être, mais un vrai sauvage de qui donne la chasse aux chiens de méchante compagnie.

Il respecte la beauté, la vérité, la bonté et ses amis, ses maîtres au delà du temps : Manet, Delacroix dont il explique magnifiquement ses sublimes « défauts » de dessin, , Degas, Ingres. Velasquez, Rembrandt, le céramiste Chaplet., Boticelli, Cranach, Courbet, Giotto, Hosukaï, Michel-Ange, Raphaël, Cézanne, Pissaro, Renoir, et son voisin de case, ce bon vieux cannibale.

Il ne les suit pas, il se reconnaît en leur compagnie, lui qui se traite de raté lorsque la vie devient chienne.

Il envoie dans le décor l'Académie, les critiques d'Art.
«  Vous êtes juges déjà corrompus ; vous avez d'avance une idée toute faite, celle du littérateur, et vous vous croyez trop de valeur pour regarder la pensée d'un autre. »

Grand organiste des couleurs, à ceux qui lui reprochent ses aplats, il répond harmonie naturelle et devant leur surdité il leur crie : bêtise !

Il a toujours gardé confiance en ses choix, et il enrageait de se connaître sans argent car cela l'obligeait à faire moins vite et à perdre son énergie pour sa survie.
«  Tu perds un siècle lorsque tu restes dix minutes dans la société d'un sot ».


Se vêtir,se blanchir, manger, se chauffer : occupations d'animal domestique.
Sauvage  Gauguin ! Oui ! Homme sauvage ! Travail et non labour ! L'écume du plaisir sur les flancs : oui ! sueur de labour sur l'échine : non !


Rêveur... «  comme l'infini nous paraît plus tangible, devant une chose non définie »...


Conscient .. « Je sais bien que l'on me comprendra de moins en moins. Qu'importe si je m'éloigne des autres : pour la masse je serai un rébus, pour quelques uns je serai un poète, et tôt ou tard le bon prend sa place. »


Amical.... « Mon Vincent » , ce « zouave » de van Gogh !
« Je suis primitif, il est romantique »...
...Odilon Redon et le coeur de ses êtres embryonnaires dans lesquels il rencontrera visage humain. .


Libre ! «  ce que l'Etat encourage languit, ce qu'il protège meurt ».
«  En Europe l'accouplement humain est une conséquence de l'Amour. En Océanie l'Amour est la conséquence du coït »,


Volcanique  alchimiste ! «  la matière sortie du feu revêt donc le caractère de la fournaise et devient donc plus grave, plus sérieuse à mesure qu'elle passe par l'enfer. »


Explorateur … «  Ce que je désire c'est un coin de moi même encore inconnu ».

Il lutte, il se bat, se démène, s'écorche aux ronces. Il avance , il est vivant.

Commissaires, fonctionnaires, missionnaires, il les sabrent tous à grand coup de palette !
Il ose. Il dit. Il leur écrit : lettre, journal, jusqu'à la porte de sa maison du jouir.
Il a l'honneur d'être, d'être.... Paul Gauguin !


Autorisé... Autorisé au seul plaisir de vivre comme il le doit .
Il connaît l'académie, les salons, les antichambres, il les a fréquenté.
Il connaît l'esprit bourgeois, il s'y est frotté. l'esprit marchand, la finance, les affaires.
Il connaît le prix guerre : Il l'a faite !
«  Une terrible époque se prépare en Europe pour la génération qui vient : le royaume de l'or ».
L' Histoire lui donne raison...

Il sait la famille : marié, cinq enfants. Il sait la faim, l'affront, l'humiliation.

Alors il ose puisqu'il sait.

Il sait le Bordel colonial , l'hypocrisie du clergé ( il a fait le petit séminaire) , la petitesse des grandes nations, le mensonge bien pensant, les fausses vertus, la délation.


Sa grand mère Flora Tristan n'aurait jamais pas pu le renier !


«  Tout gouvernement me paraît absurde, tout culte est une idolaterie. Si l'homme est libre d'être un sot, son devoir est de ne plus l'être ».


Dépassé.. Par lui même parce qu'il produit, parce qu'il ressort de lui.
Son oeuvre aiguise son appétit.


Epuisé souvent, mais toujours renaissant :
«  Ici, près de ma case, en plein silence, je rêve à, des harmonies violentes dans les parfums naturels qui me grisent ».


Gauguin se concentre, respire, il peint.
Et se fout bien du passé comme du reste.


«  Tas d'imbéciles qui veulent analyser nos jouissances ! A moins qu'il se figurent que nous sommes obligés de les faire jouir ».


Il peint ! Il n'est pas un singe savant ! Il est là par et pour son plaisir.
Il le dit, le peint, l'écrit.

«  J'estime que la vie n'a de sens que quand on la pratique volontairement. »


Quelle belle et pure volonté il lui aura fallu pour sauvegarder cette grande sauvagerie !

Respirer et écouter les oeuvres de Gauguin c'est se souvenir d'un temps qui ne connaissait pas la cruauté.


Astrid Shriqui Garain
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Comme la correspondance de Vincent et de son frère, les écrits de Gauguin font voir ce qu'on avait raté, pas vu, pas compris, et une fois de plus, se vérifie l'adage, le bien connu est le mal connu. Gauguin écrit avec une verve sans ombres ni demi-teintes comme sur ses toiles et ses cartons (attention spoiler: problèmes de budget récurrents). Les couleurs sont décidées et tranchées comme l'opinion, une éloquence fièvreuse, enthousiaste qui rend la lecture de ces morceaux choisis bien plus bouleversante qu'une biographie. Le lire c'est l'entendre nous parler. Une merveille.
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Je viens de relire Oviri, recueil de textes et de lettres, incluant Avant et Après. Ce qui m'intéresse dans ce recueil, c'est la volonté du peintre de fuir le monde dit "civilisé" et la relation qu'il entretiendra avec la Polynésie. Il voulait trouver un lieu qui ne soit pas contaminé par le conformisme et contrôlé par l'Eglise et le Gendarme. On voit à travers ces écrits qu'à peine posé le pied à Tahiti, il a été obligé de soumettre à l'un et à l'autre. Ses relations avec les Polynésiens seront globalement à la hauteur de ses espérances. Mais il retrouvera l'hypocrisie chez les colons et fonctionnaires et sera très vite ostracisé. Malade, il vivra souvent dans la misère.
Par ailleurs concernant ses peintures, il devra sans cesse être en relation avec ses amis de Paris pour vendre ses toiles. Sachant qu'il fallait plusieurs mois pour aller de la métropole à Tahiti, il était souvent dans l'expectative et ne savait jamais ce qu'il allait faire.
Ces textes et cette correspondance pourront paraître parfois redondants et manquer d'interêt. On pourra alors se raccrocher aux avis du peintre sur la société, sa correspondance avec son épouse et ses amis et sur son idée de la peinture.
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Je n'ai pas un souvenir précis de ce livre, mais j'ai le souvenir d'une écriture forte, le souvenir d'avoir découvert un homme au delà du peintre. Son écriture est restée comme une imprégnation en moi et je recommande à ceux qui ont envie de découvrir Paul Gauguin de le lire.
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Un ensemble plutôt hétéroclite de divers textes parus dans des revues et des correspondances. Anecdotique en somme quand à la vie de Gaugin.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Dans ma chambre jaune, une petite nature morte ; violette, celle-là. Deux souliers énormes, usés, déformés. Les souliers de Vincent. Ceux qu'il prit, un beau matin, neufs alors, pour faire son voyage à pied, de Hollande en Belgique. Le jeune prêtre (il venait de terminer ses études théologiques pour être comme son père, pasteur) le jeune prêtre s'en allait voir, dans les mines, ceux qu'il appelait ses frères. Tels il les avait vus dans la Bible, opprimés, simples travailleurs, pour le luxe des grands. Contrairement aux enseignements de ses professeurs, sages hollandais, Vincent avait cru à un Jésus aimant les pauvres, et son âme, toute pénétrée de charité, voulait, et la parole consolante, et le sacrifice : pour les faibles, combattre les grands. Décidément, décidément, Vincent déjà était fou. Son enseignement de la Bible dans les mines fut, je crois, profitable aux mineurs d'en bas, désagréable aux autorités d'en haut, de dessus la terre. Il fut vite rappelé, révoqué, et le conseil de famille réuni votait la folie, la réclusion de santé. Il ne fut pas cependant enfermé, grâce à son frère Théo. Dans la mine sombre, noire, un jour, le jaune de chrome inonda, lueur terrible de feu grisou, dynamite du riche, qui ne manque pas, celle-là. Des êtres qui rampaient en ce moment, grouillaient salement dans le charbon, dirent ce jour-là adieu à la vie, adieu aux hommes, sans blasphème. Un d'eux, terriblement mutilé, brûlé au visage, fut recueilli par Vincent. « Et cependant, disait le médecin de la Compagnie, c'est un homme foutu, à moins d'un miracle, ou de soins maternels très dispendieux. Non, c'était folie de s'en occuper. » Vincent croyait aux miracles, à la maternité. Le fou (décidément il était fou) veilla quarante jours au chevet du moribond ; il empêchait impitoyablement l'air de pénétrer sur ses blessures et paya les médicaments. Prêtre consolateur (décidément il était fou) il parla. L'œuvre folle fit revivre un mort, un chrétien. Quand le blessé, sauvé enfin, redescendit dans la mine reprendre son travail, vous auriez pu voir, disait Vincent, la tête de Jésus martyr, portant sur son front l'auréole, les zigzags de la Couronne d'épines, cicatrices rouges sur le jaune terreux du front d'un mineur.
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Afin que tu comprennes et puisses faire comme on dit (le malin), je vais te donner l'explication du plus raide et du reste, celui de mes tableaux que je tiens à garder ou vendre cher : le Manao Tupapau. Je fis un nu de jeune fille. Dans cette position, un rien, et elle est indécente. Cependant je la veux ainsi, les lignes et le mouvement m'intéressent. Alors je lui donne dans la tête un peu d'effroi. Cet effroi il faut le prétexter sinon l'expliquer et cela dans le caractère de la personne, une Maorie. Ce peuple a de tradition une très grande peur de l'esprit des morts. Une jeune fille de chez nous aurait peur d'être surprise dans cette position. (La femme ici point). Il me faut expliquer cet effroi avec le moins possible de moyens littéraires comme autrefois on le faisait. Alors je fais ceci. Harmonie générale, sombre, triste, effrayante sonnant dans l’œil comme un glas funèbre. (...).Il y a quelques fleurs dans le fond, mais elles ne doivent pas être réelles, étant imaginatives. Je les fais ressemblant à des étincelles. Pour le Canaque les phosphorescences de la nuit sont de l'esprit des morts et ils y croient et ils en ont peur. Enfin, pour terminer, je fais le revenant tout simplement une petite bonne femme; parce que la jeune fille, ne connaissant pas les théâtres de spirites français, ne peut faire autrement que de voir lié à l'esprit du mort le mort lui-même, c'est à dire une personne comme elle.
(Lettre à Mette, 8 décembre 1892, Tahiti)
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Je suis à terre aujourd'hui, vaincu par la misère et surtout la maladie d'une vieillesse tout à fait prématurée. Aurais-je quelque répis pour terminer mon oeuvre ? Je n'ose l'espèrer : en tout cas je fais un dernier effort en allant le mois prochain m'installler à Fatu-iva, île des Marquises presque encore antropophage. Je crois que là, cet élément tout à fait sauvage, cette solitude complète me donnera avant de mourir un dernier feu d'enthousiasme qui rajeunira mon imagination et fera la conclusion de mon talent.
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Depuis que j'ai connu la vie simple d'Océanie, je ne songe qu'à me retirer loin des hommes, par conséquent loin de la gloire : aussitôt que possible j'irai enfouir mon talent chez les sauvages et on n'entendra plus parler de moi. Pour beaucoup ce sera un crime. Que m'importe ! Le crime est souvent bien près de la vertu. Vivre simplement, sans vanité. Et cela je le ferai coûte que coûte, ma raison et mon tempérament le commandent.

Paul Gauguin, Oviri. Écrits d'un sauvage, Gallimard, 1974.
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Ce silence la nuit à Tahiti est encore plus étrange que le reste. Il n'existe que là, sans un cri d'oiseau pour troubler le repos. Par-ci, par-là, une grande feuille sèche qui tombe mais qui ne donne pas l'idée du bruit. C'est plutôt comme un frôlement d'esprit.
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Vidéo de Paul Gauguin
Paul Gauguin Belles Marquises.
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