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Jean-Marie Dallet (Préfacier, etc.)
EAN : 9782710306368
272 pages
La Table ronde (03/11/1994)
3.62/5   13 notes
Résumé :
"A ma fenêtre ici aux Marquises à Atuana, tout s’obscurcit, les danses sont finies, les douces mélodies sont éteintes. Mais ce n’est pas le silence." P.G.
Que lire après Avant et aprèsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« Ceci n'est pas un livre. Un livre, même un mauvais livre, c'est une grave affaire»

Ainsi débute à la manière de Magritte, ce qu'il est difficile de qualifier d'un journal, ou d'une biographie…. un fourre-tout, peut-être… une suite de notes éparses en tout cas, sans suite, des anecdotes relatives à sa vie côtoyant divers sujets sans liens apparents entre eux ; aussi bien des histoires insignifiantes ou de menus incidents de sa vie que des affaires qui lui tiennent particulièrement à coeur, ou ses convictions profondes.
Avant et après, une autobiographie ? Une autobiographie ne commence-t-elle pas par l'enfance ? Ici après quelques bribes seule-ment de ses jeunes années pour commencer, il y revient au beau milieu de son récit. Pourquoi pas ? Peut-être peut-on davantage parler d'une simple démarche autobiographique ou encore d'un autoportrait ? Quoi qu'il en soit, passé le moment de surprise, je n'ai pas cherché plus avant à comprendre, et pris le parti de me laisser porter par sa logique plutôt que d'y substituer la mienne et me suis laissé emporter par une écriture qui déroute quelque peu, mais ludique et plaisante, attachante souvent, où perce la sincérité malgré une impression de ramassis d'anecdotes et d'événements, encore une fois, à la queue leu leu, mais qu'il commente abondamment, dévoilant ainsi sa personnalité.

Pour revenir à son autobiographie qui commence par le : « Si je vous dis que du côté de mon père ils se nommaient tous des Gauguin, vous direz que c'est d'une naïveté absolue: m'expliquant sur ce sujet, voulant dire que je ne suis pas un bâtard, sceptique-ment vous sourirez » relaté dans mains ouvrages, débute par l'histoire de sa grand-mère, Flora Tristan, et se situe dans un contexte social avantageux… « Ce que je peux assurer cependant c'est que Flora Tristan était une fort jolie et noble dame. Elle était intime amie avec Mme Desbordes Valmore » …un récit généalogique qui, on l'imagine, vise à redorer son image artistique ou pour le moins à servir sa propre apologie pour contrer une image de peintre méprisé. Un récit paradisiaque d'une enfance dorée avec une mère idéale, « Ce que ma mère était gracieuse et jolie quand elle mettait son costume de Liménienne, la mantille de soie couvrant le visage et ne laissant voir qu'un seul oeil : cet oeil si doux et si impératif, si pur et caressant » ..récit qui s'achève à l'âge d'environ 7 ans lorsque cette mère idyllique devra partir régler la succession de son grand-père. Fin d'un éclairage flatteur.

Au final, si Gauguin dans ce récit « autobiographique » avec ses recours fréquents à l'humour, pour ne pas dire à la dérision, aux termes drus parfois, ses grossièretés machistes provocantes, ses sourdes colères, sa désorganisation, ses revendications, ses non-dits, sa forme brouillonne, hors norme, brouille les pistes et répugne à se révéler dans les faits, il n'en dévoile pas moins toute sa personnalité hors norme et toutes ses insatisfactions, dans cette forme même justement.

Reste l'énigme du titre « Avant et après », pourrait-il s'agir de sa tentative de suicide dont il ne dit mot ici , comme l'ont évoqué certains biographes ?
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J'ignorais jusqu'à présent que Gauguin avait écrit un livre. Curieuse, je me suis lancée dans la lecture de ses écrits. Avant et après a été débuté en décembre 1902 à Hivaoa, aux Iles Marquises, quand l'homme vieillissant et malade cesse totalement de peindre. Insomniaque il couche ses pensées, ses souvenirs, ses réflexions. Dans la préface du livre, Jean-Marie Dallet explique que Gauguin "veut voir ce livre publié au plus vite et qui est, selon lui, pleine de haine, de vengeance, de choses terribles". Malheureusement, "Gauguin n'aura pas le bonheur de voir éditer ce texte", publié bien longtemps après sa mort : d'abord en 1918 en Allemagne, pour ne paraître en France qu'en 1923. Totalement seul, sans argent, l'artiste est mort dans sa Maison du Jouir le 8 mai 1903. Avant et après est aujourd'hui considéré comme le plus grand texte de l'artiste.
Tout au long du livre (car c'est pourtant bien un livre que vous avez entre les mains), Gauguin ne cessera de vous rappeler, à vous, lecteur, que "ceci n'est pas un livre" ! Alors, si ce n'est pas un livre, qu'est-ce que c'est ? C'est à vous de vous faire votre idée. L'art pour l'art a été le sacerdoce de Gauguin, qui n'aimait pas le réalisme (il détestait les romans de Zola où "les blanchisseuses comme les concierges parlent un français qui ne [l']'enthousiasme pas", il haïssait George Sand, et ne cesse de s'excuser (enfin, "s'excuser" est un grand mot, connaissant Gauguin), de ne pas faire partie du sérail des écrivains. "Je voudrais écrire comme je fais mes tableaux, c'est-à-dire à ma fantaisie, selon la lune, et trouver le juste titre longtemps après." Pour ce qui est de la fantaisie, eh bien on n'est pas déçu du voyage ! Il y a un peu de tout, sans forcément de logique, il faut se laisser porter par les mots de l'artiste. Ou bien piocher à sa guise. Gauguin y verse sa conception de l'art, ses agacements, son enthousiasme, son amertume.

Je me suis amusée des traits d'"esprit" et des railleries, de l'humour grinçant. Je vous en propose quelques extraits :

"Rossini disait : "Je sais bien que ze ne souis pas un Bach, mais ze sais aussi que ze ne souis pas un Offenbach."
Je suis le plus fort joueur de billard, dit-on, et je suis Français. Les Américains enragent et me proposent un match en Amérique. J'accepte. Des sommes énormes sont engagées.
Je prends le paquebot pour New York, tempête affreuse ; tous les passagers sont affolés. Je dîne parfaitement, je bâille et je m'endors."

"Mais vos Japonais sont de rudes cochons !
Oui, mais dans le cochon tout est bon !"

"Un jeune Hongrois me dit qu'il était élève de Bonnat. Mes compliments, lui-ai-je répondu, votre patron vient de remporter le prix au Concours du Timbre-Poste avec son tableau au salon.
Le compliment fit son chemin ; vous pensez si Bonnat fut content et le lendemain le jeune Hongrois faillit me battre."

"Qui connaît Degas ? Personne, ce serait exagéré. Quelques-uns seulement. (...)
Degas est né... je ne sais pas, mais il y a si longtemps qu'il est vieux comme Mathusalem."

"La pire des souffrances, c'est la dernière."

"Ne vous avisez jamais de lire Edgar Poe autrement que dans un endroit très rassurant." Il adorait se ficher la trouille à sa lecture !

Il y a presque un Oscar (Wilde) caché en Gauguin, qui raille sans pitié ni gêne ses contemporains écrivant sans vergogne ses frasques à leur encontre ! Avec un sentiment de supériorité certain...

"Les mathématiques, c'est fatalement juste. Que serait-ce si ce n'était pas fatalement ?"
L'écrit le plus émouvant est sans doute celui sur son séjour à Arles, avec Van Gogh, et le drame que tout le monde connaît ("la chair de poule" vous envahit à cette lecture). Ce séjour qui marquera la césure entre l'Avant et l' Après.
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Gauguin me fascine. Sa peinture bien sûr, mais le bonhomme aussi.
Partir à 20 000 km pour échapper à la société conservatrice de la France de cette fin de XIXe siècle, pour retrouver à Papeete, le curé et le gendarme. C'est dans les premières page du récit, je crois me souvenir. Donc la grande déception ! Donc partir encore plus loin, aux Marquises. Fuir, fuir fuir cette société castratrice pour pouvoir enfin créer. Et quelles créations ! Je sais, qu'à la suite du film récent (que je n'ai pas vu), il y a eu tout un battage sur sa vision des colonies, des femmes... et une remise en question du personnage devant L Histoire. Il y aurait beaucoup à dire aussi sur notre époque, alors, qu'on lui foute la paix et qu'on se contente d'apprécier son oeuvre et sa recherche de liberté qu'il a enfin trouvée en Polynésie. Il faut lire ce bouquin pour comprendre.
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Gauguin se raconte tel qu'il est : entier, bourru et se dévoile sans retenue. Sa colère et ses revendications enflamment le récit. Quand on est artiste et que l'on crève de faim, la vie est bien difficile.

Il passe en revue son enfance, ses choix, ses amis les peintres. Il dit qu'il n'a pas écrit un livre, ni des mémoires.

C'est parfois décousu mais toujours vivant et intéressant.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
J'estime que la pensée qui a pu guider mon œuvre ou une œuvre partielle est liée très J'estime que la pensée qui a pu guider mon œuvre ou une œuvre partielle est liée très industrieusement à mille autres, soit miennes, soit entendue d'autres. Quelques jours d'imagination vagabonde je me remémore longues études souvent stériles, plus encore troublantes : un nuage noir vient obscurcir l'horizon : la confusion se fait en mon âme et je ne saurais faire un choix. Si donc à d'autres heures de plein soleil, l'esprit lucide, je me suis attachée à tel fit, telle vision, telle lecture, ne fut-il pas en mince recueil, prendre souvenance. »

Paul Gauguin, peintre connu pour ses peintures aux couleurs chatoyantes, mêlant dans ses tableaux l'âge d'or des îles du Pacifique et l'idylle d'un artiste en fin de vie. Décidé à regrouper dans un même recueil ses multiples expériences et ses souvenirs bigarrés, «Avant et Après » oscille entre autobiographie et mémoire. Partageant ses voyages autour du monde, sa relation tumultueuse avec Van Gogh ou les filles des îles.  Le peintre revient sur ce qui a forgé son art, ses souvenirs d'enfances ou encore narre subtilement quelques histoires antiques rapportés des uns et des autres. Échappant à un narcissisme dangereux et un auto centrisme barbant, c'est une invitation à découvrir la personnalité et les réminiscences d'un des grands maîtres du post-impressionnisme.
à mille autres, soit miennes, soit entendue d'autres. Quelques jours d'imagination vagabonde je me remémore de longues études souvent stériles, plus encore troublantes : un nuage noir vient obscurcir l'horizon : la confusion se fait en mon âme et je ne saurais faire un choix. Si donc à d'autres heures de plein soleil, l'esprit lucide, je me suis attachée à tel fil, telle vision, telle lecture, ne fut-il pas en mince recueil, prendre souvenance. »

Paul Gauguin, peintre connu pour ses peintures aux couleurs chatoyantes, mêlant dans ses tableaux l'âge d'or des îles du Pacifique et l'idylle d'un artiste en fin de vie. Décidé à regrouper dans un même recueil ses multiples expériences et ses souvenirs bigarrés, «Avant et Après » oscille entre autobiographie et mémoire. Partageant ses voyages autour du monde, sa relation tumultueuse avec Van Gogh ou avec les filles des îles.  Le peintre revient sur ce qui a forgé son art, ses souvenirs d'enfances ou encore narre subtilement quelques histoires antiques rapportés des uns et des autres. Échappant à un narcissisme dangereux et un auto centrisme barbant, c'est une invitation à découvrir la personnalité et les réminiscences d'un des grands maîtres du post-impressionnisme.
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Tiens ! voilà la petite Vaitauni qui s’en va à la rivière ; je la connais pour avoir remarqué une matière cornée qui remplissait l’antichambre. Cette bisexuelle n’est pas comme tout le monde ça vous émoustille quand piéton lassé on se sent impuissant. Elle a les seins les plus ronds et les plus charmants que vous puissiez imaginer. Je vois ce corps doré presque nu se diriger vers eau fraîche. Prends garde à toi, chère petite ; le gendarme poilu, gardien de la morale, mais faune cachette, est là qui te guette. Sa vue satisfaite, il te donnera une contravention pour se venger d’avoir troublé ses sens et par suite outragé la morale publique. La morale publique. La Force des mots.
Oh ! braves gens de la métropole, vous ne connaissez pas ce que c’est qu’un gendarme aux colonies. Venez-y voir et vous verrez un genre d’immondices que vous ne pouvez soupçonner.
Mais d’avoir vu la petite Vaitauni, pensant à cette matière cornée, je sens mes sens qui battent la campagne, je prends mes ébats dans la rivière. Tous deux nous avons ri sans feuille de vigne et...
Ceci n’est pas un livre.
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J'ai devant moi, des cocotiers, des bananiers ; tout est vert. pour faire plaisir à Signac je vous dirais que des petits points de rouge (la complémentaire) se disséminent dans le vert. Malgré cela, ce qui va fâcher Signac, j'atteste que dans tout ce vert on aperçoit de grandes taches de bleu. Ne vous y trompez pas, ce n'est pas le ciel bleu, mais seulement la montagne dans le lointain. Que dire à tous ces cocotiers ? Et cependant, j'ai besoin de bavarder ; aussi j'écris au lieu de parler. (p. 28)
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Je me souviens d'avoir vécu ; je me souviens aussi de ne pas avoir vécu. Pas plus tard que cette nuit j'ai rêvé que j'étais mort, et chose curieuse c'était le moment vrai où je vivais heureux.
Rester réveillé, c'est à peu près la même chose que rêver endormi. Le rêve endormi est souvent plus hardi, quelquefois un peu plus logique.
Je veux en venir à ceci, que je vous ai dit déjà.
Ceci n'est pas un livre. (p. 136)
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Pourquoi embellir à plaisir et de propos délibéré ; ainsi, la vérité, l’odeur de chaque personne, fleur, homme ou arbre disparaît ; tout s’efface dans une même note de joli qui soulève le cœur du connaisseur. Ce n’est point à dire qu’il faille bannir le sujet gracieux, mais il est préférable de rendre comme et tel que vous voyez que de couler votre couleur et votre dessin dans le moule d’une théorie préparée à l’avance dans votre cerveau.
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Paul Gauguin Belles Marquises.
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