Paul Éluard

A la fin pour se couvrir d'une aube
Il faudra que le ciel soit aussi pur que la nuit

Larmes des yeux, les malheurs des malheureux,
Malheurs sans intérêt et larmes sans couleurs.

Dormons, mes frères. Le chapitre inexplicable est devenu incompréhensible. Des géants passent en exhalant des plaintes terribles, des plaintes de géants, des plaintes comme l'aube veut en pousser, l'aube qui ne peut plus se plaindre, depuis le temps, mes frères, depuis le temps.

Ils étaient couronnés de leurs nerfs détraqués
On entendait hurler merci
Merci pour la faim et la soif
Merci pour le désastre et pour la mort bénie
Merci pour l’injustice
Mais qu’en attendez-vous et l’écho répondait

Nous nous délecterons de la monotonie
Nous nous embellirons de vêtements de deuil
Nous allons vivre un jour de plus

tes yeux dans lesquels nous dormons
tous les deux

tu es le grand soleil qui me monte à la tête

LA MORT L'AMOUR LA VIE
Les hommes sont faits pour s’entendre
Pour se comprendre pour s’aimer
Ont des enfants qui deviendront pères des hommes
Ont des enfants sans feu ni lieu
Qui réinventeront les hommes
Et la nature et leur patrie
Celle de tous les hommes
Celle de tous les temps.

INTIMES Je n‘ai envie que de t’aimer

Je n‘ai envie que de t’aimer
Un orage emplit la vallée
Un poisson la rivière

Je t’ai faite à la taille de ma solitude
Le monde entier pour se cacher
Des jours des nuits
Pour se comprendre

Pour ne plus rien voir dans tes yeux
Que ce je pense de toi
Et d’un monde à ton image

Et des jours et des nuits réglés par tes paupières.

Terrestre dérision la femme
Quand son cœur est ailleurs

tes yeux dans lesquelsnous dorons
tous les deux
ont fait à mes lumières d'homme
un sort meilleur qu'aux nuits du monde

la terre est bleue comme une orange
jamais une erreur les mots ne mentent pas

Les hommes qui changent et se ressemblent
Ont, au cours de leurs jours, toujours fermé les yeux
Pour dissiper la brume de dérision
Etc...

- Les petits justes - XI