Citations de Paul Éluard (1658)
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin,
Ciel dont j’ai dépassé la nuit,
Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes,
Dans leur double horizon inerte indifférent.
Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin,
Je te cherche par delà l’attente, par delà moi-même.
Et je ne sais plus tant je t’aime, lequel de nous deux est absent.
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DU DEHORS
La nuit le froid la solitude
On m'enferma soigneusement
Mais les branches cherchaient leur voie dans la prison
Autour de moi l'herbe trouva le ciel
On verrouilla le ciel
Ma prison s'écroula
Le froid vivant le froid brûlant m'eut bien en main.
A l'échelle humaine
(A la mémoire du colonel Fabien et à Laurent Casanova qui m'a si bien parlé de lui)
On a tué un homme
Un homme un ancien enfant
Dans un grand paysage
Une tache de sang
Comme un soleil couchant
Un homme couronné
De femmes et d'enfants
Tout un idéal d'homme
Pour notre éternité
Il est tombé
Et son coeur s'est vidé
Ses yeux se sont vidés
Sa tête s'est vidée
Ses mains se sont ouvertes
Sans une plainte
Car il croyait au bonheur
Des autres
Car il avait répété
Je t'aime sur tous les tons
A sa mère à sa gardienne
A sa complice à son alliée
A la vie
Et il allait au combat
Contre les bourreaux des siens
Contre l'idée d'ennemi
(...)
Un navire dans tes yeux
Se rendait maître du vent
Tes yeux étaient le pays
Que l'on retrouve en un instant
Patients tes yeux nous attendaient
Sous les arbres des forêts
Dans la pluie dans la tourmente
Sur la neige des sommets
Entre les yeux et les jeux des enfants
Patients tes yeux nous attendaient
Ils étaient une vallée
Plus tendre qu'un seul brin d'herbe
Leur soleil donnait du poids
Aux maigres moissons humaines
Nous attendaient pour nous voir
Toujours
Car nous apportions l'amour
La jeunesse de l'amour
Et la raison de l'amour
La sagesse de l'amour
Et l'immortalité.
.
Ma morte vivante
Dans mon chagrin, rien n’est en mouvement
J’attends, personne ne viendra
Ni de jour, ni de nuit,
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même.
Mes yeux se sont séparés de tes yeux.
Ils perdent leur confiance, ils perdent leur lumière.
Ma bouche s’est séparée de ta bouche.
Ma bouche s’est séparée du plaisir,
Et du sens de l’amour, et du sens de la vie.
Mes mains se sont séparées de tes mains,
Mes mains laissent tout échapper.
Mes pieds se sont séparés de tes pieds,
Ils n’avanceront plus, il n’y a plus de route,
Ils ne connaîtront plus mon poids, ni le repos.
Il m’est donné de voir ma vie finir
Avec la tienne.
Ma vie en ton pouvoir
Que j’ai crue infinie.
Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau.
Pareil au tien, cerné d’un monde indifférent,
J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres.
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L'ALLIANCE
Définitivement ils sont deux petits arbres
Seuls dans un champ léger
Ils ne se sépareront plus jamais.
La nuit n'est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée.
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler ou à satisfaire
Un cœur généreux
Une main tendue
une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager
Paul Eluard
L’aube je t’aime
J’ai toute la nuit dans les veines.
Toute la nuit, je t’ai regardée.
J’ai tout à deviner, je suis sûr des ténèbres,
Elles me donnent le pouvoir
De t’envelopper,
De t’agiter, désir de vivre
Au sein de mon immobilité.
Le pouvoir de te révéler,
De te libérer, de te perdre.
Flamme invisible dans le jour.
Si tu t’en vas la porte s’ouvre sur le jour.
Si tu t’en vas la porte s’ouvre sur moi-même.
Mon amour pour avoir figuré mes désirs
Mis tes lèvres au ciel de tes mots comme un astre
Tes baisers dans la nuit vivante
Et le sillage de tes bras autour de moi
Comme une flamme en signe de conquête
Mes rêves sont au monde
Clairs et perpétuels.
Et quand tu n'es pas là
Je rêve que je dors je rêve que je rêve.
Mais ta bouche partage l'amour
Et c'est par ta bouche
Et c'est derrière la buée de nos baisers
Que nous sommes ensemble.
Mange ta faim entre dans cet œuf
Où le plâtre s'abat
Où l'arôme du sommeil
Paralyse l'ivresse
Des bêtes en avance
Des bêtes matinales aux ailes transparentes
Se pavanent sur l'eau
Le loup-corail séduit l'épine-chevalière
Toutes les chevelures des îles
Recouvrent des grappes d'oiseaux
La fraise-rossignol chante son sang qui fume
Et les mouches éblouissantes
Rêvent d'une aube criblée d'étoiles
De glaçons et de coquillages.
La solitude l’absence
Et ses coups de lumière
Et ses balances
N’avoir rien vu rien compris
La solitude le silence
Plus émouvant
Au crépuscule de la peur
Que le premier contact des larmes
L’ignorance l’innocence
La plus cachée
La plus vivante
Qui met la mort au monde.
Les heures défaites
Les heures défaites
Comme des nuages
Brûlés de soleil
Et les heures fraîches
Rames battant l’aube
Les vieilles images
Informes et lentes
De bruit de silence
De nuits de couleurs
De fruits verts mûris
De fruits mûrs mangés
Les neuves visions
D’horizons précis
De claires clairières
De trésors limpides
Dans mes doigts câlins
Dans mes paumes chaudes
Dans nos yeux cachés.
LIMITE
Le corail imprévu de la fureur d’attendre
Les forêts sont en cage et la rosée est bue
Rancune j’oublierai j’aurai d’autres ivresses
Mais quelle vie les mains fermées sur une absence.
C’est avec nous que tout vivra
Bêtes mes vrais étendards d’or
Plaines mes bonnes aventures
Verdure utile villes sensibles
A votre tête viendront des hommes
Des hommes de dessous les sueurs les coups les larmes
Mais qui vont cueillir tous leurs songes
Je vois des hommes vrais sensibles bons utiles
Rejeter un fardeau plus mince que la mort
Et dormir de joie au bruit du soleil.
L’OR ET L’EAU FROIDE
Sous les bandeaux des bras des lèvres
Reste immobile vérité
Racines sources sont amies.
Les couleurs vives des baisers
Te fermeront les yeux franchise.
**
Solitude beau miel absent
Solitude beau miel amer
Solitude trésor brûlant.
**
Soûlé lassé dépris défait
L’homme retourne au fond du puits
Air vif
J’ai regardé devant moi
Dans la foule je t’ai vue
Parmi les blés je t’ai vue
Sous un arbre je t’ai vue
Au bout de tous mes voyages
Au fond de tous mes tourments
Au tournant de tous les rires
Sortant de l’eau et du feu
L’été l’hiver je t’ai vue
Dans ma maison je t’ai vue
Entre mes bras je t’ai vue
Dans mes rêves je t’ai vue
Je ne te quitterai plus.
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Au hasard une délivrance,
Au hasard une étoile filante
Et l'éternel ciel de ma tête
S'ouvre plus large à son soleil,
A l'éternité du hasard.
Et toi, tu te dissimulais comme une épée dans la déroute, tu t'immobilisais, orgueil, sur le large visage de quelque déesse méprisante et masquée. Toute brillante d'amour, tu fascinais l'univers ignorant.
Je t'ai saisie et depuis, ivre de larmes, je baise par- tout pour toi l'espace abandonné.