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Critiques de Philippe Corcuff (12)
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La gauche est-elle en état de mort cérébrale ?

La gauche (la gauche hollandaise) est devenue électoralement dominante, paradoxalement, malgré sa décomposition intellectuelle. Philippe Coccuff développe son constat sur le mode pamphlétaire afin de « réveiller les consciences », de « stimuler un appétit intellectuel déprimé par un surcroît de malbouffe conceptuelle ».

(...)

Ces critiques et ces analyses renverront chaque lecteur à une auto-critique de ses propres logiques de pensées. Pas inintéressant pour sortir des carcans et des cercles vicieux.





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Les mots qui fâchent

Incessamment, de nouveaux mots se glissent dans notre langue et bien souvent ceux-ci sont détournés, repris, traduits, malaxés et retournés… Des concepts clairs deviennent obscurs et ce qui semblait lipide vire rapidement à l’incompréhensible et tout prête à la controverse. Tout le monde s’y met, politiques, médias, gauche, droite, populistes, militants et intellectuels et nul ne s’y retrouve plus.



Petit dictionnaire (la liste des termes est dans les mots clés) pour ne plus s’y perdre, cet essai tente de débroussailler cette jungle en faisant appel à nombre de chercheuses et chercheurs pour des mots qui fâchent la France (Car oui, c’est culturel ! Et cette liste ne serait évidement pas la même en Angleterre ou en Allemagne).



Essentiellement centré autour des racismes et des exclusions avec quelques (trop rares) incursions dans les genres et les sexualités, voilà un excellent petit guide pour ne plus s’y perdre. Avec un petit bémol toutefois pour certains auteurs qui ne peuvent s’empêcher de faire des mots ou ceux dont les partis-pris militants écrasent le sujet.



Un petit livre bien moins léger que Les mots immigrés, moins poétique que le magnifique Il nous faudrait des mots nouveaux et que Jean Roscoff aurait évidement du lire dans Le voyant d’Étampe



Avec les participations de Nicolas Bancel, Rachid Benzine, Magali Bessone, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Ahmed Boubeker, Philippe Corcuff, Claire Cosquer, Juliette Galonnier, Sophie Guérard De Latour, François Héran, Philippe Huneman, Monique Jeudy-Baluni, Memphis Krickeberg, Nicolas Lebourg, Éléonore Lépinard, Françoise Lorcerie, Philippe Marlière, Nonna Mayer, Sarah Mazouz, Laure Murat, Alain Policar, Myriam Revault D’Allonnes, Jacob Rogozinski, Haoues Seniguer, Patrick Simon, Martine Storti, Julien Talpin, Michel Wieviorka, Valentine Zuber
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Les années 30 reviennent et la gauche est dan..

Observant la part né-conservatrice de l’air du temps, ses affinités périlleuses avec les années 30 qui donnent corps à un « post-fascisme », Philippe Corcuff propose d’analyser ce climat idéologique et politique nauséabond, de tenter de réagir au mieux à « l’extension du domaine de la haine », à ses pièges qui sont en train de se refermer sur nous.



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Polars, philosophie et critique sociale

Une petite ville, lieu de vacances connu, a été le théâtre d'un crime spectaculaire - l'assassinat a eu lieu dans un lieu totalement clos (de gros verrous tirés à l'intérieur) - et très médiatique - la victime est une présentatrice d' émissions de télévision; et c'est cette ville qu' avaient choisie quelques semaines auparavant certains policiers officiels et privés pour confronter leurs méthodes; ils arrivent dans la ville cinq jours après le meurtre.

Il y a là l'américain Hyeronimus Bosch, l'islandais Sveinsson Erlenbur, le suédois Kurt Wallander, le français Jean-Baptiste Adamsberg, le catalan Pepe Carvalho, le sicilien Salvo Montalbano, deux norvégiens Harry Holle et Varg Veum et un écossais John Rebus.

Ils se sont retrouvés un soir dans une grande villa, c'est Biscuiter, le cuisinier personnel de Pepe qui a mis en place l'apéritif de mise en connaissance de ces hommes.

Tout les réunit - même leur caractère; solitaires, ils le sont tous, Jean-Baptiste est arrivé en retard le premier soir, il a marché plongé dans ses rêves; plus un seul n'a une femme, aucune n'a résisté et aucune ne résistera bien longtemps et puis ce sont des rebelles - à la hiérarchie, à l'habitude, à l'amour de leurs filles et de leurs femmes.

Dés le jeudi matin ils se sont rendus à l'hôtel de police de la ville pour inviter le commissaire à les rejoindre pour un repas que préparera Biscuiter; et le commissaire leur a parlé du crime; bien sûr, au long des marches de Jean Baptiste partagées avec Erlenbur et des verres bus par John accompagné par tous ils trouvent la solution que vous lirez dans les récits de leurs chroniqueurs, Michael Connelly, Indridasson, Mankell, Fred Vargas, Vasquez-Montalban, Andrea Camilleri, Nesbo, Staalesen et Ian Rankin.

Pour le repas partagé avec le commissaire local, Biscuiter a préparé des pattes alla abbrusciana: une sauce mijotée, oignon, ail, anchois au sel, câpres (de Tinos) olives noires - à propos d'olives faites vous le pâté d'olives de Cendrars - tomates, basilic, piment, sel et poivre noir, mangez cela avec du saucisson bien sec et un vin rouge de pays et dites moi …

Vous lirez ce livre chez leurs chroniqueurs et vous aimerez.

Même si certains de nos vieux amis Fabio Montale, Jules Maigret, Philip Marlowe, Kurt Wallander…ne sont plus là.



Vous aimerez avec Laura - Don Byas au Saxophone ténor un homme qui aimait les femmes.

Et avec ça les mêmes vins rouges que nos camarades flics - un vin simple franc pas gâté par une étiquette qui ne vise qu'à faire croire..

Et tout cela sur une terrasse bien protégée par une glycine des concupiscences des passants honnêtes et sobres de vins et de lectures.
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Où est passée la critique sociale ?

« Entre les déceptions d’hier et les picotements émancipateurs d’aujourd’hui, il peut sembler opportun de mieux situer les ressources critiques disponibles, c’est à dire les outils critiques que nous avons à notre disposition pour décrypter le monde mais aussi pour le transformer et, partant penser les résistances à ces visées transformatrices inscrites dans ledit monde et en nous, parties prenantes et transformateurs potentiels du monde. »



Bon, je ne l’aurais pas formulé ainsi. Passe encore sur les déceptions d’hier et les picotements émancipateurs d’aujourd’hui, c’est affaire de perception politique, d’histoire en partie personnelle, etc… Mais qui est ce « nous » ?, une somme d’individu-e-s ?, un/des groupes sociaux aux intérêts en partie convergents ?, etc…



Je ne cherche pas, ici, à rendre compte des multiples aspects de ce livre. Ceci n’est donc pas vraiment une lecture., mais une suite de ponctuations, d’évasions, une manière de couper les cheveux en quatre, de ne pas accepter des creux, des gouffres, des silences. Non pas des incomplétudes, comment faire autrement ? Non pas le refus d’analyses non bouclées sur des certitudes, qui ne pourraient qu’être dogmatiques. Mais, une sorte de révolte contre le regard détourné de savoirs et de pratiques émancipatrices (mauvais accord, mais accord choisi), et l’enfermement de la recherche dans des vêtures étriquées, des usages (institutionnels ?) qui créent une mauvaise distance, pour un partage de connaissances et d’espérances. Pourtant, il convient à la fois « de prendre au sérieux les rigueurs intellectuelles » et « prendre de la distance à l’égard du ridicule institutionnel et personnel », mais je suis dubitatif sur les affinités, autrement qu’à construire, entre ces « thématiques » et les « logiques académiques ».



Certaines abstractions ne peuvent se traduire simplement dans le langage usuel, des mots à usage scientifique, ou poétique, à l’inverse, servir d’outils aux formulations solides, hésitantes ou fragiles. Sans oublier que le fil peut se transformer en pelote pour lectrice/lecteur chat/te, le sens se troubler, et qu’il convient de garder l’ouverture aux incertitudes, aux incohérences, etc…



Je ne suis ni sociologue, ni philosophe, ni universitaire, lecteur, souvent attentif, quelque fois distrait, curieux, ne rechignant pas à parcourir des sentiers inconnus et escarpés, habitué à certains niveaux d’abstraction, mais insensible « auxformats » que semblent s’imposer des universitaires. Un travail sur les codes, leurs significations sociales devraient interpeller plus souvent, celles et ceux, qui font profession de diffuser des savoirs.



Je poursuis aussi, en quelque sorte, un « dialogue » entamé, avec l’auteur, à l’occasion de deux précédentes lectures.



De l’introduction, « Cet ouvrage ressemble plutôt à un atelier, un atelier conceptuel et méthodologique, attentif en cela aux tâtonnements inhérents à la recherche en train de sa faire », à la conclusion, l’auteur décline une démarche à la fragilité assumée, « Je souhaite que cette conclusion soit tout à la fois un récapitulatif clarifiant certains axes transversaux qui travaillent ce livre et une ouverture vers des recherches renouvelées dans les sciences sociales critiques, permettant des dialogues, des passages (dans les deux sens), des hybridations et des tensions productives avec la philosophie, les cultures ordinaires, les savoirs critiques des mouvements sociaux et l’action émancipatrice (à la fois individuelle et coopérative), bref quelque chose comme une boussole raisonnée, globale et provisoire. »



Je note ici, sans plus, que les sciences sociales critiques sont, dans ce livre, essentiellement la sociologie, quid de l’histoire, des études de genre ou de l’économie (critique de l’économie politique, au sens des travaux de Marx, sur la place de la marchandise, du fétichisme dans les relations sociales, etc…) ? Je souligne aussi le choix de deux mots liés à l’action émancipatrice : « individuelle » et « coopérative » mais l’absence du terme « collectif », non réductible à la « simple » coopération entre individu-e-s.



Quoiqu’il en soit, l’orientation de recherche de Philippe Corcuff est utile. Nous ne pouvons nous contenter de l’état de la critique, ni d’une mise sous murmure des pensées de l’émancipation, ni oublier les capacités d’agir des un-e-s et des autres, irréductibles aux organisations systémiques, aux contraintes et aux dominations. Il ne faudrait cependant pas oublier les souffles de la révolution « arabe », les bousculements en Amérique latine, les grèves de salarié-e-s en Asie, le mouvement altermondialisation, les révoltes « populaires » et les nombreuses publications hésitantes, colorées, sur le réseau internet, etc…



Les « réductions » par le stalinisme et la social-démocratie, leurs expérimentations et pratiques réellement existantes, sans oublier leurs divers rejetons (je partage les appréciations de l’auteur sur Alain Badiou), ont plus que terni l’espérance socialiste. Aux simplismes, au scientisme, aux refus de prendre en compte la complexité des « phénomènes » sociaux, il me semble juste d’opposer « la construction de problèmes à travers des tensions pourrait être gage d’une radicalité dans la complication plutôt que d’une radicalité dans la simplification ». Il en est de même de la critique radicale de la linéarité du progrès (ne pas négliger « le passé oublié des possibilités non abouties d’émancipation »), ou de l’explication par les issues « c’est à dire la tendance à penser un processus d’action collective à partir de ses résultats et à tirer alors mécaniquement un trait droit entre les issues observées et les causes supposées, en ignorant les aspects plus cahoteux et incertains de l’action en train de se faire ». Il ne suffira pas d’un coup de plumeau pour enlever la poussière, pour faire l’état des crimes, pour extirper les tentations totalitaires ou liberticides, les délégations mortifères, le refus des auto-organisations des dominé-e-s, la parole confisquée, la théorie assénée, etc…



Des mots, certes aux sens travestis, réduits, fermés, par d’autres, sont écartés, non sans conséquences : mode de production, système social, rapports sociaux, (je ne suis pas convaincu par la proposition de leur « substituer les notions plus ouvertes de liant social, de liens sociaux et d’accordement »), classe, genre, etc…



Les asymétries analysées ne semblent l’être, le plus souvent, que pour les individu-e-s, et sous prétexte d’écarter les conséquences d’une pensée totalitaire, les « organisations » en perdent leurs dimensions systémiques. Il ne me semble pas suffisant de critiquer « l’oubli de la caractéristique structurelle de l’inégalité et de la domination ».



L’auteur cite beaucoup d’auteurs et peu d’auteures. Conscient d’un problème, il ajoute « Beaucoup d’hommes et peu de femmes ! Ce qui montre que l’espace des théories critiques (et moi-même dans cet espace) est lui-même traversé par les effets de la domination… » J’ajoute que ces humain-e-s sont très majoritairement issu du monde dit occidental blanc (quid de Frantz Fanon, Edward Saïd, William EB du Bois, Abdelmalek Sayad, par exemple, etc…). Mais la phrase, pirouette peu digne à mes yeux, illustre le gouffre existant entre l’université engagée (et je ne doute pas de l’engagement de Philippe Corcuff, de son ouverture sensible) et l’engagement dans une critique radicale du point de vue des dominé-e-s, des opprimé-e-s. La critique sociale ne saurait se passer, entre autres, de la critique de l’économie politique (au sens de Marx, domination impersonnelle de la valeur, capital comme rapport social, fétichisme de la marchandise, etc…), de l’organisation « asymétrique » du monde (impérialisme, néocolonialisme, etc…) ni de la radicalité des analyses féministes ou des procès de racialisation.



Je ne parlerais pas ici, du regard peu attentif aux plus interrogatifs des marxien-ne-s, hors Daniel Bensaïd largement cité. Bien plus douteux, me semblent d’autres impasses.



Car, je ne parle pas ici, d’un-e lecteur/lectrice errant parmi les livres, les découvertes, mais d’un universitaire sociologue qui fait l’impasse sur les analyses de l’oppression, de la domination des hommes sur les femmes, des apports des féministes radicales, qui valent bien les apports intéressants mais bien maigres, de nombre d’auteurs étudiés dans ce livre. Et pour le dire vulgairement, en insouciance irrespectueuse, c’est forcement un choix d’oublier, outre les auteurs déjà cités, Christine Delphy, Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Danielle Kergoat, etc, lorsque essaye de s’orienter vers le « penser global au croisement des savoirs ».



« Retisser des relations entre théories critiques de la domination et pensées de l’émancipation, tout à la fois sous la forme d’articulations et de tensions, constitue un des grands défis actuels au sein de la philosophie, des sciences sociales et des outillages intellectuels des mouvement sociaux » Si je partage l’idée de « tensions », ou le « retissage » nécessaire, je rappelle néanmoins, qu’aussi bien que pour les marxien-ne-s, tendance Karl, que pour les féministes radicales, il n’existe que des points de vue nécessairement situés (ce n’est que du point de vue des opprimé-e-s que la condition sociale peut être perçue comme une oppression). Ainsi, le refus des relations sociales historiquement construites, l’émancipation à construire et l’élaboration de possibles théories critiques, devraient nécessairement s’articuler. Cela implique des débats politiques, autours d’intérêts partiellement différenciés, temporellement en partie contradictoires, sans oublier les singularités, aujourd’hui comme demain, même après des avancées dans l’appropriation sociale, l’auto-organisation, voire l’autogestion plus ou moins généralisée, pour utiliser des concepts politiques, non maniés par l’auteur.
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La grande confusion

Exhaustif, précis, hyper documenté et référencé, un travail universitaire énorme qui mérite notre attention et notre respect. C'est aussi une encyclopédie historique des 40 dernières années des idées issues de la scène politique française. Indispensable pour qui veut démêler l'écheveau des arguments échangés de part et 'autre de l'échiquier politique sur les sujets de l'identité nationale, l'immigration,l'Islam politique, le communautarisme, l'antisémitisme etc...
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La grande confusion

Enseignant en IEP, passé par au moins huit partis et organes de gauche et d'extrême gauche qu'il a tous quittés car « confusionnistes », Philippe Corcuff coche toutes les cases du libertaire radical démolisseur de l'ordre en place.



Idéologue utopiste et néo-alchimiste qui s'ignore, Corcuff a fait un rêve, celui de trouver la pierre philosophale menant à « l'émancipation », sujet auquel il a déjà consacré plusieurs grimoires.

Sans doute aveuglé par une trop longue étude de la Lumière, il nous expose ici ses vues sur l'Obscurité, comme si alerter sur la proximité du gouffre était un autre moyen d'approcher les hauteurs.



Ainsi, cloîtré dans son laboratoire d'idéologie métaphysique, il en est sorti après trois années de réflexion avec la formule incantatoire qui décrit le mieux l'ennemi de notre temps : « l'identitarisme », courant qu'il situe surtout à « l'extrême droite », « tendance à fixer les individus et les collectivités humaines sur une identité principale, homogène et fermée », auquel il préfère les « identités hybrides, plurielles et ouvertes. »

Problème, la définition est tellement restrictive que ces caractéristiques théoriques du parfait salaud ne correspondent à aucune réalité pratique (hormis les chariatistes, mais c'est visiblement pour lui un sujet tabou).

Il est savoureux de noter au passage que le contempteur d'une supposée France moisie, repliée sur elle-même, ait pu concevoir une formulation aussi étriquée.

Mais – et c'est à la fois le grand paradoxe et la prouesse de son réquisitoire –, cela ne l'empêche pas de trouver une infinité de liens entre cette description improbable et la plupart de ses contemporains tout en paraissant le seul à se tenir à bonne distance de la menace.

Pour parvenir à un tel exploit, que seule sa science ésotérique pouvait permettre, il a su développer dans sa longue réclusion des capacités stupéfiantes : une vision extralucide, un flair de limier et une oreille bionique (autrement plus fine que celle de Super Jaimie) capables de détecter les « aimantations » suspectes, les rhétoriques « nauséabondes » et les chuchotements « complotistes » à des distances sidérales et que nul ne saurait percevoir s'il est non-initié.

Voyons comment notre sociologue à chapeau pointu exerce ses nouveaux pouvoirs…



Une des grandes fragilités de son propos est donc qu'il paraît construit sur une illusion paranoïde et mû par l'ostracisation d'un ennemi imaginaire d'autant plus facile à dénoncer qu'il le caricature et le diabolise.

Car aujourd'hui le souci des soutiens de Zemmour et le Pen est-il véritablement de fixer les individus « sur une identité principale, homogène et fermée » ?

Les sociétés qui fonctionnent le mieux ont bien une identité principale, et aucune n'est totalement homogène et fermée ; tout est question de degré. Moins ouvert ne veut pas dire fermé, et plus homogène ne veut pas dire pas pur.

Ceux qu'il juge infréquentables ne trouvent-ils pas simplement que l'hétérogénéité est devenue excessive, qu'elle est un facteur de division et de mal de vivre pour tous, et qu'en avoir moins serait un facteur d'harmonie et de paix sociale, et même d'une forme… d'émancipation ?

Au Japon, très homogène, la confiance sociale et la sécurité sont au plus haut et les portes des domiciles restent ouvertes ; au Brésil, très hétérogène, la confiance sociale et la sécurité sont au plus bas et les portes sont grillagées.

Mais, en observateur hémiplégique, Corcuff, qui voit tout, ne le voit pas et dira que le premier est un modèle de type « extrême droite » et le second de type « émancipateur ».



Lui, si rétif à l'idée de fermeture et de frontière – semblant voir dans toute limite un carcan et jamais une protection –, s'émancipe-t-il de ses portes et fenêtres en les gardant toujours grandes ouvertes, pour mieux accueillir et jouir de l'altérité ?

Or, s'il parle toujours des principes, qu'il décrit très finement jusqu'à la ratiocination, il ne parle jamais du nombre et c'est là une autre grosse faiblesse de son livre.

Ainsi, indifférent au poids des forces, il ne voit pas pourquoi il faudrait encourager un islam des Lumières plutôt qu'un protestantisme des Lumières. Il est comme l'auteur d'un livre de cuisine qui parlerait des ingrédients mais jamais de leur quantité, et qui trouverait ainsi normal d'avoir autant de sel que de légume dans une soupe et traiterait de « postfascistes » ceux qui refuseraient d'y goûter.



Dénonciateur du « confusionnisme », il fait aussi une confusion permanente entre le national et l'étranger au nom de la lutte des classes, comme si les moyens nationaux avaient une vocation universelle. Les revenus du foyer de Corcuff ont-ils vocation à être employés au profit de tout son pâté de maisons ?



Autre curiosité, comment peut-il prôner des identités hybrides, plurielles et ouvertes et s'étonner de ne rencontrer que des gens – dont il dresse une liste de plus de cent noms – à qui il est arrivé d'aborder positivement la nation, la souveraineté, le localisme, la langue, la cuisine et le mode de vie français, l'enracinement, le terroir, les traditions…? A l'écouter, seuls seraient fréquentables ceux qui restent éloignés de ces thèmes – donc pratiquement personne –, et c'est à se demander si lui-même n'est pas enfermé dans une identité émancipationniste, voire si, inconsciemment, il n'est pas « aimanté » par une forme de maccarthysme, courant lui aussi amateur de liste noire.



Paradoxal aussi le fait qu'il dénonce le souci de pureté de l'identitarisme tout en étant lui-même dans une quête éperdue de pureté émancipatoire.

Pointe avancée d'une secte dont il a édicté les dogmes, il allonge en effet à l'infini la liste des délits d'excommunication et, étant équipé d'une « boussole émancipatrice » indiquant un pôle qui n'existe que dans son imagination, se retrouve finalement seul, incapable d'entraîner des adeptes. A écouter ses interventions sur les plateaux télé et radio, on le sent très inquiet de l'accueil de son livre, assoiffé de critiques favorables qui tardent à venir et très peu assuré de la solidité de ses arguments, allant jusqu'à confesser en être réduit à une « espérance mélancolique ».

Notre alchimiste aurait-il passé la moitié de sa vie parmi ses alambics pour n'aboutir qu'à une formule foireuse ? le Torquemada des hybridations plurielles aurait-il décimé ses propres troupes par trop d'anathèmes en croyant les ramener à la vraie foi ?



Ainsi, après s'être cru abbé Sieyès, concepteur prolifique de constitutions géniales dont aucune n'a jamais fonctionné, puis soldat de l'An II, appelant à la levée en masse contre tous les oppresseurs, il finira sans doute comme Robespierre et son ramassis d'extrémistes, tombant sous la Grande Lame après en avoir tant usé…

Chevalier Jedi, armé de son épée laser émancipatrice, à l'assaut de tous les Sith tapis du « côté obscur de la force », scrutateur zélé, loupe en main, des « aimantations idéologiques » suspectes, scribe scrupuleux de tous les « amalgames essentialisants » et « adhérences confusionnistes » – allant jusqu'à soupçonner BHL de complotisme (!), il aurait fait un redoutable accusateur public en 1793.



Mais Pierre-André Taguieff le dit franchement : « l'émancipation totale du genre humain justifie les pires violences », « l'émancipationnisme est une nouvelle forme de barbarie », et met en garde contre l'émancipation érigée comme ressort et finalité du progrès sans fin qui aboutit à un totalitarisme de l'individu ex nihilo.



Et en effet, à aucun moment il ne vient à l'idée de Corcuff que son « émancipation » peut être porteuse de confusion des repères, de trouble de l'identité, de mal de vivre, de délitement et de chaos.

Car en fait, à quoi mènerait cette « émancipation » continuellement présentée comme souhaitable avec pour « horizon cosmopolite et libertaire une constellation fédérale mondiale de collectivités humaines » ?

En idéologue dépourvu de pragmatisme, il a la naïveté de croire que la culture prime sur la nature et que l'idée doit s'imposer au réel.

Pourtant, de même qu'un nuage de poussières ne peut s'émanciper des lois de la pesanteur, l'individu ne peut s'émanciper des lois de l'anthropologie et en particulier de la préférence à vivre avec ceux qui lui ressemblent.

Ainsi, augmenter l'immigration conduira, non pas à un vivre ensemble harmonieux entre populations aux identités plurielles mais à davantage de communautarisme et donc de frictions entre communautés, de sorte que le mirage émancipationniste débouchera sur une libanisation, voire une balkanisation, et fatalement sur une société plus violente.



Ce pavé – qui aurait pu s'appeler ‘Guide du routard qui tournoie dans l'impasse avant de sombrer dans l'oubliette' –, parcouru de références philosophiques, tout en phrases longues alambiquées et dont la lecture est souvent pénible tant il est jargonnant (par ailleurs précis et très bien référencé) constitue toutefois un intéressant recueil des propos les plus saillants tenus dans le débat public sur le thème de l'identité depuis vingt ans.

Il a le mérite de montrer les fragilités d'une gauche vermoulue, ses divisions, ses conflits et ses contradictions, de nous offrir le théâtre amusant de déconstructeurs radicaux qui se déconstruisent radicalement entre eux, leur aveuglement obstiné à ce qui paraît pourtant évident à beaucoup, et d'indiquer les « passerelles discursives » existant sur l'ensemble du spectre idéologique, de sorte que cette « grande confusion » apparaît plutôt comme le reflet naturel de la complexité de la pensée au point qu'on s'étonne des étonnements de l'auteur et qu'on est même porté à se réjouir de beaucoup de ce qu'il déplore.



Au final, la contre-performance est spectaculaire. Non seulement l'auteur développe une idéologie inepte propre à accélérer la déliquescence qui affecte l'Occident depuis des décennies, mais, fustigeant ses amis qui semblent négliger la distance de sécurité avec l'ennemi, il se met à dos toute la gauche et fait de ces 670 pages autant de caisses de munitions livrées sur un plateau à la droite.

Ses années de recherches auront au moins fait de lui l'inventeur inconscient d'une science nouvelle : l'anti-alchimie qui transmute l'or en plomb.

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B.A.-ba philosophique de la politique

Je ne partage que peu les bases théoriques ou les références de l’auteur. Probablement sur de nombreux points, je garde de fortes divergences avec certains choix politiques exprimés.



Mais, le travail sur la politique de Philippe Corcuff me semble plus qu’intéressant. Car il s’agit bien ici de politique, dans son épaisseur, sa temporalité, son autonomie, contre les visions déterministes de l’histoire conçue comme destin inéluctable.



A cela s’ajoute, sa permanence critique, contre les habitudes érigées en lignes directrices, les raccourcis présentés comme évidences, ou la glorification de textes présentés comme sources uniques et déterminantes de choix contingents. « Aux autoroutes standardisées et aseptisées des illusionnistes de tous poils, préférez les sentiers escarpés et broussailleux des cerveaux lents de la pensée critique et des cerfs-volants de l’utopie, hésitants, un peu gauches, radicalement à gauche, mais sans certitudes définitives… »



La politique, car il nous faut « réassurer, à la manière des alpinistes, la critique sociale : en faisant droit aux contraintes structurelles (rapports de classes, de sexes, de discriminations racistes, homophobie, domination politique des représentants sur les représentés, etc.) pesant sur chaque individu, mais également aux capacités critiques et aux compétences de chacune. ». L’auteur nous invite à garder à l’esprit « Souvent les stéréotypes dominants, les habitudes et/ou les ensorcellements propre au langage tendent à nous enfermer ainsi, alors qu’un petit déplacement de regard et/ou de vocabulaire pourrait ouvrir d’autres perspectives. »



Je voudrais insister sur quelques passages du livres pour inciter à participer à cette nécessaire réflexion globale sur la politique :



« Ce qui va entrer ou pas dans la sphère politique apparaît donc aussi comme un enjeu de luttes sociales »



« Il faudrait toutefois préciser que l’effort pour »penser par soi-même » inclut une composante du ‘‘penser contre soi-même », c’est-à-dire une mise à distance de ses propres préjugés et de ceux de ses divers groupes d’appartenance. » Je pourrais mettre l’accent sur la nécessaire prise en compte de son propre positionnement social dominant dans tout ou partie des rapports sociaux.



Contre les visions misérabilistes de la propagande médiatique « Les tenants de ce type de discours se demandent rarement pourquoi ce sont les »autres » qui sont ainsi »abrutis » par les médias, et comment ils échappent aux, comme par miracle, à cet abrutissement généralisé. »



« L’anticapitalisme du XXIe siècle ne peut alors se passer de vigilance antitotalitaire »



Le livre comporte une introduction « Redonner des couleurs philosophiques à une politique radicalement émancipatrice », puis trois parties : « Une philosophie politique populaire et non conformiste », « Patchwork philosophique de la politique : chansons, cinéma polars… » et « De la critique des logiques dominantes aux logiciels alternatifs ». Il se termine en guise de conclusion « De la philosophie à la pratique ».



Pour agir ensemble, il n’est pas besoin d’avoir les mêmes bases théoriques, et j’ajoute heureusement. Ce qui ne signifie pas qu’il faille déserter ce terrain. Sans m’étendre, je voudrais indiquer deux éléments qui me paraissent incontournables pour enrichir des réflexions sur l’émancipation, en complétant les suggestions de ce B.a.-ba philosophique : : la critique de l’économie politique, et en particulier la critique du fétichisme chez Karl Marx, la critique de la construction sociale du genre (des sexes) des féministes et en particulier des féministes »radicales » et des féministes »lutte de classes ».



Par ailleurs, je trouve que beaucoup sous-estiment encore la nouveauté irréductible du système capitaliste, sa capacité à broyer et à reformuler l’ensemble des constructions sociales. De ce point de vue, le recours par Philippe Corcuff à des penseurs anté-capitalistes, comme Proudhon, ne me semble que de peu d’intérêt, sans oublier son anti-féminisme, des traces d’antisémitisme ou sa valorisation a-historique de l’artisanat.



Une invitation à développer une « une capacité d’ouverture à un à-venir inouï » ou vigilant aux temporalités de l’histoire « Les pieds lestés par une mémoire critique, l’esprit ouvert vers un futur inédit, le corps pleinement inséré dans le présent de l’action. »
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Les socialismes français à l'épreuve du pouvoir

Détour par le passé, mais sans « la nostalgie floue des légendes dorées », ce livre pluriel nous confronte aux différentes interrogations et réponses données par les socialismes français, dans leurs dimensions théoriques et pratiques, au pouvoir politique.



Après une esquisse d’un tableau chronologique des socialismes français (1789 à 1905), le livre nous invite a réexaminer un article de Michèle Perrot sur les socialistes français et le pouvoir (1871 – 1914), écrit il y a quarante ans, et relu de manière critique par l’auteure. Alors que le mouvement ouvrier n’est que faiblement structuré, que la classe ouvrière est socialement minoritaire dans le pays, nous ne sommes ni en Grande-Bretagne ni en Allemagne, les débats et les réponses autour du Pouvoir et de l’État sont multiples, riches.



Se confronter aujourd’hui à ces personnalités et courants qui déjà débattaient de la réduction du temps de travail, des services publiques, du mutualisme, du pouvoir, de réforme et de révolution, nous obligent à nous éloigner des simplifications abusives que la distance historique introduit trop souvent.



La première partie de l’ouvrage se termine par une étude sur la gauche socialiste et le pouvoir (1921 – 1947).



La seconde partie nous offre quelques figures militantes : Auguste Blanqui le communiste hérétique, les militants parisiens de la première internationale et le proudhonisme, Jaurès et Léon Blum au congrès de Tours (1920).



Nous sommes ici au cœur des débats entre réformistes et révolutionnaires. Les clivages mémorisés ne sont ni toujours pertinents, ni toujours évidents, tant du point de vue des théorisations que des pratiques.



Le livre nous invite donc à une réflexion qui ne peut être que collective.



Comment ne pas partager les dernières phrases de l’introduction percutante de Philippe Corcuff et Alain Maillard sur la gauche face à son histoire socialiste : « Le travail intellectuel garde son autonomie, mais dans des liens nouveaux avec la politique, qui ne sont pas des liens de justification ou de subordination, mais de fécondation réciproque. La radicalité, inscrivant sa pensée et son action dans l’horizon d’autres mondes possibles, ne se dégrade pas en manichéisme, car elle se coltine la pluralité et les fragilités humaines. A gauche, radicalement. De manière gauche, mélancoliquement. »
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Les tontons flingueurs de la gauche

Ce court essai, écrit à quatre mains, tente de faire le point sur l'état de la gauche. Les 1ers chapitres sont consacrés à faire le point sur différents principes qui semblent inspirer la gauche mais qu'il est nécessaire de clarifier. Ainsi il est question de cette contradiction entre le fameux "il n'est point de sauveur suprême" et la nécessité d'une incarnation en un/e figure emblématique de la gauche propre à unir et proposer un projet politique enthousiasmant. Ensuite il est un passage obligé autour de ces confusions dans les propos, les postures, sur des thèmes empruntés par la gauche à la droite, voire l'extrême droite. Enfin il faut distinguer ce relent réactionnaire porté par un républicanisme autoritaire, teinté d'un universalisme laïque propre à masquer le racisme et le repli sur des valeurs de droire et d'extrême droite aussi. Ce ne peut non plus être cette forme de populisme de gauche, qui, certes pose le problème de la forme parti dans la lutte politique, mais dont la forme est uniquement au service d'un seul homme, qui peut etre versatile, et qui empêche tout débat démocratique en son sein.

Par la suite, les lettres ouvertes à Hollande, Macron, Mélenchon, Roussel, Ruffin et Onfray, dressent un portrait accablant de l'action négative de ces hommes (c'est d'ailleurs un problème soulevé quant à l'absence de femmes désignées comme dirigeantes à gauche)

Un autre élan doit sortir d'une analyse sans complaisance des errements et des impasses des partis de gauche. Pourtant il y a tellement de pistes prometteuses à creuser pour mobiliser les militants et les forces de gauche, il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain, mais bien de faire un tri et de regarder le monde tel qu'il est ,les problèmes qu'il rencontre et les solutions collectives à construire.





https://aoc.media/opinion/2024/04/10/lettre-a-francois-mitterrand-pere-spirituel-des-tontons-flingueurs-de-la-gauche/

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La grande confusion

Dans “La Grande Confusion”, le sociologue estime que le brouillage des repères politiques et l’érosion du clivage gauche/droite permet à l’extrême droite d’empoisonner de ses idées l’ensemble du champ politique.
Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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La gauche est-elle en état de mort cérébrale ?

Le sociologue Philippe Corcuff offre son diagnostic sur l'état intellectuel de la gauche.


Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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