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EAN : 9782707173287
320 pages
La Découverte (14/06/2012)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
D'altermondialisme en « printemps arabe », d'Indignados espagnols en Occupy Wall Street américains, de Wikileaks aux Anonymous, un vent critique refait surface à travers des mouvements sociaux vivaces. Au regard de cette nouvelle période, cet ouvrage fait l'hypothèse qu'un des enjeux principaux de la galaxie critique aujourd'hui consiste à réexaminer les « logiciels » de la critique et de l'émancipation.
L'effort de clarification théorique proposé ici se situ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Entre les déceptions d'hier et les picotements émancipateurs d'aujourd'hui, il peut sembler opportun de mieux situer les ressources critiques disponibles, c'est à dire les outils critiques que nous avons à notre disposition pour décrypter le monde mais aussi pour le transformer et, partant penser les résistances à ces visées transformatrices inscrites dans ledit monde et en nous, parties prenantes et transformateurs potentiels du monde. »

Bon, je ne l'aurais pas formulé ainsi. Passe encore sur les déceptions d'hier et les picotements émancipateurs d'aujourd'hui, c'est affaire de perception politique, d'histoire en partie personnelle, etc… Mais qui est ce « nous » ?, une somme d'individu-e-s ?, un/des groupes sociaux aux intérêts en partie convergents ?, etc…

Je ne cherche pas, ici, à rendre compte des multiples aspects de ce livre. Ceci n'est donc pas vraiment une lecture., mais une suite de ponctuations, d'évasions, une manière de couper les cheveux en quatre, de ne pas accepter des creux, des gouffres, des silences. Non pas des incomplétudes, comment faire autrement ? Non pas le refus d'analyses non bouclées sur des certitudes, qui ne pourraient qu'être dogmatiques. Mais, une sorte de révolte contre le regard détourné de savoirs et de pratiques émancipatrices (mauvais accord, mais accord choisi), et l'enfermement de la recherche dans des vêtures étriquées, des usages (institutionnels ?) qui créent une mauvaise distance, pour un partage de connaissances et d'espérances. Pourtant, il convient à la fois « de prendre au sérieux les rigueurs intellectuelles » et « prendre de la distance à l'égard du ridicule institutionnel et personnel », mais je suis dubitatif sur les affinités, autrement qu'à construire, entre ces « thématiques » et les « logiques académiques ».

Certaines abstractions ne peuvent se traduire simplement dans le langage usuel, des mots à usage scientifique, ou poétique, à l'inverse, servir d'outils aux formulations solides, hésitantes ou fragiles. Sans oublier que le fil peut se transformer en pelote pour lectrice/lecteur chat/te, le sens se troubler, et qu'il convient de garder l'ouverture aux incertitudes, aux incohérences, etc…

Je ne suis ni sociologue, ni philosophe, ni universitaire, lecteur, souvent attentif, quelque fois distrait, curieux, ne rechignant pas à parcourir des sentiers inconnus et escarpés, habitué à certains niveaux d'abstraction, mais insensible « auxformats » que semblent s'imposer des universitaires. Un travail sur les codes, leurs significations sociales devraient interpeller plus souvent, celles et ceux, qui font profession de diffuser des savoirs.

Je poursuis aussi, en quelque sorte, un « dialogue » entamé, avec l'auteur, à l'occasion de deux précédentes lectures.

De l'introduction, « Cet ouvrage ressemble plutôt à un atelier, un atelier conceptuel et méthodologique, attentif en cela aux tâtonnements inhérents à la recherche en train de sa faire », à la conclusion, l'auteur décline une démarche à la fragilité assumée, « Je souhaite que cette conclusion soit tout à la fois un récapitulatif clarifiant certains axes transversaux qui travaillent ce livre et une ouverture vers des recherches renouvelées dans les sciences sociales critiques, permettant des dialogues, des passages (dans les deux sens), des hybridations et des tensions productives avec la philosophie, les cultures ordinaires, les savoirs critiques des mouvements sociaux et l'action émancipatrice (à la fois individuelle et coopérative), bref quelque chose comme une boussole raisonnée, globale et provisoire. »

Je note ici, sans plus, que les sciences sociales critiques sont, dans ce livre, essentiellement la sociologie, quid de l'histoire, des études de genre ou de l'économie (critique de l'économie politique, au sens des travaux de Marx, sur la place de la marchandise, du fétichisme dans les relations sociales, etc…) ? Je souligne aussi le choix de deux mots liés à l'action émancipatrice : « individuelle » et « coopérative » mais l'absence du terme « collectif », non réductible à la « simple » coopération entre individu-e-s.

Quoiqu'il en soit, l'orientation de recherche de Philippe Corcuff est utile. Nous ne pouvons nous contenter de l'état de la critique, ni d'une mise sous murmure des pensées de l'émancipation, ni oublier les capacités d'agir des un-e-s et des autres, irréductibles aux organisations systémiques, aux contraintes et aux dominations. Il ne faudrait cependant pas oublier les souffles de la révolution « arabe », les bousculements en Amérique latine, les grèves de salarié-e-s en Asie, le mouvement altermondialisation, les révoltes « populaires » et les nombreuses publications hésitantes, colorées, sur le réseau internet, etc…

Les « réductions » par le stalinisme et la social-démocratie, leurs expérimentations et pratiques réellement existantes, sans oublier leurs divers rejetons (je partage les appréciations de l'auteur sur Alain Badiou), ont plus que terni l'espérance socialiste. Aux simplismes, au scientisme, aux refus de prendre en compte la complexité des « phénomènes » sociaux, il me semble juste d'opposer « la construction de problèmes à travers des tensions pourrait être gage d'une radicalité dans la complication plutôt que d'une radicalité dans la simplification ». Il en est de même de la critique radicale de la linéarité du progrès (ne pas négliger « le passé oublié des possibilités non abouties d'émancipation »), ou de l'explication par les issues « c'est à dire la tendance à penser un processus d'action collective à partir de ses résultats et à tirer alors mécaniquement un trait droit entre les issues observées et les causes supposées, en ignorant les aspects plus cahoteux et incertains de l'action en train de se faire ». Il ne suffira pas d'un coup de plumeau pour enlever la poussière, pour faire l'état des crimes, pour extirper les tentations totalitaires ou liberticides, les délégations mortifères, le refus des auto-organisations des dominé-e-s, la parole confisquée, la théorie assénée, etc…

Des mots, certes aux sens travestis, réduits, fermés, par d'autres, sont écartés, non sans conséquences : mode de production, système social, rapports sociaux, (je ne suis pas convaincu par la proposition de leur « substituer les notions plus ouvertes de liant social, de liens sociaux et d'accordement »), classe, genre, etc…

Les asymétries analysées ne semblent l'être, le plus souvent, que pour les individu-e-s, et sous prétexte d'écarter les conséquences d'une pensée totalitaire, les « organisations » en perdent leurs dimensions systémiques. Il ne me semble pas suffisant de critiquer « l'oubli de la caractéristique structurelle de l'inégalité et de la domination ».

L'auteur cite beaucoup d'auteurs et peu d'auteures. Conscient d'un problème, il ajoute « Beaucoup d'hommes et peu de femmes ! Ce qui montre que l'espace des théories critiques (et moi-même dans cet espace) est lui-même traversé par les effets de la domination… » J'ajoute que ces humain-e-s sont très majoritairement issu du monde dit occidental blanc (quid de Frantz Fanon, Edward Saïd, William EB du Bois, Abdelmalek Sayad, par exemple, etc…). Mais la phrase, pirouette peu digne à mes yeux, illustre le gouffre existant entre l'université engagée (et je ne doute pas de l'engagement de Philippe Corcuff, de son ouverture sensible) et l'engagement dans une critique radicale du point de vue des dominé-e-s, des opprimé-e-s. La critique sociale ne saurait se passer, entre autres, de la critique de l'économie politique (au sens de Marx, domination impersonnelle de la valeur, capital comme rapport social, fétichisme de la marchandise, etc…), de l'organisation « asymétrique » du monde (impérialisme, néocolonialisme, etc…) ni de la radicalité des analyses féministes ou des procès de racialisation.

Je ne parlerais pas ici, du regard peu attentif aux plus interrogatifs des marxien-ne-s, hors Daniel Bensaïd largement cité. Bien plus douteux, me semblent d'autres impasses.

Car, je ne parle pas ici, d'un-e lecteur/lectrice errant parmi les livres, les découvertes, mais d'un universitaire sociologue qui fait l'impasse sur les analyses de l'oppression, de la domination des hommes sur les femmes, des apports des féministes radicales, qui valent bien les apports intéressants mais bien maigres, de nombre d'auteurs étudiés dans ce livre. Et pour le dire vulgairement, en insouciance irrespectueuse, c'est forcement un choix d'oublier, outre les auteurs déjà cités, Christine Delphy, Colette Guillaumin, Nicole-Claude Mathieu, Danielle Kergoat, etc, lorsque essaye de s'orienter vers le « penser global au croisement des savoirs ».

« Retisser des relations entre théories critiques de la domination et pensées de l'émancipation, tout à la fois sous la forme d'articulations et de tensions, constitue un des grands défis actuels au sein de la philosophie, des sciences sociales et des outillages intellectuels des mouvement sociaux » Si je partage l'idée de « tensions », ou le « retissage » nécessaire, je rappelle néanmoins, qu'aussi bien que pour les marxien-ne-s, tendance Karl, que pour les féministes radicales, il n'existe que des points de vue nécessairement situés (ce n'est que du point de vue des opprimé-e-s que la condition sociale peut être perçue comme une oppression). Ainsi, le refus des relations sociales historiquement construites, l'émancipation à construire et l'élaboration de possibles théories critiques, devraient nécessairement s'articuler. Cela implique des débats politiques, autours d'intérêts partiellement différenciés, temporellement en partie contradictoires, sans oublier les singularités, aujourd'hui comme demain, même après des avancées dans l'appropriation sociale, l'auto-organisation, voire l'autogestion plus ou moins généralisée, pour utiliser des concepts politiques, non maniés par l'auteur.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Retisser des relations entre théories critiques de la domination et pensées de l’émancipation, tout à la fois sous la forme d’articulations et de tensions, constitue un des grands défis actuels au sein de la philosophie, des sciences sociales et des outillages intellectuels des mouvement sociaux
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Cet ouvrage ressemble plutôt à un atelier, un atelier conceptuel et méthodologique, attentif en cela aux tâtonnements inhérents à la recherche en train de sa faire », à la conclusion, l’auteur décline une démarche à la fragilité assumée, « Je souhaite que cette conclusion soit tout à la fois un récapitulatif clarifiant certains axes transversaux qui travaillent ce livre et une ouverture vers des recherches renouvelées dans les sciences sociales critiques, permettant des dialogues, des passages (dans les deux sens), des hybridations et des tensions productives avec la philosophie, les cultures ordinaires, les savoirs critiques des mouvements sociaux et l’action émancipatrice (à la fois individuelle et coopérative), bref quelque chose comme une boussole raisonnée, globale et provisoire.
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Entre les déceptions d’hier et les picotements émancipateurs d’aujourd’hui, il peut sembler opportun de mieux situer les ressources critiques disponibles, c’est à dire les outils critiques que nous avons à notre disposition pour décrypter le monde mais aussi pour le transformer et, partant penser les résistances à ces visées transformatrices inscrites dans ledit monde et en nous, parties prenantes et transformateurs potentiels du monde.
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la construction de problèmes à travers des tensions pourrait être gage d’une radicalité dans la complication plutôt que d’une radicalité dans la simplification
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Visuel de la vignette : Hans Lucas / AFP
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