Suite à ma lecture de la biographie « Le mystère Mussolini », Matteo (que je tiens à remercier) m’a prêté « les derniers jours de Mussolini » , enquête publiée par Pierre Milza en 2010, 21 ans après son incontournable « Mussolini ».
En 300 pages l’historien raconte la dernière semaine d’avril 1945 et l’exécution du Duce le 28 avril à l’ouest du lac de Côme en s’appuyant sur les témoignages tardifs de résistants et sur les enquêtes menées par plusieurs historiens.
Trois mystères entourent la fin de Mussolini et de ses lieutenants :
- qui a arrêté, détenu, condamné et exécuté ces fascistes ?
- où sont passés leurs trésors ?
- qui a capturé leurs archives ?
Les clauses de l’armistice signé après la déchéance du Duce le 25 juillet 1943 prévoyaient que celui ci soit remis aux alliés et jugé avec les principaux responsables du régime. Depuis sa « libération » par le commando Otto Skornezy, le dictateur était « protégé » (tenu en laisse) par une escouade SS.
La zone montagneuse enserrée entre le lac et la frontière Suisse était tenue au printemps 1945 par divers maquis hétéroclites constitués de strates consécutives aux aléas de la guerre. Anciens des brigades internationales, soldats tchèques ou polonais, évadés des camps de prisonniers, ouvriers échappant aux réquisitions allemandes, démocrates italiens luttaient au coude à coude, freinaient le repli des troupes allemandes vers le Reich et pourchassaient les fascistes cherchant un asile en Suisse ou rêvant d’un hypothétique « réduit alpin ».
Quand Mussolini et sa clique quittent Milan, sous forte escorte allemande, vers le nord, en logeant la rive occidentale du lac de Côme, ils tombent sur un barrage tenu par des italiens dirigés par « Pedro » un jeune juriste de tendance royaliste ; après négociation, un accord est conclu autorisant les soldats allemands à poursuivre leur route … ceux ci couvrent Mussolini d’une capote allemande … qui ne trompe pas les maquisards qui l’arrêtent avec ses proches.
Les voici donc arrêtés puis détenus, dans un premier temps, par un groupe de résistants italiens, commandés par le Comte Bellini Delle Stelle (Pedro) décidé à les remettre au gouvernement en vue d’un procès.
Les dirigeants communistes mandatent alors le « Colonel Valério » et sa brigade et lui donnent l’ordre d’abattre le Duce et ses lieutenants ; Valério, muni de documents abondamment tamponnés, se présente face à Pedro et prend le contrôle des prisonniers. Quelques heures plus tard le Duce et sa maitresse sont exécutés (en une ou deux fois) discrètement puis seize proches sont fusillés publiquement avant que les cadavres soient transportés à Milan, pendus et exposés à la vindicte populaire.
Les fuyards emportaient argent, bijoux et or afin de financer leur exil et Mussolini voyageait avec une malle et trois cartables de « documents confidentiels ». Que sont devenus « l’or de Dongo » et les documents ?
Après l’exécution de Mussolini, plusieurs membres du réseau Pedro et du commando Valerio sont morts ou disparus très rapidement. Ce n’est qu’en 1947, qu’un journaliste (aussitôt assassiné) identifia le Colonel Valerio comme étant un certain Walter Adisio qui entra ainsi dans l’histoire.
Pierre Milza, s’appuyant sur des révélations publiées entre 1990 et 2010, doute du rôle exact du Colonel Valério et soulève diverses hypothèses sans pouvoir conclure. L’or de Dongo aurait été capté principalement par le Parti Communiste Italien, récupéré partiellement par les services américains, après que de nombreux « prélèvements » aient été effectués par les résistants.
Quant aux documents … l’historien se souvient qu’en septembre 1945, un certain « Colonel Warden », massif officier anglais, amateur d’alcools et de cigares, vint peindre les paysages bordant le lac de Côme … la vingtaine de soldats du 4° régiment de hussards qui l’entouraient ne pouvaient masquer Winston Churchill qui aurait rencontré plusieurs acteurs du drame … cherchait il à récupérer des documents voir une correspondance partagée, dans les années trente, avec le dirigeant italien ?
Chacun sait que « L’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis ; elle n’a que des intérêts » et je doute donc que les documents perdus à Dongo réapparaissent un jour.
Cet ouvrage, plus proche d’un roman d’espionnage que d’un ouvrage historique, étudie un « détail » de l’histoire riche d’enseignements sur les rivalités internes à la jeune démocratie italienne et laisse entrevoir l’ombre des services secrets anglo-saxons. Étonnamment les historiens ne semblent pas curieux d’enquêter en Suisse or, il me semble improbable que les services helvétiques se soient désintéressés d’un épisode jouxtant leur frontière.
Doté de cartes et d’un index des noms et pseudonymes des résistants ce livre complète utilement « Le mystère Mussolini ».
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