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Critiques de Rachid El Daïf (11)
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Cher monsieur Kawabata

Dans ce court texte, présenté comme roman, l’auteur écrit une sorte de lettre à Kawabata, déjà mort au moment de la rédaction du livre. Mais il ne sera finalement jamais question de Kawabata, de ses livres, de sa vie. L’auteur invoque le japonais comme il le ferait d’une divinité tutélaire et lointaine, dans la répétition de l’expression Cher Monsieur Kawabata. Mais c’est bien de la vie de Rachid El-Daïf qu’il s’agit. Né dans un village de chrétiens maronites, fils de pauvres paysans, son destin semble tracé, et son père projette de le retirer de l’école dès qu’il saura lire et écrire. C’est sans compter sur la volonté de sa mère, décidée d’en faire un fonctionnaire, sommet de la réussite à ses yeux, et à la volonté de l’enfant lui-même, pour qui l’école est une révélation, qui remet en cause l’univers tel que l’imaginent ses parents. Le fait que la terre est ronde et tourne autour du soleil nous semble une évidence, mais ce n’était pas le cas pour ces paysans vivant dans des croyances ancestrales. Le narrateur se fait donc le chantre de cette nouvelle représentation du monde, de la science, de la libération de l’homme qu’elle peut permettre. Il trouve des échos puissants de son combat dans La vie de Galilée de Bertolt Brecht. Et adhère à la fin de l’adolescence au communisme, et devient un combattant de la cause palestinienne.



Mais au final, le discours du communisme n’est pas différent du discours de la religion et de la tradition, c’est une interprétation du réel bâtie sur des présupposés, qui semblent logiques et cohérents, mais qui faussent le réel, l’amènent par un discours dans la direction souhaitée. Ce n’est pas une libération, mais une manière de fabriquer des hommes aliénés, dans le sens qui deviennent étrangers à eux-mêmes, à leur propre culture. Comme la tradition peut-être aliénante, si elle rend impossible à l’individu de se construire librement, en lui imposant les comportements et croyances de son milieu d’origine et le réduisant à cette seule appartenance.



Notre narrateur se retrouve donc à la fin du livre en train de vaciller, au point de se voir extérieur à lui-même. Ayant abandonné celui qu’il devait être de par son milieu, et celui qu’il avait rêvé d’être grâce au communisme, il lui reste à reconstituer une unité psychique, à donner sens, à se donner sens. Sans béquilles.



C’est incontestablement passionnant, mais en même temps pas si facile à suivre. Car l’auteur dans son aventure personnelle, traverse l’histoire du Liban sur quelques décennies, et si on ne la connaît pas très bien, on peut être perdu, avoir la sensation de quelque chose de fragmentaire. La lecture a donc été en partie frustrante pour moi.
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Passage au crépuscule

Beyrouth en guerre. Le personnage revient après une longue absence dans son appartement. Le concierge de l'immeuble l'a réquisitionné pour héberger des membres de sa famille. Il se sent envahi, tout est fait pour lui faire comprendre qu'il est maintenant de trop. On l'enferme dans sa chambre, un plateau laissée devant sa porte pour les repas.

Début du "Passage au crépuscule", roman étrange dans lequel l'auteur cherche à nous faire lâcher prise sans être perdu pour autant.

Roman labyrinthe, scènes Kafkaïenne (relatées quelquefois à plusieurs reprises mais en modifiant les faits).

Ouest/est, vie/mort, peur, oppression. tout est là pour nous plonger dans l'enfer de la guerre mais aussi dans le cerveau dissocié du personnage.

Magnifiquement écrit , Impossible d'en sortir avant la dernière page...ou après.
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La Minette de Sikirida

Sikirida est employée comme "bonne" chez Adiba. Celle-ci la traite correctement allant même jusqu'à se soucier du devenir de son fils Radwân dont on ignore pourtant qui est le père. Puis, un jour ce jeune adolescent commet accidentellement un drame. C'est le point d'orgue de rencontres et de portraits croisés dans un Liban chaotique où la bonté des uns côtoie la dureté des autres.

Un beau roman sur la générosité et ses limites ; la quête de survie permanente dans un Etat en crise. A découvrir vite !
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Fais voir tes jambes, Leïla !

Pour satisfaire l'envie sexuelle de son père, le narrateur propose à sa petite amie de coucher avec celui-ci... "Fais voir tes jambes Leila" est un de meilleurs romans de la littérature libanaise contemporaine, écrit avec une style raffiné, poétique et moderne. Il aborde nombreux sujets sensibles d'une société profondément marquée par la religion.
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La Minette de Sikirida

Le plaisir du lecteur occidental est certes d’entrer dans un univers culturel, social et religieux différent du sien! Adiba, 80 ans, est affligée par un dilemme, dont les assises reposent sur l’interprétation des prescriptions coraniques ancrées dans sa foi et la culture du milieu. Pieuse et généreuse, elle décide d’accueillir chez elle Sikirida, une chrétienne étrangère, à titre de femme de ménage. Bientôt, Adiba découvre que sa bonne est enceinte; elle doit en arriver à contrer les opérations de sa soeur et des femmes du quartier qui exigent de la répudier. Les intrigues s’enchaînent à rebours, retraçant l’histoire de ces deux femmes. L’enfant de Sikirida prend toute sa place dans la maison d’Adiba. Puis survient un événement inattendu qui orientera le cours de l’histoire des petites gens du quartier.



L’auteur met en exergue, de façon astucieuse et intelligente, l’imbrication des prescriptions coraniques dans la culture éthique; ainsi, les choix éthiques et moraux sont ordonnés à la loi coranique; des choix faits sont parfois, à mes yeux, surprenants, voire déroutants. La minette de Sikirida est une fable urbaine moderne. Au-delà du décor socioculturel, les mêmes drames y émergent; les personnages sont dessinés aux couleurs distinctes, le cours du récit évolue parfois de façon inattendue. Pour certains, cet écrit peut paraître banal; selon moi, il aide à mieux comprendre la culture libanaise et la multiplicité des factions qui la composent. La minette est le chat que Sikirida imposera à Adiba après maintes tentatives; c’est l’art de la négociation masquée.
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Qu'elle aille au diable, Meryl Streep !

Retour au Liban, cher à mon cœur, avec cette courte mais intense lecture.



Ce livre m'a donné l'impression d'être une petite souris, et d'observer des choses que je ne serais pas autorisée à voir et savoir.

Nous débarquons telle une petite souris donc, dans la vie d'un couple libanais, dont le mariage a été arrangé par une tante, comme cela arrive encore parfois au pays du Cèdre.



Rachid a 35 ans et sa femme en a 30. Dès le début il se rend compte que quelque chose cloche chez sa femme, mais son amour pour elle et surtout sa naïveté fait en sorte qu'il lui trouve toutes sortes d'excuses possibles et imaginables. Jusqu'au jour où il achète une télévision et tombe sur Kramer contre Kramer, dont il ne comprend pas un mot puisqu'il ne parle pas anglais, mais où l'attitude de Meryl Streep l’interpelle. Cette femme d'occident, si différente des femmes d'orient dont il a l'habitude va lui ouvrir les yeux.



Tout le livre est basé sur l'introspection de Rachid, de ses débuts amoureux avec sa femme jusqu'à l'inévitable événement qu'il croyait pourtant impossible.



Je suis assez mitigée quant à cette lecture...



J'ai adoré le ton de Rachid el-Daïf, et sa liberté d'expression pour un auteur libanais et donc du monde arabe. La sexualité y est dépeinte sous (presque) toutes ses coutures, mais encore plus rare, on y parle de sexualité au sein du couple ! C'est l'une des raisons qui font que je me suis sentie petite souris.

Dans ce pays, la sexualité en général ce n'est pas quelque chose dont on discute facilement, donc c'est encore moins quelque chose qu'on dépeint aussi librement dans un livre, et encore moins de façon "négative" comme ici, où l'homme n'est pas montré à son avantage. Alors c'est encore moins le cas de la sexualité au sein du couple...

Quel bonheur de pouvoir enfin entrouvrir une fenêtre sur cet aspect tabou de la vie des libanais !



Ce qui m'a le plus éprouvé ce sont les thèmes abordés tels que le viol, le viol conjugal, la soumission de la femme et j'en passe...

Nous avons d'un côté une liberté d'expression sensationnelle et de l'autre malheureusement un sujet lourd et pesant qui montre que malheureusement le Liban, comme d'autres pays arabes, a encore un train (et même plusieurs) de retard dans l'égalité homme/femme, dans le respect des femmes et j'en passe.



Mon petit plaisir dans cette lecture est la fin, où l'homme libanais aux pensées archaïques se retrouve confronté à un début d'émancipation de la femme libanaise, dans un pays où souffle de plus en plus un vent d'occident, balayant lentement mais sûrement la domination masculine.

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La Minette de Sikirida

Rachid El-Daïf brosse plusieurs portraits de femmes, entravées par la tradition, la culture et la religion. Toutes générations confondues, elles vivent dans un monde d’hommes, où seul le courage permet de défier une société machiste. Si l’émotion n’est pas le but recherché par l’auteur, il parvient néanmoins à créer un véritable sentiment d’empathie pour ses personnages et éblouit dans la force de ses descriptions. Sans se vouloir poète ni philosophe, il ose plusieurs questions pertinentes sur le sens de la vie, la place de chacune dans un monde figé dans le temps et les malentendus à éviter. Quant à la malheureuse Minette évoquée dans le titre, elle n’apparaît que de façon fugitive, servant de prétexte pour démontrer la précarité de certaines filles dans un univers replié sur lui-même et refusant de se projeter de l’avant. Chaque situation vécue devient assez vite problématique. Si on découvre une fille mère en quête d’époux, afin d’éviter l’opprobre, on côtoie celle qui couche de gré ou de force avec les quidams, une vieille bigote recluse dans la solitude, une jeune handicapée qui souhaite devenir maman, etc. Malgré une violence omniprésente, l’auteur évite le pathos et rend hommage au combat de toutes, développant un authentique talent de conteur, sans jamais tomber dans la facilité et les stéréotypes.

Ed. Actes Sud – 222 pages

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Cher monsieur Kawabata

Peut-être aurais-je dû le lire d'une traite, comme on peut imaginer de lire jusqu'au bout la lettre qui nous est destiné. Certains écrivains ont imaginé, décrit le lecteur de leur texte ; le nom bien connu de l'écrivain japonais entraîne celui de Rachid El-Daïf à lire ce récit chaotique d'un autre point de vue. Un écrivain profond, plus touchant que drôle, d'une grande sagesse sans aucun doute... un écrivain mort depuis dix-neuf ans (la lettre est datée de 1991) bref, on prend de la hauteur d'une certaine manière.



Puisque le narrateur de cette lettre nous raconte ce qu'il a vécu entre 1945 et 1975, au Liban : des tensions avec les aïeux portés sur la doctrine traditionnelle, autorité de Dieu, refus de croire en la rotondité de la planète. Tensions liées à la guerre froide, puis à celle qui débute entre Israël et la Palestine. Meurtres, guerres civiles, violences révolutionnaires... c'est le contexte, et Rachid se raconte au travers de ce qu'on imagine semer un désordre moral pour celui qui le vit.



Mais Rachid se souvient de tout. Y compris du moment où sa mère accouchait de lui. Le narrateur se contente cependant de dit qu'il se souvient, il ne le montre pas toujours. La narration vagabonde passe d'un sujet à l'autre. Ce qui ressort longuement de cette confession, c'est cet échange entre deux écrivains qui ont en partage la connaissance de la mort.
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Learning English

Rachid El-D., enseignant à Beyrouth, apprend par hasard la mort de son père, assassiné deux jours auparavant et enterré la veille. Pourquoi cet assassinat ? Et pourquoi n'a-t-il pas été prévenu plus tôt ?



Ce livre, largement autobiographique, est un long monologue qui ramène l'auteur dans les méandres de ses souvenirs d'enfance. La tradition, omniprésente, coexiste avec l'évolution des mentalités, mais Rachid est tiraillé entre les deux. Doit-il venger son père. Doit-il se réjouir de cette mort qui délivre sa mère d'une vie tyrannique.



Une autofiction qui nous entraîne dans les obsessions de cet auteur libanais
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Fais voir tes jambes, Leïla !

Intrigant. Une autre vision du Liban plus libéré. Un vrai problème qui revient souvent le remariage des hommes âgés avec des femmes plus jeunes souhaitant des enfants mais avec la crainte des premiers enfants. Le récit à la 1ere personne est très intéressant.
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Fais voir tes jambes, Leïla !

Hospitalisé suite à un accident de voiture, le narrateur se remémore les événements des derniers mois.



Ses déboires ont commencé le jour où il achète à un ami une Subaru fabriquée aux Etats-Unis dont les pièces de rechange sont introuvables au Liban et se sont empirés quand son père, âgé de soixante-cinq ans, a annoncé qu'il se remariait et voulait vendre l'appartement familial pour ne pas rester seul après le mariage de sa fille qui va rejoindre son nouveau foyer.



Son fils n’hésite pas alors à fomenter de petits complots pour empêcher ce mariage, en utilisant même sa fiancée...





Peinture comique et fiévreuse des mœurs pour le moins débridées d'une famille beyrouthine et d’une société libanaise parfois écartelée entre Orient et Occident.
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