Citations de Raphaël Enthoven (213)
C'est la crainte et non le goût de la philosophie qui fait d'elle une mode.
- Donc tu ne vas pas changer d'avis ?
- Changer d'avis sur quoi ? J'ai changé de vie. Je ne vais changer d'avis.
Mais tout en elle refusait que les coïncidences ne fussent que des hasards. C'est sincèrement - et à haute voix - qu'elle demandait à saint Antoine de Padoue de retrouver les clefs, les lunettes, le portefeuille, la raquette de tennis ou le Filofax de mon père.
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« Contrairement à certains chagrins dont la note est continue, tout bonheur se délivre en pulsations. Car la conscience d’être triste, à moins de verser dans la complaisance, ne réduit guère la peine, alors que la conscience d’être heureux entame le bonheur en lui faisant redouter qu’il s’achève. »
Nous sommes trop près des choses pour les penser. Et trop loin pour les sentir. Le monde ignore celui qui prétend le connaître. Mais il dévore celui qui prétend le sentir.
(le sac plastique)
C'était l'ancien régime, le régime de l'utile, où l'énergie s'appelait "fossile", où l'incomestible faisait partie du décor et les matières premières, dans un aller sans retour, étaient privées de renouer, après usage, avec la nature d'où on les avait extraites. On appelait ça le "gâchis". Et on s'en foutait un peu.
Maintenant que l'homme à peur de son ombre, le plastique cumule l'inconvénient d'échapper à son artisan (qui ne sait quoi faire de tant d'insoluble) et de donner tord à Dieu qui, parce qu'il n'imaginait pas un tel dévoiement de ses outils, prédisait imprudemment à la poussière qu'elle redeviendrait poussière.
L’enjeu est de comprendre avant de juger.
Car comprendre, c’est combattre. Et non l’inverse.
La science galope quand la morale claudique ; ainsi naissent les savants fous et les tempéraments catastrophistes.
De façon générale, les valeurs du sport sont contradictoires.
Le sport c'est la fraternité, mais c'est la loi du plus fort.
C'est le respect, mais c'est la bagarre.
C'est l'égalité des droits, mais c'est la hiérarchie des pratiquants selon les capacités physiques. Enfin, et c'est la contradiction centrale, le sport est un accomplissement de soi qui en appelle un dépassement de soi : l'harmonie exige la performance.
"Le sport pourrit l'argent"
Le Petit Prince n'est pas un éloge de l'enfance, mais l'autocritique de l’âge adulte qui se refait une vertu en s'offrant le luxe d'une perte.
L’enjeu n’est pas d’être d’accord. Pourquoi irais-je dénoncer le racisme ? Défendre la France ? Dire « non à la faim » ? Agonir la haine ou chanter la tolérance ? La politique ou la télévision s’en chargent. Les portes ouvertes ne s’enfoncent pas avec des plumes. Et mes opinions, aussi banales, ou bancales, que les vôtres, n’ont aucun intérêt.
L’enjeu est de comprendre avant de juger. Car comprendre, c’est combattre. Et non l’inverse.
Si toutes les cultures se valent, qu’en est-il alors, par exemple, de la « culture » qui considère qu’elle est supérieure aux autres ? Et qui refuse de penser que toutes les cultures se valent, au motif qu’elle-même doit prévaloir ? Cette culture-là n’est-elle pas inférieure à celles qu’elle prétend dominer ? Est-ce que l’idée que toutes les cultures se valent ne nous contraint pas, malgré nous, à affirmer l’infériorité de la culture qui se prend pour la culture dominante (à l’image de Lévi-Strauss, aux yeux de qui « le barbare est d’abord celui qui croit en la barbarie ») ?
« Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. »
Albert CAMUS.
Nous sommes en présence de deux faux problèmes: la machine est-elle plus forte que l’homme ? la machine peut-elle penser ? Que la machine soit plus forte que l’homme est à la fois une évidence et une absurdité. (…)
S’il s’agit de dire que l’IA met en échec l’intelligence humaine, une telle évidence devient un non-sens complet. Un joueur d’échecs ou de go n’est pas battu par plus fort que lui, il est seulement battu par plus nombreux. Il est battu par une usine. (p. 48)
Pour être le contemporain de soi-même, il faut paradoxalement renoncer à la conscience de soi. Pour agir, il faut ne pas se regarder faire.
On ne guérit de nos vices qu’en apprenant à les supporter. Laisse ton cerveau tranquille. Le premier pas vers la sagesse est de savoir y renoncer. Tu te compliques la vie à te donner des ordres à toi-même et à te désobéir ensuite. Tu vois le Bien et tu l’approuves et pourtant, c’est le mal que tu fais. Ton erreur n’est pas d’hésiter. Ton erreur est de te reprocher d’hésiter. Laisse tomber la volonté ! On est moins libre quand on croit qu’on l’est, que quand on sait qu’on ne l’est pas...
À force de traquer la gueuse, mon père était devenu marxiste. Il en fit fièrement l’aveu à Raymond Aron en personne, qui entrait chez lui, boulevard Saint-Michel, quand mon père le croisa. « Comme c’est intéressant ! lui dit le vieux Socrate. Quelle bonne idée ! Voulez-vous que nous en parlions ? » Cela ne se refusait pas. Le jeune homme monta. Et en redescendit trois quarts d’heure plus tard, libéral, sceptique et intellectuellement déniaisé. Je n’ai pas eu cette chance. Je n’étais pas encore né quand Aron est mort. J’avais huit ans.
C’est à Octave Blanco (comme à mes deux univers, séparés par cinq stations de métro où je promenais mon gros cartable deux week-ends sur trois) que je dois d’aimer plus que tout l’adage pascalien selon lequel à la fin d’une vérité, il faut toujours envisager la vérité d’en face.
Si chacun faisait l’effort de comprendre que, sous les reproches qu’il croit adresser à l’autre ou bien sous les injures dont l’autre l’agonit de tout son cœur, c’est la même rengaine qui se donne à entendre, peut-être se disputerait-on moins ? Si l’on était capable de se dire que ce n’est pas parce que l’autre a des défauts qu’on ne l’aime plus, mais que c’est parce qu’on ne l’aime plus que ses défauts nous semblent insurmontables, en finirait-on plus vite ?
Nous sommes tous un peu fous, n'est-ce pas?
Il faut faire l'archéologie de la folie pour la comprendre.
Parfois, les fous ne sont pas ce qu'ils sont.